L’éducation aux médias : Quel enjeu pour l’école ? IUFM Aix-Marseille Module FIT n°7 Conférence inaugurale 15 octobre 2008 Intervention de Odile Chenevez Clemi Aix-Marseille Formatrice à l’IUFM de l’Université de Provence
L’éducation aux médias De quelle manière les médias concernent-ils l’école et la profession enseignante ? IUFM Aix-Marseille Module FIT n°7 Conférence inaugurale 15 octobre h Intervention de Odile Chenevez 1. Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? Une approche transversale sensible 2. Aborder l’actualité en classe : Les contraintes déontologiques. 3. L’image des enseignants à la télévision : Un point de vue contrasté 4. Les jeunes et Internet : L’étude européenne Mediappro. 5. Blogs et journaux scolaires : Le nécessaire contraste.
Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? (1) Les médias sont au cœur de notre expérience du monde. Malgré la concurrence école/médias, l’école ne peut envisager une approche « vaccinatoire ». Tout citoyen doit pouvoir tirer le meilleur bénéfice de sa fréquentation médiatique. La nécessité d’une éducation aux médias vient du fait que les médias ne sont pas une simple fenêtre sur le monde : « Les médias ne reflètent pas la réalité, ils la représentent… Si les médias reflétaient la réalité, il n’y aurait pas plus d’intérêt à les étudier qu’il n’y en a à étudier une vitre. Nous ne pourrions alors étudier que le contenu transmis par les médias. L’étude des médias repose sur le postulat de leur non-transparence, c’est-à-dire sur le postulat qu’ils façonnent les sujets qu’ils présentent pour leur donner une forme particulière. » (Len Masterman, 1994)
Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? Bernard Stiegler, philosophe, auteur de nombreux ouvrages sur la technique, la technoscience et ses enjeux politiques interroge la société sur l’écart entre ce qu’enseigne l’école et ce que vivent les élèves. Opposition entre et les institutions de programmes (qui visent à s’approprier la modernité à partir des expériences du passé), au centre desquelles se trouve l'école, et les industries de programmes qui captent l’attention des citoyens et visent à faire adopter d’autres comportements. B. Stiegler replace ainsi les médias dans la construction du savoir. Les médias, et en particulier les nouveaux médias font exploser les cadres du savoir, y compris du système axiomatique du savoir. L’école n’a pas de réponse sur les questions de l’actualité comme les OGM ou la crise financière. Plutôt que de faire semblant de savoir, il serait plus intéressant de chercher à comprendre comment ces questions se posent à la société. Un entretien avec BS sur les rapports entre l'école et les médias..
Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? (2) Former des élèves actifs dans leur rapport aux médias. Les amener à acquérir les savoirs qui permettent de ne pas se soumettre à l’autorité médiatique et à contrôler « la suspension de l’incrédulité » (Winkin). Pour autant, l’éducation aux médias n’impose pas de jugements de valeur sur les messages des médias.. Le scepticisme absolu ne peut exister. Nous avons besoin de croire à nos médias, au moins un peu, que nous le reconnaissions ou pas, pour construire notre rapport à l’actualité. Pour faire preuve d’esprit critique, nous ne devrions pas nous préoccuper de la seule question de la loyauté du locuteur, donc de son intention (« les journalistes disent-ils la vérité ? »). Nous devons assumer une part de responsabilité quant au rapport à la vérité. Faire preuve d’esprit critique vis-à-vis des médias ce n’est pas décréter que les médias mentent, mais cela consiste à se rendre capable de construire une argumentation dialectique, et de la défendre après une évaluation ou une enquête, minuscule ou développée.
Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? (3) Une dimension transversale ou « traversante » Les thèmes de l’éducation aux médias Selon l’âge des élèves et selon la discipline, on aura présente à l’esprit une progression allant de la sensibilisation au discernement, selon les thèmes fondamentaux suivants. (Gonnet (1999), Education et médias) Les langages de l’information et leurs conséquences sur la réception ; Les techniques utilisées par les producteurs de médias pour construire leurs messages ; Les représentations et les inductions dans l’approche des productions médiatiques ; Les typologies, les classements, les genres, les fonctions, les ambiguïtés, les procédés narratifs des supports et des messages ; Les publics et les contextes économiques, sociaux et juridiques de la communication médiatique ; Les producteurs, les contextes et les contraintes de fabrication des messages.
L’éducation aux médias dans le socle commun de connaissances et de compétences (extrait) : 6- Les compétences sociales et civiques (Capacités) B - Se préparer à sa vie de citoyen Les élèves devront être capables de jugement et d’esprit critique, ce qui suppose : savoir évaluer la part de subjectivité ou de partialité d’un discours, d’un récit, d’un reportage ; savoir distinguer un argument rationnel d’un argument d’autorité ; apprendre à identifier, classer, hiérarchiser, soumettre à critique l’information et la mettre à distance ; savoir distinguer virtuel et réel ; être éduqué aux médias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la société ; savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d’affectivité, de l’influence de préjugés, de stéréotypes). Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? (4) Les préconisations du système éducatif
Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? (5) La mission du Clemi Développer l’EAM dans le système éducatif, pour répondre aux besoins des programmes et du socle. L’EAM dans les programmes : voir sur le site du Clemi prog_off.html Le programme fax ! : un journal international en ligne, produits par les élèves des classes correspondantes. La 20 e semaine de la presse et des médias dans l’école (extrait du communiqué du ministère). Elle se déroulera en France métropolitaine du 23 au 28 mars 2009 et, pour la seconde année, les enseignants et leurs élèves sont invités à aborder le thème « Une info, des médias ». En effet, la télévision, la radio, la presse imprimée, Internet et les nouveaux supports présentent les événements chacun avec ses contraintes mais aussi avec ses limites qui doivent être connues ; une même information peut également être abordée selon des angles différents dans un même type de média, voire dans le même média. Le ministre a rappelé que dans une société où les médias occupent une place de plus en plus en plus importante, il est nécessaire de donner aux élèves des outils qui leur permettent de décrypter et d’analyser les textes et les images auxquels ils sont confrontés.
Aborder l’actualité en classe : Les contraintes déontologiques. Qu’est-ce que l’actualité ? Voir Cahiers pédagogiques n°434 : L’actualité du monde et la classe. L’enseignant ne peut ni imposer un point de vue ni ignorer l’actualité. Une approche didactique est donc nécessaire qui inclue l’habitude de traiter de l’information d’actualité. (Voir TD). Approches diverses Comment rendre les élèves capables de faire le lien entre les savoirs qui lui viennent de l’école et ceux qui lui viennent des médias ? On ne peut sans faillir à la mission de l’école, laisser à la porte des classes les questions des élèves sur le monde. (Jacques Gonnet). Que faire des images qui dérangent ou qui bouleversent ? (Serge Tisseron) Le brutal surgissement de l’actualité et son rapport aux questions vives de la société rend la mise en débat difficile. (Legardez- Simmoneaux). Comment permettre aux élèves d’une part de reconnaître leurs émotions, d’autre part de les distinguer de la recherche de la légitimité, de la justice ou de la vérité ?
Aborder l’actualité en classe : Les contraintes déontologiques.
Quels thèmes de l’actualité accepteriez-vous d’aborder en classe ? Quels thèmes de l’actualité refuseriez-vous d’aborder en classe ? Pourquoi ? À quelle occasion ? Quels liens avec votre discipline voyez-vous ? Avec quelles précautions ? Débat
L’image des enseignants à la télévision Un point de vue contrasté Les thèmes récurrents (à partir du) sont tous liés à l’écart par rapport à la norme, censé répondre à la demande de l’auditoire : L’élève brillant de 3 e qui en sait plus que le journaliste. La bagarre ! Et dans le meilleur des cas, les techniques de résolution du conflit. Les « trucs » des profs : Les profs qui peuvent travailler en classe ont des trucs, ce n’est pas du professionnalisme. (Peut-être certains enseignants débutants arrivent-ils aussi avec ce fantasme ?) Le scoop : l’image de l’élève qui agresse un autre. L’élève fille en ZEP en qui l’on place tous les espoirs… Reportage de M6 dans 66 minutes de septembre C’est bien l’opposition entre les industries de programmes et les institutions de programmes qui est en jeu
L’image des enseignants à la télévision Un point de vue contrasté L’approche contrasté est basée sur un travail d’enquête approfondie. Le temps long de l’investigation (ici, 20 ans !) L’enseignante qui analyse elle-même 20 ans plus tard ses difficultés de débutante. Le discours est professionnel, il n’est pas question de « trucs ». Une jeune professeure qui réussit en milieu difficile Un professeur expérimenté qui montre et explique une difficulté de son métier qui n’est pas de « tenir » les élèves. Tant qu’il y aura des élèves Un film de Hervé Hamon.
Les jeunes et Internet (1) Des études multiples sur les rapports jeunes et médias Les études soulignent la captation de l’attention par les industries de programmes des médias et nouveaux médias. « 18 heures par jour » de médias divers et simultanés chez les ados. « Une heure par jour devant la télé avant 3 ans augmente de 80 % les chances de ne pas faire d’études supérieures ». Pb de santé publique équivalent à une addiction pharmacologique. Cultures lycéennes, La Tyrannie de la majorité. Dominique Pasquier. Ed Autrement, Chapitre 3 : Organiser la sociabilité : anciens et nouveaux modes de communication. Enquête datant de 2002, effectuée dans trois lycées généraux et technologiques de Paris et sa banlieue Cette enquête n’a pas de représentativité au niveau national. Dominique Pasquier y montre que le lycéen, s’il est libéré de la pression des adultes, est soumis à une autorité bien plus effrayante : la tyrannie de la majorité. La sociologue s’interroge à savoir si les nouvelles pratiques de communication ont réorganisé les sociabilités. Concernant les pratiques des jeunes et des nouveaux moyens de communication, on remarque une influence prépondérante de la famille, des pratiques différentes selon les filles et les garçons, et selon les milieux sociaux.
Les jeunes et Internet (2) L’étude européenne Mediappro 9 pays européens ont effectué en 2006 une recherche conjointe sur les jeunes de 12 à 18 ans et leurs relations aux médias électroniques (Internet, téléphonie mobile, jeux en ligne). Hypothèse : la sécurité des jeunes est étroitement liée à la distance qu’ils sont susceptibles de prendre par rapport à leurs usages, l’origine de leurs représentations et les comportements qu’ils adoptent. Quelques résultats (déclarations des adolescents) Internet est utilisé surtout à la maison et très peu à l’école. Deux usages dominants : accéder à des sites (Google) et communiquer (par tous les moyens). Une ouverture sur les gens que l’on connaît déjà. D’autres usages : téléchargements, jeux en ligne, vidéos, blogs. Tout en même temps. Plus de musique et moins de télévision. Conscients des dangers, mais peu concernés. Le contrôle (parental moins, scolaire plus) est admis. Pas le temps de s’informer sur toutes les fonctionnalités de leurs ordinateurs et téléphones. Peu touchés par le commerce en ligne.
Les journaux scolaires pour former à l’acte éditorial Pour le citoyen d’aujourd’hui, connecté à Internet, la notion d’information est toujours à double sens : celle qu’il recherche ou qu’il reçoit, bien sûr, mais aussi celle qu’il produit, sans qu’il y ait de véritable séparation entre les deux sens. Cela implique une mission complémentaire pour l’école : préparer les citoyens à maîtriser aussi l’information qu’ils diffusent. Vers un monde où l’on écrit plus qu’on ne lit. Des auteurs autorisés par qui et avec quelle autorité ? Publier n’est plus forcément éditer, c’est seulement « montrer ». La notion de « popularité » supplante celle « d’autorité ». Tout devient « publiable », dans les limites légales, mais l’école ne doit-elle pas avoir une exigence de formation éditoriale ? Le journal scolaire en ligne comme outil pour une didactique de l’acte éditorial.
Les blogs pour la réalisation des mutations adolescentes Depuis 2005, les blogs personnels des adolescents préoccupent le système éducatif, et probablement avec raison si l’on considère que la dimension publique, qu’on le veuille ou non, en est inéluctable, et que le sentiment de protection est surévalué par les utilisateurs adolescents. Si la peur des risques de dérives d’expression est compréhensible, elle devrait aussi donner l’occasion à l’école de réfléchir à sa mission d’éducation aux principes républicains de la liberté d’expression Les blogs d’adolescents comme une interface entre les shères publique et privée. Skyblogs : des petits homards nus hébergés dans une grande carapace. (cf. Dolto) Publier pour expérimenter leur image, leur potentiel de séduction, leur agressivité, voire les limites de leurs provocations Pour préserver ce statut, il convient probablement que les adultes s’immiscent le moins possible dans les contenus des blogs
Des besoins éducatifs nouveaux Ce qui revient à l’école aujourd’hui n’est pas tant de fournir des supports pour l’expression autonome des élèves – ces supports existent – que de leur donner les connaissances qui leur permettront de prendre la parole en citoyens avertis et libres L’articulation entre un espace collaboratif et un espace de publication, tel qu’il est conçu dans un site SPIP, convient tout naturellement à cet apprentissage. Le Skyblog de classe serait une erreur de positionnement. Le blog de classe où tout ce qui se fait peut être publié serait une erreur au regard de la protection due à l’activité d’apprentissage. Sans ingérence inutile dans les activités privées des élèves, l’école peut ainsi contribuer à préparer les futurs citoyens à prendre leurs responsabilités dans le cyberespace.
Spip pour prendre le temps de décider ce qui est publiable… Les plates-formes dynamiques de type CMS sont souvent considérées comme la véritable évolution dans la démocratisation de l’acte de publication, en particulier à l’école Plus complexe qu’un blog, le SPIP fonctionne en fait de la même manière que celui-ci. La différence tient dans l’existence d’une gestion d’auteurs, qui permet un « tampon » entre l’écriture et la validation. Le « sas » privé du SPIP est le lieu spécifique de l’accompagnement pédagogique. C’est le travail d’élaboration privé qui détermine la construction du rapport des élèves à la chose publiée Ce travail inclue la nécessité de penser ce que l’on va diffuser, en fonction précisément de cette diffusion.
Spip pour accompagner l’écriture et la production scolaire éditée Une véritable formation s’avère nécessaire dès lors que l’on souhaite en administrer des rubriques, organiser une arborescence, gérer un forum, insérer des objets peu courants, dimensionner correctement les images que l’on y insère, ou même en modifier les squelettes… et respecter les règles de la publication et de la liberté d’expression. Dans l’académie d’Aix- Marseille, les établissements qui le souhaitent peuvent demander l’installation d’un SPIP hébergé par le serveur académique. Il est possible de personnaliser l’environnement, mais des squelettes types peuvent être installés La structure arborescente en rubriques est, de plus, bien adaptée à la réalisation de journaux en ligne
Un projet pionnier en 2004 dans un collège marseillais Ce qui se trame à l’insu du visiteur dans l’espace privé des Médias Tissent contient certains des petits pas qu’il faut accomplir pour apprendre à la fois l’autonomie et la place dans le groupe. Et rien de cette alchimie de ne se produirait sans le désir du « publier pour être lu » qui opère du fait de l’existence du site public. Le paramétrage de la plateforme se montre essentiel au bon fonctionnement pédagogique. 1. Les trois niveaux de statut d’article sont utilisés (blanc = « en cours de rédaction » ; orange = « proposé à la publication » ; vert = « publié en ligne »). Le professeur administrateur discute l’article et demande des corrections avant de valider. Le forum interne est activé. Le forum externe (commentaires), est d’abord activé (par défaut), puis fermé parce que devenu incontrôlable.
Evénements minuscules dans l’espace privé (1)… Simon est le fils de l’une des professeurs de français. Il a vite compris le fonctionnement de la plate-forme, et n’hésite pas à se faire passer pour sa mère – qui n’a rien vu – pour faire des commentaires sur les articles de ses élèves à elle, qui sont aussi ses copains à lui….
Evénements minuscules dans l’espace privé (2)… Les enseignants sont surpris par le nombre d’articles que les élèves proposent à la publication mais sont inquiets des recopiages d’internet. Bientôt ils ne pourront plus assurer l’administration devenue trop louirde.
Du blog personnel au Spip du collège : double langage (1) Sur le Skyblog de Melody.
Du blog personnel au Spip du collège : double langage (1) Un article de Melody sur le journal en ligne de son collège.
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