Serge TISSERON Psychiatre, psychanalyste, psychologue HDR chercheur associé à l’université Paris VII Denis Diderot Blog: http://sergetisseron.com L’empathie au cœur du soin 1
Qu’est-ce que l’empathie? Une construction à trois étages: un biologique, deux moraux
au groupe que l’autre que l’autre que l’autre Empathie réciproque et mutuelle J’accepte ou que l’autre m’informe sur relation ce que je suis et me révèle intersubjective à moi-même que l’autre que l’autre que l’autre Empathie réciproque s’estime aime et soit aimé ait les mêmes J’accepte que l’autre comme moi comme moi droits que moi Se mette à ma place (Morale) (narcissisme) (relation d’objet) (appartenance au groupe bases neurologiques et expérimentales Empathie directe (unilatérale) Je me mets Empathie cognitive - à partir de 4 ans et ½ à la place de l’autre Empathie émotionnelle. A partir de 1 an
1. PREMIER ETAGE: l’empathie directe ou unilatérale : la capacité de changer de point de vue sans s’y perdre. * Elle peut être mise autant au service de la manipulation qu’au service de l’altruisme * L’être humain est capable de l’inhiber (7 ans) 2. DEUXIEME ETAGE: l’empathie réciproque = reconnaissance: le fait d’accepter que l’autre puisse se mettre à ma place 3. TROISIEME ETAGE: l’empathie réciproque et mutuelle (relation intersubjective)
L’empathie réciproque et mutuelle (« compassion » ?) Pose la relation au cœur de l’existence Permet de lier * la confiance en soi * la confiance dans le monde 3. Favorise la plasticité psychique (oblige à remodeler ses repères avec l’avis des autres, y compris sur soi)
l’empathie réciproque et mutuelle Mais l’empathie réciproque et mutuelle est en permanence menacée
1. Par une cause principale: la prématurité Elle est menacée 1. Par une cause principale: la prématurité L’être humain naît prématuré, et développe en même temps * une extrême capacité d’empathie * et l’angoisse d’être manipulé par l’autre, ce qui le pousse à l’emprise sur autrui
2. Par quatre causes secondaires 1. Les médias numériques: Le stress des TIC 2. Les conditions sociales: Tout ce qui accroît l’insécurité favorise la tendance à réduire sa capacité d’empathie à ceux qui sont le plus proche de nous 3. Les conditions professionnelles *refus de reconnaître aux clients les mêmes droits qu’aux professionnels *accusation portée contre eux de vouloir manipuler les professionnels
4. Les émotions négatives qu’on se cache à soi-même * Le désir d’emprise (confusion des objets et des personnes) * Le sentiment de supériorité Chacun se pose la question : « Qu’est ce que je vaux ? » Et pour y répondre, nous sommes tentés de mesurer l’écart que nous imaginons entre les autres et nous Ce sentiment de supériorité se teinte facilement de culpabilité. Il est travesti en pitié et en compassion. Mais cela suscite le sentiment de ne jamais en faire assez * La haine L’intervenant qui éprouve de la haine pour un proche se la cache. Il se persuade que ce n’est pas lui qui l’éprouve, mais les autres : Il la travestit en désir de l’aider à tout prix: le « fantasme de Zorro ». Danger de ne plus prendre le temps d’écouter. Danger de dévaloriser – voire de culpabiliser - tout ce qui a été fait avant, Ce qui suscite le sentiment de ne jamais en faire assez
Comment construire l’empathie en situation de soin ?
De façon générale 1. Reconnaître notre désir d’emprise, notre ambivalence et nos émotions négatives vis-à-vis des patients (nous éprouvons de l’empathie pour eux, certes, mais aussi parfois de la haine… L’un n’empêche pas l’autre) 2. Accepter la maladie comme composante de la vie. accepter notre vulnérabilité, renoncer à tout idéal de perfection
En thérapie individuelle Permettre au patient de se créer un espace de sécurité au sein de la séance (meubles…) Toujours répondre à ses questions (mais pas forcément au cœur de ses questions…) Lui montrer l’intérêt qu’on porte à tout ce qu’il nous dit Ne pas lui cacher nos émotions, et en particulier nos émotions en réponse aux siennes Faire référence à des situations collectives Faire référence à des situations personnelles Ne donner que des interprétations qu’on accepterait éventuellement pour soi
En institution:créer des espaces de parole et de jeu, car le jeu invite à se mettre à la place de l’autre * Des intervenants entre eux, parler et mettre en scène les représentations inavouables (jeu de rôle) pour se réconcilier avec des aspects de soi qu’on réprouve * Des usagers entre eux invités à raconter (mettre en scène) leurs expériences du soin (Théatre du vécu) * Des intervenants et des usagers entre eux Théatre du vécu, Médiations ludiques (clowns)
PREVENTION: développer l’empathie par le jeu dès la classe maternelle Le Jeu des Trois Figures en maternelles par allusion aux trois personnages présents dans la plupart des histoires regardées et racontées par les enfants : l’agresseur, la victime et le redresseur de torts. 1] En 2007 et 2008, grâce à la Fondation de France (résultats complets de la recherche sur http://www.yapaka.be, également publiés dans Devenir, 22, 1, 2010)
Conclusion Pour développer l’empathie, il faut être conscient de nos émotions, Mais aussi du fait que nous pouvons avoir des valeurs qui s’y opposent