Le choix du législateur français et le principe de non discrimination

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Transcription de la présentation:

Le choix du législateur français et le principe de non discrimination Présentation du droit positif français à l’occasion du séminaire Prédictivité, tests génétiques et assurance organisé lors de la XXXIII ème réunion du Comité directeur pour la bioéthique (3-5 décembre 2007)

Introduction : 1- Contexte issu des lois bioéthiques du 29 juillet 1994 La loi française applicable au recours aux tests génétiques en matière de contrat d’assurance a connu une élaboration en plusieurs étapes de 1994 à 2002. Dès 1994, le législateur a introduit une disposition encadrant les finalités des tests génétiques dans le code civil. Selon l’article 16-10 de celui-ci, «L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique». Une ambiguïté demeurait quant à la portée exacte de ce texte à l’endroit de l’utilisation en matière d’assurance des données génétiques. Compte tenu du rôle déterminant qu’a joué dans son élaboration Bernard Kouchner, alors ministre de la santé. années en matière de droit des personnes.

Introduction:2-Existence d’un moratoire de la FFSA et intervention du CCNE Cette ambiguïté était à certains égards renforcée par l’existence d’un moratoire de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), qui s’était engagée à ne pas tenir compte des résultats des tests génétiques subis par l’assuré, même en cas de communication spontanée par celui-ci. Dans un avis du 30 octobre 1995, le Comité d’éthique français (CCNE) a souligné les risques attachés à toute utilisation des informations génétiques à des fins de sélection ou de discrimination dans la vie sociale ou économique, que ce soit dans les domaines de la santé, de l’emploi ou des assurances.

Introduction : 3 - l’étape décisive constituée par la loi du 4 mars 2002 A la suite d’une première mesure prise en 1999, à l’occasion d’une loi instaurant une couverture maladie universelle, c’est dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite «Loi Kouchner » que le législateur a choisi d’intervenir à nouveau, pour régler d’une manière plus définitive la question des relations du contrat d’assurance avec les tests génétiques.

Introduction: 4 - Caractère dérogatoire de la loi La loi du 4 mars 2002 déroge à certains des principes constituant le droit commun du contrat d’assurance, alors même que ces principes restent applicables à l’ensemble des autres données et examens de santé (y compris, on le verra, lorsque ceux-ci sont révélateurs de «risques aggravés »). En conséquence, je serai amené à rappeler d’abord les principes régissant le droit commun de la déclaration de risques relative aux données de santé (I), avant d’exposer, pour tenter d’en éclairer le sens, la dérogation applicable aux données résultant d’examens génétiques. (II)

Seront envisagés successivement à cet égard : Première partie : Principes de droit commun applicables à la déclaration de risques relative aux données de santé Seront envisagés successivement à cet égard : A - Les principes découlant de la loi : B - Certaines adaptations à ces principes de nature conventionnelle (Convention AERAS 1 ) . (1) L’acronyme A.E.R.A.S. signifie s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé

I - Principes de droit commun applicables à la déclaration de risques relative aux données de santé A - Obligations s’imposant au souscripteur : obligation de loyauté et sa sanction, obligation plus particulière de renseigner un questionnaire, B - Principes concernant plus particulièrement l’assureur : faculté de compléter son information, en prenant diverses initiatives, obligation de respecter le secret médical, faculté d’accepter ou de refuser de garantir le risque ainsi que d’imposer une surprime.

I - A - 1 - Obligation de loyauté I - A -1-1- Sens du principe : On retrouve en matière de contrat d’assurance de personne mettant en jeu la santé de celle-ci, l’obligation de déclaration loyale du risque, inhérente à tout contrat d’assurance. Celle-ci constitue un aspect de l’obligation de bonne foi qui s’impose de manière générale en matière contractuelle. Mais elle est également une conséquence du caractère nécessairement aléatoire d’un contrat d’assurance. Ce caractère, rappelé à l’article 1964 du code civil, signifie que seul un risque dépendant d’un événement incertain peut être garanti.

I - A - 1- Obligation de loyauté I - A -1-2- Sanctions de l’obligation : Le code des assurances distingue : la réticence ou fausse déclaration intentionnelle de l’assuré (art. L. 113-8 du code des assurances), sanctionnée par la nullité du contrat sans restitution des primes, et l’omission ou déclaration inexacte (art. L 113-9 du code des assurances), supposant la bonne foi de l’assuré et sanctionnée, au choix de l’assureur, soit par la résiliation du contrat, soit par une augmentation de prime ou, selon les cas, une réduction de l’indemnité. Bien distinguer nullité et résiliation du contrat: - réticence ou fausse déclaration intentionnelle : tout se passe comme si l'assuré n'avait jamais été garanti. - omission ou inexactitude : même si le contrat est résilié pour l'avenir, l'assuré bénéficie de la garntie jusqu'à cette résiliation.

I - A - 2 - L’obligation de répondre exactement au questionnaire de l’assureur C’est la forme revêtue par l’obligation de loyauté en droit des assurances français depuis une réforme du 31-12-1989. Selon l’article L. 113-2 2° du code des assurances, le questionnaire a pour objet les « circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». Conséquences de la nature limitative du questionnaire : Qu’il soit de bonne ou mauvaise foi, l’assuré ne peut se voir reprocher son silence à propos d’une donnée médicale à propos de laquelle il n’a pas été précisément interrogé ; De même, l’assureur ne peut se prévaloir de ce qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise ; En revanche, l’assuré doit répondre même si la question concerne un risque exclu de la garantie.

I - B - Principes concernant plus particulièrement l’assureur : I - B- 1- Faculté de l’assureur de compléter l’information que lui fournit le questionnaire : Cette faculté peut s’exercer moyennant diverses initiatives : le service de santé de l’assureur peut solliciter des informations auprès du souscripteur lui-même, il peut demander à celui-ci de fournir un certificat médical, il peut demander au souscripteur de se soumettre à un ou plusieurs examens médicaux complémentaires, voire à un bilan médical.

I - B - Principes concernant plus particulièrement l’assureur : I-B- 2- Obligation de l’assureur de respecter le secret médical: maintien du secret médical lors de la recherche d’informations : La relation entre le médecin traitant et le médecin conseil, qui n’a aucun but thérapeutique, ne peut conduire à un partage des données médicales couverts par le secret. maintien du secret médical lors de l’utilisation des informations : Le médecin conseil n’a pas à délivrer d’éléments médicaux à l’assureur, ses conclusions relatives à l’évaluation du risque prenant une forme administrative à l’exclusion de toute motivation médicale.

I - B - Principes concernant plus particulièrement l’assureur : I - B- 3- L’assureur est libre : d’accepter ou de refuser de garantir le risque, de limiter sa garantie au moyen de clauses d’exclusion visant des maladies clairement définies, d’imposer une surfacturation de la prime en fonction de l’évaluation du risque à laquelle il procède. En d’autres termes, l’assureur est habilité à procéder à une sélection des risques.

I - B - Les adaptations conventionnelles des principes : la Convention A.E.R.A.S (« s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé ») La Convention Belorgey datant de 2001 a constitué en France une première expérience d’intervention d’une convention dans le domaine de l’accès au crédit et à l’assurance, en cas de risque de santé aggravé. La loi du 4 mars 2002, modifiée dans sa forme par une loi du 31 janvier 2007, a posé aux articles L. 1141-2 à L. 1141-4 du code de la santé publique, le principe selon lequel les pouvoirs publics, les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit, les entreprises d’assurance et les organisations agréées d’usagers du système santé doivent conclure une convention nationale dont objet est de faciliter la souscription des contrats d’assurance lorsque ceux-ci conditionnent l’octroi de crédits à des souscripteurs présentant un risque aggravé de santé (du fait d’un handicap ou d’une maladie). D’où la Convention A.E.R.A.S signée à la mi 2006 et entrée en vigueur au début 2007.

I-B-1-Mécanisme de la convention AREAS La convention, suppose la mise en œuvre par les assureurs et les banques d’un mécanisme de mutualisation permettant, sous condition de ressources des souscripteurs, de limiter le coût additionnel pour ceux-ci de leurs risques aggravés (pour l’assurance décès et invalidité liée à des crédits professionnels ou destinés à l’achat d’une résidence principale). Les demandes de crédit et les demandes d’assurance qui leur sont liées font l’objet, en cas de refus, d’un examen à plusieurs niveaux successifs : par l’assurance de groupe souscrite par la banque, par le service médical d’une assurance de groupe non liée à la banque, par les experts médicaux d’un groupe d’assurances collectives. Une telle convention n’a pas pour effet d’exclure tout refus d’assurance ou de crédit, mais de limiter à un nombre résiduel marginal ces refus.

Deuxième partie

II - Dérogation applicable en matière de déclaration de risques relative à des données résultant d’examens génétiques Cette dérogation, qui prend d’abord la forme d’une interdiction de toute utilisation de données issues de tests génétiques, figure à l’article L. 1141-1 du code de la santé publique (reproduit dans plusieurs autres codes et notamment à l’article L. 133-1 du code des assurances : Art. L. 1141-1 - Les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d’invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci.

Article L. 1141-1 du code de la santé publique (article L Article L. 1141-1 du code de la santé publique (article L. 133-1 du code des assurances) « Les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d’invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci ». La portée de l’article L. 1141-1 englobe l’interdiction datant de 1999 et est seul utile pour cette présentation.

II - A- Champ d’application de l’article L. 1141-1: La question est à la fois celle du champ d’application exact de la dérogation (II -A) et celle de son fondement si on la réfère à la législation sanctionnant la discrimination (II - B). II - A- Champ d’application de l’article L. 1141-1: 1°) quant aux catégories de contrats, 2°) quant aux catégories d’informations concernées, 3°) quant aux modalités de mise à disposition des données,

1°) Champ d’application de l’article L 1°) Champ d’application de l’article L. 1141-1 quant aux catégories de contrats : L’interdiction s’applique à : - tout contrat d’assurance décès, quel qu’en soit le montant, - toute complémentaire de santé venant s’ajouter au système de protection sociale obligatoire et couvrant la maladie, le handicap, la dépendance, la perte des revenus du travail, - tout contrat couvrant l’invalidité et le décès et constituant la condition ou l’accessoire d’un contrat de crédit.

2°) Champ d’application de l’article L 2°) Champ d’application de l’article L. 1141-1 quant aux catégories d’informations concernées: L’interdiction s’applique à toute information constituant le résultat d’un test génétique, que ce test ait été réalisé avant la souscription du contrat, lors de sa formation, ou pendant sa durée d’exécution, qu’il l’ait été à l’initiative du souscripteur ou à la suite d’une demande implicite ou explicite de l’assureur. Elle ne s’applique pas aux données correspondant à : - des paramètres biologiques, des symptômes cliniquement constatés, ou des résultats d’examens biologiques, - des antécédents personnels ou familiaux. Pour les données appartenant à cette second ensemble, l’obligation de loyauté contractuelle s’applique.

2°) Champ d’application de l’article L 2°) Champ d’application de l’article L. 1141-1 quant aux catégories d’informations concernées (suite): La notion de « test génétique » doit cependant être envisagée ici dans un sens strict. Ce sens correspond à celui de la notion d’« examens des caractéristiques génétiques d’une personne ». C’est en effet sous cette dénomination que le droit français désigne les examens portant sur le génome codant de l’individu. L’extension exacte de cette notion est définie par les articles R. 1131-1 et R. 1131-2 du code de la santé publique, ainsi que par un arrêté du ministre de la santé, ces textes étant actuellement en cours d’adaptation (pour mieux tenir compte de la révision des lois bioéthiques intervenue avec la loi du 6 août 2004).

3°) Champ d’application de l’article L 3°) Champ d’application de l’article L. 1141-1 quant aux modalités de mise à disposition des données: Il s’agit enfin d’une interdiction s’appliquant à : - toute investigation qu’est susceptible de mener l’assureur, par le biais du questionnaire de santé, ou par tout autre moyen, - aussi bien aux investigations de l’assureur qu’à toute communication spontanée éventuelle émanant du souscripteur. Le législateur a marqué ainsi son souhait d’éviter une discrimination positive

II - B - Fondement de l’interdiction d’utilisation des données issues de tests génétiques: L’interdiction trouve son sens si on en resitue la portée par rapport à la législation française relative à la discrimination. Il convient de prendre en compte à cet égard à la fois l’application particulière du principe de non discrimination aux caractéristiques génétiques et la forme générale de ce principe. II - B -1- Lien avec le principe interdisant les discriminations fondées sur les caractéristiques génétiques : Le lien entre interdiction de recourir aux données issues des tests génétiques et principe de non discrimination est manifeste dans la mesure où la loi du 4 mars 2002, en même temps qu’elle posait cette interdiction, a introduit dans le code civil un article 16-13 nouveau, selon lequel « Nul ne peut faire l’objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques ».

II - B - 2 - Lien avec le principe général de non discrimination Sous sa forme générale, la législation française sur la discrimination est une législation de nature pénale. Il faut en effet chercher aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal les deux éléments cumulatifs de définition de la discrimination. Une difficulté propre à cette notion tient par ailleurs, comme on le verra, aux exceptions introduites par l’article 225-3, qui a dû être également modifié par la loi du 4 mars 2002.

Définition générale de la discrimination : 1°) Eu égard aux fondements de la discrimination Sous cet aspect, la définition résulte de l’article 225-1: Art. 225-1 - Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La référence aux caractéristiques génétiques a été introduite par la loi du 4mars 2002.

Définition générale de la discrimination : 2°) Eu égard aux activités ou décisions offrant la matière de discriminations Art. 225-2 - La discrimination définie à l’article 225-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste : 1°) à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service; 2°) à entraver l’exercice d’une activité économique quelconque; 3°) à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne; 4°) à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1; 5°) à subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1; 6°) à refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale. Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Définition générale de la discrimination : 3°) restrictions du champ de la définition eu égard à certaines opérations. Art. 225-3 [forme antérieure à la loi du 4 mars 2002]: les dispositions de l’article précédent [art. 225-2] ne sont pas applicables : 1°) aux discriminations fondées sur l’état de santé, lorsqu’elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture d’un risque décès et des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité […….] 2°) [discriminations fondées sur l’inaptitude médicalement constatée en matière d’embauche ou de licenciement ]; 3°) [discriminations fondées, en matière d’embauche, sur le sexe dans les cas où l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue la condition déterminante de l’exercice d’un emploi ou d’une activité professionnelle].

Définition générale de la discrimination : 3°) restriction du champ de la définition relative aux opération d’assurance Art. 225-3 [forme postérieure à la loi du 4 mars 2002]: les dispositions de l’article précédent [art. 225-2] ne sont pas applicables : 1°) aux discriminations fondées sur l’état de santé, lorsqu’elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture d’un risque décès et des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ; toutefois ces discriminations sont punies des peines prévues à l’article précédent lorsqu’elles se fondent sur la prise en compte de tests génétiques prédictifs ayant pour objet une maladie qui n’est pas encore déclarée ou une prédisposition génétique à une maladie. [ajout du législateur du 4 mars 2002]

II - B - Fondement l’interdiction d’utilisation des données issues de tests génétiques: Il est possible de résumer les incidences sur le contrat d’assurance de la loi relative à la discrimination comme suit : - la potentialité de discriminations existe pour toutes les données de santé et ne se limite pas aux données génétiques; - une exception au champ de la discrimination rend licite l’utilisation de données de santé dans le contrat d’assurance; - toutefois, par exception à cette exception, le recours à des données résultant de tests génétiques s’avère bien constitutif d’une discrimination. Pourquoi une telle distinction entre données de santé et données génétiques?

II - B - 1 - Spécificité des données issues de tests génétiques par rapport aux autres données de santé: Les données génétiques prédictives sont, juridiquement, irréductibles à des données de santé originaire. Sauf dans l’hypothèse particulière où elles constituent le résultat d’un test à finalité de diagnostic, les données génétiques, envisagées dans leur dimension prédictive, ne constituent en effet pas le reflet objectif d’un état de santé. Elles constituent une anticipation ou une prévision relative à un état de santé futur. Cette anticipation laisse place à des degrés de certitude différenciés et comporte une part d’aléa éminemment variable selon les pathologies faisant l’objet du test et selon les dispositifs de tests. La donnée résultant d’un test prédictif ne peut donc être traitée juridiquement comme celle qui résulte d’un constat biologique ou d ’une investigation reposant sur une technique d ’imagerie (même s’il existe des examens biologiques ou des investigations par imagerie présentant un caractère prédictif).

I - B - 2 - La prédictivité des données génétiques n’est pas exclusive de tout aléa Le droit se doit de prendre en compte le caractère complexe et surdéterminé des causalités auxquelles a affaire la génétique : aléas liés à ce qu’une pluralité de gènes sont susceptibles d’interréagir; aléas liés à la somme des facteurs susceptibles de moduler l’expression des gènes, qu ’ils soient imputables à l ’épigénèse embryonnaire, à l’environnement, ou à des comportements individuels ou culturels ; aléas temporels liés, en cas de maladie monogénique, à l’incertitude de la durée s’écoulant entre le test prédictif et l’apparition de la maladie.

Conclusion (1): une prise de position juridique du législateur Les normes bioéthiques sont fréquemment l’expression de réponses du législateur dans l’urgence à la révélation d’avancées de la technologie ou à celle de dérives. Rien de tel avec la loi du 4 mars 2002. Un moratoire était en cours et avait été renouvelé. Nous avons donc affaire ici à un pur choix de principe du législateur. Celui-ci a fait le choix, pour une catégorie de données circonscrite, de faire prévaloir le principe de non discrimination sur l’obligation de loyauté. Etaient en balance, d ’un côté, le risque de certaines atteintes au principe de loyauté et, de l’autre, le double risque de sélections portant sur un nombre indéterminé de maladies ou de prédispositions, tant par les compagnies d’assurance que par les souscripteurs eux mêmes, faisant valoir qu’ils sont exempts de tel ou tel risque.

Conclusion (1): une prise de position juridique du législateur (suite) En présence d’une telle balance d ’intérêts contraires, un pluralisme des solutions nationales et donc des choix législatifs est assurément possible. Le choix du législateur français a notamment pris en considération : le caractère non réductible aux autres données de santé des données génétiques, du fait de leur caractère anticipatif et de l’incertitude, dans des proportions non connues, de leur valeur prédictive. la particularité du contrat d’assurance qui tient à ce qu’il permet l’accès à d’autres contrats (crédit). Le fait que le principe de non discrimination est un principe fondamental du droit des personnes : il est permis de penser à cet égard que son application ne doit ni être conditionnée à des effets de seuil (ce qui voudrait dire qu’il s ’applique seulement en dessous d ’un certain montant garanti), ni circonscrite à certaines catégories de contrats (il pourrait alors par exemple s’appliquer à l’assurance maladie et non à l’assurance décès).

Conclusion (2) : une prise de position du législateur dont le sens n’est pas seulement juridique mais sociétal On ne saurait cependant faire abstraction dans cette prise de position, de certains préalables renvoyant à une conception de l’homme : Il importait que l’aval du droit ne soit pas donné inconsidérément à la certitude génétique : l’humanité de l’homme, prise en compte par le juriste pour réguler les contrats, n’est pas inscrite dans les gènes. Il importe alors particulièrement de ne pas conforter dans la sphère contractuelle une vision déterministe de l’homme. Il importait de prendre en compte la montée en puissance à l’avenir de l’offre de tests génétiques et le risque que soit ainsi débordée leur finalité médicale. Je pense ici aux tests en accès libre. Il importait aux yeux du législateur de ne pas encourager cette offre par la consécration juridique de possibilités de recours à ces tests hors la sphère médicale.