En dix ans, les magouilles au sein des tribunaux de commerce et la malhonnêteté avérée de trop nombreux magistrats consulaires et mandataires de justice ont coûté au pays un million d'emplois et, aux entreprises, des milliards de francs ! Tel est le bilan affligeant dressé par Antoine Gaudino au terme d'un hallucinant tour de France de cette forme de corruption institutionnalisée. Tous les gouvernements, bien que conscients de l'ampleur des dérèglements, ont jusqu'à présent reculé devant la pression des magistrats et différé une réforme indispensable.
Société 10/07/1998 à 05h58 Des tribunaux de commerce aux moeurs coupables. Un rapport parlementaire pointe les dérives consulaires. Réagir LECADRE Renaud «Profondément viciés, profondément vicieux.» François Colcombet, président (PS) de la Commission d'enquête parlementaire sur les tribunaux de commerce, a multiplié hier les formules avant de conclure sur celle-ci, qui semble le mieux résumer sa pensée. La remise de son rapport d'enquête était très attendue; son titre, tout un symbole: «Une justice en faillite?» Justice privée. Les députés ont passé au crible toutes les turpitudes prêtées à cette drôle de justice privée, où les juges sont des chefs d'entreprise cooptés par leurs pairs, ont droit de vie et de mort sur les entreprises en difficulté et leurs salariés.
Sur les juges consulaires, qui confondent trop souvent intérêt général et intérêt privé, «la commission a été étonnée d'être confrontée de manière aussi lourdement récurrente aux problèmes de conflit d'intérêts»
Puis vient le tour des administrateurs judiciaires et des mandataires liquidateurs, deux professions libérales chargées de gérer les entreprises en faillite. Les premiers doivent élaborer une solution de sauvetage, les seconds vendent les dépouilles en cas de liquidation définitive. Les mandataires sont définis dans le rapport comme des «professionnels âpres au gain et parfois peu soucieux du service public». Une formule de politesse, puisqu'il fourmille d'exemples d'enrichissements plus scandaleux les uns que les autres
Colcombet est très sévère envers les mandataires liquidateurs: «Il y a dans cette profession, extrêmement bien payée, des malversations significatives d'un laisser-aller regrettable.» Les parquets interrogés par la commission ont avoué leur impuissance à mettre fin à ces dérives. Lorsqu'ils ont un doute sur la personnalité du repreneur désigné par le tribunal de commerce, ils n'ont pas la possibilité d'effectuer une enquête de moralité.
les réformes proposées par la commission visent à trancher dans le vif les réformes proposées par la commission visent à trancher dans le vif. D'abord, l'échevinage: chaque tribunal de commerce serait présidé par un magistrat professionnel, moins sensible aux pressions qu'un juge commerçant. Quant aux mandataires liquidateurs, «ceux par qui le scandale est arrivé», leur profession serait tout simplement supprimée, les créanciers désignant eux-mêmes leurs représentants.
les trois députés de l'opposition membres de la commission se sont désolidarisés du rapport. Depuis le lancement de l'enquête, ils semblaient avant tout soucieux de défendre la réputation des tribunaux de commerce et n'ont pas apprécié les méthodes à la hussarde du rapporteur (PS) Arnaud Montebourg l'intégralité du rapport est disponible dès ce matin sur l'Internet. (www.montebourg.com). Un autre site (www.tribunaux-de-commerce.com) vaut aussi le détour.
N° 1038 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juillet 1998 Dépôt publié au Journal Officiel du 3 juillet 1998 RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1) sur L'ACTIVITE ET LE FONCTIONNEMENT DES TRIBUNAUX DE COMMERCE Président M. François COLCOMBET, Rapporteur M. Arnaud MONTEBOURG, Députés.