VERS UN SYSTEME UNIVERSEL DE RETRAITE Les départs anticipés : pénibilité, inaptitude et invalidité Janvier 2019
La prise en compte de la pénibilité
La reconnaissance de la pénibilité dans la retraite Les précédentes réformes des retraites ont conduit à la mise en place de plusieurs dispositifs de départ anticipé ayant pour objectif de compenser les conséquences d’une exposition à un facteur de risque professionnel. Selon les régimes, la prise en compte diffère cependant sensiblement. Pour les salariés, plusieurs facteurs de risques professionnels sont pris en compte dans la retraite : Par le compte professionnel de prévention : les environnements agressifs (facteurs de pénibilité : températures extrêmes, bruits intenses, milieu hyperbare) et certains rythmes de travail contraignants (facteurs de pénibilité : travail de nuit, horaires alternants, travail répétitif); Par la retraite pour incapacité permanente (pénibilité 2010, modifiée en 2016) : les contraintes physiques marquées (port de charges lourdes, postures pénibles, exposition à des vibrations), ainsi que les risques chimiques. Dans les régimes spéciaux, des dispositifs spécifiques de départ anticipés venant compenser la dangerosité ou la pénibilité de certains métiers tels que les catégories actives et leurs équivalents ont été créés (cf. séquence ultérieure de discussion)
Le compte professionnel de prévention Ouvert aux salariés de droit privé, il s’inscrit dans une logique de prévention des risques liés à une exposition à des facteurs de risques professionnels pouvant entrainer des conséquences durables sur la santé. Le C2P permet l’acquisition de points utilisables, au choix de l’assuré, en formation professionnelle, dispositif de temps partiel ou départ anticipé à la retraite. Le compte est limité à 100 points, soit 25 années d’exposition à un facteur (4 points par an ; 8 points en cas de multi-exposition). En matière de retraite, chaque tranche de 10 points ouvre droit à un trimestre de majoration de durée d’assurance dans la limite de 8 trimestres. Les trimestres de majoration de durée d’assurance s’ajoutent au nombre total de trimestres reportés au compte de retraite du bénéficiaire et permettent notamment d’anticiper l’âge du taux plein. A la demande de l’assuré, ces trimestres peuvent également permettre un départ avant l’âge légal minimal à due concurrence du nombre de trimestres de majoration de durée d’assurance du compte de prévention qui ont été attribués, soit à 60 ans pour 8 trimestres.
Le compte professionnel de prévention Les premiers retours montrent que plus de 800 000 salariés (RG, MSA-SA) ont été déclarés exposés au titre de la pénibilité en 2016, dont 675 000 environ au titre des six facteurs de pénibilité qui subsistent.
La retraite pour incapacité permanente Elle concerne les régimes des salariés du privé et les régimes agricoles (salariés et non salariés) et s’inscrit dans une logique de réparation. Elle est ouverte aux assurés ayant une lésion résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ayant entrainé une incapacité d’au moins 10%, avec 17 ans d’exposition, ou une incapacité d’au moins 20%. La retraite pour incapacité permanente a été élargie en 2017 aux quatre facteurs de pénibilité non pris en compte au titre du C2P. Pour ces 4 facteurs, la condition de durée d’exposition n’est pas exigée mais l’incapacité doit résulter d’une maladie professionnelle (et non d’un AT). Elle permet : un départ à la retraite dès 60 ans le bénéfice du taux plein, quelle que soit la durée d'assurance acquise La volumétrie demeure limitée : 4000 assurés environ en ont bénéficié en 2017 dans les régimes général et agricole. A terme, avec l’élargissement aux facteurs de pénibilité, ce dispositif pourrait concerner jusqu’à 10 000 salariés / an.
le financement des dispositifs de pénibilité Retraite pour incapacité permanente Compte professionnel de prévention* Financement Contribution de la branche AT/MP financée par la cotisation AT/MP via la majoration M4 Coût (2017) 67 M€ 3 M€ d’utilisation des droits (le dispositif est en début de montée en charge) Evaluation pour 2040 2,5 Mds € (évaluation du PJL de 2014 sur la base des 10 facteurs de pénibilité du C3P et pour les 3 modalités d’utilisation du compte) * Depuis le 1er janvier 2018, le financement du C2P est à la charge de la branche AT-MP par le biais d’une majoration de cotisation mutualisée à l’ensemble des entreprises
La prise en compte de la pénibilité Comment adapter les conditions d’ouverture des droits pour les assurés bénéficiant d’un départ anticipé au titre du C2P ou de l’incapacité permanente dès lors que la durée d’assurance n’est plus un critère de calcul de la pension dans un système en points ? Les trimestres acquis au titre du C2P doivent-ils être réservés à la seule anticipation de l’âge légal minimal ? Peuvent-ils conduire, alternativement au départ anticipé et sur option de l’assuré, à une majoration de la pension ? Doit-on envisager des mécanismes de correction des effets du départ anticipé sur le montant de la pension en appliquant des paramètres de liquidation équivalents aux paramètres applicables à un âge supérieur?
INAPTITUDE ET INVALIDITE
La retraite pour inaptitude au travail et invalidité L’invalidité et l’inaptitude donnent lieu aujourd’hui à des conditions d’attribution d’une pension et des règles de calcul qui varient significativement entre les régimes.
La retraite pour inaptitude au travail et invalidité Pour les salariés, les indépendants et les régimes agricoles, la pension de retraite au titre de l’inaptitude au travail ou de l’invalidité permet de bénéficier du taux plein dès l’âge légal, quelle que soit la durée d’assurance effective. Il s’agit, pour les départs en retraite au titre de l’inaptitude : des personnes reconnues inaptes au travail et qui se trouvent définitivement atteintes d’une incapacité de travail dont le taux est au minimum de 50 % ; mais également d’autres catégories de personnes, réputées inaptes, notamment les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés. Les départs en retraite au titre de l’invalidité concernent les titulaires d’une pension d’invalidité. Durant la durée de perception de sa pension d’invalidité l’intéressé bénéfice pour chaque période de 90 jours en invalidité de l’attribution d’un trimestre de durée d’assurance. Dès l’atteinte de l’âge de 62 ans, la pension de retraite se substitue à la pension d’invalidité. En 2017, dans le régime général, 52 500 pensions ont été attribuées en substitution d’une pension d’invalidité, 46 000 au titre de l’inaptitude
La retraite pour inaptitude au travail et invalidité Pour la fonction publique et les régimes spéciaux, l’invalidité est traitée dans le cadre de la retraite quel que soit l’âge ou le taux d’invalidité de l’assuré; Un fonctionnaire atteint d’une invalidité dont le caractère permanent et stabilisé a été reconnu, qu’elle résulte ou non de l’exercice des fonctions, et qui se trouve dans l’incapacité d’exercer ses fonctions, peut être mis à la retraite. La pension d’invalidité (ou pension de réforme) est équivalente à la pension rémunérant les services, c’est-à-dire la pension de retraite. Aucune décote n’est toutefois appliquée. Du fait de départs précoces, les bénéficiaires d’une pension de retraite pour invalidité bénéficient plus que la moyenne du minimum garanti Départ pour invalidité dans la fonction publique – flux 2016 (sources : SRE – CNRACL) FPE FPT FPH nombre de départs 2458 4176 1909 hommes 36,70% 42,20% 21,30% femmes 63,30% 57,80% 78,70% Age moyen de départ 56,7 ans 54,6 ans 55,8 ans Durée d'assurance tous régimes (en trim) 139 146 147 Bénéficiaires du MIGA 24,20% 67,40% 55,40%
La retraite pour inaptitude au travail et invalidité Dans un système universel, doit on maintenir des spécificités liées à l’affiliation professionnelle en matière de prise en compte de l’inaptitude et de l’invalidité ? Peut-on envisager de faire bénéficier les fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux des mêmes avantages que les salariés en matière d’invalidité ? Doit-on envisager des mécanismes de correction des effets du départ anticipé sur le montant de la pension en appliquant des paramètres de liquidation équivalents aux paramètres applicables à un âge supérieur?