Questions autour du développement d’une langue… Master semestres 2 et 4 Marie-Christine Hazaël-Massieux
Proposition à discuter : Dans une langue en cours de développement (à définir), il est plus particulièrement difficile de faire la part, dans l’évolution linguistique, de : L’évolution systémique « naturelle » (liée d’ailleurs aussi souvent à des contacts de langues). L’aménagement – lié à l’intervention humaine (même passive : ne pas intervenir, c’est encore intervenir)
-Dresser une liste de mots pour un glossaire -Elaborer un dictionnaire (choix des entrées) -Refuser l’enseignement d’une langue à l’école -Ne pas vouloir traduire des textes dans cette langue -Utiliser cette langue pour une discussion publique -La décrire tout simplement… …sont autant d’actes d’aménagement ! Le développement d’une langue ne passe pas seulement par l’organisation d’un concours de nouvelles ou d’un prix littéraire pour ceux qui se risquent à écrire !
Tout en discutant de l’assimilation fréquente entre « aménagement linguistique » et « politique linguistique », mais en se rappelant qu’il s’agit derrière ces termes de renvoyer toujours à une intervention de l’homme sur la langue – et pas simplement à des interventions « modernes » (planification, instrumentalisation volontaire, politiques de traductions systématiques : la Pléiade ou l’Abbé Grégoire ont eu des actions d’aménagement linguistique…), Didier de Robillard va rappeler que la politique linguistique n’est pas toujours l’apanage de l’Etat :
D. de Robillard, dans l’article « Politique linguistique » (in Marie-Louise Moreau, éd. : Sociolinguistique. Concepts de base, Mardaga,1997, p. 230) : « On s’accorde généralement à penser que la politique linguistique est l’apanage de l’Etat à travers ses institutions (assemblée nationale) ou services (bureau du plan ou équivalent), et il est vrai que cela se vérifie dans nombre de cas concrets. On ne peut cependant exclure que d’autres agents que l’Etat formulent des propositions touchant à la politique linguistique. Ainsi, certaines institutions religieuses ont parfois un rôle important à jouer (à travers la scolarisation notamment, ou la langue de diffusion des textes sacrés), de même que des partis politiques ou associations culturelles (Alliance française, par exemple) nationales ou internationles (l’UNESCO, et la fameuse rencontre d’experts de 1951 […]). Ces agents peuvent partager les mêmes priorités, ou au contraire, opposer leurs points de vue à propos de ce que doit être le contenu de la politique linguistique. »
A partir du moment où l’on étend le nombre possible et la variété des « acteurs » de l’aménagement linguistique, la notion devient elle-même difficile à déterminer, à préciser… Distinguer entre action volontaire (politique linguistique – quel qu’en soit l’auteur) sur une langue et évolution historique non directement contrôlée devient très délicat. L’évolution historique est un résultat, qui provient de causes diverses, pas toujours aisées à déterminer. La politique linguistique est l’un des facteurs qui influent sur cette évolution… mais elle n’agit jamais seule.
Nous nous intéresserons tout particulièrement aux évolutions / aménagements linguistiques des créoles – sans négliger d’autres langues (cf. le tasawaq); Tous les domaines, tous les stades se trouvent représentés dans les créoles : de la naissance récente à l’obsolescence (cf. le louisianais). En gardant toujours présents à l’esprit cette question : Qu’est-ce qui est le plus dangereux pour une langue : Que l’homme intervienne Ou qu’il n’intervienne pas ?
A noter : Décrire une langue, c’est déjà l’aménager ! La classer (par rapport à d’autres), établir une typologie, est significatif au plan de son développement. Quand une langue se développe, que se passe-t-il au plan syntaxique ? (plan souvent négligé) Phénomènes de grammaticalisation ou d’analyse (réanalyse) ?
Coseriu, Gramática, semántica, universales, Ch. VI : « Los universales del lenguaje (y los otros) »p. 171 : « Les universaux du langage doivent être distingués rigoureusement des universaux de la linguistique. Les universaux du langage sont des propriétés du langage lui-même, qui peuvent être établies et identifiées par la linguistique, tandis que les universaux de la linguistique sont des propriétés de la linguistique et elles ne se justifient qu’à ce niveau par des exigences d’ordre interne à la linguistique comme science. »
Quant à la question passionnante de la structuration sémantique, il faudrait se demander comment sont constitués les hyperonymes / hyponymes, s’interroger sur le caractère subjectif et culturel de nos classements…
Donc insistance dans le séminaire : La description linguistique comme façonnant la langue ! Notion de modèle. Problèmes de statistiques ? Les évolutions des langues et leurs causes : évolution du système (élaboration de règles historiques), mais : contacts de langues, politique linguistique… Le choix de causes est encore un problème de la théorie linguistique ! Les développements syntaxiques et tout particulièrement les phénomènes de connexion : coordination, subordination, sérialisation…
Les problèmes de la structuration sémantique : hyperonymie, synonymie, polysémie ; le méta-langage, la question des « figures » du discours…