"Listeria et Listériose."
Introduction : Le genre Listeria est constitué de bactéries largement répandues dans le milieu extérieur. Il compte actuellement six espèces dont deux, Listeria ivanovii et, surtout, Listeria monocytogenes sont responsables d'infections chez l'homme et/ou l'animal. Durant de nombreuses années, les listérioses étaient principalement considérées comme des maladies des animaux même si des cas dramatiques étaient décrits chez l'homme. Dans les années 1979/1980, Listeria monocytogenes a été identifiée comme une des bactéries responsables d'infections d'origine alimentaire et, depuis cette époque, les Listeria sp. ont suscité de nombreuses inquiétudes chez les consommateurs et sont devenues des bactéries dont on parle abondamment. Pourtant, l'incidence des infections alimentaires collectives dues à Listeria monocytogenes est faible, comparée à l'incidence des infections dues aux salmonelles, aux campylobactéries ou aux Escherichia coli. De multiples recherches sont actuellement développées dans des domaines très divers : étude des facteurs de pathogénicité, mise au point de nouvelles techniques de diagnostic, mise au point de techniques de bio préservation...
->> Listeria monocytogenes <<- L. monocytogenes est une bactérie saprophyte à Gram positif, largement répandue dans la nature. Cette bactérie responsable d'infections sporadiques sévères chez l'homme et les animaux est invasive, capable de traverser le placenta et de pénétrer le système nerveux central (méningo-encéphalites). C'est une bactérie intracellulaire facultative, capable de survivre et de croître à l'intérieur de la plupart des cellules de l'hôte infecté. Chez l'homme, la majorité des patients sont fragilisés (immnuno-déprimés , femmes enceintes, nouveau-nés). La maladie reste rare (en France < à 300 cas / an). La mortalité est estimée à 25-30% avec 40% de séquelles neurologiques. L. monocytogenes appartient au genre Listeria qui rassemble 4 autres espèces proches: L. ivanovii, pathogène pour le bétail (avortement), L. innocua, L. seeligeri, et L. welshimeri.
Conditions de culture des bactéries du genre Listéria : Les bactéries cultivent facilement sur milieux ordinaires entre 4°C et 45°C (optimum 30-37°C) et donnent des colonies de 1-2mm de diamètres, de type smooth, transparentes, à bords réguliers, ß-hémolytiques sur gélose au sang (cheval 5%). Ces colonies sont catalase + et produisent une lécithinase. C'est une bactérie aéro-anaérobie, fermentant le glucose et l'esculine en l'absence de gaz. Les caractères fermentaires des sucres permettent de distinguer les espèces du genre Listeria. Aspect macroscopique
La Listériose : La listériose est une septicémie d'origine digestive avec risque d'infection foeto-placentaire et de méningo-encéphalite. La maladie survient surtout chez des patients fragiles (femmes enceintes, patients immunodéprimés sous chimiothérapie, patients présentant des anomalies hépatiques tels que cirrhose ou hémochromatose ou encore chez certains sujets génétiquement prédisposés). Après une incubation de 3 jours à 8 semaines, la maladie débute par une fièvre isolée (forme bactériémique), associée à des céphalées (forme méningo-encéphalitique) ou à des signes d 'atteinte des nerfs crâniens sans diarrhée. Chez des sujets immunocompétents, des gastro-entérites ont été décrites avec diarrhée survenant quelques heures après absorption d'aliments massivement contaminés (salade de soja…) et habituellement sans complications neurologiques ni septicémie.
Epidémologie de la Listériose : La listériose est une maladie rare (1-5 cas / million d'habitants). En France, on dénombrait en 1997 environ 225 cas/an, en Angleterre, 100-150 cas/an et aux USA 1500 cas/ an. La contamination humaine est d'origine alimentaire. Certains aliments sont à risque : charcuteries (pâté, rillettes, langue de porc, beefsteak haché …) , certains produits laitiers (fromages au lait cru …) , certains poissons fumés (saumon…), certains végétaux (soupe de choux, soja…). Les aliments qui induisent des listérioses sont souvent contaminés à fort taux (>105/g).
La transmission alimentaire est liée au caractère saprophyte de la bactérie (sol, végétaux…) qui contamine fréquemment à faibles doses de l'alimentation. La population est fréquemment exposée à faibles doses, ce qui explique un portage digestif (1-10% de la population) avec un portage intermittent touchant jusqu'à 70% de la population. Cette bactérie a une température de croissance entre 3°C et 45°C, avec un optimum de 30 à 37°C (la température de 4°C est utilisée comme procédé d'enrichissement). Cette capacité de croître lentement à basse température explique la fréquence des contaminations alimentaires qui sont amplifiées par un long séjour au froid avant consommation. Bien que non sporulée, cette bactérie est relativement résistante en milieux hostiles en présence de NaCI (10%) , de bile 40%, ou de tellurite de potassium (0,5 %) ou autres antiseptiques. Cependant, la bactérie est facilement détruite par la chaleur 30 min à 55°C, 1-2 min à 100°C. Elle supporte des pH de 5,6-9,6 (pH optimum 7,2-7,6), mais est très sensible à pH acide (pas de contamination des yaourts). Les animaux comme les hommes sont infectés par l'alimentation (ensilages…). Le portage fécal est estimé à 10-30%. Les sujets à risque sont les femmes enceintes pendant toute la grossesse et les immunodéprimés ou fragilisés par un maladie sous-jacente: personnes atteintes d'hémopathies, de SIDA, de cancers solides, de maladies hépatiques (cirrhose, hémochromatose), personnes hémodialysées, transplantées d'organe ou de moelle, diabétiques ou alcooliques. Les sujets âgés bien portants n 'ont pas un risque beaucoup plus élevé que celui de la population générale. Les enfants même jeunes ont un risque identique, voire plus faible que celui de la population générale.
Traitement de la Listériose : L. monocytogenes est très sensible aux antibiotiques. La sensibilité est presque constante aux pénicillines (pénicilline G, ampicilline), aux aminoglycosides (gentamicine), tétracyclines (sauf de rares souches résistantes) et triméthoprime-sulfaméthoxazole. Les céphalosporines et à la fosfomycine sont contre-indiquées. Les souches sont résistantes à l'acide nalidixique et à la colistine, et sensibles à la rifampicine, aux nouvelles quinolones (péfloxacine) et à la vancomycine (peu ou pas efficace sur les localisations neuroméningées). Le traitement de choix d'une listériose neuroméningée est l'association ampicilline-aminoside. Chez l'adulte, l'ampicilline est administrée par voie veineuse à la dose de 200 mg/kg/jour. Chez le nouveau-né et l'enfant, la dose d'ampicilline est portée à 400 mg/kg/jour pendant les premiers jours de l'infection. La gentamicine est administrée par voie musculaire ou veineuse à fortes doses (3-6 mg/kg/jour). La durée du traitement est de 3-4 semaines du fait de la possibilité de rechutes en cas de traitement trop court. Si une listériose est suspectée et diagnostiquée par les hémocultures chez la femme enceinte, le traitement repose sur l'ampicilline (6 g/jour) par voie veineuse pendant trois semaines.
Recommandations pour les personnes à risque : L. monocytogenes résiste au froid mais est sensible à la chaleur Éviter les aliments à risques Éviter de consommer des fromages au lait cru (ainsi que le fromage vendu râpé) Éviter la consommation de poissons fumés, de coquillages crus, de surimi, de tarama, etc. Éviter de consommer crues des graines germées telles que les graines de soja Éviter les produits de charcuterie cuite tels que les rillettes, pâtés, foie gras, produits en gelée, etc. Pour les produits de charcuterie type jambon, préférer les produits préemballés qui présentent moins de risque d 'être contaminés. L. monocytogenes est ubiquiste, les aliments sont contaminés par contact avec l'environnement : Enlever la croûte des fromages Laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques Cuire les aliments crus d 'origine animale (viande, poissons, charcuterie crue telle que les lardons) Afin d 'éviter des contaminations croisées (d 'un aliment à l 'autre) Conserver les aliments crus (viande, légumes, etc.) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés Après la manipulation d 'aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments. Les règles habituelles d'hygiène à respecter : Les restes alimentaires et les plats cuisinés doivent être réchauffés soigneusement avant consommation immédiate Nettoyer fréquemment et désinfecter ensuite avec de l 'eau javellisée son réfrigérateur S'assurer que la température du réfrigérateur est suffisamment basse (4°C) Respecter les dates limites de consommation L' antibioprophylaxie pour les personnes ayant consommé un aliment contaminé par L. monocytogenes n'est pas préconisée du fait de la rareté des cas par rapport à l 'exposition: consultation sans délai devant une fièvre isolée ou associée à des maux de tête dans les 2 mois après la consommation d 'un aliment contaminé.
Conclusion : Listeria monocytogenes La listériose est une maladie grave résultant de l’ingestion d’aliments contaminés par la bactérie Listeria monocytogenes. Cette bactérie est particulièrement bien adaptée à une croissance dans des environnements très variés et même hostiles. Dans l’organisme infecté, elle a la capacité de traverser la barrière intestinale, la barrière foetoplacentaire et la barrière hématoencéphalique. Ces propriétés caractéristiques s’ajoutent à une autre caractéristique de Listeria qui est celle de pouvoir entrer dans de nombreuses cellules, de s’y multiplier et même de passer de cellule en cellule pour envahir les tissus. Depuis plus d’une décennie, alors que les industriels traquent les Listeria, les scientifiques eux cherchent à comprendre à tous les niveaux comment se produit une listériose. Des avancées très importantes ont eu lieu ces dernières années avec la découverte de la façon dont la bactérie traverse la barrière intestinale ainsi que l’élucidation de la structure de son génome, ouvrant la voie à une vue globale de la biologie de Listeria dans l’environnement et dans l’hôte infecté.