Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Pierre Delion Professeur de pédopsychiatrie Faculté de Médecine Lille 2 Novembre 2011
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale La relation médicale La relation médecin-patient est actuellement en pleine mutation. Mettant en avant les droits de l’individu, notre société souhaite faire évoluer la relation médecin-patient d’un modèle « paternaliste » vers un modèle d’ « autonomie ».
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Confronté à la maladie, l’homme réagit sur le plan affectif La psychologie médicale étudie les craintes du sujet malade, la souffrance psychique générée par sa situation et la façon dont il s’adapte à la maladie suivant ses traits de personnalité. L’annonce d’un diagnostic grave, la perte de fonction qu’engendre une maladie chronique, la douleur physique sont de véritables traumatismes. Plus qu’un simple stress, c’est un bouleversement du monde, bouleversement face auquel le sujet doit opérer une reconstruction.
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale La réaction du sujet face à ce traumatisme peut être : L’adaptation La régression et la dépendance La banalisation de la maladie ou son déni Les réactions narcissiques Les réactions dépressives Les réactions persécutives L’isolement et le retrait
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Les comportements du sujet face à la maladie dépendent de son histoire propre : Tout entretien clinique doit toujours comporter des questions sur les événements qui ont pu marquer l’histoire du sujet (événements de vie) : la recherche des antécédents médicaux n’est qu’une partie de cette investigation qui doit rechercher aussi bien les traumatismes antérieurs (réels et psychiques) que les événements professionnels et familiaux, naissances, deuils, séparations, tous les facteurs éventuels de stress et les réactions adaptatives que ces événements passés ont eux-mêmes engendré chez le sujet et son entourage.
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale La relation médecin-malade La relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de nombreux facteurs, individuels et socio-culturels. De même que le malade réagit à sa maladie en fonction de sa personnalité propre, le médecin réagit face à son malade par un certain nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui dépendent de sa personnalité et de son histoire, et qui sont susceptibles d’infléchir le cours de la relation thérapeutique
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Les particularités psychiques du médecin Le choix individuel de la profession Il s’explicite par des motivations conscientes sous-tendues par des mobiles plus inconscients. Ainsi les désirs de voir, comprendre, savoir, toucher, pouvoir sont sous tendus par les forces pulsionnelles plus inconscientes telles que : voyeurisme, sadisme, masochisme.. Les désirs conscients de soulager, se rendre utile, réparer, sont sous tendus par l’impératif de réparation résultant des tendances agressives et sadiques. Comment faire la part des choses?
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale M. Balint (1896-1970), psychanalyste hongrois, a développé une modalité originale d’approche de la relation médecin-malade. Ces travaux sont issus de quelques constatations : · Il existe un certain nombre d’insuffisances de la médecine traditionnelle, qui étudie plus les maladies que les malades, · Un tiers de l’activité professionnelle d’un médecin généraliste ne relève que d’une action psychothérapeutique, · La relation médecin-malade s’organise entre 2 pôles extrêmes de domination et de soumission auxquels correspondent le pouvoir du médecin et la fragilité du malade.
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son action est médiatisée par un médicament. Ainsi, une meilleure maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre au médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui aura des vertus curatives. C’est l’objectif des « Groupes Balint » consacrés à l’approche en groupe des diverses problématiques relationnelles médecin-malade. Sur quels concepts psychanalytiques se base-t-il pour ce faire?
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale RAPPEL DES PRINCIPAUX CONCEPTS PSYCHANALYTIQUES UTILES Freud 1856-1939 Affect, pulsion et transfert Les trois points de vue sur le fonctionnement psychique et les instances Les deux principes du fonctionnement psychique et leur équilibre
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Affect : tout état affectif pénible ou agréable, vague ou qualifié, qu’il se présente sous la forme d’une décharge massive ou comme tonalité générale Plaisir, satisfaction, sérénité, déplaisir, tension, souffrance, angoisse Donc quand on est malade : affects
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Pulsion : processus dynamique consistant dans une poussée (1) qui fait tendre l’organisme vers un but. Elle a sa source (2) dans une excitation corporelle qui entraîne un état de tension. Son but (3) est de supprimer cet état de tension et c’est grâce à l’ objet (4) que la pulsion peut atteindre son but.
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Le dualisme pulsionnel selon Freud Les deux pulsions de vie et de mort, Eros et Thanatos : Eros pousse le sujet à constituer des liens avec autrui, à les maintenir et favorise la liaison de la pulsion avec les représentations Thanatos s’oppose à Eros et tend à ramener à l’inanimé. C’est une force de déliaison et de dissociation du lien à l’autre
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale La pulsion investit le corps au fur et à mesure du développement de l’enfant : les stades oral, anal… Il arrive que des blocages dans le développement fixent la pulsion à certains stades (fixation), Voire conduisent à une régression La relation médecin malade actualise l’état pulsionnel par le transfert
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Le transfert La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert. Il s’agit des réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard de son médecin. Dans le cadre de la relation médecin-malade la fragilité du malade est actualisée et il va projeter sur la personne du médecin ce qu’il attend inconsciemment de lui comme dans son enfance il a reçu ou non d’un père, d’une mère, d’un ami, d’un ennemi, ce qu’il désirait. Le malade va ainsi répéter avec son médecin des situations conflictuelles vécues dans son passé. Le transfert peut être positif ou négatif Tenir compte de cette relation permet d’aider le malade sans confondre les plans professionnels et affectifs personnels Ce qui aide le médecin c’est la réflexion sur sa relation au malade
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Le contre-transfert Le contre-transfert est constitué par les réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin vis à vis de son patient. Ce contre-transfert et très directement lié à la personnalité et à l’histoire personnelle du médecin. Le plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant une relation médecin-malade de qualité caractérisée par l’empathie du médecin et une action thérapeutique efficace. Une relation médecin-malade de qualité fait référence au fait que le médecin s’identifie au patient et comprend sa situation tout en étant capable de garder une certaine distance vis à vis de lui, distance requise par l’objectivité nécessaire à la prise de décisions thérapeutiques. Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité et des frustrations excessives pour le malade peut être à l’origine d’échecs de la relation thérapeutique. Ne pas en tenir compte peut conduire à des passages à l’acte
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale C’est dans cette relation de transfert/contre-transfert que le médecin peut apprécier l’état du malade évoqué plus haut : isolement, persécution, agressivité, sentiment amoureux…et en ayant approché la signification (participation à un groupe Balint), ne pas y répondre en miroir, mais l’aider à retrouver son autonomie en appui sur sa démarche empathique. Cette attitude préserve la démarche médicale scientifique par ailleurs
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Les trois points de vue sur le fonctionnement psychique Le point de vue dynamique : « ça fait bouger » l’appareil psychique est le siège de forces en conflit, qui opposent désirs et défenses. Les conflits sont dynamiques et inconscients et les forces en conflit sont d’origine pulsionnelle. Ex: j’apprend une grave maladie et mon médecin est comme un père pour moi. Mais si je me laisse aller trop longtemps à ce sentiment, je perds mon désir d’être autonome par rapport à lui et je risque de tomber sous son emprise comme avec mon propre père
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Le point de vue topique : « où ça se passe? » étudie les différents « lieux » de l’appareil psychique et leurs rapports (topique vient du grec, topos, lieu). Le mot « topique » renvoie à une description de l’appareil psychique. Freud a élaboré deux topiques : 1ère topique : conscient, préconscient et inconscient (1900) 2ème topique : ça, moi et surmoi (1920).
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Dans la relation médecin malade, la maladie entraîne une régression du moi, donc le malade peut présenter des aspects infantiles inconscients, mais ce n’est pas un enfant Il est important de faire appel à sa « partie saine » pour soigner ensemble sa « partie malade »
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Le point de vue économique postule une circulation d’énergie au sein de l’appareil psychique. L’économique correspond à la force des investissements et des désinvestissements de soi ou d’autrui (l’objet). La relation de confiance est un investissement positif du médecin, mais qui peut se faire au détriment d’un désinvestissement du malade
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Les deux principes du fonctionnement de la vie psychique Le principe de plaisir-déplaisir : l’ensemble de l’activité psychique a pour but d’éviter le déplaisir et de procurer le plaisir ( fantasme et régression) Le principe de réalité : s’impose progressivement comme régulateur, et la satisfaction est obtenue en fonction des conditions imposées par la réalité ( de la maladie). Le moi tente de réaliser un compromis entre les deux principes.
Bases psychanalytiques de la psychologie médicale Conclusion Pour exercer le métier de médecin, il faut distinguer pour mieux les articuler les aspects scientifiques et humains de la relation médicale On ne peut choisir l’un des deux seulement Pour mieux approcher l’aspect humain, les bases psychanalytiques peuvent être utiles pour en comprendre les enjeux et disposer de moyens de les travailler concrètement