Modalité de prescription et de surveillance de l’alimentation artificielle Docteur Jean-Pierre FULGENCIO Département d’Anesthésie - Réanimation Chirurgicale Hôpital TENON
M. B… motard casqué est percuté par un véhicule léger traumatisme crânien avec amnésie de l’accident aux urgences, polypnée, défense abdominale, hypoxémie et anémie
instabilité hémodynamique splénectomie d’hémostase en postop : hémodynamique stable, hypoxémie prise en charge postop ? sédation ventilation antibiothérapie jeûne jusqu’à correction des GdS sédation ventilation anticoagulation nutrition entérale
Nutrition entérale précoce et traumatologie 10 20 NE NPT % de patients * Infections majeures Infections mineures * = p < 0,03 Moore FA et al J Trauma 1989;29:916-922 Kudsk KA et al Ann Surg 1992;215:503-511
Nutrition entérale : quelques gouttes suffisent kcal g NE 500 1000 1500 2000 2500 2 4 6 8 10 12 14 16 * NPT * NS -2 Apports E à J5 Apports N à J5 Balance N à J5 * = p < 0,01 Moore FA et al J Trauma 1989;29:916-922
infections en traumatologie Houdijk P Lancet 1998;352:772-776 Glutamine entérale infections en traumatologie 4 8 12 16 20 pneumonies bactériémies glutamine témoin nombre de patients * * = p < 0,05
M. A… 30 ans, turque, sans antécédent œsophagectomie segmentaire sans plastie, pour tumeur bénigne sonde gastrique, drain pleuro-médiastinal hémorragie postopératoire en SSPI : 2 litres de sang dans le drain thoracique arrêt spontané du saignement, transfusion de 2 culots globulaires en réanimation hémodynamique stable RT : plèvre et médiastin normaux prescription postop ? analgésie par PCA de morphine antibiothérapie jeûne jusqu’à J7 (opacification) analgésie par cathéter paravertébral pas d’antibiothérapie NE par SNG jusqu’à J7 (opacification)
Nutrition entérale précoce versus parentérale étude randomisée multicentrique 317 patients dénutris de chirurgie digestive haute ou colique nutrition dans les 24 h (à J1) Durée de séjour * 10 20 30 40 50 60 Complications totales infectieuses Effets secondaires digestifs NE NPT * = p < 0,05 Bozzetti F, et al. Lancet 2001;358:1487-1492
à J7 : opacification œsophagienne normale en TDM à J10 : patient asymptomatique mais apparition d’opacités pulmonaires droites
prise en charge ? hydratation jeûne strict antibiothérapie NPT jeûne oral strict drainage pleural antibiothérapie NE par SNG
M. C… 54 ans est transféré de clinique pour des douleurs abdominales apparition brutale la veille au soir hyperalgique, fébricule à 37,8°C examen abdominal pauvre hyperamylasémie, hyperleucocytose, CRP à 150
prise en charge ? aspiration gastrique hydratation analgésie par lidocaïne IVSE antibiothérapie prophylactique NPT hydratation analgésie par titration de morphine associée à une péridurale pas d’antibiotique NE jéjunale
Nutrition entérale précoce et pancréatite aiguë I NPT 4 8 12 16 $ 1000 2000 3000 4000 5 10 15 20 * nombre de patients * pourcentage * Infections Complications Coût Infections nosocomiales * = p < 0,05 Kalfarentzos J Br J Surg 1997;84:1665-1669 McClave SA JPEN 1997;21:14-20
Nutrition entérale précoce et pancréatite aiguë II Adm SIRS 7 j mg/l nombre CRP 50 100 150 200 2 4 6 8 10 12 * * NE NPT NE NPT * = p < 0,05 Windsor ACJ Gut 1998;42:431-435
Mme C… 80 ans adressée par les urgences pour décompensation acido-cétosique d’un diabète encéphalopathie avec Glasgow 10, interrogatoire impossible glycémie au doigt à 20 mmol/l désaturation à 85 % malgré 02, hypotension, marbrures
prise en charge ? VNI furosémide dobutamine jeûne remplissage intubation furosémide NPT remplissage intubation adrénaline antibiothérapie jeûne
indications de la NE en réanimation indications de la NE = indications de la NA 1- dénutrition avérée quelle qu’en soit la cause (à l’admission ou acquise) 2- prévention de la dénutrition incapacité à subvenir aux besoins nutritionnels jeûne oral prolongé (> 3-4 jours) ingestas insuffisants agression sévère (polytraumatisme, sepsis sévères) 3- traitement étiologique (TD = point de départ du MOF) 1- état de choc 2- occlusion non opérée 3- fistule digestive haute non shuntée contre-indications de la NE 1- jeûne oral < 3 jours 2- fin de vie non-indications de la NE
indications de la NPT n’existe presque pas = contre-indications de la NE complément de la NE
Les apports en pratique adaptés aux besoins énergétiques au mieux, déterminés par calorimétrie indirecte évalués par la formule de Harris et Benedict H : 66,473 + (13,752 x P) + (5,003 x T) - (6,755 x A) F : 665,096 + (9,562 x P) + (1,850 x T) - (4,676 x A) P = poids [en kg] ; T = taille [en cm] ; A = age [années] facteur de correction de 1,1 - 1,4 calculés empiriquement homme 25-30 kcal/kg/j femme 20-25 kcal/kg/j
Les macronutriments glucides glucose ; 60 à 70 % des apports non protéiques au moins 150 g (cerveau, hypoglycémie) 150 à 400 g/j lipides 30 à 40 % des apports non protéiques AG essentiels ; TCM ; oléate ; W3 150 à 250 g/j protides 0,2-0,3 g N/kg/j AA essentiels
Les micronutriments vitamines liposolubles A, D, E (K) vitamines hydrosoluble B1 (600 mg), B6 (200 mg) C (500 mg), folates 5 mg Cernevit® oligoéléments Zn, Se, Cu, Mg,… Décan® électrolytes Na+, K+, Cl-, Ca2+, Mg2+, P(-)
Voie d’administration voie entérale toujours avantages : favorise la trophicité des villosités intestinales favorise la reprise de la motricité intestinale diminue la translocation bactérienne évite les complications liées à la nutrition parentérale réduit le coût de la nutrition contre-indications absolues : contre-indications relatives : ...
Mme C… 80 ans SDRA avec choc septique sur pneumopathie à pneumocoque à J2 : adrénaline 2 mg/h, FiO2 0,8 PEP 10 cmH2O nutrition ? oui, en site gastrique, par sonde en place (matériel biocompatible) produit ? produit standard 1 kcal/ml semi-élémentaire, hypocalorique, hyperprotidique, immunonutriment supplémentation ? oui, électrolytes, vitamines, oligo-éléments (jusqu’à 1,5-2 l/j) mode ? continu sur 24 heures débit ? 1 l/j, augmentation toutes les 6 à 24 heures, de 12 à 24 ml/h
à J4 : adrénaline 1 mg/h, FiO2 0,8 PEP 15 cmH2O vomissement ! surveillance ? position proclive à 30°, position Rx de la sonde mesure du résidu gastrique : 1 à 6 fois /jour, arrêt si résidu ≥ 150 ml vomissement encore ! NPT ? gastroparésie érythromycine 250 mg x 4/j IVL positionnement post-pylorique (jéjunum) ulcère, œsophagite fibroscopie (IPP) « posturage » en décubitus ventral NPT ? ne pas arrêter la NE diarrhée ! NPT ? participation osmotique, ajouter NaCl Clostridium difficile ? ralentisseur du transit baisser le débit diarrhée encore ! NPT ? oui inadéquation prescription/administration => échec
à J8, échec de la NE => NPT voie périphérique voie centrale osmolarité ≤ 800 mosmol/l sans limite durée < 5 jours sans limite solutés produits ternaires poches souples simples ou tricompartimentés quantité calorique 780 à 2300 kcal rapport G/L 70 / 30 à 46 / 54 type d’AG TCL ou oléate supplémentation
surveillance poids, diurèse fixation de la prothèse, point de ponction du KT ionogramme, NFS, bilan hépatique TG, chol RT position de la prothèse (sonde, KT) glycémie
Le contrôle de la glycémie en réanimation chirurgicale étude randomisée monocentrique sur 1500 patients 200 à 300 g de glucose dès J1 ± nutrition artificielle insuline IV pour glycémie libérale (10 - 11,1 mM) ou stricte (4,4 - 6,1 mM) séjour > 5j stricte libérale 4 8 12 16 20 % de décès * * = p < 0,05 VM > 14j % de patients septicémies 2 6 10 Van den Berghe G N Engl J Med 2001;345:1359-1367
situations particulières insuffisance rénale aiguë augmentation de la production d’urée => EER insuffisance respiratoire aiguë TCL augmente la PAP et baisse la PaO2(Venus B Chest 1989;95:1278-1281 ) glucose augmente la VCO2 Talpers SS Chest 1992;102:551-555 100 200 300 DEB 1,5 2 50 150 250 p < 0,05 ml/min G L 40 60 20 75 5 1
Conclusion dénutrition ? perte protéique quotidienne respiratoire 10 20 30 40 50 60 70 % mortalité respiratoire circulatoire rénale hépatique Fagon JY Intensive Care Med 1993;19:137-144 dénutrition ? perte protéique quotidienne perte N moyenne sur 7 jours en chirurgie réglée 85 g 150 g/j de glucose 43 g 0,16 g/kg.j N 30 g 0,16 g/kg.j N + 800 kcal/j
Conclusion au minimum, limite le catabolisme au mieux, améliore le pronostic nutrition précoce 24 à 48 heures après l’admission stabilisation des fonctions vitales préférer la voie entérale jéjunale > gastrique associer les voies d’administration contrôler la glycémie