L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire Jérôme Villion – 24 mai 2018
Repères historiques Charte ferroviaire de 1842 : L’Etat réalise les travaux d’infrastructures (aménagement des terrains, ponts, tunnels…) mais laisse au secteur privé, sous forme de concessions, l’exploitation des lignes (rails, matériel roulant) Nationalisations de la fin du XIXe siècle : création de l’Administration de chemins de fer de l’Etat en 1878, nationalisation de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest en 1908 Création de la SNCF en 1937-1938 : rachat par l’Etat des compagnies de chemin de fer déficitaires et fusion au sein de la SNCF (l’Etat détient 51% de la société), qui obtient le monopole de l'ensemble des activités du secteur (1938) Réseau ferré de France (RFF) est créé en 1997, introduisant la séparation du secteur entre la filière chargée des infrastructures et celle du transport 2014 : regroupement de RFF et SNCF : Groupe SNCF = SNCF Réseau (ex-RFF) + SNCF Mobilités (ex-SNCF) parallèlement, SNCF Réseau (ex-RFF) est autorisée à sous-traiter (études et exécution de travaux)
Ouverture à la concurrence : grandes dates Les directives européennes : 4 « paquets ferroviaires » en 2001, 2004, 2007 et 2016 2003 : transport international de fret 2006 : transport intérieur de fret (20% du transport ferroviaire de marchandises) 2009 : transport international de voyageurs (Thello : Paris-Venise et Marseille-Milan) création de l’autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), devenue autorité de régulation des activités ferroviaires et routière (Arafer) en 2015 (incluant les autocars et les autoroutes sous concession). 2020 : transport intérieur de voyageurs (lignes TGV puis Intercités, Transilien et TER en 2023) 2 modalités : « open access » (concurrence « sur le marché ») pour les lignes sans obligation de service public (TGV) concurrence « pour le marché » (appel d’offre + délégation de service public) pour les lignes avec obligation de service public ; par lot de lignes ou ligne par ligne.
Le transport ferroviaire de voyageurs en France en 2016
Introduction de la concurrence dans quelques pays européens (transports internes de voyageurs)
A bas les monopoles, vive la concurrence ! Les économistes n’aiment pas les monopoles Des problèmes ? monopoles naturels (industries de réseau) services publics Ils ont des solutions ! la séparation des activités la concurrence « pour le marché » (appels d’offre) les autorités de régulation : régulation de la concurrence (fusions, stratégies pour dissuader l’entrée…) et régulation sectorielle (conditions d’accès au réseau…) prestations de service public : qualité, sécurité, accès, respect de l’environnement…
Il reste tout de même quelques problèmes… les conflits d’objectifs celui des opérateurs privés (maximisation du profit) et celui de l’Etat (intérêt général) au sein de l’Etat lui-même : services publics et contraintes budgétaires (service conventionné = entreprise subventionnée !) les rapports de force entre régulateur et régulé décideurs publics et opérateurs privés ont-ils toujours des intérêts divergents ?
… qui permettent de comprendre pourquoi il y a bien débat l’Etat peut-il (et veut-il) : parvenir à garantir la qualité du service ? éviter que les « petites » lignes soient sacrifiées ? les prix vont-ils baisser (pour une qualité du service donnée) ? (et les entreprises vont-elles faire des profits ?) quel degré de concurrence envisageable ? la concurrence des autres modes de transport ne crée-t-elle pas déjà une pression forte sur les prix ? l’offre (quantité) n’est pas déjà suffisante ? (cas des TGV) qui paye pour les investissements (infrastructures, voire aussi matériel roulant…) ?
Thello et la qualité du service
Le fameux exemple britannique 1994 : British Rail est privatisée, la gestion du réseau est confiée à une entreprise privée (Railtrack) série d’accidents (1997, 1999, 2000) : systèmes d’arrêt défectueux, rails cassés… 2002 : les autorités britanniques reprennent le contrôle de la gestion du réseau (Network Rail) Hatfield, 17 octobre 2000 Le prix global incluant les subventions d’Etat ou des Régions est proche entre l’Allemagne et la Grande Bretagne. Il est sensiblement plus élevé en France (21,3% de plus qu’en Grande Bretagne), contrairement à ce qui est habituellement avancé par les syndicats et la SNCF. […] La Grande Bretagne a fait le choix de faire payer la quasi totalité du prix par le passager. En Allemagne et surtout en France le choix a été de faire supporter plus de la moitié du prix par le contribuable. […] La Grande Bretagne […], est devenue le meilleur élève européen pour la sécurité ferroviaire, ainsi que pour la croissance du trafic et la qualité de service […]. La qualité du service ferroviaire se détériore à vitesse grand V outre-Manche, 20 ans après la privatisation de British Rail. Hausse incontrôlée du prix des billets, trains supprimés et réduction du personnels conduisent près de deux Britanniques sur trois à souhaiter une renationalisation complète.
En lien avec l’ouverture à la concurrence : quelques questions qui fâchent En situation de concurrence (libéralisation), une entreprise appartenant à l’Etat a-t-elle encore sa place ? Faut-il privatiser la SNCF (après l’avoir transformée en SA) ? Quid du statut des employés des entreprises publiques (suppression du statut des cheminots pour les futures embauches) ? Des entreprises plus efficaces (rentables) => course au moins disant social (conditions de travail, salaires) ? Une dette de 55 mds € : « Chantal, c’est pas normal » ? principalement due à SNCF Réseau (47 mds) dette de RFF en 1997 : 20 mds causes : faiblesse des péages, développement des lignes LGV (LGV-Est, Bretagne-Pays de Loire…), rénovation des lignes…
Glossaire cabotage : montée et descente de passagers en route services conventionnés : services de transport de voyageurs dont les conditions d’exploitation sont définies dans le cadre d’un contrat conclu entre une autorité compétente dans le secteur des transports publics et une entreprise qui exploite ou fournit les services services non conventionnés ou services « commerciaux » : ils ne font pas l’objet de conventions entre une AOT (autorité organisatrice des transports) et une entreprise ferroviaire.