Le Jeu des Trois Figures Serge TISSERON Psychiatre, psychanalyste, docteur en psychologie HDR à l’Université Paris VII Blog: sergetisseron.com Le Jeu des Trois Figures S’ouvrir à l’empathie en maternelle

Histoire: Pourquoi le Jeu des Trois Figures ?

En 2007, 2 points de départ Lutter contre la violence, notamment en milieu scolaire Lutter contre l’influence négative de la surconsommation d’écran chez le jeune enfant

1. Lutter contre la violence, notamment en milieu scolaire 1.Rien ne prouve que les enfants soient plus violents qu’hier, mais ils sont moins bien tolérés 2. Ces enfants se manifestent dès l’école primaire, mais on les identifie souvent dès la maternelle. 3. Les causes sont multiples : sociales, familiales, psychologiques… et les solutions aussi 4. Nos objectifs : renforcer la capacité d’empathie chez ceux qui la possèdent et la greffer chez ceux qui en sont démunis

2. Lutter contre l’influence négative de la surconsommation d’écran chez le jeune enfant Après 4 ans Le problème est celui du contenu des images violentes qui est pris comme modèle Théorie de l’apprentissage social de l’agression Avant 4 ans Le problème est celui de la violence des images qui agit en produisant une perte des repères. L’enfant insécurisé renforce ses identifications précoces Théorie du déséquilibre:

1. Le jeu spontané invite l’enfant à s’imaginer dans tous les rôles La télévision s’oppose à la construction du jeu chez l’enfant et gèle les premières identifications 1. Le jeu spontané invite l’enfant à s’imaginer dans tous les rôles Quand un enfant joue seul avec ses jouets (petites voitures, playmobiles, poupées…) il utilise ses deux mains. Il est alternativement celui qui frappe et celui qui est frappé, celui qui poursuit et celui qui est poursuivi, etc. Plus tard, en jouant avec ses camarades, il est invité à faire de même « On change » Conséquence: Le jeu spontané familiarise avec l’idée de jouer tous les rôles. 2. Les images invitent l’enfant à s’imaginer toujours dans le même rôle Ce que voit l’enfant est la plupart du temps incompréhensible pour lui il y réagit en s’identifiant au personnage qui lui semble lui ressembler (il est toujours celui qui frappe ou bien celui qui est frappé, toujours celui qui poursuit ou bien celui qui est poursuivi, toujours celui qui gagne ou bien celui qui perd). Conséquence: Les médias figent les premières identifications réalisées sous l’influence du milieu familial: la capacité d’empathie est réduite, avec le risque de favoriser des conduites enkystées d’agression ou de victimisation

Le Jeu des Trois Figures

Notre objectif : satisfaire à 4 conditions 1. Aller dans le sens des objectifs fixés aux écoles maternelles par l’EN 2. Réduire le recours à la violence et apprendre le « comme si » 3. Être simple à mettre en place, peu coûteux et ne stigmatiser aucun enfant (critique faite au rapport de l’INSERM de 2007 sur la violence)‏, 4. Avoir une efficacité démontrée

1. Le Jeu des Trois Figures remplit 5 objectifs sur 6 des préconisations de l’EN pour les maternelles (guide à l’usage des parents de 2008) s’approprier le langage apprendre à vivre ensemble agir et s’exprimer avec son corps solliciter l’imagination constituer l’écrit en référence

2. Il remplit 4 objectifs nouveaux sans stigmatiser aucun jeune 1. Réintroduit le sens du jeu et du « comme si » (transforme les gestes d’agression en activités ludiques) 2. Constitue une forme de pré-éducation aux images en invitant les enfants à prendre du recul par rapport à ce qu’ils éprouvent face à elle Et indirectement une prééducation au virtuel 3. Lutte contre la violence en renforçant la capacité d’empathie 4. S’oppose aux stéréotypes de genre

3. Sa mise en place est simple et coûte peu Nécessite trois journées de formation pouvant réunir à chaque fois une vingtaine de personnes Les psychologues scolaires, maîtres E et maîtres G peuvent constituer, sur leur temps de travail, de puissants relais pour former et suivre les enseignants

4. L’expérimentation (2007-2008) 1. Résultats qualitatifs (observations des enseignants) Plus de jeux organisés spontanément par les enfants en récréation (jeu de la marchande) Evolution rapide et surprenante de certains enfants 2. Résultats quantitatifs Il n’existe pas de différence entre les écoles étudiées et les catégories sociales des enfants. Trois différences significatives apparaissent entre septembre 2007 et juin 2008 entre les enfants qui ont bénéficié du Jeu et ceux qui n’en ont pas bénéficié Le jeu de rôle favorise le changement de posture identificatoire Le jeu de rôle favorise tout particulièrement l’évolution des enfants identifiés aux « d’agresseurs » ou aux « victimes » Le jeu de rôle favorise la posture d’évitement de l’affrontement et le recours à un adulte médiateur

Déroulement d’une séance de Jeu des Trois Figures

1. Les enfants sont invités à « jouer comme au théâtre » 1. Les enfants sont invités à « jouer comme au théâtre ». Consignes : « On fait semblant », « On ne se fait jamais mal», « les garçons peuvent jouer les filles et les filles peuvent jouer les garçons » 2. Les enfants sont invités à construire ensemble une histoire à partir des images dont ils ont envie de parler : éviter toute référence à des situations personnelles ou familiales 3. La mise au point de l’histoire doit comporter impérativement -la désignation des actions à accomplir (« traverse une route, etc ») -la désignation des paroles à prononcer ( « Au secours », etc) 4. Tous les enfants volontaires jouent obligatoirement tous les rôles 6. L’enseignants et les élèves applaudissent après chaque séquence 7. A LA FIN: Les élèves peuvent aussi faire une ronde ou chanter une chanson pour indiquer la sortie du jeu L’enseignant ne fait aucun commentaire. Il ne faut jamais inviter - et encore moins forcer - un enfant à jouer.

Qu’est ce que l’empathie? En quoi le Jeu des Trois Figures contribue-t-il à réduire la violence et augmenter l’empathie? Qu’est ce que l’empathie?

L’empathie a 3 dimensions Une pyramide à 3 étages L’empathie directe (ou unilatérale) C’est se mettre à la place de l’autre sans s’y perdre Elle a deux composantes: Émotionnelle: être capable de ressentir ce que l’autre ressent Cognitive: être capable de se représenter son point de vue. 2. L’empathie réciproque Non seulement se mettre à la place de l’autre, mais accepter que l’autre se mette à ma place, en réalité ou en pensée A trois facettes : s’estimer, aimer et être aimé, avoir les mêmes droits 3. L’empathie réciproque et mutuelle (intersubjectivité) Accepter que l’autre m’informe sur moi de choses que j’ignore

au groupe j’accepte j’accepte j’accepte Empathie réciproque et mutuelle  J’accepte ou que l’autre m’informe sur intersubjectivité ce que je suis et me révèle à moi-même j’accepte j’accepte j’accepte que l’autre que l’autre que l’autre Empathie réciproque s’estime aime et soit aimé ait les mêmes J’accepte que l’autre comme moi comme moi droits que moi Se mette à ma place (narcissisme) (relation d’objet) (appartenance au groupe Empathie directe ou identification (bases neurologiques et expérimentales) Je me mets Empathie cognitive - à partir de 4 ans et ½ à la place Elle consiste à se représenter ce que l’autre se représente de l’autre Empathie émotionnelle Aussitôt que l’enfant fait la différence entre lui et l’autre Elle consiste à ressentir ce que l’autre ressent sans se confondre avec lui

Comment agit le Jeu des Trois Figures ?

1. Incite les enfants à ne plus se laisser victimiser chaque action jouée s’accompagnent de mots qui la mettent en sens. Et la victime dénonce plus facilement une agression auprès d’un tiers quand elle l’a d’abord dénoncée auprès de son agresseur. 2. Augmente l’empathie directe émotionnelle la possibilité d’utiliser des représentations de visages sur lesquels les enfants repérent les mimiques. 3. Augmente l’empathie directe cognitive chaque action est accompagnée par une phrase qui en donne le sens. 4. Augmente l’empathie réciproque chaque enfant doit accepter d’abandonner le rôle qu’il a joué pour qu’un autre le joue à sa place, et accepter que les autres s’estiment comme lui 5. N’agit pas sur l’empathie réciproque et mutuelle non sollicitée par Jeu des Trois Figures. Car et que rien ne forme les enseignants à gérer ces situations. C’est pourquoi les commentaires n’y ont pas de place.

Pour en savoir plus Un manuel pratique : Tisseron S. (2011) Le Jeu des Trois Figures en classes maternelles, Paris: Fabert (téléchargeable sur http://www.yapaka.be) Un ouvrage sur l’empathie: Tisseron S. (2010) L’Empathie, au cœur du jeu social, Paris: Albin Michel Un article : Tisseron S. (2010) Prévention de la violence par le « Jeu des trois figures », Devenir, Volume 22, Numéro 1, 2010, pp. 73-93. Trois liens : * Serge Tisseron – Vidéo – durée 6 :15 http://www.yapaka.be/professionnels/video/faire-des-jeux-de-role-des-lecole-maternelle * La prévention de la violence a l'école maternelle, documentaire de Philippe Meirieu -26 min http://www.capcanal.com/capcanal/sections/fr/videos/cap_infos_primaire/maternelle/violence_maternelle * Les résultats complets de la recherche sur http://www.yapaka.be