INTOXICATION PAR LES ANTIDEPRESSEURS TRICYCLIQUES DESC de réanimation médicale Décembre 2004 Marie Simon
EPIDEMIOLOGIE 1ère description en 1959 Incidence : 5,3 morts / 100 000 prescriptions Les plus fréquents avec benzodiazépines et paracétamol Mortalité hospitalière importante : jusqu’à 20% dans certaines séries. Au 2ème rang après analgésiques Le plus souvent en cause : dothiepine et amitriptyline Même toxicité cardiaque avec AD tétracycliques (Ludiomil®, Athymil®) Henry JA BMJ 1995
Effets toxiques liés à 4 propriétés pharmacocinétiques : PHYSIOPATHOLOGIE Effets toxiques liés à 4 propriétés pharmacocinétiques : Inhibition de la recapture de la noradrénaline au niveau des terminaisons nerveuses Blocage direct alpha-adrénergique Effet stabilisant de membrane sur le myocarde (canaux sodiques et calciques) Effet anticholinergique
PHARMACOCINETIQUE NORMALE Absorption intestinale rapide Volume de distribution important Liaison importante aux protéines plasmatiques donc longue demi-vie d’élimination (>24 h) Métabolisme hépatique Elimination urinaire : excrétion des métabolites Elle est accrue par acidification urinaire Certains métabolites ont une activité pharmacologique
PHARMACOCINETIQUE DANS INTOXICATION Absorption intestinale retardée du fait du ralentissement du transit par effet anticholinergique Élimination finale prolongée du fait de la re-circulation entéro-hépatique Saturation des enzymes responsables de l’hydroxylation réduction de la liaison protéique en cas d’acidose Co-ingestion massive de neuroleptique entraîne une augmentation de taux de ADT
CLINIQUE Apparition des troubles dans les 4-6 h Apparition plus rapide péjorative Dose ingérée peu prédictive de l’évolution clinique finale : variation pharmacocinétique inter-individuelle Dose < 20 mg/kg : habituellement pas de complication grave ou fatale
Kerr GW Emerg Med J 2001;18:236-241
CLINIQUE : EFFETS ANTICHOLINERGIQUES Fréquents, peuvent aider au diagnostic Habituellement pas de problème clinique sévère Parfois : mégacôlon toxique et perforation intestinale Défaut de sudation entraîne diminution dissipation de chaleur : fièvre Le blocage central cholinergique peut aussi altérer la thermorégulation
ENCEPHALOPATHIE ANTICHOLINERGIQUE Signes centraux Signes périphériques Détresse respiratoire Agitation Somnolence Hallucinations Ophtalmoplégie Hyperthermie Ataxie Trémulations Crises convulsives Coma Hypotension Tachycardie, rarement bloc auriculo-ventriculaire Mydriase bilatérale et vision floue Sécheresse buccale Flush cutané Rétention aiguë d’urine Ralentissement du transit Mégarbane B Orphanet Mars 2003
CLINIQUE : EFFETS CARDIOVASCULAIRES Tachycardie sinusale : le plus fréquent Elargissement des QRS par effet stabilisant de membrane Allongement PR et QT Au maximum bradycardie réfractaire à complexes élargis suivi d’asystolie ou troubles du rythme ventriculaire Hypotension par : Dépression de la contractilité myocardique des résistances périphériques
ELARGISSEMENT DES QRS Prédictif du risque de convulsions et d’arythmie ventriculaire QRS 100 à 160 ms : convulsions dans 30 % des cas risque de troubles ventriculaires faibles 10 % QRS > 160 ms : troubles du rythmes ventriculaires fréquents : 50% Autres indices proposés : amplitude onde R en aVR, rapport R/S en aVR, déviation axiale droite … Boehnert MT NEJM 1985
CLINIQUE : EFFETS SUR SYSTEME NERVEUX CENTRAL Coma peu profond (sauf si BZD), pas de signes de localisation, agitation, Σ pyramidal Coma profond, d’installation rapide : péjoratif Convulsions : précoces et généralisées Série de 316 patients (Starkey 1980) : coma dans 17% des cas mais dans 52% des TS finalement fatales Série de 338 patients (Callaham 1985) : crises convulsives dans 6,2% des cas
EXAMENS BIOLOGIQUES Dépistage en urgence mais Faux positifs : phénothiazines, carbamazépines Faux négatifs : tétracycliques Concentrations plasmatiques : non disponibles en routine. Manque de sensibilité pour détecter les métabolites actifs Acidose souvent mixte
PRISE EN CHARGE Diminution de l’absorption Sels molaires de sodium Traitement anti-arythmique Hypotension Arrêt cardiaque Complications système nerveux central Autres
DIMINUTION DE L’ABSORPTION Non spécifique Lavage gastrique (Clin Toxicol 1997) Charbon activé 1 étude comparative lavage+CA versus CA seul dans intox ADT : pas de différence (Bosse J Emerg Med 1995)
SELS MOLAIRES DE SODIUM Effets bénéfiques de l’utilisation du bicarbonate de sodium Étude de Hoffman sur 91 patients : Hypotension corrigée dans 96% des cas Élargissement des QRS corrigée dans 80% des cas Recommandation : 250 cc de bicarbonate molaire de sodium (84%º) en 30 minutes + 2gr KCl Action alcalinisante Hoffman JR Am J Emerg Med 1993
TRAITEMENT ANTI-ARYTHMIQUE Traitements anti-arythmiques médicamenteux doivent être évités Contre-indication : majoration de la cardio-toxicité Classe Ia (quinidine, procaïnamide …) Classe Ic (flécaïne) Risque avec amiodarone (III) Β-bloquants (II) et Vérapamil (IV) non recommandés : majoration hypoTA Phénytoïne (Ib) possible mais discutée Sulfate de magnésium CEE en cas de TV ou FV
HYPOTENSION Remplissage vasculaire Si échec : catécholamines avec effet α-adrénergique prédominant NA ou A Dobutamine : potentiellement arythmogène et peut majorer hypoTA par stimulation β2 périphérique Exploration hémodynamique : écho cœur ou cathétérisme
ARRET CARDIAQUE Prise en charge non spécifique MAIS : Réanimation prolongée Succès tardifs possibles : cas rapportés après 3 et 5 heures Du fait du métabolisme et redistribution des tricycliques avec le temps : diminution des effets sur le myocarde
SYSTEME NERVEUX CENTRAL Contre-indication du Flumazénil Traitement des convulsions : Souvent limitées Benzodiazépines +/- phénobarbital Intubation si coma
AUTRES TRAITEMENTS Inefficacité de l’épuration extra-rénale : Volume de distribution important Forte liaison aux protéines Fab spécifiques anti-tricycliques Efficacité sur toxicité cardiaques dans modèles animaux Quantité très importante nécessaire Utilisation limitée par coût et toxicité rénale Assistance ventriculaire externe, ballon de contre-pulsion intra-aortique …
SURVEILLANCE Complications majeures : dans les 6 h après l’ingestion Si ingestion > 6 h et asymptomatique : pas d’admission en réanimation Monitorage cardiaque +++ : jusqu’à 12 à 24 h après la normalisation de l’ECG
CONCLUSION Manque de preuves formelles pour PEC : Petites séries chez l’homme Modèles animaux Risque pour enfants +++ Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine +++ (Henry JA BMJ 1995) Taux de décès le plus faible comparé au nombre de prescriptions 2,02 par millions de prescriptions contre 34,14 pour les ADT Faible différence d’efficacité