Médecine Interne Immunologie Clinique Mars 2004 Michel Moutschen : Michel.Moutschen@ulg.ac.be www.ulg.ac.be/medint/accueil.html
Les Déficits Immunitaires
Quand faut-il évoquer une immunodéficience?
Signes d’appel d’une immunodéficience 8 otites nouvelles en un an 2 sinusites sévères en un an 2 mois d’antibiotiques sans effet 2 pneumonies en un an retard de croissance staturo-pondérale abcès profonds récidivants (peau, organes) muguet persistant ou mycose cutanée âge d’un an recours nécessaire à des antibiotiques IV 2 infections profondes dans la vie (septicémie, méningite, cellulite) histoire familiale de déficit immunitaire
Donc, selon les cas, infections inhabituellement fréquentes inhabituellement longues inhabituellement profondes inhabituellement résistantes aux antibiotiques dans des sites inhabituels avec des germes inhabituels
Déficit des barrières Peau et muqueuses Brèche physique (plaie, cathéter intraveineux) Inflammation locale Chimiothérapie (mucosite) Toxique (tabac) Infection (herpès simplex, influenza,…) Modification des flores locales Antibiotiques (notamment amoxyclav) Corticoïdes en inhalation
Déficits de l’immunité humorale Surtout infections bactériennes Germes encapsulés Streptococcus pneumoniae Hemophilus influenzae Streptococoques du groupe B Staphylococcus aureus Bacilles entériques gram-
Déficits de l’immunité humorale Infections virales Souvent primo-infections normales en fréquence et en sévérité Déficit de la mémoire à long terme Rougeoles et varicelles à répétition Infections sévères à entérovirus (atteintes neurologiques) Infections parasitaires : giardiases
Causes des déficits de l’immunité humorale Phénomènes lymphoprolifératifs Myélome Leucémie lymphoïde chronique B Perte de protéines Syndrome néphrotique Brûlures Entéropathie avec perte de protéines Malnutrition
Déficits de l’immunité humorale Déficits génétiques Maladies autosomales ou liées au chromosome X graves et rares, généralement prises en charge par les pédiatres Maladie de Bruton, agammaglobulinémie hyper IgM, … Hypogammaglobulinémies d’étiologie inconnue avec prédisposition génétique
Hypogammaglobulinémies d’étiologie inconnue avec prédisposition génétique Déficit en IgA Hypogammaglobulinémie commune variable ou immunodéficience commune variable Déficit en sous-classes
Hypogammaglobulinémies d’étiologie inconnue avec prédisposition génétique Moins sévères que les hypogammaglobulinémies monogéniques Plus fréquentes Diagnostic occasionnel tard dans la vie Association à des phénomènes dysimmunitaires
Hypogammaglobulinémie commune variable (CVH ou CVI ou CVID) le plus fréquent des déficits immunitaires primitifs après le déficit isolé en IgA syndrome probablement hétérogène caractérisé par une hypogamma-globulinémie malgré un nombre normal (ou presque) de lymphocytes B hypogammaglobulinémie variable selon les individus et les antigènes considérés (vs Bruton) Fréquemment associé à l’haplotype A1B8DR3
CVI Présentation Tout âge (svt jeunes enfants ou jeunes adultes) Infections bactériennes récurrentes Germes encapsulés, moraxella Giardiases Hyperactivation du système immunitaire Splénomégalie, syndromes hémophagocytiques, hyperplasie nodulaire de l’intestin, granulomes pulmonaires ou hépatiques Autoimmunité (thyroïde, diabète, vitiligo, pelade)
CVI Complications tardives Infections : bronchectasies, cholangites à Campylobacter, arthrites à Ureaplasma urealyticum Malabsorption (entéropathie de type maladie coeliaque) Splénomégalie, hypersplénisme Lymphomes B Autoimmunité Thymome (myasthénie grave, anémie aplastique, PTI)
Déficit sélectif en IgA Fréquent : 1/400 à 1/800, surtout chez les sujets atopiques Déficit au niveau du sérum et des sécrétions Etiologie hétérogène Contexte HLA-A1B8DR3 Une variante du CVI? Facteurs exogènes : chimiothérapie, phénytoïne
Déficit en IgA Présentation Décours souvent bénin (sauf si déficit associé IgG2) Infections ORL fréquentes, plus rarement bronchectasies, diarrhée chronique (giardiases) Phénomènes allergiques (IgE accrues) et autoimmunitaires (LED, PR, JCA, Biermer, maladie coeliaque) Réactions transfusionnelles
Déficit en IgA Diagnostic IgA sériques indétectables (<0.05g/l) Pas d’IgA salivaire, présence d’IgG et d’IgM IgG totales et IgM normales, IgG2 et IgG4 svt abaissées IgE svt accrues Autoanticorps fréquents dont anti-IgA Fonction T normale
Déficit sélectif en sous-classes d’IgG Tout âge IgG2 et/ou IgG4 : la plupart des anticorps anti-polysaccharidiques sont des IgG2 donc déficit associé à infections récurrentes (pneumocoque, Haemophilus influenzae, Pseudomonas aeruginosa), bronchectasies; svt associé à déficit en IgA Importance clinique encore controversée
Traitement des hypogammaglobulinémies Immunoglobulines par voie intraveineuse (0.4 à 0.5 g/kg) Toutes les 3 à 4 semaines Viser une concentration résiduelle d’IgG supérieure à 5g/l
Traitements des hypogammaglobulinémies Pour les patients avec des valeurs modérément abaissées (entre 3 et 5 g/l IgG) ou pour les déficits en sous-classes Évaluer la fréquence et la gravité des infection Evaluer le titre des anticorps dirigés contre un pathogène donnée (p.ex. anticorps antipolysaccharidiques après vaccin) Les Ig intraveineuses ne sont pas un traitement anodin Risque (faible) d’affection transmissible par le sang Effets secondaires immédiats Coût Hôpital de jour tous les mois
Traitement des hypogammaglobulinémies Les préparations d’immunoglobulines IV ne contiennent que des IgG Elles sont inutiles et souvent dangereuses chez les patients qui ont des déficits en IgA Contre-indication dans les déficits sélectifs en IgA avec présence d’anti-IgA Si nécessaire : préparations pauvres en IgA (donneurs déficients ou traitement in vitro)
Déficits du complément
Conséquences de l’activation du complément
Donc deux activités antimicrobiennes du complément : founir des opsonines (C3b et iC3b) lyser directement les bactéries (Gram-)
Conséquences de l’activation du complément bactéries Gram-
Donc déficit en C1, C2, C4 : peu d’infections C3 : infections à germes encapsulés (défaut d’opsonisation) C5 à C9 : infections à Neisseria Neisseria gonorrhoeae Neisseria meningitidis
Susceptibilité et sévérité des infections à méningocoques Déficiences et certains polymorphismes de la properdine et de la MBP
Voie alterne Facteur B : une fois fixé sur C3b, devient le substrat du facteur D (protéase équivalent de C1s) C3Bb : C3 convertase de la voie alterne Properdine : augmente la ½ vie de la C3 convertase de la voie alterne (530 minutes)
Déficit des phagocytes Germes : E. Coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, enterobacter, serratia, Staph. Epidermidis, Candida, Aspergillus Déficits quantitatifs Neutropénies et agranulocytoses Importance fondamentale (voir cours d’hématologie) Déficits qualitatifs
Déficits qualitatifs des phagocytes Acquis Leucoses : LMA, LLA, LMC, LLC, syndromes myélodysplasiques Médicaments : corticoïdes, antimétabolites Atopie : cytokines de type Th2 et fonctions microbicides Syndrome de Job (hyperIgE) Diabète Carence en zinc?
Déficits qualitatifs des phagocytes Génétiques Maladies granulomateuses chroniques Déficit en myélopéroxydase Déficit en récepteur pour iC3b
Traitement des déficits phagocytaires Facteurs de croissance (GM-CSF ou G-CSF) Interféron-gamma Transfusion de granulocytes Prophylaxies
Asplénisme et splénectomie Rôle de la rate dans l’élimination des germes du sang mais aussi dans l’initiation des réponses humorales et dans la production de properdine Risque fortement accru S. pneumoniae H. influenzae Neisseria
Immunité à médiation cellulaire Germes intracellulaires parce que seul le système d’échantillonnage des protéines de l’intérieur de la cellule (présentation par des molécules de classe I ou II) permet au système immunitaire de percevoir ces agents qui se cachent dans les cellules (les anticorps ne peuvent les atteindre) les systèmes de microbicidie oxydative des macrophages ont absolument besoin des cytokines de type Th1 (IFN-g, IL-12) pour être activés
Immunité à médiation cellulaire infections mycotiques (candidose mucocutanée,…) infections virales (svt virus latents de la famille herpès) pneumocystoses bactéries intracellulaires (mycobactéries) svt déficits qualitatifs de l’immunité humorale taux d’anticorps normal mais anticorps de mauvaise qualité (rôle des lymphocytes T dans l’immunopoïèse B) Infections qui peuvent toucher le nouveau-né (pas de transfert des lymphocytes T maternels)
Causes des déficits de l’immunité cellulaire Leucoses et lymphomes : Hodgkin Infections virales (HIV, CMV, EBV, influenza, brucellose,…) Sarcoïdose Carence en zinc Diabète, stress, malnutrition, insuffisance rénale Médicaments : corticoïdes
Déficits primitifs de l’immunité à médiation cellulaire Di George = aplasie congénitale thymique délétion d’une partie du chromosome 22 pendant la vie embryonnaire aplasie thymique anomalies cardiaques hypoparathyroïdie dysplasie des oreilles et de la bouche
Exploration des déficits immunitaires screening sang complet et formule hémoleucocytaire dosage immunoglobulines IgG, A, M, D, E Généralement IgG > 5g/l et IgA > 0.5g/l Si valeurs limites, nécessité d’évaluer des réponses spécifiques (p.ex. anti-tétanos ou anti-pneumocoque après vaccination)
2ème ligne typage lymphocytaire marqueurs T (CD3, CD4, CD8 marqueurs B (CD19, CD20, CD21, Ig) marqueurs NK (CD16) marqueurs d’activation (HLA-DR, CD25)
Exploration des déficits immunitaires (II) 2ème ligne évaluation fonctionnelle T (prolifération in vitro, DTH par exemple anatoxine tétanique diluée 1:5) évaluation fonctionnelle B après vaccination, réponse humorale contre antigène protéique (p.ex. tétanos) ou polysaccharidique (pneumocoque) sous-classes IgG (IgG2, IgG3 et IgG4)
Exploration des déficits immunitaires (III) 2ème ligne complément CH50 (classique et alterne) C3 et C4 Phagocytes phagocytose, réduction du nitrobleu, chimiotactisme
Prise en charge générale des patients présentant des déficits immunitaires mesures générales d’hygiène éliminer allergènes si atopie kiné respiratoire éviter vaccins vivants (polio, fièvre jaune)
Prise en charge générale des patients présentant des déficits immunitaires vaccin antigrippal et antipneumococcique antibiothérapies précoces traitements spécifiques immunoglobulines IV pour les déficits en IgG avec répercussion clinique Intérêt des lysats bactériens oraux (bronchovaxom) dans la BPCO?
Infection par le VIH
Voir le cours d ’infectiologie (Prof. Demonty Infection par le VIH aspects épidémiologiques transmission détails des infections opportunistes virologie Voir le cours d ’infectiologie (Prof. Demonty
Pathogénie types cellulaires infectés lymphocytes T CD4+ (y compris thymocytes) lignée macrophagique macrophages cellules dendritiques microglie
Interaction Gp120-CD4 Oui mais...
Les corécepteurs du VIH
Evolution de la lymphocytose CD4
Manifestations cliniques Primoinfection (symptomatique ou non) A : asymptomatique B : signes « mineurs » (type ARC) C : SIDA infections opportunistes (virus, champignons, parasites, bactéries) cancers (Kaposi, LNH, cancer du col, cancer anal) atteinte neurologique (AIDS related dementia)
Manifestations cliniques les plus fréquentes d’entrée en stade C pneumonie à Pneumocystis Carinii (38%) candidose oesophagienne, trachéale ou bronchique (16%) HIV-associated wasting syndrome (18%) perte de plus de 10% du poids corporel diarrhée (>2selles diarrhéiques /jour pendant un mois) fièvre inexpliquée pendant plus d’un mois
HIV et lymphomes Incidence constante malgré HAART 5-10% des patients infectés par le VIH développeront un lymphome 95% des cas : lymphomes dérivés des lymphocytes B
Dynamique de l’infection par le VIH très haute dynamique : ce n’est pas une infection latente fréquence élevée de mutations lors du processus de transcription reverse capacité des souches mutées à résister aux antiviraux (inhibiteurs de RT ou de protéase) persistance d’un sanctuaire rétroviral après des années de traitement efficace
Principes du traitement Quand traiter? en fonction de symptômes en fonction de paramètres biologiques : essentiellement la lymphocytose CD4 (<350) Comment traiter? au minimum une trithérapie (avec les médicaments actuels) – traitement « à vie »
Principes du traitement Quel est le but du traitement? à court terme : obtenir un CV indétectable à moyen terme : restaurer une lymphocytose CD4 normale et prévenir les infections opportunistes Quelles sont les causes d ’échec mauvaise compliance patients multitraités dans le passé
Principes du traitement Durée du traitement à vie avec les schémas actuels En évaluation schémas induction/maintenance interruptions programmées
Syndrome d’immunoreconstitution Phénomènes inflammatoires, réactions d’hypersensibilité voire maladies autoimmunitaires pouvant survenir dans les semaines ou les mois qui suivent la mise en place du traitement Rupture de la tolérance aux opportunistes voire au soi
Lipodystrophie Effets liés en partie aux traitements Toxicité mitochondriale Insulinorésistance En partie à la dérégulation immunitaire (TNF-a)
Suivi du patient séropositif en médecine générale Conseils de prévention pour l’entourage Soutien psychologique Prophylaxie anti-pneumocystis Accès à un centre spécialisé pour traitement antirétroviral (tous les trois mois) Soutien à la compliance
Diagnostic et suivi de l’infection par le VIH diagnostic de l’infection par le VIH ELISA et confirmation westernblot (détection d’anticorps) au stade aigu : recherche du génome viral par PCR suivi lymphocytose CD4 (700-1100/mm3) charge virale (nombre de copies de RNA viral par microlitre de plasma) génotype (résistances)