Les déterminants psycho-sociaux de la qualité de vie de patients atteints de cancer Florence Cousson-Gélie Professeur de Psychologie Université Montpellier 3
Le cancer : définition Ensemble de pathologies (120 maladies) Multiplication anarchique de certaines cellules normales Envahissement des tissus voisins en les détruisant Migration à distance (métastases)
Genèse d’un cancer L’initiation : lésion rapide et irréversible de l’ADN La promotion : exposition prolongée et répétée à une substance qui entretient et stabilise la lésion initiale La progression : multiplication incontrôlée, acquisition de l’indépendance, perte de la différentiation, invasion locale et métastatique.
Caractéristiques d’une cellule cancéreuse Pas de régulation biologique : prolifération est illimitée Autonomisation de la division cellulaire : multiplication anarchique Infiltration-migration : dans le tissu lymphatique ou par voie sanguine pour atteindre des régions éloignées.
Types de cancers Carcinomes : tissus épithèliaux (épiderme, glande i.e. sein, prostate …) Sarcomes : tissus conjonctifs (osseux, cartilagineux, etc.) Tumeurs germinales (testicules, ovaires) Tumeurs cérébrales
Distribution of deaths by leading cause groups, males and females, world, 2004
Epidémiologie 11,4 millions dans le monde en 2004 (OMS) : 4,4 en Asie 2,8 en Europe 1,4 en Amérique du nord 627 000 en Afrique Touche moins les femmes Cancer du poumon est plus répandu dans les pays développés
Global projections for selected causes, 2004 to 2030 Cancers Ischaemic HD Stroke Acute respiratory infections Road traffic accidents Perinatal HIV/AIDS TB Malaria Updated from Mathers and Loncar, PLoS Medicine, 2006
Incidence des cancers en France Première cause de mortalité chez les hommes (161 025 décès en 2000), deuxième cause chez les femmes (117 228 décès en 2000). 4 cancers sont responsables de la moitié de tous les décès en France. Mortalité française par cancer chez les hommes est la plus élevée d’Europe.
Survie À 1 an : hommes = 64 % Femmes = 78% A 5 ans : hommes = 40% Femmes = 59% Evolution de la survie à 5 ans : Diagnostic en 1988-92 : hommes = 39%, femmes = 59 % Diagnostic en 1995-97 : hommes = 41 % ; femmes = 60 %
Estimation du nombre de cancers en France en 2000 (tous sexes confondus) Nouveaux cas Décès Sein 41 845 11 637 Prostate 40 309 10 004 Colon/rectum 36 257 15 973 Poumon 27 774 27 164 Lèvres, larynx, bouche 15 385 5 090
Evolution de la mortalité par cancer pour les hommes
Evolution de la mortalité par cancer pour les femmes
Evolution de l’incidence 278 000 nouveaux cas en 2000 170 000 nouveaux cas en 1980 Augmentation de 63 % Mais : 13% (11%) est due à l’augmentation de la population 16% (14%) au vieillissement 37% (35%) au développement d’un cancer
Evolution de la mortalité Augmentation de 20 % du nombre de décès (125 000 à 150 000) Cancers liés à l’alcool sont en diminution (sauf cancer du foie) Amélioration des traitements Certains comportements contribuent à près de 50%.
Facteurs de risque comportementaux Habitudes alimentaires : riche en calories d’origine graisseuse (cancer du sein, colon, endomètre, prostate), obésité. Tabagisme Consommation d’alcool Grossesse, allaitement Exposition au soleil.
Etre atteint d’un cancer : un événement hautement stressant Entre 10 et 50% des patients expérimentent une détresse psychologique significative sur le plan clinique qui persiste dans le temps (Chochinov, 2001; Zabora, Brintzenhofeszoc, Curbow, Hooker, & Piantadosi, 2001) Un tiers d’entre eux n’ont pas reçu un soutien adéquat pendant cette période (Girgis, Boyes, Sanson-Fisher, & Burrows, 2000). En 1990, d'après la Classification Internationale des Maladies (CIM), les cancers sont devenus, en France, la première cause de décès chez les hommes (31% contre 29% pour les maladies cardio-vasculaires) et la deuxième cause de mortalité chez les femmes (21% versus 38%). Le diagnostic de cancer et les traitements lourds et pénibles qui lui sont associés constituent des événements particulièrement stressants. Certains auteurs, comme Jamison et al. (1978), ont montré, d'après l'interview de 41 femmes atteintes d’un cancer du sein, que la période la plus stressante qu'elles aient vécue s'est située entre le diagnostic et la chirurgie. Northouse (1989), pour sa part, a interrogé 50 patientes atteintes d'un cancer du sein, 3 jours, 1 mois et 18 mois après l'acte chirurgical. Selon leur témoignage, les moments les plus pénibles sont le diagnostic et la période post-opératoire.
Health Related Quality of Life -HRQL Aspect descriptif : inventaire des plaintes ressenties. Aspect subjectif : appréciation par le sujet. Dimension fonctionnelle : symptomatologie clinique, possibilités de déplacement, qualité du sommeil, la fatigue, la douleur, etc. Dimension sociale : qualité des relations amicales, familiales, professionnelles et sociales en général. Dimension émotionnelle : état dépressif, anxieux, sentiment de bien-être et performances cognitives.
Enquête DRESS INSERM 2004, 2 470 adultes
Etude DRESS
Dépression de sevrage Fréquentes décompensations dépressives dans l’année qui suit l’arrêt du traitement, Confrontation avec les contraintes et obligations de la vie quotidienne Plaintes relatives des séquelles, cicatrices et difficultés personnelles.
Gravité de l’atteinte physique, douleur, site Qualité de vie ↔ état dépressif majeur. Pas de corrélation entre les scores de dépression et la proximité de la date du décès. 2 fois plus de manifestations psycho-pathologiques. Interaction entre dépression et douleur : inflation des plaintes et du vécu douloureux. Plus de conséquences dépressives : cancers du pancréas, des organes génitaux et ORL.
Type de traitement Pas de corrélation nette entre les scores de dépression et le type de technique (mastectomie, tumorectomie). Tumorectomie : réadaptation plus rapide mais séquelles sont moins bien supportées et + de réactions dépressives. Radiothérapie : niveau d'anxiété et de dépression supérieur à la population générale. Nombreux effets secondaires : perte d'appétit, fatigue et mal-être général.
Choix du traitement Lié à l'ajustement psychologique ultérieur, soit 2 semaines, 3 mois, 12 mois et 3 ans après l'intervention (Fallowfield et al., 1990, 1994 ; Ganz et al., 1992). Une étude française de la SOFRES (1994) concernant 3000 femmes (dont 88% étaient atteintes d’un cancer du sein) révèle que 56% des femmes interrogées ont dit préférer que le médecin décide et explique ce qui allait se passer 33% d’entre elles ont dit souhaiter être informées et participer au choix 6% auraient souhaité en savoir le moins possible.
Chimiothérapie Augmentation de la détresse émotionnelle après le traitement (Coons et al. 1987 ; Hughson et al., 1986 ; Jacobsen et Holland, 1991 ; Leventhal et al., 1986 ; Love et al., 1989 ; Razavi et al., 1993). Les patientes qui ont expérimentées de nombreux effets secondaires sont celles qui sont les moins bien ajustées émotionnellement (Leventhal et al., 1986 ; Love et al., 1989).
Anxiété anticipatoire Jacobsen et al. (1995) : étude expérimentale auprès de 80 patientes atteintes d'un cancer du sein et devant subir une chimiothérapie. 41 femmes du groupe expérimental ont absorbé une boisson au citron et au tilleul en même temps qu’elles subissaient l'injection. Après plusieurs injections, la boisson était présentée seule aux deux groupes et les résultats montrent que les patientes du groupe expérimental rapportent une plus d’anxiété que les patientes du groupe contrôle (N = 39).
Symptomatologie anxio-dépressive
Humeur dépressive et anxieuse
Les modèles théoriques
Modèles socio-cognitifs Antonosky (1990)
Salutogenèse-A. Antonosky Pourquoi les êtres humains restent-ils en bonne santé malgré certaines conditions défavorables et événements critiques de leur vie ? La salutogenèse recherche les caractéristiques qui : protègent la personne des agressions de l’environnement, ont des effets bénéfiques sur la santé.
Pathogenèse vs Salutogenèse Définition de santé/maladie Dichotomique : bonne ou mauvaise santé Continuum : santé et maladie sont les deux extrèmes Focalisation sur Maladie : patient/cas Tous les êtres humains et leur état de santé Facteurs actifs Facteurs de risque Ressources Facteurs de stress Facteur de risques nuisibles pour la santé Ils peuvent avoir des effets positifs et négatifs sur la santé Traitement Le traitement consiste en une suite de « guerres » contre des maladies spécifiques Le traitement implique une confrontation permanente entre les effets positifs et négatifs sur la santé Adapté d’après Antonosky par Gretler Bonanomi, S.1997
Sens of Coherence (SOC) « Une orientation globale qui exprime une résistance persuasive, un sentiment dynamique de confiance et le sentiment que : les stimuli provenant des environnements externes et internes sont structurés, prévisibles et explicables ; les ressources sont disponibles pour faire face aux demandes posées par ces stimuli ; ces demandes sont des défis dignes d’un investissement et d’un engagement. » (Antonovsky, 1990, p.160) 458 publications (entre 1992 et 2003) 13 thèses doctorales 40 pays, 53 langues Plus le SOC est élevé, plus le sujet perçoit positivement sa santé et présente une bonne qualité de vie (Eriksson et al., 2007) Indépendamment de l’âge, du sexe, de l’appartenance ethnique et de la nationalité.
Evolution du SOC chez 107 hommes ayant une intervention cardiaque
SOC et cancer hématologique ALLART, P., SOUBEYRAN, P. & COUSSON-GÉLIE (2012) Psycho-Oncology
Le modèle transactionnel du stress Lazarus et Folkman (1984, 1997, 2000) Bruchon-schweitzer (1994, 2002)
Evénement Coping Evaluation Issue Emotion Perte Coping problème Menace Défi Bénin Pas stressant Coping problème Coping émotion Coping Evaluation Résolution favorable Résolution peu favorable Pas de résolution Issue Emotion positive Détresse Emotion Réévalua-tion + Buts Croyances spirituelles Emotion + Soutien processus de coping CE n’est pas la QDV qui est envisagée mais la détresse ou l’émotion positive. Modèle transactionnel du stress révisé (Folkman, 1997)
Concept de coping « efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, destinés à gérer les exigences externes et/ou internes spécifiques qui sont perçues comme menaçant ou débordant les ressources d'une personne ” (Lazarus et Folkman, 1984) Le coping désigne “ les efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, destinés à gérer les exigences externes et/ou internes spécifiques qui sont perçues comme menaçant ou débordant les ressources d'une personne ” (Lazarus et Folkman, 1984). Ce concept est issu d'une conception transactionnelle du stress, selon laquelle le stress n'est ni une caractéristique des situations, ni une caractéristique des individus (Bruchon-Schweitzer et Dantzer, 1994), mais “ une transaction particulière entre la personne et l'environnement dans laquelle la situation est évaluée par la personne comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être ” (Lazarus et Folkman, 1984, p. 19). " The person's constantly changing cognitive and behavioural efforts to manage specific external and/or internal demands that are appraised as taxing or exceeding the resources of the person" (p.141) Ainsi, le processus de coping se centre sur ce que la personne perçoit et fait actuellement face à une situation stressante bien spécifique et comment elle peut ou croit la modifier. Le coping est donc considéré comme un processus et non comme une dimension stable de la personnalité. De plus, il résulte d'une véritable transaction entre l'individu et son environnement c’est-à-dire d’une activité psychique perceptivo-cognitive puis comportementale. L'évaluation du stresseur (nature, gravité, ...), de ses ressources personnelles et sociales, vont influencer le choix des stratégies de coping.
Evaluations cognitives Evaluation primaire : “ qu'est-ce qu'il y a en jeu dans la situation ? ” stress perçu Evaluation secondaire : « Quelles sont mes ressources personnelles et sociales pour faire face à la situation ? » contrôle perçu soutien social perçu
Modèle Intégratif du stress Bruchon-Schweitzer (2002) Style de coping Traits de personnalité - Qualité de vie - Evolution de la maladie Prédicteurs Médiateurs Critères Stresseurs Ressources - Stress perçu - Soutien social perçu - Contrôle perçu - Anxiété - Dépression - Centré sur le problème - Centré sur l’émotion - Recherche de soutien social
Les stresseurs
Evénements de vie et qualité de vie
Echelles d’évaluation Evénement de vie 5 événements de vie majeurs (Women’s Health Initiative, Matthews et al., 1997) Décès ou maladie grave d’un époux ou d’un proche Difficultés financières majeures Divorce ou séparation Conflits majeurs avec les enfants Accidents graves ou événements de ce type. Score de 0 à 5 Stress perçu PSS de Cohen et al. (1983) Qualité de vie SF36 de Ware et al. (2000)
Echelle de Stress Perçu Au cours du dernier mois, combien de fois... (Perceived Stress Scale) de Cohen et al. (1983) Au cours du dernier mois, combien de fois... Jamais Presque jamais Parfois Assez souvent Très souvent 1 ... avez-vous été dérangé(e) par un événement inattendu ? 2 ... vous a-t-il semblé difficile de contrôler les choses importantes de votre vie ? 3 ... vous êtes-vous senti(e) nerveux(se) et stressé(e) ? 4 ... avez-vous affronté avec succès les petits problèmes et ennuis quotidiens ? 5 ... avez-vous senti que vous faisiez face efficacement aux changements importants qui survenaient dans votre vie ?
Résultats
PTSD Cordova et al. (1995) : Ils trouvent que 5 à 10 % des patientes remplissent les critères diagnostiques du PTSD. La taille de la tumeur, le stade de la maladie et le temps écoulé entre la fin des traitements et l’évaluation ne prédit pas l’apparition du syndrome. Le syndrome de stress post-traumatique est associé à une mauvaise qualité de vie. Des résultats similaires ont été obtenus lorsque le syndrome de stress post-traumatique est évalué au cours d’un entretien basé sur les critères diagnostiques du DSM IV chez 82 patientes atteintes d’un cancer du sein (Andrykowski, Cordova, Studts, & Miller, 1998).
Evénements de vie et apparition d’un cancer Dès les 18ème et 19ème siècles, certains médecins ont suggéré une association entre les événements de vie stressants et le cancer. Les études épidémiologiques récentes : pas de relation entre types d'événements de vie stressants et mortalité par cancer.
Evénements de vie et évolution du cancer Méta-analyse (Gerits,1997) de 7 études menées entre 1979 et 1992 : le fait d'affronter des événements de vie stressants est associé significativement à une mauvaise évolution de la maladie. Les résultats de l'ensemble des études menées entre 1979 et 1992 explorant l'impact des événements de vie stressant sur l'évolution de la maladie sont contradictoires. Toutefois, si l’on ne considère que les études ayant évalué les événements de vie majeurs (décès d'un être proche, divorce,...) au cours d’un entretien, on constate une relation significative entre le nombre d’événements de vie et l’évolution du cancer. Afin de clarifier ce domaine, Gerits (1997) a effectué une méta-analyse de ces 7 études, qui montre que le fait d'affronter des événements de vie stressants est associé significativement à une mauvaise évolution de la maladie.
Les antécédents personnels
Névrosisme Définition « sensibilité aux affects négatifs apparaît comme un trait de personnalité qui regroupe notamment des dimensions telles que l’anxiété, la colère, l’impulsivité et la vulnérabilité au stress » (Adler & Matthews, 1994) Associé à des niveaux élevés de dépression et d’anxiété (Morris, 1977 ; Jamison, 1978; Tjemsland et al., 1998 ; Farragher, 1998).
Etude de Millar et al. 2005 Suivi de 371 patientes atteintes d’un cancer du sein l’année suivant l’intervention chirurgicale. L’analyse des résultats révèle que les patientes présentant des niveaux élevés de détresse tout au long de cette année se caractérisaient au départ par des scores élevés de névrosisme (mesuré avec l’EPI d’Eysenck, 1971).
Anxiété-trait L’anxiété-trait, s’avère être un facteur de risque de développement d’un syndrome douloureux post-mastectomie (Bonnaud, 2002; Jung, Hogan, Kulick, Andrus, & Dworkin, 2002; Tasmuth, Von Smitten, & Kalso, 1996). Prédit des réactions de désespoir et une mauvaise qualité de vie (Cousson-Gélie, 2000 ; Bonnaud et al., 2002) Scheier, Carver, et Bridges (1994) ont fait l’hypothèse que le névrosisme pouvait être considéré comme faisant partie du sentiment de pessimisme.
Optimisme/pessimisme L'optimisme est un biais cognitif qui consiste à minimiser la gravité des événements et/ou à surestimer ses propres ressources (Bruchon-Schweitzer et Dantzer, 1994). L’optimisme dispositionnel désigne des attentes générales et stables (Scheier, Matthews, Owens, & Magovern, 1989).
LOT-R Pour chaque affirmation, donnez votre opinion, en sachant que : 1 : Vous êtes tout à fait d’accord 2 : Vous êtes d’accord 3 : Vous ne savez pas ou cela dépend des situations 4 : Vous n’êtes pas d’accord 5 : Vous êtes fortement en désaccord 1 2 3 4 5 1. Dans les périodes incertaines, je pense généralement que ce qui va arriver est le mieux pour moi 2. Il est facile pour moi de me relaxer. 3. Si quelque chose peut tourner mal pour moi, alors ça tournera mal 4. Je suis toujours optimiste à propos de mon futur 5. J’apprécie beaucoup mes amis. 6. Il est important pour moi de rester occupé. 7. Je ne m’attends presque jamais à ce que les choses aillent dans mon sens. 8. Je ne me sens pas bouleversé si facilement. 9. Je compte rarement sur les bonnes choses qui pourraient m’arriver. 10. D’une façon générale, je m’attends à ce que les meilleures choses m’arrivent plutôt que les mauvaises.
Cotation Les items 2, 5, 6 et 8 sont des « leurres ». Items 1, 4 et 10 mesurent l’optimisme. Items 3, 7 et 9 mesurent le pessimisme. Possibilité de calculer un score total.
Pessimisme et survie
Pessimisme et modification de l’humeur
Études cancer du sein optimisme/QdV Optimisme est associé : Moindre détresse pendant la CT (N = 120, Boehmke et al., 2005) une meilleure QdV psychosociale (N=163, 5-13 ans, Carver et al., 2005) À un bon fonctionnement physique et mental à 4ans (N=287, Helgeson et al., 2004) Pessimisme prédit : l’anxiété et la dépression à 1 an après l’annonce (N=165, Schou et al., 2004) les stratégies de déni, d'acceptation et de désengagement comportemental jouaient un rôle médiateur dans la relation entre l'optimisme et la détresse ultérieure (Carver et al., 1993).
Type C Depuis une trentaine d’années, certains auteurs ont décrit un type de personnalité appelé type C et qui prédisposerait au développement d’un cancer (Morris & Greer, 1980). Caractéristiques : coopératifs et apaisants patients n'exprimant pas leurs émotions négatives (en particulier la colère) complaisants avec les autorités.
Etude de Grossarth-Maticek et Eysenck L’étude initiale a débuté en 1965 et a consisté à interviewer 1353 sujets vivant dans la petite ville de Crvenka en Yougoslavie. Questionnaire de 88 questions : niveau de stress psychologique et leurs relations interpersonnelles. A partir des réponses des sujets, Grossarth-Maticek prédit que 38 de ces sujets développeront un cancer. Les données médicales sont collectées 10 ans plus tard et révèlent que 37 de ces 38 personnes ont effectivement développé un cancer pendant ces 10 ans. Le pourcentage de prédictions correctes est donc de 97,3 !
La typologie de Grossarth-Maticek
Critiques Manque de transparence des données collectées Effet de halo : Les prédictions de l’étude de Crvenka n’ont été publiées qu’une fois les données médicales recueillies et le médecin collectant ces données connaissait les caractéristiques de personnalité des individus (Amelang, Schmidt-Rathjens, & Matthews, 1996). Il est très surprenant de prédire avec exactitude plus de 90% des décès futurs par cancer. Ceci fait dire à Fox (1988) que ces résultats sont tout simplement « incroyables ». Il est à noter également que le nombre de sujets refusant de participer à la recherche ou souhaitant ne plus participer à l’étude est anormalement bas pour une étude longitudinale.
Le type C existe-t-il ? Une étude longitudinale menée entre 1989 et 1990 a consisté à envoyer un questionnaire de personnalité à 28 940 femmes âgées de plus de 43 ans résidant dans la ville de Nijmegen (Pays Bas) et participant à un programme de dépistage pour un cancer du sein (Bleiker, van der Ploeg, Hendriks, & Ader, 1996). Au total, entre 1989 et 1994, 9 705 femmes ont retourné le questionnaire (34%) et pour 131 d’entre elles le dépistage a révélé la présence d’un cancer du sein. Trois variables sont significativement associées à un risque relatif plus élevé de développer un cancer du sein : le fait d’avoir un membre de premier degré de sa famille atteint d’un cancer du sein (OR = 4,05 ; CI = 1,76-9,31), le fait de ne pas avoir eu d’enfant avant l’âge de 30 ans (OR = 2,67, CI = 1,26-5,68) un score élevé à l’échelle de répression des émotions du questionnaire de Grossarth-Maticek (OR = 1,19 ; CI = 1,05-1,35).
D’AUTRES ETUDES … Amelang (1997) a répliqué l’étude de Grossarth-Maticek en interrogeant les habitants de Heildeberg âgés de 45 à 60 ans n’ayant pas participé aux études de Grossarth-Maticek. 5133 sujets ont répondu à une série de questionnaires comportant une version abrégée du questionnaire de Grossarth-Maticek à 140 items. En comparant les sujets sains à ceux qui ont développé un cancer ou une maladie cardiovasculaire, aucune différence significative n’apparaît en ce qui concerne les types 1, 2 et 4. Seuls le genre, le tabagisme passif, le névrosisme constituent des facteurs de risque de développer un cancer ou une maladie cardiovasculaire.
En conclusion Les antécédents personnels et les stresseurs de l’environnement semblent jouer un rôle non négligeable au niveau de la qualité de vie et de la détresse des patients Leur rôle au niveau de l’apparition et de l’évolution de la maladie est moins concluante. Qu’en est-il des réactions des patients à la maladie et comment peuvent-elles influencer leur ajustement à la maladie, leur qualité de vie et l’évolution de leur maladie ?
Lectures conseillées M. Bruchon-Schweitzer , R. Dantzer (1994) « Introduction à la psychologie de la santé ». PUF, Paris. F. Cousson-Gélie (2001). chapitre 3, Personnalité et Maladies, Dunod, Paris. F. Cousson-Gélie et al. (2009). Faire face au cancer, Tikinagan, Paris. D. Razavi et al. (2009). Précis de psycho-oncologie, Masson, Paris.
Les médiateurs
Stress perçu et cancers Cooper et al. (1989) : les événements eux-mêmes ne prédisent pas l’apparition d’un cancer du sein, mais plutôt leur impact psychologique sur les sujets. Golden-Kreutz et al. (2005) : Ils ont évalué le niveau de stress perçu avec l’échelle de Cohen et al. (1983) auprès de 112 femmes atteintes d’un cancer du sein. Des analyses de régression hiérarchiques révèlent qu‘un niveau de stress perçu élevé au départ prédit une mauvaise qualité de vie physique et psychologique, 4 mois et 12 mois après l’intervention chirurgicale A notre connaissance, seule l’étude de Cooper et al. (1989) a exploré les relations entre événements de vie effectifs et stress perçu, d’une part, et incidence du cancer du sein, d’autre part. Ce ne seraient pas les événements eux-mêmes qui prédiraient l’apparition d’un cancer du sein, mais plutôt leur impact psychologique sur les sujets. Aucune étude n’a recherché pour l’instant dans quelle mesure le stress spécifique, c’est-à-dire celui qui est induit par la maladie elle-même, pourrait influencer l’évolution du cancer. Hilton (1989) s'est attachée à rechercher des liens entre stress perçu et stratégies de coping, ceci chez 277 patientes. Les résultats indiquent que les patientes qui évaluent le fait d'avoir un cancer du sein comme effrayant et qui ont peur d'une récidive utilisent des stratégies d'évitement, ne recourent pas à la réévaluation positive de la situation, n'acceptent pas la responsabilité de la situation et ne pensent pas pouvoir contrôler l'évolution de leur maladie.
Contrôle perçu et ajustement émotionnel Pruyn et al. (1988) : les patientes qui avaient le sentiment de contrôler l'évolution de leur maladie recevaient plus de soutien social, avaient une plus haute estime de soi, éprouvaient moins de douleurs physiques, d'anxiété et de sentiments négatifs. Taylor et al. (1984) : la croyance en sa capacité de contrôler l’évolution de sa maladie et la croyance que son entourage peut la contrôler sont significativement associées à un bon ajustement psychologique. Pruyn et al. (1988) ont montré que parmi 118 femmes atteintes d'un cancer du sein, celles qui avaient le sentiment de contrôler l'évolution de leur maladie recevaient plus de soutien social, avaient une plus haute estime de soi, éprouvaient moins de douleurs physiques, d'anxiété et de sentiments négatifs. Taylor et al. (1984) ont observé dans une étude rétrospective menée auprès de 78 patientes atteintes d'un cancer du sein, que la croyance en sa capacité de contrôler l’évolution de sa maladie (p<0,02) et la croyance que son entourage peut la contrôler (p<0,05) sont significativement associées à un bon ajustement psychologique.
Contrôle perçu et ajustement émotionnel Spiegel et al. (1983) ont suivi, pendant un an, 58 femmes atteintes d'un cancer du sein métastatique. Le fait de ne pas croire en sa capacité à contrôler la maladie est associé significativement à des problèmes psychologiques. L'étude prospective de Spiegel et al. (1983) qui a consisté à suivre, pendant un an, 58 femmes atteintes d'un cancer du sein métastatique a montré que le fait de ne pas croire en sa capacité à contrôler la maladie est associé significativement à des problèmes psychologiques (p<0,05).
Contrôle perçu et survie : effet direct Jamison et al. (1987) ont étudié le lien entre un contrôle perçu spécifique et la durée de survie de 59 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Les patientes ayant un fort contrôle externe (chance) survivent significativement moins longtemps. Morris et al. (1992) : aucune association significative entre la contrôlabilité de la maladie et la durée de la survie à 5 ans, évaluée chez 88 patientes présentant un cancer mammaire. Cousson-Gélie (1997) : aucune association entre contrôlabilité de la maladie et la survie à 2 ans, chez 75 patientes atteintes d’un cancer du sein. Plusieurs études ont recherché une association directe entre le contrôle perçu et la durée de survie après un diagnostic de cancer du sein. Jamison et al. (1987) ont par exemple étudié le lien entre un contrôle perçu spécifique (mesuré avec la MHLCS de Wallston et al., 1978), qui évalue le lieu de contrôle relatif à la maladie, et la durée de survie de 59 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Les patientes ayant un fort contrôle externe (chance) survivent significativement moins longtemps. Malheureusement, ce résultat n’est pas retrouvé dans deux autres recherches du même type. Morris et al. (1992) ne trouvent aucune association significative entre la contrôlabilité de la maladie (évaluée avec la MHLCS de Wallston et al., 1978) et la durée de la survie à 5 ans, évaluée chez 88 patientes présentant un cancer mammaire. Dans une étude quasi-prospective qui a consisté à suivre pendant deux ans 75 patientes atteintes d’un cancer du sein (stade II et III), nous avons observé que le contrôle spécifique (évalué ici par la CLCS de Pruyn et al., 1988) n’était pas associée à l’évolution de la maladie (Cousson-Gélie, 1997). La plus utilisée des échelles de contrôle de la santé est la MHLCS (Multidimensionnal Health Locus of Control Scale) de Wallston et al. (1978). Une version abrégée à 18 items de cette échelle permet dévaluer un contrôle interne, un contrôle externe dû à la chance, un contrôle externe dû à des personnages puissants, chacune de ces trois échelles comportant 6 items.La CLCS mesure la perception de contrôle de sa maladie chez des patients cancéreux. Les 17 items du questionnaire permettent dévaluer trois dimensions : le contrôle interne sur le cours de la maladie, lattribution causale interne quant à lorigine de la maladie et la contrôlabilité religieuse.
Contrôle perçu et survie : effet indirect Redeker (1989) a montré que les femmes ayant un contrôle externe de leur santé ne s’examinaient jamais les seins. Bundek et al. (1993) : un contrôle interne est associé à l’auto-examen des seins et au nombre de visites chez un gynécologue. Le lien entre contrôle perçu et carcinogenèse pourrait être médiatisé par certains comportement de protection. En effet, l’internalité est fortement associé à des styles de vie sains (Bruchon-Schweitzer et al., 2001). Le contrôle perçu semble lié à certains comportements préventifs comme, par exemple, un auto-examen des seins. Redeker (1989) a montré que les femmes ayant un contrôle externe de leur santé ne s’examinaient jamais les seins. Bundek et al. (1993) ont évalué le sentiment de contrôle vis-à-vis de la santé chez 603 femmes (avec la MHLCS de Wallston et al., 1978). Un contrôle interne est associé à l’auto-examen des seins (p<0,001) et au nombre de visites chez un gynécologue (p<0,01).
Soutien social et ajustement au cancer Protecteur vis-à-vis de la détresse émotionnelle et de la qualité de vie, en particulier le soutien émotionnel provenant de la famille (Alferi et al., 2001 ; Hoskins et al., 1996 ; Moyer et Salovey, 1999 ; Neuling et al., 1988 ; Parker et al., 2003) soutien social perçu général Aucune étude n’a étudié le soutien social spécifique à une personne chez des patients atteints de cancer.
Adéquation soutien social reçu et perçu Dunkel-Schetter (1984) : si le soutien émotionnel est perçu comme efficace par 81% des sujets, le soutien informatif n’est perçu comme efficace que par 41% des sujets et seulement s'il provient du personnel médical ; s'il provient de la famille, il n'est pas perçu comme efficace. Maguire et al. (1980) : 75 femmes ont bénéficié d’un soutien informatif individuel dispensé par une infirmière et 77 patientes constituaient le groupe contrôle. Diminution significative de la détresse psychologique dans le groupe expérimental, 12 mois et 18 mois après la mastectomie. Dunkel-Schetter (1984) a montré que ces différentes catégories du soutien social sont perçues comme plus ou moins bénéfiques par le patient selon leur origine (familiale, amicale ou professionnelle). Ainsi, si le soutien émotionnel est perçu comme efficace par 81% des sujets, le soutien informatif n’est perçu comme efficace que par 41% des sujets et seulement s'il provient du personnel médical ; s'il provient de la famille, il n'est pas perçu comme efficace. Ces résultats sont confirmés par une étude de Neuling (1988) auprès de 58 femmes atteintes d ’un cancer du sein. Maguire et al. (1980) ont mené une étude longitudinale afin de savoir si un soutien informatif individuel dispensé par une infirmière spécialisée pouvait réduire la détresse psychologique associée à une mastectomie. 75 femmes ont bénéficié de ce soutien et 77 patientes constituaient le groupe contrôle. Les résultats mettent en évidence une diminution significative de la détresse psychologique dans le groupe expérimental, 12 mois et 18 mois après la mastectomie.
Soutien social et survie Les sept études menées entre 1979 et 1992 : le soutien social perçu est significativement associé à une évolution favorable du cancer (Greer et al., 1979 ; Funch et al., 1983 ; Hislop et al., 1987 ; Wirsching et al., 1990 ; Levy et al., 1990 ; Waxler-Morrison et al., 1991 ; Ell et al., 1992). C’est surtout le soutien émotionnel apporté par la famille, par le conjoint ou par les collègues de travail qui semble être le plus prédictif. Nous avons recensé sept études prospectives ou quasi-prospectives, menées entre 1979 et 1992, qui ont consisté à suivre pendant plusieurs années un nombre important de sujets cancéreux (Greer et al., 1979 ; Funch et al., 1983 ; Hislop et al., 1987 ; Wirsching et al., 1990 ; Levy et al., 1990 ; Waxler-Morrison et al., 1991 ; Ell et al., 1992). Ces recherches établissent toutes que le soutien social perçu est significativement associé à une évolution favorable du cancer. C’est surtout le soutien émotionnel apporté par la famille, par le conjoint ou par les collègues de travail qui semble être le plus prédictif vis-à-vis d’une évolution favorable de la maladie, et ce, quelle que soit la façon dont il est évalué (entretiens ou questionnaires). Gerits (1997) a effectué une méta-analyse des sept études citées ci-dessus. Cette synthèse montre que le soutien social perçu est un facteur affectant favorablement l’évolution des cancers.
Evaluation du soutien social SSQ-6 de Sarason et Sarason (1983) : Il évalue la disponibilité perçue qui correspond à l’estimation par le sujet du nombre de personnes sur lesquelles il peut compter en cas de besoin, et la satisfaction perçue qui désigne l’écart entre les attentes du sujet et les comportements de soutien reçu. Validation française de Bruchon-Schweitzer et al. (2003) : 869 adultes français (566 hommes et 303 femmes).
Exemple d’item du SSQ-6 1-Quelles sont les personnes disponibles en qui vous pouvez réellement compter quand vous avez besoin d'aide ? Aucune 1) AF 4) 7) personne 2) RI 5) 8) 3) PI 6) 9) 2-Quel est votre degré de satisfaction par rapport au soutien obtenu ? 6.très 5.satisfait 4.plutôt 3.plutôt 2.insatisfait 1.très insatisfait satisfait satisfait insatisfait
Moyenne des scores
Soutien social et ajustement à 2 ans Satisfaction du soutien prodigué par ses proches est protecteur vis-à-vis : du niveau d’anxiété-état (r = - 0,29, p = 0,02) de la perception générale de sa qualité de vie deux ans après l’annonce du diagnostic (r = 0,27, p = 0 ,04) Cousson-Gélie, F. (1997).
Soutien social et survie à 10 ans Perception de son entourage comme disponible est associée à une survie plus courte (hazard ratio 1.04 [95% CI 1.01-1.07]). Satisfaction vis-à-vis du soutien social : pas liée à la survie en contrôlant les variables médicales et socio-démographiques. Cousson-Gélie, F., Bruchon-Schweitzer, M., Dilhuydy, J. M., & Jutand, M. Psychosomatics, 2007
QRI de Pierce et al. (1991) Ce questionnaire composé de 25 items mesure 3 dimensions du soutien social perçu des relations spécifiques : la perception de la disponibilité du soutien (7 items) qui correspond à la mesure dans laquelle l’individu peut compter sur l’autre personne pour l’assister dans différentes situations, la perception de la profondeur de la relation (6 items) qui correspond à la mesure dans laquelle l’individu croit que lui et l’autre personne sont engagés dans la relation et l’évaluent positivement, la perception des conflits interpersonnels et de l’ambivalence (12 items) qui reflète la mesure dans laquelle les expériences individuelles avec l’autre personne sont empreintes de sentiments de colère et d’ambivalence.
Interprétation des facteurs L’intensité ou profondeur de la relation reflète la force du lien entre les deux membres de la relation (i.e. perception de la relation comme étant positive, importante et sécure). Cette dimension dérive des recherches de Bowlby (1980) sur la nature du lien d’attachement de l’enfance à l’âge adulte (Main, Kaplan et Cassidy, 1985). L’évaluation des conflits interpersonnels entre le sujet et la relation spécifique présente un intérêt si on considère que les conflits interpersonnels jouent un rôle important dans l’ajustement personnel et que cet impact peut être indépendant de celui de la disponibilité du soutien (Hobfoll et London, 1986 ; Pagel et al, 1987 ; Rook, 1984 ; Stephens et al, 1987). Il est important de distinguer les croyances à propos de la disponibilité d’une relation des sentiments éprouvés envers elle.
QRI Utilisez l’échelle suivante en 4 points pour répondre aux questions concernant votre relation avec une personne qui a une place importante dans votre vie (relation pas nécessairement positive). 1. Pourriez-vous vous adresser à cette personne pour recevoir des conseils si vous aviez des problèmes ? 1 2 3 4 2. Avez-vous souvent besoin de faire des efforts pour éviter d’être en conflit avec cette personne ? 3. Pourriez-vous compter sur cette personne pour vous aider si vous aviez un problème ? 4. Cette personne vous fait-elle vous sentir bouleversé(e) ?
Construction d’un questionnaire de soutien social spécifique (QSSC) Critères d’éligibilité : Age : 20 à 75 ans Avoir un suivi médical pour un cancer ou avoir un conjoint suivi pour cette maladie N = 40 Patients Conjoints Total Age Moyenne = 59,8 ans (σ = 9,8) Moyenne = 56,6 ans (σ = 9,0) Moyenne = 58,4 ans (σ = 9,5) Sexe ♂ ♀ N = 8 N = 13 N = 9 N = 10 N = 17 N = 23 Ancienneté de la relation Moyenne = 38,6 ans (σ = 11,3) Moyenne = 29,3 ans (σ = 13,9) Moyenne = 34,1 ans (σ = 13,2) Segrestan, Cousson-Gélie, 2006
Entretiens semi-directifs « Ca veut dire quoi, pour vous "être soutenu“ ? » « Dans ce moment que vous vivez, avez-vous l’impression d’avoir besoin d’aide ? » « Comment avez-vous été épaulé depuis le début de votre maladie ? » « Quelles sont les personnes qui vous ont soutenu et de quelle façon ? » « Quel type de soutien pourrait vous aider à affronter la situation ? » « Par rapport à la situation que vous êtes en train de vivre, pouvez-vous me donner des exemples de paroles, d’actions, venant d’autres personnes, qui vous ont aidé à faire face à la maladie, ou au contraire, qui vous ont peiné ? »
Analyse de contenu thématique des entretiens (1) soutien émotionnel (53%) soutien moral être accompagné pour les visites ou les hospitalisations (présence) parler de la maladie, évacuer des choses écoute/compréhension partage avec des personnes ayant vécu la même expérience, partage d'idées sentir qu'on pense à vous, qu'on s'intéresse à vous (ne pas se sentir abandonné) appels téléphoniques (j'ai eu beaucoup de coups de fil) marques d'affections/de tendresse, cadeaux, se sentir aimé, attentions… paroles encourageantes/rassurantes/réconfortantes l'entourage se montre fort (il me donne beaucoup de courage, il est fort)
Analyse de contenu thématique des entretiens (2) Soutien matériel (13%) savoir que l'on peut compter sur quelqu’un en cas de besoin aide ménagère aide pour les tâches domestiques (faire à manger, ménage, courses…) être remplacé/soulagé/épaulé/secondé dans ce qu'on ne peut pas faire soutien maladroit ou négatif (13%) fuite de certaines personnes gens qui se plaignent, qui parlent de leurs petites histoires et de leurs petits problèmes gens qui empêchent les conversations sur la maladie gens qui parlent de cancers qui ont mal fini gens qui posent trop de questions ou en parlent trop
Analyse de contenu thématique des entretiens (3) Distractions (9%) avoir des visites (famille, amis, collègues…) activités (restaurant, cinéma, sorties), avoir quelqu’un qui change les idées Soutien informatif (8%) avoir des informations sur la maladie, les traitements, les soins le personnel est rassurant / climat de sécurité le personnel prend le temps d'expliquer les choses Pas de changement (4%) on vit comme d'habitude, les gens sont restés les mêmes
Construction du questionnaire 20 items répartis en fonction de la fréquence d’apparition de chaque sous-catégorie Comportements de soutien Affirmations Échelle de Lickert (1 : jamais ; 5 : très souvent) Soutien perçu : satisfaction (1 à 5) Sources du soutien (réseau social)
Soutien maladroit ou négatif Exemples d’items Soutien moral Certaines personnes m’ont témoigné leur affection (paroles, cadeaux, attentions…) Soutien matériel Une ou des personnes m’ont aidé(e) dans les tâches que je ne pouvais pas réaliser Distractions On m’a accompagné(e) dans des activités (restaurant, cinéma, sorties, jeux…) pour me changer les idées Soutien informatif Une ou des personnes ont pris le temps de m’expliquer la maladie Pas de changement Les personnes de mon entourage n'ont pas changé et me permettent de vivre comme avant Soutien maladroit ou négatif Des personnes indélicates m’ont donné des exemples où la maladie a été très difficile ou fatale
4 questionnaires par jour Effet acteur-partenaire du soutien social sur la qualité de vie et l’état émotionnel 100 couples dont l’homme est atteint d’un cancer de la prostate (Radiothérapie / Chimiothérapie) Anxiété (STAI) Dépression(CES-d) Ajustement marital (EAD) Qualité de la relation (QRI) ETUDE 1 Qualité de vie (SF12, FACT-P, CQOLC) Coping (WCC) Soutien social (QSSC) Début Milieu Fin 4 Mois après ESM 4 questionnaires par jour pendant 4 jours ETUDE 2 Lafaye et al., 2009 Petit et al., 2010
Etat émotionnel du couple
Le vécu des partenaires Qualité de vie émotionnelle altérée (Wagner et al., 2006) Difficulté face aux nouvelles tâches et à leur nouveau rôle (Foy et Rose, 2001 ; Woloski-Wruble, 2002 ; Lethborg et al., 2003) Scores de détresse émotionnelle équivalents voire supérieurs à ceux de leur partenaire (Northouse et al., 2000 ; Foy et Rose, 2001. Baider et al., 2003 ; Edwards et al., 2003 ; Hodges et al., 2005) Se sentent tiraillés entre leur propre souffrance et leur désir d’alléger la souffrance de leur compagne (Foy et Rose, 2001 ; Lindholm et al., 2002)
Soutien social perçu du couple
Effets acteurs-partenaires Le modèle APIM : Actor and Partner Interaction Model (Kenny, Kashy & Cook, 2006) Modèle statistique spécifique à la dyade X S1 Y S2 X S2 Y S1 acteur 2 acteur 1 partenaire 2 partenaire 1
Effets acteurs/partenaires de l’état émotionnel Anxiété Dépression Qualité de vie - Patients - Enfin, lorsque nous avons effectué notre revue de la littérature, nous avons observé que beaucoup d’étude mettaient en avant le fait que l’état émotionnel influait sur la qualité de vie. c’est pour cela que nous avons étudié les effets acteurs et partenaires des troubles anxio-dépressifs sur la qualité de vie Nous observons donc que l’anxiété et les symptômes dépressifs ont des effets acteurs négatifs sur la qualité de vie en augmentant la détérioration de cette dernière aussi bien chez le patient que chez la conjointe. Ce qui est tout particulièrement intéressante, c’est l’effet partenaire qui se dégage de ces analyse. Nous observons que seule l’anxiété et les symptômes dépressifs de la conjointe ont un effet négatif sur la qualité de vie du patient, principalement au début du traitement. Anxiété Dépression Qualité de vie Conjointes -
Soutien social spécifique et ajustement dyadique
Résultats Un soutien social émotionnel perçu comme important : QDV physique T1 Emotionnel (T1) Patients QDV mentale T3 QDV physique T2, T3, T4 Emotionnel (T1) Conjointes QDV mentale T3, T4
Résultats Un soutien social matériel perçu comme important : QDV physique Matériel (T1) Patients QDV mentale QDV physique T4 Matériel (T1) Conjointes QDV mentale
Résultats Un soutien social informatif perçu comme important : QDV physique T3, T4 Informatif (T1) Patients QDV mentale QDV physique Informatif (T1) Conjointes QDV mentale À T1 À T3
Résultats Un soutien social « négatif» perçu comme important : QDV physique Effet acteur : T3, T4 Effet partenaire : T3, T4 Négatif (T1) Patients QDV mentale T1, T2, T3 QDV physique Négatif (T1) Conjointes QDV mentale T1, T2
COPING
Processus de coping Personne Environnement Réévaluation Evaluation primaire : stress perçu Evaluation secondaire : contrôle perçu, soutien social perçu Stratégies de coping coping centré sur le problème coping centré sur l’émotion
Stratégies de coping coping centré sur le problème : maîtrise de la situation qui a induit la détresse en agissant directement sur le problème. Ensemble des efforts entrepris pour affronter la situation. Coping centré sur l'émotion : régulation des émotions ou la détresse en détournant l'attention de la source de stress. Ensemble des tentatives effectuées pour rendre supportable la tension émotionnelle induite par la situation. coping centré sur le problème (“ problem-focused ”) Il a pour fonction de maîtriser la situation qui a induit la détresse en agissant directement sur le problème. Il se caractérise par l'ensemble des efforts entrepris pour affronter la situation comme la recherche d’informations, la mise en place d'un plan d'action, la demande de conseils, etc... Coping centré sur l'émotion (“ emotion-focused ”) Il a pour fonction de réguler les émotions ou la détresse en détournant l'attention de la source de stress. Il se caractérise par l'ensemble des tentatives effectuées pour rendre supportable la tension émotionnelle induite par la situation. Ainsi, les stratégies centrées sur l'émotion peuvent consister en des activités cognitives apparentées à l'évitement comme la distraction (avoir recours à des pensées fantastiques ou imaginaires pour se sentir mieux), la surestimation des aspects positifs (penser que l'on sortira plus fort de la situation), l'humour, la sous-estimation des aspects négatifs (dire que c'est un kyste alors que c'est une tumeur cancéreuse), etc...
Deux autres stratégies Recherche de soutien social : le fait de solliciter et d'obtenir l'aide d'autrui. Recherche de sens : l’individu va donner un nouveau sens à sa vie et modifier ses buts et objectifs « benefit findings »
Autres dénominations Distinction des stratégies en fonction de l’attention que le sujet porte à la situation (Roth et Cohen, 1986 ; Suls et Fletcher, 1985) Stratégies vigilantes Stratégies évitantes D’autres vont qualifier les stratégies d’actives ou passives Certains auteurs raffinent cette classification en subdivisant les deux catégories principales (Steptoe, 1991). D'autres préfèrent distinguer les stratégies en fonction de l'attention que le sujet porte à la situation : on distingue alors les stratégies vigilantes et les stratégies évitantes (Roth et Cohen, 1986 ; Suls et Fletcher, 1985). On qualifie même parfois les diverses stratégies d'actives ou passives,
Coping : style ou processus ? Lazarus et Folkman le coping est défini comme un processus dynamique en réponse à une situation spécifique. Mais, certaines stratégies sont très stables d’une situation à une autre et d’autres ne sont pas stables Par exemple : la réévaluation positive de la situation Endler et Parker (1992) : style de coping
Modèle intégratif de Moos et al. (2003) Variables environnementales Stresseurs Ressources Variables personnelles Style de coping Auto-efficacité Traits de personnalité Conditions transitoires - Evénements de vie récents - Participation à une prise en charge psychologique Evaluation cognitive et stratégies de coping - Répresseur et évitant - Cognitif et comportemen-tal Santé et bien- être - Fonction-nement psychosocial - Humeur
Efficacité du coping Un coping est dit adaptatif s’il conduit à la résolution permanente du problème ou s’il maintient un état émotionnel positif. Capacité à réduire la détresse immédiate Renforcer le bien-être dans le futur
Efficacité du coping L’efficacité d’une stratégie dépend de la nature du stresseur, de la perception du groupe social et culturel et des ressources bio-psycho-sociales d’un individu. Importance du temps (Shwarzer et al., 1996). Contrôlabilité de la situation (Lazarus et Folkman, 1980).
Efficacité du coping (2) Les stratégies centrées sur le problème sont plus efficaces dans une situation où il y a un potentiel de contrôle (Terry et al., 1994). Les stratégies d’évitement sont plus efficaces dans une situation perçue comme incontrôlable Le coping centré sur l’émotion comme la dédramatisation, espérer qu’un miracle se produise ou l’évitement peut aider le sujet à maintenir un équilibre psychologique et à réduire l’anxiété. Moment de répit au sujet et permettre de fuir une pression trop importante liée à la situation stressante, surtout si la personne n’est pas prête à l’affronter (Carver et al., 1992).
Evaluation des stratégies de coping chez des patients atteints de cancer Dunkel-Schetter et al. (1992) ont analysé les réponses de 603 patients atteints de divers cancers à la W.C.C de Folkman et al. (1980) : recherche de soutien social, évitement cognitif, prise de distance, pensée positive et évitement comportemental. Validation de la WCC-R (Cousson et al., 1996) chez 622 patients cancéreux francophones : coping pb, coping émotion et recherche de soutien social (Cousson-Gélie et al., 2010) Endler et al. (1998) ont construit l’échelle CHIP (Coping with Health Injuries and Problems) composée de 32 items évaluant quatre stratégies de coping : distraction cognitive, coping “ palliatif ”, coping centré sur le problème et préoccupations anxieuses. Certains auteurs ont adapté une échelle de coping générale à la population cancéreuse. Dunkel-Schetter et al. (1992) ont analysé les réponses de 603 patients atteints de divers cancers à la W.C.C de Folkman et al. (1980). L'analyse factorielle des réponses des sujets a permis de mettre en évidence 5 facteurs : recherche de soutien social (“ j'ai parlé à quelqu'un de ce que je ressentais ”), évitement cognitif (“ j'ai espéré qu'un miracle se produirait ”), prise de distance (“ j'ai été émue par la situation mais j'ai fait en sorte que cela n'interfère pas trop avec autre chose ”), pensée positive (“ j'ai redécouvert ce qui est important dans la vie ”) et évitement comportemental (“ j'ai essayé de me sentir mieux en mangeant, buvant, fumant, prenant des médicaments ”). Endler et al. (1998) ont par ailleurs développé et validé sur des sujets cancéreux canadiens francophones une échelle de coping vis à vis des problèmes de santé. Ils ont ainsi construit l’échelle CHIP (Coping with Health Injuries and Problems) composée de 32 items évaluant quatre stratégies de coping : distraction cognitive (faire autre chose pour ne pas penser à sa maladie), coping “ palliatif ” (prendre soin de soi pour minimiser les conséquences de la maladie), coping centré sur le problème et préoccupations anxieuses. Les qualités psychométriques de cet outil semblent satisfaisantes.
Echelle de coping spécifique au cancer L’échelle MAC (Mental Adjustment to Cancer) développée par Watson et al. (1988) est issue de l’analyse d’entretiens menés auprès de patientes atteintes d’un cancer du sein. Elle comprend 40 items permettant d’évaluer cinq stratégies de coping : l’impuissance-désespoir, l’esprit combatif, le fatalisme, les préoccupations anxieuses et l’évitement. D’autres auteurs ont préféré construire une échelle de coping spécifique aux patients cancéreux. L’échelle la plus connue et la plus utilisée est sans aucun doute l’échelle MAC (Mental Adjustment to Cancer) développée par Watson et al. (1988). Cette échelle est issue de l’analyse d’entretiens menés auprès de patientes atteintes d’un cancer du sein. Elle comprend 40 items permettant d’évaluer cinq stratégies de coping : l’impuissance-désespoir, l’esprit combatif, le fatalisme, les préoccupations anxieuses et l’évitement .
Exemples d’items de la MAC 1. J’ai envie de baisser les bras (impuissance-désespoir). 2. J’essaie de combattre cette maladie (esprit combatif). 3. Je suis un peu effrayée (préoccupations anxieuses). 4. Je suis très optimiste (esprit combatif). 5. Quand je commence à penser à ma maladie, je fais quelque chose pour me distraire (évitement).
Importance de la dimension temporelle Bonano (2005) propose de distinguer 4 patterns d’ajustement à un traumatisme : Détresse chronique Détresse élevée mais avec un retour progressif à la normale Détresse différée Résilience avec peu ou pas de détresse Le pattern résilient serait le plus fréquent.
Trajectoires temporelles de femmes atteintes d’un cancer du sein 3 études longitudinales (Helgeson et al., 2004 ; Deshields et al., 2006 ; Lam et al., 2010) 43-66% des femmes rapportent un pattern résilient 12-19% une détresse chronique 15-18% détresse élevée au départ avec un retour progressif à la normale 6-27% détresse en différée Etudes fiables sur le plan méthodologique (nombre important de sujets, études longitudinales) mais … Définition et mesures différentes de la détresse (troubles mentaux pour Lam, CESD pour Deshields et fonctionnement psychologique du SF36 pour Helgerson) Périodes temporelles différentes (4-8 mois post-diagnostic ou 12 mois après le diagnostic)
Trajectoires de détresse : Modèle multi-niveaux Détresse chronique 11,5% Détresse différée 17,6% Détresse modérée 34,4% Résilient 36,6% BIC = -2147,08 ; ML = -2117,82
Comparaison de moyennes selon les groupes Variables Résilient Modérée Différée Chronique F Anxiété 17,1 (3,7) 16,9 (4,0) 16,9 (4,1) 11,2 (6,4) 8,21*** Colère 18,1 (4,1) 15,5 (4,03) 16,4 (5,7) 18,7 (4,7) 3,50* Dépression 18,5 (4,2) 17,7 (3,6) 18,0 (4,7) 14,5 (4,7) 3,67* Cont. religieux 4,1 (1,9) 4,4 (2,3) 5,4 (2,9) 5,9 (3,1) 3,06* Esprit combatif 46,2 (5,1) 45,8 (7,3) 42,3 (7,1) 39,3 (8,4) 5,11** Imp-désespoir 14,9 (4,0) 15,3 (4,2) 17,4 (4,9) 19,6 (4,9) 6,66** Préoccupations anxieuses 22,0 (6,1) 23,2 (5,9) 25,5 (6,45) 27,0 (9,2) 2,95*