Maggy Schneider Université de Liège Didactique des mathématiques : la théorie anthropologique du didactique (Y. Chevallard) 3e partie Maggy Schneider Université de Liège
Praxéologie « modélisation » vs praxéologie « déduction » Quelques définitions d’algèbre linéaire basées sur le produit scalaire :
Praxéologie « modélisation » vs praxéologie « déduction » Cette subordination des concepts à celui de produit scalaire permet de déduire très facilement des théorèmes fondamentaux de géométrie ou de trigonométrie. Ainsi, le théorème de Pythagore :
Praxéologie « modélisation » vs praxéologie « déduction » Exemple des formules d’addition en trigonométrie :
Praxéologie « modélisation » vs praxéologie « déduction » Mais cette subordination relève d’une « inversion didacti-que » (Freudenthal). Dans l’histoire, on savait que : avant de percevoir un « même » calcul derrière toutes ces situations
Démonstration d’une formule d’addition sans produit scalaire
Démonstration d’une formule d’addition sans produit scalaire
Démonstration d’une formule d’addition sans produit scalaire
Quelques réflexions sur ces démonstrations « La démonstration utilisant le produit scalaire est courte, mais il faut pour cela rappeler la notion de produit scalaire, qui n’est pas toujours bien assimilée chez tout le monde. Certains enseignants préfèrent alors la démonstration à partir des distances, qui est un peu plus longue mais qui se démontre à partir de choses simples, sans devoir se référer à d’anciennes notions (mis à part la formule des distances, censée connue) » « La démonstration utilisant le produit scalaire est simple et élégante, mais repose sur une équivalence de formulation vue (? Pas sûr - l’équivalence a bien pu être acceptée telle quelle et non démontrée !) il y a bien longtemps et refait sans le dire la démonstration de l’équivalence » « Un gros avantage de la démonstration basée sur le produit scalaire est qu’elle est aisée à retenir. En fait, elle est basée sur une seule définition. D’où, elle sera sûrement privilégiée dans les classes de plus faible niveau »
A un extrême : une démonstration qui retourne aux « sources » mais néglige les apports positifs des math. modernes
A l’autre extrême : une démonstration qui n’aurait pas pu exister sans la propriété qu’elle prétend démontrer L’écriture exponentielle d’un nombre complexe permet de « compacter » des écritures mais se « justifie » grâce à une analogie de propriétés ou des développements formels en séries qui supposent la propriété à démontrer
Pourquoi les vecteurs (et opérations associées) ? Physique (sens, direction, intensité, point d’application) : forces, vitesses, champ électromagnétique, travail d’une force et produit scalaire, … Mathématiques (n-uples) Démonstration de propriétés géométriques (y compris démonstrations analytiques) Expression des translations ? Construction de plans Fonctions de plusieurs variables Regroupement de données en statistiques descriptives Nombres complexes Algèbre linéaire
Pourquoi les vecteurs (et opérations associées) ? Mais quelle entrée en matière pour les élèves ? Souvent, on part des translations et on évoque des questions de trajets dans un plan mais comment définir « sens » et « direction » à ce stade d’étude en dehors de la physique ? Quasiment jamais, on ne dit aux élèves qu’on cherche à exprimer des configurations géométriques et démontrer leurs propriétés de manière symbolique et calculatoire On se situe difficilement entre physique et algèbre linéaire qui est une théorie « multi-sens »
Pourquoi les vecteurs (et opérations associées) ? 1ère expérience possible d’une démonstration calculatoire : les médianes d’un triangle se coupent en un même point Résoudre le système formé des équations de AM et BN Contrôler que la solution vérifie l’équation de CP Coordonnées paramétrées ou non ?
Pourquoi les vecteurs (et opérations associées) ? Annoncer le but : traduire des configurations géométriques au moyen des coordonnées ou vecteurs. Exemples : Parallélogramme ABCD éventuellement « aplati » : B - A = C - D Milieu M d’un segment EF : (E + F) / 2 Que démontre l’équivalence entre B - A = C - D et (D + B) / 2 = (A + C) / 2 ? Une situation fondamentale d’entrée dans cet univers : trouver le 4ème sommet d’un parallélogramme connaissant les 3 autres
Forme d’un déterminant 3 x 3 Partir d’une définition du déterminant de n vecteurs relativement à une base en termes d’image d’une forme n-linéaire alternée Une alternative possible, parmi d’autres, est d’étudier la compatibilité d’un système linéaire de trois équations à deux inconnues : recherche d’un critère général et non pas résolution d’un système
Forme d’un déterminant 3 x 3 D’une écriture « brute » à la nécessité d’une écriture « mnémotechnique »:
Forme d’un déterminant 3 x 3 Intérêt d’un notation indicée : émergence historique des matrices postérieure à celle des déterminants Caractère « multi-sens » de l’annulation d’un déterminant 3 x 3 : Concourance de droites Coplanarité de points Parallélisme d’une droite et d’un plan Positions relatives de trois plans (toutes sauf plans qui ont un seul point commun) Dépendance linéaire de trois vecteurs…
Praxéologie « modélisation » vs praxéologie « déduction » La subordination de la géométrie à l’algèbre linéaire représente une économie de pensée énorme : e.a. les notions d’orthogonalité et de distance prennent un sens plus large et s’étendent aux espaces fonctionnels (distance chez Fréchet) mais cette subordination se paie du prix de définitions absconses et d’une absence d’articulation entre modélisation et déduction
Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire Schéma standard : on définit la droite et le plan de manière vectorielle on en « déduit » une écriture paramétrique, puis une écriture cartésienne Plusieurs observations montrent que ce schéma soulève des difficultés d’apprentissage habituellement non gérées (Lebeau) et que les registres cartésien et paramétrique doivent être travaillés pour eux-mêmes
Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire L’équation y - 2x - 1 = 0 est celle d’une droite. Or, on cherche l’équation d’un plan. Où est l’erreur de calcul ? Pourquoi faut-il deux équations cartésiennes pour une droite ? On pourrait n’en faire qu’une seule « x = 3 » est la solution d’une équation et pas une équation Je n’ai pas les mêmes équations paramétriques que mon voisin. Qui a juste ? On ne comprend pas ce que faites pour vérifier la coplanarité de 4 points Qui dit que l’addition de 2 vecteurs de l’espace ne conduit pas à un « parallélogramme gauche » ?
Questions de démarrage Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire Essai d’un projet d’enseignement où l’on travaille d’abord les registres cartésien et paramétrique pour « remonter » ensuite au vectoriel Questions de démarrage Décrivez l’ensemble des points de « l’espace » dont les coordonnées (x,y,z) vérifient l’équation : y = -3/2 x + 3 Donnez une équation du plan Oxy
Réactions à l’équation y = -3/2 x + 3 Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire Réactions à l’équation y = -3/2 x + 3 Une première interprétation en termes de droites Un questionnement sur l’absence de z qui conduit à un débat sur le sens d’une équation comme contrainte (vs étiquette) Un passage à l’espace par mouvement, empilement ou projection
Réactions à l’équation y = -3/2 x + 3 Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire Réactions à l’équation y = -3/2 x + 3 Certains élèves continuent à interpréter cette équation comme celle d’une droite : cela reste pour eux l’équation d’une droite « qui bouge »
Réactions à la recherche de l’équation du plan Oxy Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire Réactions à la recherche de l’équation du plan Oxy Difficulté à concevoir la question Difficulté à penser que la liberté ne s’exprime pas :
Ce changement de conception doit exister en analyse aussi Problèmes didactiques soulevés par la subordination de la géométrie analytique 3D à l’algèbre linéaire Le discours sur le nombre de degrés de liberté est intéressant mais suppose un apprentissage en amont qui permettra aux élèves de sortir d’une conception « étiquette » pour rentrer dans la perspective des contraintes et libertés (ces dernières étant « muettes ») Ce changement de conception doit exister en analyse aussi
Une remontée de la géométrie analytique à l’algèbre linéaire Eviter la lourdeur des calculs sur les coordonnées Notation « bipoint » vs notation « vecteur »
Une remontée de la géométrie analytique à l’algèbre linéaire « Vecteur : Elément d’un espace vectoriel […] (Exemples: polynôme, matrice carrée, fonction de classe C1 sur R, progression arithmétique, éléments de R2 ou de R3 appelés vecteurs géométriques). […] Pendant longtemps, on appela vecteurs liés des couples de points de R2 (ou des triplets de R3) et vecteurs libres leurs classes modulo l’équipollence. Aujourd’hui la terminologie s’est précisée; les vecteurs liés (qui ne sont pas des vecteurs !) sont désormais appelés bipoints, le mot vecteur étant réservé aux vecteurs libres » (Bouvier et al., Dictionnaire des mathématiques, PUF, 7e édition de 2005)
Une remontée de la géométrie analytique à l’algèbre linéaire Expressions ambiguës ou sujettes à glissement mental dans l’apprentissage : vecteurs liés, vecteurs égaux, vecteurs consécutifs, vecteurs parallèles, … D’où la nécessité de ménager un apprentissage qui permette de voir des triplets de points de manières multiples (coordonnées, variations de position, vecteur directeur, …)
Une remontée de la géométrie analytique à l’algèbre linéaire Efficacité de la notation « bipoint » grâce au concept de barycentre qui permet de situer un point par rapport à d’autres sans devoir privilégier une origine
Une remontée de la géométrie analytique à l’algèbre linéaire Ici, les écritures vectorielles sont censées modéliser les écritures paramétriques ou cartésiennes Dans la transposition didactique standard, le passage du vectoriel au paramétrique et au cartésien n’est pas vraiment justifié dans l’enseignement secondaire. Il manque une pièce du montage déductif : Tout espace vectoriel E de dimension finie sur un champ K est isomorphe à l’espace Kn des coordonnées (par rapport à une base donnée de E) On observe une praxéologie « à trous » (Rouy) : on laisse tomber les maillons du schéma déductif qui semblent trop difficiles pour les élèves
Praxéologie « modélisation » vs praxéologie « déduction » Dans une praxéologie « modélisation », les tâches majeures consistent à déterminer des grandeurs, mouvements, objets géométriques, … sur base d’intuitions premières et avec les techniques les plus commodes. Ces techniques servent, en fin de parcours, à définir les objets modélisés Dans une praxéologie « déduction », ces mêmes définitions servent, avec des axiomes bien « choisis », de point de départ à un développement déductif Les praxéologies « modélisation » relève d’un premier niveau de rationalité mathématique encore peu identifié (Rouy)