Etude prospective des TMS : déterminants professionnels et facteurs pronostiques des TMS des membres supérieurs (programme ANR SEST 06-36 et InVS) Roquelaure Y, Bodin J
Introduction Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) Hypersollicitation des tissus mous péri articulaires (muscles, tendons, nerfs, …) liée à l’activité professionnelle Syndrome douloureux et gêne fonctionnelle Principaux TMS: Douleurs non spécifiques Tendinopathies (épaule, coude, poignet-main) Syndromes canalaires (coude, canal carpien) Multifactoriel Maladies liées au travail Problème majeur de santé au travail 1ère cause de maladie professionnelle en Europe Contexte d’intensification du travail et de vieillissement de la population active européenne
Objectif Projet niché dans le programme de surveillance des TMS dans les entreprises des Pays de la Loire (InVS) Phase d’inclusion 2002-2004 Phase de suivi 2007-2010 Objectif 1 : enrichir les connaissances théoriques sur les déterminants des TMS et leur passage à la chronicité Modélisation du risque de TMS Pronostic professionnel des TMS Objectif 2 : évaluer l’apport des connaissances épidémiologiques pour la prévention des TMS en entreprise Evaluation de la valeur diagnostique des enquêtes épidémiologiques au regard de l’approche ergonomique des TMS.
Méthodes Constitution de la cohorte COSALI Période d’inclusion : 2002 – 2004 83 médecins du travail volontaires (18 % des médecins de la région) Sélection aléatoire des salariés Critères d’inclusion Visite périodique de médecine du travail Agés de 20 à 59 ans Entreprise privée ou publique localisée dans les Pays de la Loire Echantillon globalement représentatif de la population salariée des Pays de la Loire suivie en médecine du travail 3710 salariés (2 161 hommes et 1 549 femmes) Age moyen: 38 ± 10 ans Diversité des professions, secteurs d’activité et statuts professionnels Suivi de la cohorte COSALI (2007-2010)
Cohorte COSALI: caractéristiques de salariés suivis Auto-évaluation santé et conditions de travail (2007): 2 332 salariés (1 313 hommes et 1 019 femmes) Age moyen: 44 ± 10 ans Taux de suivi: 62,9 % (67,1 % hors exclus suivi) Perdus de vue: Changement d’adresse et décès Non réponse: hommes, jeunes, secteur privé, statut précaire, absence de TMS Diagnostic clinique des TMS par le médecin du travail (2007-2010): 1 611 salariés (921 hommes et 690 femmes) Age moyen: 45 ± 9 ans Taux de suivi: 43,4 % (63,3 % hors exclus suivi) Perte d’emploi (chômage, retraite) Changement de médecin du travail et difficultés de suivi Non suivis: < 30 ans ou > 55 ans, secteur privé, statut précaire, absence de TMS
Auto-questionnaire Questionnaire standardisé de type Nordique sur les symptômes musculo-squelettiques Données socio-professionnelles Conditions de travail : Critères du consensus européen SALTSA (Sluiter et al., 2001) Facteurs biomécaniques (bras en l’air, flexion du coude, …) Facteurs psychosociaux (modèle « demande – autonomie ») Facteurs organisationnels Polyvalence, connaître les tâches de la journée, … Devenir professionnel (phase de suivi uniquement) Qualité de vie (SF-36) (phase de suivi uniquement)
Examen clinique Examen clinique codifié Démarche du consensus européen SALTSA (Sluiter et al., 2001) Arbres diagnostiques Standardisation des tests cliniques Formation des médecins du travail 6 principaux TMS du membre supérieur Syndrome de la coiffe des rotateurs Epicondylite latérale Syndrome du tunnel cubital (coude) Syndrome du canal carpien Tendinite des fléchisseurs et des extenseurs de la main et des doigts Ténosynovite de De Quervain (pouce) Phase d’inclusion 2002-2004 et de suivi 2007-2010
Statistiques descriptives Régressions logistiques Analyse statistique Statistiques descriptives Régressions logistiques Binaire Multinomiale (exemple : pas de douleurs/douleurs sans TMS/douleurs avec TMS)
Résultats (1) Surveillance des TMS en entreprise Avoir au moins un des 6 TMS : 12,7 % SCR : 7,4 % * * : p < 0,05 Les principaux TMS du membre supérieur ont été décrits selon le sexe, l’âge, le secteur d’activité et la catégorie socio-professionnelle. (+ femmes, + âgés, ouvriers et The 5 economic sectors with the highest prevalence for women were the rubber and plastic industries, the steel industry, agriculture, machine and equipment industries, and paper and printing industries. For men, prevalence was highest in the automotive and transport industries, public administration, steel industry, construction and transport, and communications.) 12,7% (n=472) des salariés déclaraient 1 des 6 principaux TMS (243 hommes 11,2% et 229 femmes 14,8%). (Article avec données 2002-2003) 54,0% (n=2000) des salariés déclaraient des symptomes du membre sup (1114 hommes 51,6% et 886 femmes 57,3%). Roquelaure Y., Ha C., Leclerc A., Touranchet A., Sauteron M, Melchior M, et al. Epidemiological Surveillance of Upper Extremity Musculoskeletal Disorders in the Working Population: the French Pays de la Loire Study. Arthritis Rheum 2006; 55: 765-78
Résultats (2) Facteurs associés aux 6 principaux TMS Roquelaure Y, Ha C, Rouillon C, Fouquet N, et al. Risk factors for upper-extremity musculoskeletal disorders in the working population. Arthritis Rheum 2009;61:1425-34.
Résultats (3) Facteurs associés au syndrome de la coiffe des rotateurs (SCR) (OR et IC 95%) Hommes Femmes Soumis à Occup Environ Med
Résultats (4) Facteurs associés aux douleurs simples et au SCR Résultats présentés chez les hommes (OR et IC 95%) Différence significative entre les OR de : douleurs de l’épaule sans SCR et douleurs de l’épaule avec SCR
Résultats (5) Facteurs associés aux douleurs « incidentes* » de l’épaule au cours des 7 derniers jours Hommes Femmes * Douleurs de l’épaule présentes au cours des 7 derniers jours en 2007 chez des sujets indemnes de douleur de l’épaule lors de la phase d’inclusion
Résultats (6) Prévalence des TMS diagnostiqués Phase d’inclusion (2002-2004) Phase de suivi (2007-2010)
Résultats (7) Devenir médical des salariés souffrant d’un SCR
Taux d’inactivité selon les symptômes et TMS de la phase initiale Résultats (8) Devenir professionnel des salariés en 2007 88 % actifs même entreprise même poste (66 %), autre poste (20 %), autre entreprise (14 %) 12 % inactifs retraite (51 %), chômage (18 %), invalidité-arrêt maladie (17 %) Taux d’inactivité selon les symptômes et TMS de la phase initiale Différence significative p<0,0001 2002-2004
Discussion - Conclusion Originalité de l’étude Echantillon diversifié représentatif des salariés d’une région Etude prospective Evaluation TMS: douleur et diagnostic clinique Evaluation des principaux facteurs de risque potentiels de TMS Caractère multifactoriel des TMS Poids important des facteurs individuels non ou peu modifiables Poids non négligeable des facteurs professionnels modifiables biomécaniques, psychosociaux, organisationnels Modèles de risque différents selon les localisations Pronostic médical contrasté Forte prévalence des douleurs récurrentes ou persistantes «Guérison» d’une proportion importante de SCR: caractère cyclique ? Retentissement important des TMS Parcours professionnel Qualité de vie
Principales publications obtenues Roquelaure Y. Workplace intervention and musculoskeletal disorders: the need to develop research on implementation strategy. Occup Environ Med. 2008;65(1):4-5. Descatha A, Roquelaure Y, Caroly S, et al. Self-administered questionnaire and direct observation by checklist: comparing two methods for physical exposure surveillance in a highly repetitive tasks plant. Appl Ergon. 2009;40(2):194-8. Roquelaure Y, Ha C, Rouillon C, et al. Risk factors for Upper-Extremity Musculoskeletal Disorders in the Working Population. Arthritis Rheum. 2009;61(10):1425-34. Coutarel F, Vézina N, Berthelette D, et al. Orientations pour l’évaluation des interventions visant la prévention des troubles musculo-squelettiques liés au travail. PISTES. 2009; 11(2). Petit Le Manac'h A, Roquelaure Y, Ha C, et al. Risk factors for De Quervain’s disease in the working population. Scand J Work Environ (en revision) Roquelaure Y, Bodin J, Ha C, et al. Personal, Biomechanical and Psychosocial Risk Factors for Rotator Cuff Syndrome in the Working Population. Occup Environ (soumis). Bodin J, Roquelaure Y, Ha C, et al. Comparison of personal and occupational risk factors for shoulder pain and rotator cuff syndrome in the working population. (soumis). Roquelaure Y, Chiron E, Ha C et al. Coiffe des rotateurs et travail : la poursuite de l’activité professionnelle est-elle possible ? Les résultats de la cohorte COSALI. La lettre du rhumatologue, 2008;347: 20-22. Chiron E, Roquelaure Y, Ha C, et al. Les TMS et le maintien en emploi des salariés de 50 ans et plus : un défi pour la santé au travail et la santé publique. Santé Publique. 2008, 20(3):S19-S28. Bodin J, Ha C, Deschamps B, et al. Cervicalgies : résultats de la surveillance épidémiologique des TMS dans les entreprises des Pays de la Loire - Facteurs de risque de cervicalgies dans la population salariée des Pays de la Loire. In Fouquet et al., Cervicoscapulalgies professionnelles. Collection de pathologie locomotrice, Elsevier Masson, 2010.
Diapos non présentées
Analyses en cours TMS-MS, tendinopathies de la coiffe des rotateurs et du coude et syndrome du canal carpien diagnostiqués cliniquement Modélisation du risque de cas incidents et de cas récurrents Impact sur la qualité de vie Douleurs multiples incidentes Schémas cliniques Pronostic médical Pronostic professionnel Valeur diagnostique de l’approche épidémiologique pour l’intervention ergonomique de prévention des TMS
Analyses en cours TMS-MS, tendinopathies de la coiffe des rotateurs et du coude et syndrome du canal carpien diagnostiqués cliniquement Modélisation du risque de cas incidents et de cas récurrents Impact sur la qualité de vie Douleurs multiples incidentes Schémas cliniques Pronostic médical Pronostic professionnel Valeur diagnostique de l’approche épidémiologique pour l’intervention ergonomique de prévention des TMS
Apport des connaissances épidémiologiques pour la prévention des TMS en entreprise Objectifs Confronter les apports réciproques de l’ergonomie et de l’épidémiologie pour la prévention des TMS Montrer leur complémentarité et de tenter d’expliquer les limites actuelles des interventions ergonomiques en entreprise.
1. Les limites de la prévention des TMS Manque d’efficacité ou de durabilité des interventions de prévention des TMS (Daniellou et coll., 2008) Quel modèle d’intervention ergonomique ? Initialement focalisé sur les dimensions biomécaniques des TMS Progressivement plurifactorielle pour embrasser la dimension psychologique, sociale et organisationnelle des TMS (Bourgeois et coll., 2006). Approches ergonomiques et épidémiologiques des TMS rarement conjuguées Approches multidimensionnelles de la santé au travail (Laville, 1995, Volkoff, 2006). Efficacité probablement supérieure (groupe Cochrane)
2. Le modèle épidémiologique des TMS : les limites de la prévention en entreprise Prédiction du risque de TMS en milieu de travail Combinaison de facteurs de susceptibilité individuelle et de déterminants biomécaniques, psychosociaux et organisationnels liés au travail. Certains déterminants des TMS sont modifiables par l’intervention en milieu de travail alors que d’autres non. Robustesse et précision croissante des modèle (Van Rijn et al., 2010) Proportion de TMS attribuable à l’activité professionnelle limitée Seule une fraction de cas survenant chez des sujets fortement exposés aux contraintes professionnelles est théoriquement évitable. Des interventions idéalement efficaces ne pourraient pas réduire totalement l’incidence des TMS (Roquelaure et coll., 2009). → première explication à l’inefficacité relative des interventions en entreprise Prévention doit non seulement viser à réduire leur incidence, mais aussi à réduire la chronicité des troubles et à améliorer la qualité de vie des travailleurs souffrant de TMS.
3. Qui est myope, l’épidémiologie ou l’ergonomie ? Limites de la modélisation épidémiologique des TMS Vision épurée n’appréhendant pas assez la complexité des situations de travail et le contexte entreprises (Vezina, 2001; Daniellou et coll., 2008) L’entreprise moyenne ou typiques avec des travailleurs moyens et des risques moyens n’existe pas Portée limitée dans le champ de l’intervention Modélisation du risque essentiellement centré sur le sujet Peu de prise en compte des dimension organisationnelles Modèle générique non située alors que toute action de prévention est nécessairement située, singulière, adaptée à l'état des acteurs spécifiques. Plus centrée sur la compréhension des phénomène que sur l’intervention Rares travaux d’évaluation, peu d’intérêts sur la conduite de projet d’intervention. Peu de données épidémiologiques sur les déterminants des déterminants des facteurs de risque
3. Qui est myope, l’épidémiologie ou l’ergonomie ? (2) Comment développer la recherche épidémiologique sur les déterminants des déterminants ? Quelles sont les modalités précises de l’organisation de la production et du travail qui imposent au sujet de porter les bras en hauteur de manière répétitive? Déterminants des déterminants leviers d’action pour réduire l’exposition aux facteurs de risque identifiés par l’épidémiologie Enjeu du diagnostic ergonomique (Bellemare et coll., 2002) Développer des méthodologies épidémiologiques permettant d’aborder l’influence des déterminants des déterminants directs des TMS Préciser la proportion de cas évitables par des interventions ergonomiques.
Choix de questionnaires très sensibles 4. Limites liées aux usages effectifs des questionnaires par les acteurs de la prévention en entreprise ? Utilisation de l'outil questionnaire sans en maîtriser les enjeux (intérêts et limites) Insuffisance de compétences pour réaliser les saisies et traitements associés Choix de questionnaires très sensibles Production de résultats culpabilisants et effrayants pour les employeurs qui se désengagent Frein possible à la prévention Absence de démarche cohérente le sens de l'outil ne peut être apprécier qu'un regard d'une démarche Non respect des procédures CNIL et de la confidentialité
En résumé Dangers de l'application aveugle des connaissances issues de l'épidémiologique à des fins d'intervention : résultats très utiles pour définir des tendances populationnelles, mais l'action en entreprise ne se déroule jamais dans l'"entreprise moyenne" ou l' "entreprise type" décrite. Connaissances épidémiologiques sont utiles à la prévention permettent de formuler des hypothèses en amont de l'action, mais celle-ci ne peut jamais se dédouaner d'un diagnostic précis des situations de travail concernées, spécifiques et singulières
Annexes
Schéma d’organisation de la cohorte SCR = Syndrome de la coiffe des rotateurs
Résultats (1) Surveillance des TMS en entreprise Les symptomes MS et les principaux TMS du membre supérieur ont été décrits selon le sexe, l’âge, le secteur d’activité et la catégorie socio-professionnelle. (+ femmes, + âgés, ouvriers et The 5 economic sectors with the highest prevalence for women were the rubber and plastic industries, the steel industry, agriculture, machine and equipment industries, and paper and printing industries. For men, prevalence was highest in the automotive and transport industries, public administration, steel industry, construction and transport, and communications.) 12,7% (n=472) des salariés déclaraient 1 des 6 principaux TMS (243 hommes 11,2% et 229 femmes 14,8%). (Article avec données 2002-2003) 54,0% (n=2000) des salariés déclaraient des symptomes du membre sup (1114 hommes 51,6% et 886 femmes 57,3%). Roquelaure Y., Ha C., Leclerc A., Touranchet A., Sauteron M, Melchior M, et al. Epidemiological Surveillance of Upper Extremity Musculoskeletal Disorders in the Working Population: the French Pays de la Loire Study. Arthritis Rheum 2006; 55: 765-78; * données 2002-2003 uniquement.
Résultats (8) Devenir professionnel des salariés
Prévalence des TMS en fonction de l’âge
Prévalence des douleurs musculo-squelettiques au cours des 7 derniers jours (2007) Phase d’inclusion (2002-2004) Phase de suivi (2007-2010)
Devenir médical des salariés souffrant d’une douleur 7dj
Prévalence des douleurs et TMS lors de la phase de suivi: standardisation sur l’âge Hommes Femmes Ensemble SMR Chi 2 AQ Epaule 1,01 NS 1,15 ** 1,08 * Coude 1,04 1,14 1,09 Poignet/main 1,17 1,13 1,16 *** Doigts 1,10 0,95 1,02 Poignet/main/Doigts 1,11 1,05 Haut du dos 0,99 0,98 Bas du dos 1,06 Membre inférieur EC SCR 0,88 0,94 EPI 0,75 0,92 SCC 0,57 0,8 au moins un des 6 TMS 1,1
Facteurs associés à la ténosynovite de De Quervain
Facteurs associés aux cervicalgies au cours des 7 derniers jours
Prévalence des TMS diagnostiqués Hommes Femmes Ensemble n % Syndrome de la coiffe des rotateurs 73 8,2 66 10,0 139 8,9 142 6,6 132 8,5 274 7,4 Epicondylite latérale 30 3,4 16 2,4 46 3,0 51 39 2,5 90 Syndrome du tunnel cubital 12 1,5 11 1,9 23 1,7 0,7 14 0,9 0,8 Syndrome du canal carpien 1,6 32 5,0 3,1 62 4,0 113 Tendinites des extenseurs/fléchisseurs des doigts et du poignet 6 1,0 18 1,4 19 10 29 Ténosynovite de De Quervain 8 1,1 2,1 20 13 0,6 45 1,2 Au moins un des six principaux TMS 117 15,1 111 19,2 228 16,9 243 11,2 229 14,8 472 12,7
Exposition professionnelle aux principales contraintes biomécaniques (2007)
Recherche d’une forme symptomatique du Syndrome de la coiffe des rotateurs
4D 4G
Recherche d’une forme avérée du Syndrome de la coiffe des rotateurs