Langage écrit — Processus d’acquisition 1. Au seuil de la lecture 2

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Transcription de la présentation:

Langage écrit — Processus d’acquisition 1. Au seuil de la lecture 2 Langage écrit — Processus d’acquisition 1. Au seuil de la lecture 2. Devenir lecteur

Le langage est une acquisition biologique, et l’écriture une invention culturelle L’être humain n’a pas été préparé par l’évolution pour lire et écrire, mais l’enseignement de la lecture et de l’écriture peut se fonder sur les liens qui les unissent au langage et à la parole, pour lesquels l’enfant a été préparé par l’évolution

Niveau de développement langagier et cognitif au seuil de la lecture Développement des différentes formes de conscience phonologique Conséquences des handicaps sensoriels et articulatoires Les premiers contacts avec l’écrit: ce que l’enfant sait déjà sur l’écriture et la lecture avant d’apprendre à lire

Définitions: Acquisition biologique : requiert un type particulier d’expérience pendant une période critique Apprentissage culturel : peut avoir lieu à n’importe quel moment pendant la vie

acquisition de la langue orale apprentissage de la langue écrite Cet usage différencié présuppose l’intervention de mécanismes différents Est associé à l’idée que développer la capacité de parler et comprendre la parole est facile, ne requiert pas d’effort et s’obtient via l’exposition à la langue, tandis que réussir à maîtriser un système d’écriture est difficile et nécessite une instruction intentionnelle

J. Foucambert: “il ne dépend pas de l’enseignement que l’apprentissage (de la lecture) existe ou non, l’enseignement peut simplement faire qu’il existe dans de bonnes conditions” (La manière d’être lecteur, 1976, p. 59) “c’est parce que l’enfant vit dans un monde de communication écrite qu’il apprend à lire (…) tant la lecture est devenue un phénomène social, comme la parole” (p. 62)

“Apprendre à lire comme on apprend à parler” (M. -J “Apprendre à lire comme on apprend à parler” (M.-J. Bouchard, Paris: Hachette Éducation, 1991) L’un des chapitres s’intitule “Apprendre à parler ou à lire naturellement”

Personne ne dit « percevoir la parole, c’est comprendre », ou « percevoir la parole pour comprendre » Parce que c’est évident que c’est pour comprendre Percevoir la parole est immédiat (automatique) et facile (différent de simple) « Lire pour comprendre » implique une reconnaissance de l’importance du code; tandis que « Lire, c’est comprendre » se fonde sur l’idée que l’enfant aura de toute manière accès au code dès qu’on aura travaillé la compréhension

“Language by ear and by eye”, de J. F. Kavanagh & I. G. Mattingly (eds “Language by ear and by eye”, de J.F. Kavanagh & I.G. Mattingly (eds.), MIT Press, 1972, p. 1): “The starting point for our conference is the striking contrast in difficulty between reading and speech perception”

“The difference in naturalness between the spoken and written forms of language is patent, so I run the risk of being tedious if I elaborate it here” A. Liberman, “The relation of speech to reading and writing”, in B. de Gelder & J. Morais, Speech and Reading. A Comparative Approach, Hove, UK: Erlbaum, 1995

Arguments d’Alvin Liberman: 1. Speech is universal Arguments d’Alvin Liberman: 1. Speech is universal. Reading and writing are relatively rare 2. Speech is older in the history of our species 3. Speech comes earlier in the history of the individual; reading-writing come later, if at all 4. Speech need not be taught. Learning to speak is a precognitive process, much like learning to perceive visual depth. In contrast, reading and writing need to be taught

5. There are brain mechanisms that evolved with language and that are largely dedicated to its processes. There is no specialisation for reading-writing as such (cette dernière idée ne correspond pas à ce que nous connaissons actuellement sur les bases cérébrales de la lecture) 6. Spoken language has the crucially important property of “openness”: it is capable of expressing and conveying an indefinitely numerous variety of messages. A script can share this property, but only to the extent that it somehow transcribes its spoken-language base”

7. All of the foregoing differences are, of course, merely reflections of one underlying circumstance – namely, that speech is a product of biological evolution, whereas writing systems are artifacts Indeed, an alphabet is a triumph of applied biology

L’expression « triomphe de biologie appliquée » résume le fait que l’alphabet fut tant inventé que découvert L’invention est dans le fait que l’on a utilisé des formes visuelles distinctes pour représenter des unités phonologiques minimales, les phonèmes

Et la découverte est dans l’intuition de ce que nous faisons quand nous parlons ou percevons la parole Plus exactement, dans l’intuition du fait que ces unités, ou au moins les patrons articulatoires qui leur correspondent, sont des unités de la langue (en fait, elles seraient représentées, de manière inconsciente, au cours des processus de perception et de production de la parole)

Tous les humains acquièrent au moins une langue orale, à l’exception d’une part importante des sourds, de cas qui présentent une pathologie spécifique, et d’individus qui ont été privés d’exposition à la parole pendant l’enfance La nécessité de cette exposition pendant une période critique semble constituer un argument en faveur de la détermination biologique du langage

Mais cette exposition ne doit pas inclure nécessairement une communication linguistique avec l’enfant Dans certaines cultures qui valorisent surtout le développement moteur et des capacités spatiales, les adultes ne parlent presque pas à l’enfant jusqu’à ce qu’il soit capable de parler; et quand il commence à parler les adultes s’adressent à lui immédiatement sur un mode adulte. Malgré cela, il acquiert la langue de sa communauté

Pinker (1995): pour acquérir une grammaire il ne faut pas avoir quitté l’âge de la pierre, appartenir à la classe moyenne ou réussir à l’école; il ne faut même pas que les parents maîtrisent bien une langue

Un autre argument dans le même sens est le fait que les différentes acquisitions qui mènent à la maîtrise de la langue orale se succèdent dans un ordre qui ne varie pas selon les individus, bien que les rythmes de développement puissent être très différents

Perception de la parole: A 2 mois l’enfant distingue déjà entre des langues qui appartiennent à des classes rythmiques différentes: les enfants francophones distinguent le français et l’anglais du japonais (Nazzi, Bertoncini et Mehler, 1998), bien qu’ils ne distinguent pas encore entre le français et l’anglais (Christophe et Morton, 1998)

A partir de 5 mois l’enfant commence à réagir aux caractéristiques propres de sa langue A 6 mois, il dispose des catégories vocaliques de sa langue maternelle (Kuhl, Williams, Lacerda, Stevens et Lindblom, 1992) et à 9 mois, les enfants anglophones préfèrent écouter des séquences de mots dissyllabiques qui respectent le modèle accentuel fort - faible (CARpet), typique de l’anglais, aux séquences conformes au modèle faible - fort (giRAFFE) (Jusczyk, Cutler et Redanz, 1993)

Production de la parole: le babillage et sa diversification les mots isolés combinaison de 2 mots (généralement à partir d’un lexique qui dépasse 150 mots) structures morphosyntaxiques L’apparition du babillage, autour de 6 mois, semble être indépendant de l’importance des stimulations verbales reçues par l’enfant

Quant à la production de mots, il y a plusieurs données qui montrent une détermination biologique (au delà des influences environnementales) : 1. Les filles sont en moyenne plus précoces que les garçons, en conséquence d’une maturation plus rapide du cerveau 2. La corrélation entre la production de mots par l’enfant et l’habileté cognitive de la mère est plus élevée quand il s’agit de la mère biologique (.36) que quand il s’agit de la mère adoptive (-.15) (Hardy-Brown et Plomin, 1985)

Et quant à l’acquisition de la majorité des règles grammaticales, il semble que l’étendue des interactions verbales avec l’adulte a peu d’influence (Hoff-Ginsberg et Schatz, 1982)

Spécificité: Laura (Yamada, 1990) : malgré un QI de 41 et une mémoire à court terme très faible, elle produisait des structures syntaxiques complexes Christopher (N. Smith et I.-M. Tsimpli, 1995) : malgré des capacités visuelles et motrices très déficitaires et un QI au Raven de 75, il parlait, lisait et écrivait en au moins 15 langues

De même, chez les individus affectés par le syndrome de Williams, qui présentent des lacunes dans plusieurs gènes du chromosome 7, il y a généralement un patron de capacités linguistiques (production fluente de phrases relativement complexes, y compris de mots érudits) clairement supérieur à d’autres capacités, comme l’arithmétique, le dessin et la résolution de problèmes

Ce que tous ces faits montrent surtout c’est qu’il n’est pas possible de rendre compte de l’acquisition de la langue orale sur base d’un processus cognitif général, c’est-à-dire applicable à tous les domaines La conception selon laquelle l’acquisition du langage a recours aux mêmes mécanismes cognitifs généraux d’apprentissage ou de développement que les autres fonctions n’est plus acceptée

Les théories actuelles de l’acquisition de la langue orale estiment que cette acquisition requiert des processus spécifiques qui ne dépendent pas du développement cognitif, ce qui n’implique pas que le développement cognitif est sans influence sur la rapidité et la qualité de l’acquisition

L’écriture et la lecture Le système de traitement spécifique à la lecture, bien qu’établi par apprentissage culturel, présente d’importantes propriétés de modularité: il est impénétrable, il réagit de manière automatique et irrépressible aux stimuli qui correspondent à sa connaissance propre, et il est servi par un réseau cérébral spécialisé

Qu’est-ce que lire ? « Lire, c’est extraire d’une représentation graphique du langage, la prononciation et la signification qui lui correspondent »

1. « représentation graphique » Cette définition de lecture exclut, par exemple, la lecture labiale, la lecture d’émotions sur un visage et autres applications du terme lecture obtenues par extension de sens et qui appartiennent au langage figuratif

Le langage métaphorique courant ne doit pas être importé dans l’analyse des questions scientifiques: « Le président aura l’occasion d’esquisser sa vision à long terme » (Le Soir, 26.01.05)

2. Ce qui est extrait (le résultat de l’extraction) du matériel écrit est double, à la fois prononciation et signification

« Lire, c’est comprendre »: inapproprié, pour des raisons qui ne mettent pas en question l’importance de la compréhension

Et « lire pour comprendre » Et « lire pour comprendre »? Ce n’est pas une définition L’affirmation est vraie mais ne dit pas toute la vérité

Qui lisait. Milton. Certainement pas Qui lisait ? Milton? Certainement pas. Il écoutait et comprenait ce que ses filles lui disaient Si Milton avait été analphabète, il aurait aussi compris, à condition, bien entendu, de connaître le Grec. Il serait alors paradoxal de dire qu’il lisait Il ne lisait pas, pas plus qu’il ne lisait quand ses filles lui parlaient Anglais

3. « Extraction » Pour que le lecteur puisse extraire du stimulus graphique une représentation donnée, il doit posséder déjà une connaissance stockée (sur les corrélations entre les propriétés du stimulus et les contenus de la représentation) Autrement dit, lire implique un processus d’extraction d’une représentation à partir d’un stimulus

Capacités qui interviennent dans l’activité de lecture: identification des mots écrits, capacités cognitives et langagières Ensemble, ces capacités permettent la compréhension en lecture Chacune en est une condition nécessaire mais non suffisante

Texte (mot 1, mot 2, mot 3...) Compréhension du sens du texte Reconnaissance des mots écrits Capacités langagières et cognitives

Texte (mot 1, mot 2, mot 3...) Compréhension du sens du texte Reconnaissance des mots écrits Capacités langagières et cognitives

Etant donné que chacune de ces capacités est nécessaire, on peut s’attendre à ce que des déficits dans l’une ou l’autre de ces capacités conduisent à des difficultés dans la compréhension en lecture

Hyperlexiques Reconnaissance des mots écrits Compréhension du langage écrit du langage oral

Dyslexiques Identification des mots écrits Compréhension du langage écrit du langage oral

La dyslexie est, au niveau des compétences nécessaires à la lecture avec compréhension, le déficit sélectif de l’identification des mots écrits

Chaque fois qu’on a examiné des enfants avec un déficit de compréhension en lecture de textes, alors que l’on pouvait considérer normale l’identification des mots écrits, on a aussi trouvé des difficultés de compréhension en général

Indépendance des deux composantes: C(E) = C(O) x I(ME) C(E): compréhension de l ’écrit C(O): compréhension de l ’oral I(ME): identification des mots écrits

corrélations entre la compréhension en lecture et le produit des performances de compréhension de l’oral et d’identification des mots écrits: 1ère année: .84 2ème année: .85 3ème année: .91

Chez les lecteurs débutants (et chez les mauvais lecteurs), les corrélations entre la compréhension de l’écrit et la précision de l’identification des mots (—> fluidité en lecture orale) sont très élevées

En revanche, les corrélations entre la compréhension en lecture et à l’oral sont relativement faibles chez l’enfant tant que l’identification des mots écrits n’est pas maîtrisée (jusqu’à la 4e année au moins) Chez l’adulte bon lecteur, elles sont de .90 et plus (les différences inter-individuelles en lecture résultent essentiellement de celles en compréhension de l’oral)

Cependant, certaines études montrent encore une influence importante de l’habileté d’identification des mots écrits sur la compréhension de textes, chez le lecteur habile: par exemple, lorsque le test de compréhension comporte une exigence de vitesse, il y a des corrélations élevées entre compréhension et vitesse de lecture de mots (faciles et difficiles)

Importance du type de texte (physique, histoire, fiction): Bell & Perfetti (1994) Technique de régression multiple Variables rendant compte des différences inter-individuelles en compréhension de textes soit d’histoire, soit de physique: compréhension orale vocabulaire (lecture de pseudo-mots)

Relation avec résultats académiques: Jackson (2005) —> scores de identification de mots et de vitesse de lecture, chez 197 universitaires, n’étaient pas associés à leurs résultats académiques

Les corrélations entre compréhension en lecture et résultats académiques étaient aussi très faibles (.20) — les tests de compréhension de textes ne sont pas de bons indicateurs des aspects de la compréhension qui sont importants à l’Université — la connaissance et les stratégies de traitement d’information spécifiques des domaines sont plus importantes

Retour à l’indépendance des deux composantes: La question de l’influence du contexte: Forster (1981) « le skieur a été enseveli dans l’avalanche » « la météo fait craindre un risque d’avalanche »

L’indépendance n’exclut pas la possibilité d’une corrélation Les deux types de capacités peuvent dépendre de variables extrinsèques au traitement de l’information, par exemple de variables qui affectent le développement des enfants de manière générale comme les variables socioculturelles

Tous les apprentissages culturels se fondent sur des capacités biologiquement déterminées, par exemple, apprendre à lire dans un système phonographique suppose l’acquisition d’un système de connaissance phonologique implicite L’acquisition de ce système phonologique implicite passe habituellement par l’expérience auditive du langage Mais ce qui est biologiquement déterminé est la capacité phonologique en elle-même, indépendamment de son mode habituel de développement

La capacité phonologique implicite est une condition nécessaire de l’émergence de représentations phonologiques conscientes Mais ceci n’implique pas que nous sommes nés avec une prédisposition à acquérir la conscience des phonèmes

Nous ne sommes pas nés avec une prédisposition pour jouer au « kneeball » (jeu pratiqué en Amazonie), même si nous sommes nés avec une prédisposition à fléchir les genoux

La conscience des phonèmes est une composante cruciale de l’apprentissage de la lecture dans le système alphabétique, car elle accompagne nécessairement la découverte du principe alphabétique Celle-ci est une condition préalable de l’acquisition de la procédure de décodage graphophonologique Et celle-ci, à son tour, via son utilisation intensive lors de la lecture, conduit à l’établissement de processus automatiques et rapides d’identification des mots écrits

Or, le principe alphabétique n’est pas évident pour l’enfant La maîtrise du langage oral ne conduit pas directement à la conscience des phonèmes, pour une raison simple, les phonèmes ne sont pas des sons et ne correspondent pas à une quelconque réalité acoustique invariante We should not keep speaking, for simplicity, about letter - sound relationships, as we all know that phonemes are not sounds This creates confusion in teacher’s minds

Les méthodes traditionnelles d’apprentissage centrées sur l’enseignement des lettres étaient fondées sur l’idée que les lettres représentent des sons Or, en fait, seules ou en association, elles représentent des phonèmes

The phoneme is an abstract representation of articulatory gestures But this definition is not easy to understand, the expression “abstract representation” is itself too abstract Illustrations (making one feel perceived sounds and articulations when people pronounce “ba, be, bi” and “ba, da, ga”) may be more useful than sonograms

temps fréquence acoustique intensité du signal

Notre système perceptif doit « calculer », « extraire » les informations sur les phonèmes

Notre système perceptif doit « calculer », « extraire » les informations sur les phonèmes b a g temps Fréquenc e

La conscience des phonèmes n’est pas nécessaire pour parler et comprendre la parole D’ailleurs comme le courant acoustique de la parole contient entre 10 et 20 segments phonétiques par seconde, nous serions incapables de les identifier consciemment un à un, et a fortiori d’appréhender correctement leur ordre Le système de perception de la parole opère de manière inconsciente, mais pour apprendre à lire et écrire nous devons prendre conscience des phonèmes

Critère d’évaluation des méthodes d’apprentissage : une bonne méthode d’apprentissage doit tenir compte des caractéristiques du matériel

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité

Imaginez lire dans un alphabet totalement inconnu (p. ex. , le thaï) Imaginez lire dans un alphabet totalement inconnu (p. ex., le thaï). Nos textes ne laissent sans doute pas une impression plus claire aux personnes thaï qui ne connaissent pas notre alphabet Dans le cas d’une écriture alphabétique, la « lecture logographique » (laquelle n’est pas lecture en réalité mais une reconnaissance d’objet) est inefficace au-delà d’un certain nombre de mots, voire échoue dès que le même mot est présenté sous une forme physique inhabituelle

Nous ne pouvons pas prononcer les phonèmes qui correspondent aux lettres « b » et « g » Si nous disons à l’enfant qui apprend à lire que la lettre « bê » se prononce « b… » et la lettre « gê » se prononce « g… », il va lire « b…a…g… » et non « bag » Si nous lui disons que les lettres représentent des sons, nous le trompons, parce qu’il sait, et nous devrions savoir, qu’il y a trois lettres mais en fait un seul son

Si nous lui disons que les lettres représentent des phonèmes ou des gestes articulatoires abstraits, alors nous lui disons la vérité, mais cette explication ne va pas l’aider à lire (I. Liberman) Sans connaître le principe alphabétique, il est impossible de lire (trouver la forme phonologique) des mots que le lecteur n’a jamais rencontrés, même lorsqu’ils se trouvent en contexte identifié (sauf si l’on a de la chance en essayant de deviner)

Le principe alphabétique est le principe de correspondance entre les phonèmes et les graphèmes. Découvrir le principe alphabétique implique, inévitablement, de prendre conscience du fait que la parole peut s’analyser en phonèmes et de connaître au moins quelques lettres et leurs correspondances avec des phonèmes.

La première source de difficulté d’apprentissage dans un système alphabétique, quel qu’il soit, et quelle que soit la transparence du code (anglais, français ou allemand...), est la prise de conscience des phonèmes

La simple exposition au matériel écrit n’est pas suffisante pour que l’enfant découvre le principe alphabétique Il doit donc nécessairement être aidé

Au début des années 1970 plusieurs études ont montré une augmentation importante de la performance aux tâches de conscience des phonèmes lors de la transition de l’école maternelle à la 1ère année primaire

Liberman, Shankweiler, Fischer & Carter, 1974 - “tapping” task “nursery school” (âge moyen: 4.10 ans): Pour les phonèmes, aucun enfant n’a atteint le critère de 6 réponses correctes consécutives (46% l’ont atteint pour la syllabe). “Kindergarteners” (5.10 ans): 17% 1e an. (6.11 ans): 70%

The conscious representation of phonemes emerges usually when one begins learning to read in the alphabetic system Alegria & Morais (1979): First-graders of the same age (6:6 yrs) but 2 vs 5 months of reading instruction

Morais, Cary, Alegria & Bertelson (1979) : Morais, Cary, Alegria & Bertelson (1979) : Illiterates 19% Ex-illiterates 72% Read, Zhang, Nie & Ding (1986) : Non-alphabetized literates 21% Alphabetized literates 83% Score: % of correct responses, averaged over Deletion and Fusion tasks

Morais, Cary, Alegria & Bertelson (1979) : illiterates ex-illiterates

Alegria, Pignot & Morais (1982) :. Method Alegria, Pignot & Morais (1982) : Method Phonic Whole-word Inversion of syllables 75% 67% phonemes 58% 15%

Conception « développementaliste » ou psychogénétique: « children exposed to alphabetic systems (...) will eventually discover the alphabetic principle » (Tolchinsky, 2004, p. 25) « the transition to alphabetic writing is gradual and related to children’s reading and writing experience » (ibid.) évidence empirique contra: Alegria et al. (2005) + observations de l’instruction de la lecture (1e, 2e)

Alegria, Morais, D’Alimonte & Seyll (2005) Expérience 1 Médianes en novembre: Globale: Soustraction syllabe 83% Phonème 3% Phonique: Soustraction de phonème 63% Globale: Comptage phonèmes: 18% Phonique: Comptage phonèmes: 82% Lecture (mots en 1 minute), en mai: médiane Glob.: 0 (nov.) 1(mai) Phon.: 8.5 - 19

Alegria, Morais, D’Alimonte & Seyll (2005) Expérience 2 3 écoles méthode globale médiane des mots lus en novembre et mai A (classe haute) 0.56 12.0 B (cl. ouvrière) 0.05 0.68 C (cl. moyenne) 0.93 2.0

Détection de rime (% de réponses correctes) Illettrés 67 Ex-illettrés 92 Sujets dont la performance > 75%: Illettrés: 10 / 21 Ex-illettrés: 18 / 20 Sources: Morais, Bertelson, Cary & Alegria (1986); Bertelson, de Gelder, Tfouni & Morais (1989)

Soustraction de V1 (syllabe initiale): (% de réponses correctes) Illettrés 55 Ex-illettrés 85 Sujets dont la performance > 75%: Illettrés: 12 / 21 Ex-illettrés: 19 / 20 Sources: Morais, Bertelson, Cary & Alegria (1986); Morais, Content, Cary, Mehler & Segui (1989)

Jugement de longueur phonologique (% de choix corrects) Condition: Neutre 73.0 Incongrue 45.4 Sujets dont la performance > 75% Neutre 6 / 10 Incongrue 2 / 10 Kolinsky, Cary & Morais (1987)

Comparaison d’illettrés et ex-illettrés aux tests métaphonologiques (non phonémiques) (% de R.C.) Illettrés Ex-illettrés Soustraction de syllabe — voyelle initiale 55 85 — dans des phrases 62 81 Jugements de rime 67 93 Morais, Bertelson, Cary & Alegria (1986)

Distinction entre la connaissance du langage et les croyances (y inclus le savoir) sur le langage, ou entre des habiletés linguistiques et métalinguistiques, respectivement Les illettrés sont capables de discriminer des paires minimales (Adrian, Alegria & Morais, 1995; Scliar-Cabral, Morais, Nepomuceno & Kolinsky, 1997) mais pas de manipuler des phonèmes intentionnellement (Morais, Cary, Alegria & Bertelson, 1979)

Discrimination de paires minimales: (% de réponses correctes) 15 illettrés espagnols: 96 (Adrian, Alegria & Morais, 1995) 21 illettrés brésiliens: 98 (Scliar-Cabral, Morais, Nepomuceno & Kolinsky, 1998)

Why does phoneme awareness not emerge spontaneously Why does phoneme awareness not emerge spontaneously? Because, in order to speak and understand speech, phoneme awareness is not necessary We do not know whether becoming aware of phonemes in learning to read involves access to unconscious representations What we know is that reading teaching plays a crucial role in the emergence of phoneme awareness, and that, reciprocally, phoneme awareness plays a crucial role in the success of learning to read

Arguments against the idea that reading teaching plays a crucial role in the emergence of phoneme awareness 1. Example: Van Bon & Van Leeuwe (2003) tested kindergarteners on a “phoneme recognition” task: children were asked to say if they had heard or not a target sound (a vowel) in a monosyllabic word. Performance on the average: 69% of correct responses (above chance level: 50%)

Treiman & Zukowski (1996): task requiring to say if two words begin or not with the same sound (example: “pacts-peed”) : 89% of correct responses in kindergarteners Yet, they wrote that the task evaluates phonemic sensibility, not phoneme awareness, and that the formal teaching of reading “may not be necessary for the emergence of phonemic sensitivity” (p. 211)

Morais et al. (1986): illiterate adults had much better performance for the detection of /R/ (68%) in sentences than of a stop consonant (36%) We even found good performance on stop consonant detection in illiterate adults when the target was kept the same through the test and the carrier was a monosyllabic word (Cv or CVC) We attributed this result to a “global phonological similarity match between the target pronunciation (/pe/) and the very short stimuli (/pi/, /pa/ vs. vi/, /va/)” (Morais & Kolinsky, 2005, p. 200)

Phoneme awareness is awareness that spoken language can be represented as a sequence of elementary and distinct units that, we, psycholinguists, call phonemes This form of awareness is not necessary to detect similarity Detection of /s/ in “si” does not imply the abstraction of a unit common to “si”, “sa”, “sou”, “son”, “sein”, etc.

Ferreiro & Teberosky (1979) found in Spanish-speaking preliterates a tendency to represent each syllable by a letter, but this is not observed in English-speaking children Pollo, Kessler & Treiman (2005) analysed a corpus of Portuguese (Brazil) and English (USA) written words : % of words having at least one letter name in its pronunciation Any position End Port. Engl. Port. Engl. Any letter 95.3 46.9 71.6 12.1 A 61.5 9.5 34.5 0.8 I 38.8 7.6 10.5 0.5 U 37.9 1.0 24.4 0.1 —> in Portuguese, more names and sounds of vowels in words. “Syllabic spelling” may not be syllabic

Second argument against the idea that reading teaching plays a crucial role in the emergence of phoneme awareness: data showing phoneme awareness before any reading instruction Hulme, Caravolas, Malkova & Brigstocke (2005, “Phoneme isolation ability is not simply a consequence of letter-sound knowledge”) They address two theories on the role of orthographic knowledge in the emergence of phoneme awareness

According to the strong theory, the child cannot isolate phonemes for which he/she does not know the corresponding “letter-sound” association They cite Castles & Coltheart (2004): “children may be able to perform phonemic manipulations on those sounds for which they know the corresponding letter, but not for those sounds for which they have not yet acquired the graphemic link” (p. 104)

According to the weak theory, the child discovers the alphabetic principle as soon as he has learned some “letter-sound” relations, and generalizes this discovery to the other phonemes. “This form of the theory appears to be what most in this area have subscribed to (cf. Morais e tal., 1979)”. According to Hulme et al., this theory predicts that children who do not know ANY “letter-sound” correspondence are unable to perform phoneme awareness tasks

Task: “phoneme isolation”: to pronounce the initial (or the final) phoneme in monosyllabic pseudo-words Almost all the children (Czech and English) were able to identify at least one phoneme for which they did not know the corresponding letter —> against the strong theory In a second experiment (on the initial consonants only) Hulme et al. found 3 Czech children, but no English, who could isolate 15, 15 and 10 phonemes, while not knowing any letter —> against the weak theory

“Some have suggested that phoneme awareness only becomes possible after learning to read an alphabetic script (e.g. Ziegler & Goswami, 2005)” This may not correspond exactly to Ziegler & Goswami’s position

Hulme et al. are right saying that they refuted the strong theory But, beyond Castles & Coltheart, no one would support this theory If I become able of phonemic analysis by learning to read, I should be able to “pronounce” a phoneme that does not belong to my language and for which I do not know any grapheme

And the weak theory? It is also unlikely Why should the alphabet be the only possible physical representation of the phonological structure of speech? Any physical system that gives an individuality to the phonemes can do the job

Zhurova (1973) made preliterate children learn to associate phonemes to colors (« the boy with the yellow jacket is Yan ; the boy with the white jacket is Whan,… » The kana writing system includes elements that, while not leading directly to phoneme awareness, provide useful cues (Mann, 1986 ; Spagnoletti, Morais, Alegria & Dominicy, 1989 ; Goetry, Urbain, Morais & Kolinsky, 2005) Content, Kolinsky, Morais & Bertelson (1986) and Morais, Content, Bertelson, Cary & Kolinsky (1988) were successful in making preliterate children to perform phoneme deletion through examples and constant corrective feedback

Morais, Alegria & Content (1987): “Segmental analysis ability does not develop without specific stimulation; it usually appears when learning to read and write in the alphabetic system” (p. 417) This position is weaker than the “weak” position attributed by Hulme et al. to Morais et al.

One should avoid absolutist theories One should avoid absolutist theories. Language is universal, and immediate memory is limited... but there are exceptions There is no known functional reason, besides learning to read in the alphabetic writing system, for becoming aware of phonemes This relation is important, even if one finds cases of phoneme awareness without letter knowledge

A further exception in the reading domain: Maxine (Fletchner-Flinn & Thompson, 2000 ; 2004), strongly encouraged to read by her parents, was already able at age 2. At 7 she was reading at the level of 16. She was also strongly in advance on pseudo-word reading However, her knowledge of the names and sounds of letters and her phoneme awareness were weaker compared to her reading level and could not support her decoding ability that she has presumably acquired in an implicit manner

The crucial role of letter knowledge in the emergence of phoneme awareness cannot be denied Lukatela, Carello, Shankweiler & Liberman (1995) tested Serbo-Croatian illiterates and observed that all the subjects who obtained less than 50% of correct responses in letter knowledge had 0% in phoneme deletion, while those who identified all the presented letters obtained between 70% and 100% on the phonemic test

Letter knowledge influences also the intrasyllabic segmentation in the beginning reader In Hebrew, the only case in which a consonant appears alone is at final position. Share & Blum (2005) therefore predicted an easier access to postvocalic consonants than to prevocalic ones. Consistently, from the 75 children tested, no one divided spontaneously the syllables CVC into C/VC, whereas 37 divided them into CV/C

“Phoneme awareness does not emerge from lexical restructuring” (gating) Ventura, Kolinsky, Querido & Morais Lettrés Densité voisins + - Fréquence H 0.60 0.49 B 0.49 0.57 (pour les mots fréquents la densité pénalise, pour les rares elle aide) Illettrés 0.74 0.59 0.58 0.65

Question: “si des périodes sensibles existent pour des systèmes de connaissance transmis culturellement, comme ceux responsables pour la lecture” (Blakemore & Frith, 2000)

source: Morais, Content, Bertelson, Cary & Kolinsky, 1988 * source: Morais, Content, Bertelson, Cary & Kolinsky, 1988 ** source: Content, Kolinsky, Morais & Bertelson, 1986

Si l’habileté d’identification des mots écrits est réellement fondée sur les capacités phonologiques des enfants, et si elle est indépendante des autres habiletés cognitives et linguistiques, alors la conscience phonémique devrait aussi être indépendante de ces dernières habiletés —> Question n° 1: est-ce que la littérature expérimentale confirme cette affirmation?

Question n°2: concerne le fait que certains enfants sont privés, depuis leur naissance, comme auditeur et/ou locuteur, de l’expérience de leur langue. Est-ce qu’ils peuvent néanmoins développer la capacité phonologique sans laquelle il leur serait impossible de découvrir le principe alphabétique et de maîtriser les correspondances graphophonologiques ?

1. Est-ce que la conscience phonémique et l’habileté de décodage dépendent de capacités cognitives générales?

Quand, il y a 30 ans, le rôle de la conscience phonémique a commencé à être reconnu, certains auteurs (Lundberg, 1978 ; Hakes, 1980), influencés par l’approche Piagétienne du développement cognitif (Piaget, 1929), ont proposé que prendre conscience des phonèmes dépend de la capacité cognitive de “décentration” (Lundberg, Olofson, & Wall, 1980)

Cossu, Rossini & Marshall (1993) ont publié les résultats d’un groupe d’enfants présentant le syndrome de Down. Bien que capables de décodage graphophonologique, ces enfants étaient très pauvres aux tâches métaphonologiques. Critiques méthodologiques sévères: Bertelson, 1993; Byrne, 1993; Morais, Mousty & Kolinsky, 1998 Au delà de ces critiques, il fallait savoir si les déficits cognitifs sévères de ces enfants les empêchent de prendre conscience des phonèmes alors que ces mêmes déficits ne les empêchent pas d’acquérir l’habileté de décodage.

Des résultats obtenus ultérieurement avec des enfants présentant des déficits cognitifs très sévères suggèrent qu’ils sont capables de développer la conscience des phonèmes et que leur performance aux tâches qui impliquent cette habileté est hautement corrélée à leur performance en lecture de mots et de pseudo-mots

Morais, Mousty & Kolinsky, 1998 ont comparé un groupe « expérimental » de 8 enfants dont le QI variait entre 40 et 66 (moyenne: 52.5) à un groupe « contrôle » d’enfants normaux de 3e année primaire et appariés 1 à 1 en lecture de mots réguliers courts (moyenne: 80% correct)

Les résultats ont clairement indiqué le recours dominant au décodage graphophonologique dans les 2 groupes Il y avait un effet de régularité et un taux élevé d’erreurs de régularisation dans la lecture de mots irréguliers; l’effet de lexicalité était quasi-absent Expérimental Contrôle Mots réguliers 80% 90% Mots irréguliers 44% 61% Mots courts haute fréquence 88% 77% Pseudo-mots courts 79% 81%

Le groupe “expérimental” a eu une bonne performance aux tests de fusion et soustraction et en segmentation, tout en étant inférieur au groupe “contrôle” —> même des enfants qui présentent des déficits cognitifs sévères ont la conscience des phonèmes Fusion Soustract. Segmentation de CVC Mots Pseudo-mots Expérim. 73% 68% 80% 66% Contrôle 92% 87% 90% 93%

Cupples & Iacono (2000): enfants présentant le syndrome de Down Indication d’une influence causale de la conscience phonémique sur le décodage En effet, le niveau de conscience phonémique à la séance 1 rendait compte d’une partie significative de la variance en lecture de pseudo-mots à la séance 2 (quelques mois plus tard), même après contrôle des effets de l’âge et d’empan digital, vocabulaire passif et score de lecture à la séance 1

Cardoso-Martins & Frith (2001): ont comparé, au sein d’un échantillon avec le syndrome de Down, 46 lecteurs à 47 non lecteurs Résultats: les lecteurs étaient nettement meilleurs que les non-lecteurs pour détecter des phonèmes, même lorsque les différences liées à l’âge, à l’ »intelligence » (mesurée via le test de Raven) et à la connaissance des lettres étaient contrôlées au moyen d’une analyse de covariance

Pour Cardoso-Martins & Frith, seulement la manipulation explicite de phonèmes, et non leur détection, peut exiger « un certain niveau de maturité intellectuelle » (p. 372) La manipulation explicite de phonèmes, dans des tâches telles que la soustraction, dépasse la simple conscience des phonèmes.

Il faudrait donc savoir si le décodage graphophonologique exige davantage que la représentation consciente de phonèmes... Il exige aussi une habileté de FUSION, c’est-à-dire d’intégration des phonèmes successifs correspondants à la séquence de lettres d’un mot

Mais cette opération de fusion probablement n’exige PAS l’habileté de soustraction, bien que logiquement ces deux opérations soient l’inverse l’une de l’autre Kennedy & Flynn (2003): 3 enfants Down Tâche d’isolation de phonème (prononcer le phonème initial d’une expression): 0% 20% & 0%de réponses correctes, vs. Tâche de fusion de phonème: 42%, 75% & 92%

En résumé, l’acquisition de la conscience phonémique ne dépend PAS de capacités cognitives générales « normales », et son développement est intimement lié au développement de l’habileté de décodage

2. Est-ce que les privations d’audition ou de parole affectent les habiletés liées à l’identification des mots écrits?

Les enfants sourds profonds congénitaux ont de grandes difficultés pour apprendre à lire, atteignant des niveaux d’habileté qui sont largement inférieurs à ceux des enfants entendants Selon Paul & Jackson (1994), beaucoup d’enfants sourds restent au niveau de la 3e année primaire, et l’étudiant sourd moyen de 18 ou 19 ans lit comme un enfant entendant de 8 ou 9 ans

Les sourds utilisent la lecture labiale comme indices pour former des représentations phonologiques, mais ces indices ne permettent pas une discrimination complète entre tous les contrastes phonétiques. La création d’un système de signes (« cued speech ») qui élimine les ambiguïtés présentes dans la lecture labiale fut une innovation extraordinaire (cf. Cornett, 1967; et Alegria, Charlier & Mattys, 1999, pour la version française).

Les données relatives aux enfants sourds exposés chez eux à la parole indicée avant l’âge de 2 ans montrent un développement du langage, notamment du vocabulaire, qui est similaire à celui des enfants entendants (cf. Périer, 1988, pour le Français)

Alegria et al. (1999) ont observé un avantage de la connaissance de la parole indicée dans l’identification des mots écrits, et en particulier de pseudo-mots, qui était plus grand lorsque l’acquisition de ce système a eu lieu avant l’âge de 2 ans que lorsqu’elle a eu lieu à 6 ans. Certains de ces enfants atteignent des niveaux de lecture comparables à ceux de la moyenne des enfants entendants du même âge (Leybaert & Lechat, 2001).

Dépendance de la langue écrite par rapport à la langue orale L’expérience auditive est la voie sensorielle habituelle pour acquérir des représentations phonologiques qui sont nécessaires à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Mais quand l’expérience auditive fait défaut, les représentations phonologiques peuvent être acquises via la combinaison de la lecture labiale et de signaux qui éliminent les ambiguïtés inhérentes à la lecture labiale.

En outre, le fait que les enfants qui ne commencent l’acquisition du « cued speech » après 3 ans se montrent bien inférieurs à ceux qui l’acquièrent précocement confirme l’idée que l’acquisition des habiletés phonologiques dépend d’une période critique, ou du moins sensible. Une fois acquises les représentations phonologiques, leur utilisation dans le cadre de la lecture est indépendante du mode d’acquisition et n’est plus soumise à une période critique, puisque les illettrés peuvent apprendre à lire à l’âge adulte.

L’interprétation des troubles spécifiques de l’apprentissage de la lecture, qui s’appelle « théorie phonologique de la dyslexie », va dans le même sens. Les dyslexiques sont ceux qui ne réussissent pas à apprendre à lire, malgré le fait que leurs capacités cognitives et linguistiques de plus haut niveau sont normales, parce qu’ils présentent une anomalie dans leurs représentations phonologiques.

Ayant écarté l’idée que l’expérience auditive est nécessaire au développement de représentations phonologiques, nous considérons maintenant le rôle de l’expérience de l’articulation de la parole dans ce développement

Plusieurs études indiquent que des difficultés dans l’acquisition des habiletés métaphonologiques sont associées à des troubles articulatoires (cf. Thomas & Sénéchal, 1998) Selon Thomas (1995), les déficits developpementaux de l’articulation pourraient conduire à des anomalies dans les représentations phonologiques et de cette manière affecter l’acquisition des habiletés métaphonologiques Les déficits articulatoires pourraient ainsi être, indirectement, l’un des facteurs causaux de la dyslexie de développement

Montgomery (1981) a observé que les enfants dyslexiques étaient inférieurs aux lecteurs normaux appariés en termes d’âge de lecture à un test qui implique d’apparier la prononciation d’un « phonème » avec un parmi plusieurs dessins schématiques du tractus vocal montrant la position des articulateurs

Le déficit de conscience articulatoire présenté par les enfants dyslexiques a été confirmé par Griffiths & Frith (2002) avec des dyslexiques étudiants universitaires Etant donné que cette tâche est relativement bien réussie par des adultes illettrés (Morais & Mousty, 1992), on peut en conclure que ce déficit reflète une cause, non une conséquence, de l’acquisition de la lecture

Cependant, tout comme pour la privation auditive, l’absence d’articulation ne conduit pas nécessairement à l’échec dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture Cossu (2003) a décrit une étude de cas unique, d’un jeune homme, SM, qui a appris à lire et à écrire normalement, malgré une apraxie orofaciale congénitale complète. Sa discrimination de paires minimales, sa lecture de mots et de pseudo-mots et sa dénomination écrite de dessins étaient parfaites.

Dans le comptage tout comme dans la fusion de phonèmes (écrire le mot correspondant à une séquence de consonnes et voyelles prononcées par l’examinateur). La performance de SM était de 100%correct ou presque. Donc, l’absence de codage articulatoire n’empêche pas l’acquisition de la lecture ou de la conscience phonémique.

Morais, Macedo & Kolinsky (2004) ont étudié un nouveau cas d’anarthrie congénitale, Th., un jeune homme qui était aussi tétraplégique en raison d’une anoxie pendant l’accouchement

Au delà de l’absence complète d’articulation, Th est incapable de s’asseoir tout seul et de conserver sa tête fermement, mais il peut suivre un objet des yeux

Ramper est son seul moyen de locomotion et il est incapable de contrôler les mouvements de ses mains Il comprend la parole normalement

Quand il a été examiné la 1e fois, Th Quand il a été examiné la 1e fois, Th. avait 15 ans et 6 mois et était scolarisé dans une école normale publique d’un bon niveau pédagogique à Florianopolis (Brésil)

Nous avons comparé Th. aux adolescents de son année scolaire (n=15), âgés de 13 ans et 4 mois à 16 ans et 3 mois Tous les testes étaient presentés de manière à permettre Th de répondre soit en bougeant sa tête pour signaler « oui » (vers le bas) ou « non » (vers le côté), soit en regardant de manière insistante l’expérimentateur lorsque celle-ci, à l’aveugle, lui présentait l’alternative correcte

L’évaluation cognitive n’a pas montré d’infériorité marquée L’évaluation cognitive n’a pas montré d’infériorité marquée. Au Raven, Th a réussi 67% des items de la 1ère série (69%, en moyenne, pour les Contrôles) ; mais aux séries suivantes, sa performance a été similaire à celles des plus mauvais Contrôles A une autre tâche de raisonnement logique, la tâche de sélection de cartes de Wason (1966), la performance de Th (3 réponses correctes) l’a placé en bonne position par rapport aux Contrôles (moyenne: 1.6; min: 0 ; max: 6).

Le seul test auquel Th a montré un déficit clair fut la tâche visuelle de vérification de parties (cf. Kolinsky, Morais, Content, & Cary, 1987; Kolinsky et al., 1990)

figure parts Part verification Th.: 80% 20% 20% CR Salient moderately deeply embedded embedded parts Th.: 80% 20% 20% CR

La performance de Th était similaire à celle observé chez les adultes non scolarisés et clairement inférieure, pour les parties modérément ou fortement imbriqués dans la figure, à celle observée chez les enfants de 2e année primaire Kolinsky, Morais & Brito-Mendes, 1990; Kolinsky, Morais, Content & Cary, 1987

L’absence d’un comportement moteur contrôlé, nécessaire par exemple à la manipulation d’objet, au dessin et à toute forme d’activité graphique, a conduit à un déficit majeur dans un aspect de la cognition visuelle, en l’occurrence l’analyse intentionnelle d’une figure en ses composantes Ce déficit nous permet de comprendre pourquoi les scores de Th étaient si pauvres à certaines séries du Raven: celles-ci exigeaient une décomposition visuelle intentionnelle, en plus de bonnes capacités de raisonnement logique

La discrimination de sons de parole a été examinée au moyen d’un test de paires minimales Th. a obtenu une performance (90.1%) similaire à celle des Contrôles (moyenne: 89.8%)

Aux tests de lecture de mots et de pseudo-mots, nous présentions, pour chaque item, 2 alternativas différant uniquement par 1 phonème, toujours la consonne initiale par exemple, le sujet devait décider lequel, de COLA et BOLA, présentés visuellement, correspondait au mot prononcé par l’expérimentateur

La lecture de mots était réussie à 100% par Th La lecture de mots était réussie à 100% par Th. Ce résultat est meilleur que la performance moyenne des Contrôles (96.4%)! En lecture de pseudo-mots, plus de la moitié des Contrôles ont obtenu un score égal ou inférieur à celui de Th, 91.7%

Au test de connaissance orthographique, le sujet devait choisir, parmi 2 formes écrites, laquelle correspondait à un mot (par exemple, CASA) l’autre correspondant à un pseudo-homophone (par exemple, CAZA) La performance de Th (91.7% correct) était meilleure que la moyenne des Contrôles (83.3%) !

Les habiletés métaphonologiques ont été examinées au moyen de 2 tests: inversion de phonèmes et acronymes auditifs Th a obtenu seulement 50% correct (niveau du hasard: 25%) en inversion de phonèmes pour les séquences CV, VC, et VCV Cette performance semble inférieure à la performance moyenne des Contrôles (75%) Mais plusieurs Contrôles ont présenté des scores plus faibles que celui de Th

Le test d’acronymes auditifs incluait 2 parties: Dans la 1ère partie, seules 2 alternatives de réponse ont été présentées: réponse correcte vs. erreur = répétition de la syllabe initiale du 1er mot Par ex.. pour « rato idiota », les réponses « ri » et « ra », respectivement Th a obtenu 87.5% correct, plus bas que la moyenne des Contrôles (96.4%), mais un de ceux-ci était plus mauvais que Th

La 2e partie du test visait à vérifier si les sujets tendaient à se fonder sur des représentations orthographiques ou au contraire phonologiques pour faire les acronymes 3 alternatives de réponse: par ex., pour « café italiano », la réponse « ki » fondée sur la phonologie, la réponse erronée « si » fondée sur l’orthographe, et la réponse erronée « ba » Phonology-based Orthography-based Irrelevant Error Th. 43.8% 37.5% 18.8% Controls 25% 73.2% 1.8%

Donc, il semble que Th s’est basé davantage sur la phonologie et moins sur l’orthographe que les Contrôles Mais, une fois de plus, ceci n’était vrai qu’en moyenne… 3 Contrôles ont eu encore moins de réponses fondées sur l’orthographe, et au moins le même nombre de réponses basées sur la phonologie

Donc, en contraste avec l’effet dramatique de la tétraplégie de Th sur le développement de l’habileté à analyser intentionnellement des figures visuelles, son anarthrie congénitale ne l’a pas empêché d’acquérir la lecture de mots et de pseudo-mots. Il a pu maîtriser la procédure de décodage graphophonologique. En outre, Th a acquis un niveau de connaissance de l’orthographe des mots qui était normal pour son âge Son incapacité totale d’articulation ne l’a pas empêché, non plus, de développer — de manière normale ou presque pour son âge —des habiletés d’analyse intentionnelle de la parole en phonèmes

Nous pouvons répondre à notre 2e question comme ceci : L’acquisition de la lecture et de l’écriture peut avoir lieu et même atteindre des niveaux élevés d’habileté chez des personnes privées, depuis la naissance et de manière très sévère, de perception auditive ou d’articulation de la parole Cette acquisition de la lecture et de l’écriture a lieu, chez ces personnes comme chez les personnes qui n’ont pas ce type de privations, sur la base de leur compétence phonologique

Par conséquent, il ne faut pas réduire les capacités phonologiques à des capacités perceptives ou productives ou à des structures perceptivo-motrices. Elles concernent un niveau plus abstrait, indépendant de la modalité d’entrée ou de sortie Aucun type d’expérience, perceptif ou articulatoire, n’est en soi strictement nécessaire pour apprendre à lire et à écrire

En conclusion, une capacité phonologique implicite est la condition biologique de l’apprentissage de la lecture, et elle peut soutenir l’apprentissage de la lecture quel que soit le type d’expérience qui permet son implémentation

Facteurs affectifs, cognitifs et langagiers dont le développement influence l’apprentissage de la lecture

Les effets de l’environnement familial en termes de litéracie sur les habiletés linguistiques, « lmitéracie émergente » et succès ultérieur en lecture ont été souvent observés (Bus, van Ijzenddorn & Pellegrini, 1995) mais ils ne sont pas très forts (corrélation de .23: Scarborough & Dobrich, 1994)

Connaissance du vocabulaire: les enfants de 1e année primaire de milieu social élevé ont le double du vocabulaire des enfants de milieu social bas (Graves & Slater, 1987) Beck & McKeown (1991): entre 2.500 et 5.000 (enfants de 5 à 6 ans) ensuite, rythme d’acquisition de vocabulaire = 7 mots par jour

Les structures syntaxiques de base sont comprises vers 2 ans: A pousse B compris différemment de B pousse A (Bloom, 1994) La pragmatique (utilisations sociales du langage) se développe au cours de l’école maternelle (Ninio & Snow, 1996)

La lecture de livres d’images aux (avec les) jeunes enfants la notion de « lecture partagée »

La majorité des enfants de 15 et 18 mois apprennent un nouveau mot et le généralisent à un référent réel après un seul épisode de « lecture » (Ganea, 2003) La lecture de livres d’images entre 8 et 36 mois augmente l’exposition au vocabulaire et à des concepts qui sont rarement utilisés dans les conversations courantes (DeTemple & Snow, 2003). Par exemple, livre sur des animaux de jungle, extension à des concepts qui ne sont pas directement représentés —> langage décontextualisé

Les adultes parlent de manière plus complexe (structures plus sophistiquées) pendant la lecture de livres d’images que dans les situations de jeu libre ou de repas (Ninio & Bruner, 1978): cas d’une mère et son enfant de 8 mois, dénomination dans 75.6% vs. 7.2% respectivement des phrases longueur moyenne des phrases, nombre de répliques à l’enfant

Enseignement intensif de vocabulaire pendant la « lecture partagée »: mères israéliennes de milieu moyen commençaient 48% des cycles de conversation par questions « Qu’est-ce que? » et 36% par des affirmations de dénomination (Ninio, 1980) Différents styles maternels: chercher la production de noms par l’enfant; demander de pointer l’objet qu’elles ont nommé; donner au lieu de demander de l’information

Différents styles maternels: chercher la production de noms par l’enfant (corrélé avec le vocabulaire productif); demander de pointer l’objet qu’elles ont nommé (corrélé avec compréhension du langage); donner au lieu de demander de l’information (corrélé avec langage imitatif, « perroquet »)

Rôle dans la « guidance » de l’attention et de la participation de l’enfant attention conjointe: le référent est situé dans la page qui est l’objet d’attention de la part du parent et de l’enfant, et le parent peut pointer un objet quand il est peu saillant remarque: les pères des enfants plus attentifs tendent à lire plus (Karrass et al., 2003) —> cercle vertueux? (pas de différences en interaction verbale entre les mères qui lisent et celles qui ne lisent pas)

Via ce type d’expérience symbolique, rôle éventuel dans l’établissement de routines associées à la lecture qui seront utilisées lorsque l’enfant commence à lire

Facteurs qui affectent la qualité de la « lecture partagée »: Parent: niveau socio-économique, sexe et culture Enfant: attachement, attention/intérêt, langage Livre: type, complexité, fréquence, répétitions

L’engagement de l’enfant pendant la lecture de livres d’images à 24 mois prédit de manière significative son niveau linguistique à 30 et à 54 mois, et sa connaissance des concepts liés à l’écriture à 54 mois (Crain-Thoreson & Dale, 1992) Son engagement à 24 mois est hautement corrélé avec des mesures de succès en lecture à 6 ans (Dale, Crain-Thoreson & Robinson, 1995) engagement: fréquence de questions ou répliques et temps passé en interaction de lecture

L’engagement (par exemple, pointage, réponses à des questions du parent) chez l’enfant pré-lecteur est associé à un plus grand apprentissage de mots pendant la « lecture partagée » (Senechal, 1997; Senechal, Thomas & Monker, 1995) Ces comportements des enfants ne sont pas spontanés mais influencés par les comportements des parents Effet possible sur comportement ultérieur de « invented spelling »

Karrass & Braungart-Rieker (2005) étude longitudinale de 87 enfants (classe moyenne) depuis l’âge de 4 mois à 4 mois aucune corrélation avec des scores de langage à 12 ou 16 mois mais à 8 mois corrélation avec langage expressif à 12 mois (12.8% de la variance) et avec langage expressif à 16 mois en contrôlant pour langage à 12 mois (50%); pas avec langage réceptif

Il faut savoir que ce n’est que vers 8 mois que des capacités rudimentaires de compréhension du langage sont en place à 7 mois et demi les bébés reconnaissent des mots familiers dans la parole fluente (Houston & Jusczyk, 2000; Jusczyk & Aslin, 1995) 2 semaines après avoir entendu trois histoires, les bébés de 8 mois discriminent entre les mots entendus dans les histoires et les mots non entendus (Jusczyk & Hohne, 1997)

Karrass & Braungart-Rieker (2005) avantage des filles sur les garçons pour le langage productif cependant, pas de différence de genre pour le langage réceptif, à 12 mois, chez les enfants qui n’avaient pas de lecture partagée 36% des familles); pour ceux qui bénéficiaient de lecture partagée à 8 mois, le score de langage réceptif à 12 mois était plus élevé chez les filles que chez les garçons

Perspective développementale: « emergent literacy » (Clay, 1991) La pratique de la classe doit donner des occasions de communication et peu d’emphase sur l’apprentissage du code. « Cette connaissance (de comment leur langue est représentée dans le système d’écriture) n’est pas l’aboutissement naturel d’une progression développementale; au contraire, elle est habituellement le produit d’instruction et pratique » (Rayner et al., 2001, « How psychological science informs the teaching of reading »p. 36)

Connaissances précoces sur l’écriture: directionnalité segmentation en mots noms des lettres, parfois leurs « sons » Ferreiro et al. (2006): (1) les mots ont au moins 3 lettres; (2) pas de redoublement de lettres Hypothèse syllabique (Ferreiro & Teberosky, 1979, travaux en Amérique latine): correspondance entre syllabes et caractères cohérent avec le fait que les enfants sont capables de segmentation syllabique

Mais: cela ne marche pas en Anglais, le lien se faisant entre les lettres et les noms des lettres (Treiman et al., 1969) dans l’écriture: FRM pour « farm »; U pour « you » B est identifié plus tôt dans « beech » que dans « bone »

Ehri & Wilce (1985): des pré-lecteurs et des lecteurs débutants ont appris des épellations phonétiques simplifiées (par exemple, JRF pour « giraffe ») et des épellations sans relation phonétique mais visuellement plus distinctes (par exemple, uHe pour « mask ») Les pré-lecteurs ont mieux appris les épellations visuellement similaires tandis que les débutants ont mieux appris les phonétiquement proches. Quand ils commencent à apprendre à lire, les enfants passent d’une utilisation de l’information visuelle à une utilisation de l’information phonétique

Treiman & Rodriguez (1999), utilisant une version modifiée de ce paradigme, ont contrasté des mots dont la prononciation contenaient ou non le nom de la lettre (BT pour « beet » vs « bait », et PL pour « peel » vs « pole »). La performance de lecture a été plus élevée pour le premier type de mots.

Ross, Treiman & Bick (2004) enfants 4 ans 8 mois tâche: apprendre de nouvelles orthographes condition « nom »: TZ para « tease »: phonétiquement approprié condition visuelle: un symbole phonétiquement inapproprié Résultats: les enfants qui avaient une plus grande connaissance des lettres étaient meilleurs dans la condition « nom »; et l’inverse pour ceux qui en avaient une faible connaissance Plus il fallait apprendre d’items, plus grand était le bénéfice de la condition « nom » (efficacité de la stratégie analytique)

« one possibility is that the syllabic hypothesis is language-specific » (Tolchinsky, 2004, p. 25) pour le Portugais: Abreu & Cardoso-Martins (1998): connexions partielles entre l’écrit et la parole sur base des noms des lettres

Cardoso-Martins & Batista (2003): dans les langues où les noms des voyelles son entendus dans les syllabes, et puisqu’il y a une seule voyelle par syllabe, les enfants ont tendance à utiliser la voyelle pour écrire la syllabe (en Anglais, les noms des voyelles sont entendus moins fréquemment) Résultats: l’écriture syllabique est plus fréquente chez les enfants qui connaissent les noms des lettres que chez ceux qui ne les connaissent pas, et l’écriture des voyelles est plus fréquente (par exemple, AIA pour « vacina ») —> pour les enfants l’écriture est une représentation de la parole

La connaissance du nom et du son des lettres La conception « puriste » Chall (1967): la connaissance du nom des lettres est un meilleur prédicteur de la compétence future en lecture que le QI, le vocabulaire et la lecture de livres aux enfants

De Jong & Olson (2004) Etude longitudinale de 77 enfants de 4 ans et 6 mois en moyenne: Effet substantiel de la mémoire phonologique (surtout de l’habileté à répéter des pseudo-mots) sur l’acquisition des noms des lettres Les noms des lettres sont des nouveaux mots Il s’agit de construire une représentation en mémoire d’un mot phonologiquement non familier —> l’acquisition de la connaissance des lettres est une forme d’apprentissage de nouveaux mots

Hypothèse: la connaissance du nom des lettres aide les enfants à apprendre la relation « lettre-son », car beaucoup de noms de lettres contiennent le son pertinent Treiman et al. (1994): des enfants à la fin de la 3e maternelle épellent les mots commençant par /w/ avec la lettre Y (« war » - YR) et le justifient par la fait que la lettre Y fait le son /w/ phonèmes tels que /b/ et /l/ mieux épelés que ceux qui ne font pas partie du nom des lettres (/h/ et /g/)

Treiman et al. (1998): enfants de maternelle identification des sons de lettres son initial (b) > son final (f) > absent (h) idem pour l’apprentissage du son des lettres

Share (2004) Les enfants du groupe expérimental ont appris des noms de lettres de l’Anglais pour des pseudo-lettres (moitié contenaient les sons correspondants, l’autre moitié non) )( - ESS et ensuite ils étaient enseignés sur leurs sons Les enfants du groupe contrôle ont appris les mêmes lettres mais associées à d’autres mots )( - BRIDGE

Share (2004) Résultats Gr. Expérim. Gr. Contrôle Sons pertinents 6 Share (2004) Résultats Gr. Expérim. Gr. Contrôle Sons pertinents 6.09 3.14 p<.001 Sons non pertinents 2.43 1.64 N.S.

Milieu socio-économique Haut Bas Connaissance des lettres (%) Maternelle > 40 15 Habiletés phonémiques (%) Maternelle 18.3 2.5 CP 57.5 18.9 CE1 87.5 34.2 Lecture (score brut) Maternelle 1.1 0 CP 11.1 1.9 CE1 38.8 14.7 source: British Journal of Psychology (2000)