Nouvelles approches aux bureaucratic politics

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Transcription de la présentation:

Nouvelles approches aux bureaucratic politics Groupe de recherche « Sociologie de la Politique Étrangère » (SPE) Nouvelles approches aux bureaucratic politics La politique américaine de contrôle des exportations vers la Chine Acteurs et processus Hugo Meijer Lecturer, Defence Studies Department, King’s College London Docteur associé au CERI/Sciences Po

Plan de la présentation Les apports de Graham Allison et Morton Halperin Les critiques à l’approche bureaucratique Sociologie de la décision et politique étrangère Synthèse des résultats empiriques de l’article : « US Defense Technology Exports to China. A Sociology of Decision Making »

(1) Les apports de Graham Allison et Morton Halperin Remise en cause de l’État comme acteur unitaire et rationnel, et de l’anthropomorphisation de l’État

(1) Les apports de Graham Allison et Morton Halperin Remise en cause de l’État comme acteur unitaire et rationnel, et de l’anthropomorphisation de l’État Décomposition de l’État en un conglomérat de larges organisations bureaucratiques en compétition

(1) Les apports de Graham Allison et Morton Halperin Remise en cause de l’État comme acteur unitaire et rationnel, et de l’anthropomorphisation de l’État Décomposition de l’État en un conglomérat de larges organisations bureaucratiques en compétition Mise en évidence de la non-cohérence des intérêts poursuivis par les États dans l’élaboration de leur politique étrangère

(1) Les apports de Graham Allison et Morton Halperin Remise en cause de l’État comme acteur unitaire et rationnel, et de l’anthropomorphisation de l’État Décomposition de l’État en un conglomérat de larges organisations bureaucratiques en compétition Mise en évidence de la non-cohérence des intérêts poursuivis par les États dans l’élaboration de leur politique étrangère Les décisions des gouvernements ne sont pas le résultat d’un calcul coûts/bénéfices d’un acteur unitaire et rationnel ; elles sont le plus souvent le produit du « pulling and hauling » (« tirage et halage ») entre individus et organisations ayant des perceptions et des intérêts distincts et souvent divergents

Trois « modèles » originairement distincts Allison (1969 ; 1971) avait proposé trois modèles d’analyse : Modèle de l’acteur rationnel : l’État est un acteur unitaire et rationnel qui évalue et choisit parmi les différentes options à sa disposition sur la base d’un calcul coûts/bénéfices Modèle des processus organisationnels : les décisions en politique étrangère sont produites par de larges organisations qui agissent selon des règles et des modes opératoires standardisés (SOP) Modèle de la politique bureaucratique (ou du marchandage politique) : les décisions sont le produit de négociations et de marchandages entre individus, groupes d’individus et organisations

La fusion des Modèles II et III Cette tripartition classique, et notamment la dichotomie entre routine administrative et marchandage politique, a longtemps masqué le fait que dès 1972 Graham Allison et Morton Halperin ont fusionné les Modèles II et III « Organizations can be included as players in the game of bureaucratic politics, treating the factors emphasized by an organizational process approach as constraints ». Allison G., Halperin M., 1972, « Bureaucratic Politics: A Paradigm and Some Policy Implications », World Politics, vol. 24, p. 40.  les processus organisationnels (Modèle II) sont donc relégués au statut de contraintes dans le « jeu » du marchandage politique (Modèle III)

Erhard Friedberg et l’interdépendance des trois modèles d’Allison Friedberg E., 2000, « Comment lire les décisions ? », Cultures & Conflits, 36 Complémentarité et interdépendance non seulement des Modèles II et III, mais plus largement des trois modèles initialement proposés par Allison

Erhard Friedberg et l’interdépendance des trois modèles d’Allison Friedberg E., 2000, « Comment lire les décisions ? », Cultures & Conflits, 36 Complémentarité et interdépendance non seulement des Modèles II et III, mais plus largement des trois modèles initialement proposés par Allison Les différents modèles renvoient à trois dimensions interdépendantes de l’action que Graham Allison « cantonne abusivement » dans chacun de ses trois modèles : Modèle I : le calcul Modèle II : les règles et les routines Modèle III : la négociation et l’interaction

Il est possible de « situer les trois modèles sur un continuum de situations où l’importance des objectifs et du calcul des acteurs irait en décroissant et le poids des règles en augmentant » : Le modèle I : un « acteur souverain » Le modèle III : un « acteur négociateur » Le modèle II : un « acteur réglé (ou passif) »

(3) Critiques à l’approche bureaucratique « Le nombre de publications qui adoptent le modèle bureaucratique rivalise avec le nombre d’études qui critiquent les postulats de ce même modèle ». Morin J.-F., 2013, Analyse de la politique étrangère. Théories, Méthodes et Références, Armand Collin, p. 202. Robert Art, 1973, « Bureaucratic Politics and American Foreign Policy: A Critique », Policy Sciences, Vol. 4, No. 4 (Dec., 1973), pp. 467-490 Dan Caldwell, 1977, « Bureaucratic Foreign Policy Making », American Behavioral Scientist, 1977, Vol. 21, No. 1 Bastien Irondelle, 2003, Gouverner la défense : analyse du processus décisionnel de la réforme militaire de 1996, Thèse de doctorat, Institut d’études politiques Lawrence Freedman, 1976, « Logic, Politics and Foreign Policy Processes: A Critique of the Bureaucratic Politics Model », International Affairs, 1976, Vol. 52, No. 3, pp. 437-441 Nelson Michaud, 1996, « Graham Allison et le paradigme bureaucratique : vingt-cinq ans plus tard est-il encore utile ? », Etudes internationales, Vol. 27, No. 4

(3) Critiques à l’approche bureaucratique Quid des interactions entre les bureaucraties et les acteurs non- bureaucratiques ? En se limitant exclusivement aux acteurs bureaucratiques, le BPM sous-estime l’influence des acteurs parlementaires, des groupes de pressions, des médias, etc. Une sociologie de la décision appliquée à l’étude de la politique étrangère ne peut se limiter à l’étude des processus organisationnels et bureaucratiques de l’exécutif, mais doit s’intéresser à l’éventail d’acteurs étatiques et non-étatiques qui participent à la définition d’une politique Alden et Aran : « the BPM should be exploited more modestly to provide a conceptual lense to examine the intra-governmental level » Alden C., Aran A., 2012, Foreign Policy Analysis. New Approaches, Routledge, p. 41.

La sociologie de la décision cherche à appréhender les interactions contextualisées entre la multiplicité d’acteurs qui façonnent un processus décisionnel => i.e. les acteurs bureaucratiques et les autres acteurs susceptibles d’influencer les processus décisionnels (parlementaires, les groupes d’intérêt, etc.) Cette contextualisation des bureaucraties dans leurs interactions avec les autres participants à la prise de décision amène à relativiser, ou du moins à jauger plus minutieusement, l’impact de celles-ci dans l’élaboration de la politique étrangère (cf. « Limites de la FPA », séance 1)

2. Identification des « acteurs clé » Allison & Halperin identifient deux catégories d’acteurs (1972, p. 47) : Les senior players : les principaux personnages politiques, les chefs des principales organisations chargées de la sécurité nationale, y compris les services de renseignements, les militaires et, dans certains cas, les organisations chargées de l’allocation budgétaire et de l’économie Les juniors players : le Congrès, les membres de la presse, les groupes d’intérêt N.B. Allison, 1969, distingue quatre types d’acteurs : (1) « Chiefs », (2) « Staffers», (3) « Indians », (4) « Ad Hoc Players » (p. 709)

Allison et Halperin établissent ainsi une liste hiérarchisée d’individus ou d’organisations (vaguement définis) qu’ils considèrent comme étant les « acteurs clé » Il ne donnent cependant aucune indication sur : (1) la méthode qu’ils adoptent pour identifier ces « acteurs clé » (2) les variations dans le rôle et l’influence de ces acteurs à travers le temps et en fonction des domaines d’action publique (issue areas) Ici encore, les acteurs non-bureaucratiques (le Congrès, les groupes d’intérêt, etc) sont ex ante relégués au rang d’acteurs secondaires sans plus d’explications

Saisir la complexité de l’élaboration d’une politique étrangère requiert que les acteurs étatiques et non-étatiques au sein d’un processus décisionnel soient rigoureusement identifiés La sociologie de la décision appliquée à l’étude de la politique étrangère permet d’affiner les méthodes d’identification des acteurs infra-étatiques et non-étatiques, et des coalitions d’acteurs, en compétition dans l’élaboration d’une politique

Cartographie des acteurs Bastien Irondelle : la sociologie de la décision « appréhende la décision publique comme un champ de forces où s’affrontent des intérêts divergents, s’investissent des acteurs divers, se confrontent des rationalités multiples, se conjuguent des logiques sociales hétérogènes » (p. 74)  Deux axes d’analyse : Cartographie des acteurs  Identification des logiques à l’œuvre dans le processus décisionnel Irondelle B., 2003, Gouverner la défense : analyse du processus décisionnel de la réforme militaire de 1996, Thèse de doctorat, Institut d’études politiques, Paris

3. Décalage entre postulats du modèle et réalités empiriques : « where you stand depends upon where you sit » Allison et Halperin postulent que where you stand depends upon where you sit : la position qu’un acteur défend s’explique (voire est déterminée) par la position qu’il occupe au sein de la bureaucratie Nelson Michaud : non-conformité avec la réalité empirique, dans la mesure où souvent certains acteurs ne se comportent pas en accord avec cet aphorisme Ex. : l’évolution de la position du Pentagone dans l’élaboration de la politique américaine de contrôle des exportations vers la Chine Michaud N., 1996, « Graham Allison et le paradigme bureaucratique : vingt-cinq ans plus tard est-il encore utile ? », Etudes internationales, vol. 27, n. 4

Surestimation du poids et de l’impact des structures sur le comportement des acteurs dans l’approche bureaucratique Au-delà de la position (« where one sits »), il est également nécessaire d’examiner attentivement « who sits on that chair »  sociologie des acteurs La trajectoire professionnelle et les systèmes de croyance des acteurs sont tout aussi importants que leur position Ces acteurs peuvent, à leur tour, modifier l’orientation générale d’une bureaucratie au sein d’un processus décisionnel

(3) Sociologie de la décision et politique étrangère Tout en s’inspirant des apports du Bureaucratic Politics Model, la sociologie de la décision appliquée à l’étude de la politique étrangère cherche à en dépasser les lacunes/faiblesses en mobilisant les concepts et outils de l’analyse des politiques publiques et de la sociologie politique Étude de cas : la politique américaine de contrôle des exportations vers la Chine Synthèse des résultats empiriques de l’article : « US Defense Technology Exports to China. A Sociology of Decision Making »

Quel arbitrage entre intérêts sécuritaires et intérêts économiques ? Problématique Quel arbitrage entre intérêts sécuritaires et intérêts économiques ? D’une part : interdépendance économique sino-américaine De l’autre : modernisation militaire chinoise d’envergure qui a fait l’objet d’une attention croissante au sein du gouvernement américain « Most likely future politico-military near peer competitor », US Commission on National Security/21st Century, 1999, American Security in the 21st Century, p. 70.

Quel arbitrage entre intérêts sécuritaires et intérêts économiques ? Problématique Quel arbitrage entre intérêts sécuritaires et intérêts économiques ? D’une part : interdépendance économique sino-américaine De l’autre : modernisation militaire chinoise d’envergure qui a fait l’objet d’une attention croissante au sein du gouvernement américain « Most likely future politico-military near peer competitor », US Commission on National Security/21st Century, 1999, American Security in the 21st Century, p. 70. La relation sino-américaine a par conséquent été caractérisée par un mélange d’intérêts économiques mutuels et de compétition dans le domaine militaire Cet article cherche à appréhender comment Washington arbitre entre ses intérêts sécuritaires et économiques dans sa relation avec Pékin en analysant l’élaboration de la politique américaine de contrôle des exportations vers la Chine

Le contrôle des exportations comme étude de cas Le contrôle des exportations de technologies de défense est à la frontière entre : intérêts militaires (le maintien de la prééminence militaire en évitant le transfert de technologies sensibles à des compétiteurs potentiels) intérêts économiques (création d’emplois, exportations et croissance économique) À tout moment, un arbitrage doit se faire entre, d’une part, le désir de favoriser les intérêts économiques américains et, de l’autre, les implications militaires que la poursuite même de ces intérêts économiques risque d’entraîner

Plan de l’article L’article identifie les principaux acteurs étatiques et non-étatiques, et les coalitions d’acteurs, impliqués dans l’élaboration de la politique américaine de contrôle des exportations vers la Chine sous l’administration Clinton (Section I) Il examine ensuite la compétition entre ces coalitions et leur impact sur les policy outcomes dans le cas du contrôle des exportations vers la Chine (Section II)

Sources primaires Documents déclassifiés (National Security Archive) 170 entretiens Dans l’exécutif Conseil de sécurité nationale, départements d’État, de la Défense, du Commerce [bureaux Chine/Asie Pacifique, non-prolifération, contrôle des exportations et commerce international] Anciens directeurs et directeurs adjoints du renseignement national, de la Central Intelligence Agency (CIA) et de la National Security Agency (NSA) Au Congrès Assistants parlementaires (Chambre des Représentants et Sénat) Présidents, vice-présidents et membres de la US-China Economic and Security Review Commission Dans l’industrie Industrie américaine de défense et des hautes technologies et leurs associations professionnelles (e.g. Boeing, Lockheed Martin, Raytheon, Aerospace Industry Association, US-China Business Council)

Hypothèses Hypothèse 1. Affaiblissement de la capacité de l’État américain à contrôler la diffusion de biens stratégiques Affaiblissement du cadre multilatéral de contrôle des exportations Commercialisation et diffusion globale de technologies à double usage Capacités autonomes croissantes de la Chine Pressions internes de l’industrie des hautes technologies visant à assouplir les contrôles à l’exportation  Dans l’après-Guerre froide, la stratégie consistant à utiliser les contrôles à l’exportation, au niveau tant unilatéral que multilatéral, comme outil de containment militaire/technologique est devenue de moins en moins viable

Hypothèses Hypothèse 2. Évolution des coalitions d’acteurs : au-delà du trade-off intérêts économiques versus intérêts sécuritaires

La Run Faster Coalition considère que : Non seulement des contrôles à l’exportation unilatéraux et excessivement stricts sont inefficaces mais, en affaiblissant la base industrielle commerciale sur laquelle le Pentagone s’appuie de plus en plus, ils nuisent à la sécurité nationale américaine La coalition Run Faster réévalue donc le lien entre intérêts sécuritaires et intérêts économiques en dépassant le trade-off entre les deux L’assouplissement des contrôles à l’exportation est nécessaire pour soutenir la base technologique et industrielle américaine afin de « courir plus vite » (Run Faster) et de maintenir la prééminence militaire vis-à-vis de son concurrent potentiel

Cette coalition d’acteurs « realized that they needed to make virtue of necessity and that the national security of the US was tied up in learning in how to run faster in developing new technology rather than only trying to stop people from catching up with us. […] The traditional dichotomy of economic prosperity versus security is in fact a false dichotomy ». Daniel Poneman, Special Assistant to the President and Director for Non- proliferation and Export Controls at the National Security Council, 1993-1996 (entretien)

Identification des acteurs clé Sociologie des élites et « Approche programmatique »: Croise l’approche cognitive à l’analyse des politiques publiques et les apports de la sociologie des élites Méthode positionnelle Méthode réputationnelle Méthode décisionnelle Analyse la formation et les interactions entre les coalitions concurrentes d’acteurs étatiques et non-étatiques impliqués dans l’élaboration d’une politique ou d’un changement de politique Définitions : Acteur clé Coalition

Acteurs du processus décisionnel L’exécutif : le « triumvirat » et le NSC La Maison Blanche/Conseil de sécurité nationale (NSC) Le département d’État Le Pentagone Le département du Commerce Dans chacune de ces institutions : prévalence des bureaux fonctionnels (Political Military Affairs ; Non-proliferation & Export Controls) sur les bureaux régionaux (East Asia Pacific Affairs/China Desk) Fragmentation du département d’État (Political Military Affairs, Economic Bureau, EAP Affairs/China Desk)

Congrès Senate Committees : Armed Services, Foreign Relations, Intelligence et Senate Banking Committees House Committees : Armed Services et Foreign Affairs Committees Groupes d’intérêt Computer Science Policy Project (CSPP) : CEOs des plus grosses entreprises américaines de technologies de l’information et de la communication et associations professionnelles: Apple, Compaq, Data General, Dell, Hewlett-Packard, IBM, Intel, Silicon Graphics, Sun Microsystems, Unisys, l’American Electronics Association, la Computer and Communications Industry Association (CCIA) et l’Information Technology Industry Council (ITI)

Composition des coalitions Run Faster : les acteurs clé (notamment des political appointees) du Conseil de Sécurité National (NSC), du Pentagone et du département du Commerce ainsi que l’industrie américaine des hautes technologies Control Hawks : fonctionnaires de carrière dans le Pentagone, département d’État, un groupe relativement restreint de parlementaires et leurs assistants parlementaires (au Sénat et à la Chambre des représentants) et des journalistes (Washington Times,…)

Evolution des dynamiques bureaucratiques : Pendant la Guerre froide : Le « jeu triangulaire » entre DOC-DOS-DOD était caractérisé par de virulentes batailles entre le Pentagone et le département du Commerce, avec le département d’État agissant comme un intermédiaire entre les deux

Années 1990 : évolution de la position du Pentagone Bon nombre d’acteurs (notamment des political appointees) du Pentagone – malgré l’opposition des nombreux fonctionnaires de carrière dans le département – en sont venus à penser que : Compte tenu de la dépendance croissante du Pentagone vis-à-vis du secteur commercial pour la fourniture de technologies de pointe, l’assouplissement de contrôles à l’exportation inefficaces et obsolètes permettrait à l’industrie des hautes technologies de réinvestir les profits des exportations en R&D de technologies de prochaine génération, ce qui permettrait au Pentagone d’avoir accès aux technologies de l’état de l’art (un principe clé de la coalition Run Faster)

Mitchell Wallerstein, Deputy ASoD Le rôle des political appointees du Pentagone dans la formation de la coalition Run Faster   National Academy of Sciences (NAS) et Carnegie Commission on Science, Technology, and Government (CCSTG) William Perry, SoD NAS & CCSTG John Deutch, Deputy SoD Ashton Carter, ASoD Mitchell Wallerstein, Deputy ASoD

Impact sur le jeu bureaucratique au sein du « triumvirat » Cela a permis aux départements du Commerce et de la Défense, avec le soutien du Conseil de sécurité nationale, de surmonter les désaccords inter-bureaucratiques au sein du « triumvirat » – et notamment la résistance du département d’État – sur l’opportunité d’assouplir les contrôles à l’exportation : « If you get two of the three agencies to agree on what to do, you can roll the other one [and this was possible because] the National Security Council and the President were on our side [i.e. of the Departments of Commerce and Defense], so for us these [interbureaucratic] fights were worthy because we knew that if we moved our way up the ladder we were likely to win. » William Reinsch Under Secretary of Commerce for Export Administration, 1994-2001 (entretien)

Conclusions La sociologie de la décision appliquée à l’étude de la politique étrangère fournit des concepts et des méthodes qui permettent de surmonter certaines des faiblesses de l’approche bureaucratique: Interactions entre les bureaucraties et les acteurs non-bureaucratiques Identification des acteurs clé Décalage entre postulats du modèle et réalités empiriques : « where you stand depends upon where you sit »

Sociologie de la décision Fort accent mis sur​l’utilisation de sources primaires et sur​l’identification des acteurs individuels et collectifs impliqués dans un processus décisionnel Permet d’examiner minutieusement la formation, l’évolution et les interactions des coalitions concurrentes d’acteurs étatiques et non- étatiques impliqués dans l’élaboration d’une politique étrangère