Chapitre 3: La conservation des aliments (face aux « microbes » face aux oxydations cf Physique) La conservation des aliments vise à préserver leur comestibilité et leurs propriétés gustatives et nutritives. Elle implique notamment d’empêcher la croissance de microorganismes et de retarder l’oxydation des graisses qui provoque le rancissement.
I- Les Microorganismes A- différentes catégories Un microorganisme est un être vivant unicellulaire microscopique, invisible à l’œil nu. Ce terme englobe actuellement les bactéries, les champignons microscopiques, les protozoaires et (généralement) les virus. Les microorganismes sont abondants et se rencontrent dans tous les milieux, y compris dans l'air Ils peuvent donc tous contaminer des aliments Escherichia coli (bactérie) - Lactococcus (bactérie, ferment lactique) - Toxoplasma (protozoaire) - Penicillium (champignon) - Mucor (champignon) - Virus de l'hépatite A
Différents microorganismes sont susceptibles de contaminer les aliments: Bactéries ex Listeria (rappel de 2e : procaryotes = pas de noyau dans les cellules) Protozoaires ex.: Toxoplasme Champignons ex.: moisissures à aflatoxines (des virus peuvent aussi être présents; mais ils sont considérés comme hors du vivant du fait de leur structure non cellulaire)
B- Conditions de vie de microorganismes Ces microorganismes ont besoin pour leur métabolisme de nutriments (matières organiques) qu’ils trouvent facilement dans les aliments! Chaque microorganisme a un domaine de température optimale, favorisant son développement. Des températures inférieures gênent sa croissance, des températures supérieures gênent aussi sa croissance ou même entraînent sa mort par dénaturation des protéines enzymatiques. Les microorganismes mésophiles se développent de manière optimale dans des conditions de températures qui correspondent à celles de nos aliments. Le dioxygène est indispensable à certains microorganismes (aérobies stricts) alors qu'il est toxique pour d'autres (anaérobies stricts). D'autres encore sont indifférents (anaérobies facultatifs) ou n'ont besoin que de très peu de dioxygène (micro-aérophiles). Chaque microorganisme se développe dans une gamme de pH donnée (acidophiles, neutrophiles, alcalinophiles). Leur résistance à un écart de pH est très variable. La plupart des microorganismes ont un pH optimal compris entre 4 et 7,5.
Les microorganismes se développent dans des conditions spécifiques: - richesse en matières nutritives et eau présence d’oxygène (mais aussi absence pour d’autres) Température plutôt élevées (mais il y a aussi des exceptions!) pH plutôt élevé, neutre ou basique Il est possible de limiter leur développement en contrôlant les conditions de stockage!
Conservation par le froid II les techniques de conservation Conservation par le froid Réfrigèration Congèlation Le froid est une technique de conservation des aliments qui arrête ou ralentit l'activité cellulaire, les réactions enzymatiques et le développement des microorganismes. Il prolonge ainsi la durée de vie des produits frais, végétaux et animaux en limitant leur altération. Le froid ne détruit ni les toxines ni les microorganismes éventuellement contenus dans les aliments. La majorité des microorganismes présents peuvent donc reprendre leur activité dès le retour à une température favorable. On distingue deux procédés qui utilisent cette technique, la réfrigération et la congélation. La réfrigération consiste à entreposer les aliments à une température basse, proche du point de congélation, mais toujours positive par rapport à celui-ci. Généralement, la température de réfrigération se situe aux alentours de 0°C à +4°C. A ces températures, la vitesse de développement des microorganismes contenus dans les aliments est ralentie. La réfrigération permet donc la conservation des aliments périssables à court ou moyen terme. Des règles fondamentales doivent être respectées dans l'application du froid : la réfrigération doit être faite le plus tôt possible après collecte, elle doit s'appliquer à des aliments initialement sains et être continue tout au long de la filière de distribution La congélation maintient la température au cœur de la denrée jusqu’à -18°C. Ce procédé provoque la cristallisation en glace de l'eau contenue dans les aliments. On assiste alors à une diminution importante de l'eau disponible, soit à une baisse de l'activité de l'eau (Aw), ce qui ralentit ou stoppe l'activité microbienne et enzymatique. La congélation permet donc la conservation des aliments à plus long terme que la réfrigération.
Le chauffage pasteurisation stérilisation uht Le traitement des aliments par la chaleur est aujourd’hui la plus importante technique de conservation de longue durée. Il a pour objectif de détruire ou d’inhiber totalement les enzymes et les microorganismes et leurs toxines, dont la présence ou la prolifération pourrait altérer la denrée considérée ou la rendre impropre à l’alimentation humaine. On distingue la pasteurisation lorsque le chauffage est inférieur à 100°C et la stérilisation lorsqu’il est supérieur à 100°C. La pasteurisation a pour but la destruction des microorganismes pathogènes et d’altération. Ce traitement thermique doit être suivi d'un brusque refroidissement puisque tous les microorganismes ne sont pas éliminés et qu’il est nécessaire de ralentir le développement des germes encore présents. Les aliments pasteurisés sont ainsi habituellement conservés au froid (+4°C). En dehors de la réfrigération, d'autres moyens de conservation peuvent être utilisés parallèlement pour contrer le développement des microorganismes survivants : ajout d'agents chimiques de conservation, emballage sous vide, réduction de l'activité de l'eau,…. Cette technique concerne, par exemple, le lait et les produits laitiers, les jus de fruits, la bière, le vinaigre, le miel… La stérilisation est un traitement thermique qui a pour finalité de détruire toute forme microbienne vivante. L’ appertisation est un procédé de conservation qui consiste à stériliser par la chaleur des denrées périssables dans des contenants hermétiques (boîtes métalliques, bocaux). Sont considérées comme conserves les denrées alimentaires, d’origine animale ou végétale, périssables, dont la conservation est assurée par un procédé associant le conditionnement dans un récipient étanche à l’eau, aux gaz et aux microorganismes, à toute température inférieure à 55°C et un traitement par la chaleur (décret n° 55-241 du 10 février 1955). Le traitement à ultra haute température (UHT) consiste à chauffer le produit à une température assez élevée, entre 135°C et 150°C, pendant un temps très court, entre 1 à 5 secondes. Ce procédé met en œuvre soit le chauffage indirect dans des échangeurs tubulaires ou à plaques soit le chauffage direct par contact entre le produit et de la vapeur d’eau sous pression. Le produit stérilisé est ensuite refroidi puis conditionné aseptiquement. Ce process est utilisé pour la stérilisation des produits liquides (lait, jus de fruits, …) ou de consistance plus épaisse (desserts lactés, crème, jus de tomate, soupes,…). uht
déshydratation La déshydratation est une technique physique de conservation des aliments. Elle consiste à éliminer, partiellement ou totalement, l'eau contenue dans l'aliment. Ce procédé présente deux intérêts principaux : l'activité de l'eau du produit ainsi traité atteint des valeurs suffisamment basses pour inhiber le développement des microorganismes et stopper les réactions enzymatiques ; la diminution du poids et du volume est une économie importante pour le conditionnement, le transport et le stockage. Suivant l'intensité de déshydratation, on distingue : -la concentration qui consiste à augmenter la masse d'un produit par unité de volume et peut être réalisé par déshydratation partielle, - le séchage qui consiste à enlever l'excès d'humidité par évaporation de l'eau. On aboutit à des produits alimentaires dits secs, - la lyophilisation, autrefois appelée cryodessiccation, qui consiste à congeler un aliment puis à le soumettre au vide, l'eau passe ainsi directement de l'état solide à celui de vapeur, c'est la sublimation de la glace. Cette technique qui donne des produits de qualité se réhydratant bien, reste d'un prix de revient élevé. Elle est réservée à certaines applications comme le café soluble, certains potages instantanés et l'alimentation de personnes en conditions extrêmes (astronautes, alpinistes ...).
Fruits confits, confitures Fumage Salage Fruits confits, confitures D’autres méthodes permettent de freiner ou bloquer le développement microbien en réduisant l’activité de l’eau tout en en conférant du goût à l’aliment comme le fumage ou l’addition de sel ou de sucre. Le fumage ou fumaison consiste à soumettre une denrée alimentaire à l’action des composés gazeux qui se dégagent lors de la combustion de végétaux. Le fumage joue plusieurs rôles : aromatisation et coloration, préservation par effet antimicrobien et modification de la texture du produit. Il s’applique principalement aux produits carnés pour lesquels le séchage suivi du fumage permet de conserver les viandes et poissons grâce à l'action combinée de la déshydratation et des antiseptiques contenus dans la fumée. La conservation par le sel ou salage consiste à soumettre une denrée alimentaire à l’action du sel soit en le répandant directement à la surface de l’aliment (salage à sec) soit en immergeant le produit dans une solution d’eau salée (saumurage). En diminuant l'activité de l'eau du produit, ce procédé permet de freiner ou de bloquer le développement microbien. Cette techniques est essentiellement utilisée en fromagerie, en charcuterie et pour la conservation de certaines espèces de poissons (harengs, saumon, …). Elle est parfois associée au fumage. La conservation par le sucre ne peut se faire qu’à chaud puisque l’aliment doit perdre une partie de l’eau qu’il contient par évaporation tandis que le sucre, une fois dissous, se lie aux molécules d’eau et les rend indisponibles pour la croissance de microorganismes. On peut ainsi confire les fruits.
confits Par extension, confire consiste à conserver des denrées alimentaires en rendant l'eau indisponible par adjonction de sucre, mais aussi de graisse, d'huile ou de sel. Confire une viande (3) consiste à la cuire dans la graisse puis à la conserver dans la graisse, donc à l'abri de l'air et d'une éventuelle contamination bactérienne. Aujourd'hui on préfère stériliser les confits, ce qui est une précaution supplémentaire.
Alcool et vinaigre Alcool et vinaigre constituent également des antiseptiques parfaits qui contribuent à la conservation des denrées alimentaires en limitant le développement microbien.
Les fermentations Ce procédé biologique tire parti des microorganismes présents sur ou dans les matières premières leur servant de substrat. Elle permet la conservation des aliments tout en améliorant les qualités nutritionnelles des produits et en augmentant les qualités organoleptiques des aliments. La maîtrise du processus de fermentation consiste à favoriser une flore utile au détriment d’une flore indésirable afin de prévenir les risques sanitaires pouvant survenir chez les consommateurs. Actuellement, plus de 3 500 aliments fermentés traditionnels d’origine animale ou végétale existent de par le monde (produits laitiers comme les yaourts ou les fromages ; produits carnés comme le saucisson ; pain et viennoiseries ; légumes fermentés comme la choucroute ou les olives). Les boissons alcoolisées ne sont pas les seules boissons fermentées puisque cacao, café et thé en font partie : les fèves, les grains ou les feuilles dont ils sont issus sont mis à fermenter après récolte afin de développer des arômes caractéristiques. Les produits de fermentation revêtent également une spécificité géographique : si en Europe les fromages, les vins, les bières et le pain sont particulièrement appréciés, en Afrique, les aliments fabriqués à partir de féculents fermentés (igname ou manioc) tiennent une place importante dans l’alimentation tandis qu’en Asie, les produits dérivés de soja ou de poissons sont consommés quotidiennement.
Les bactéries du yaourt à voir au microscope?
L’usage d’additifs Parmi les additifs alimentaires, on distingue les additifs de conservation, ou conservateurs chimiques (E200 à E 297), qui sont utilisés dans le but de prolonger la durée de conservation des aliments. Ils ont comme objectifs d'assurer : l'innocuité de l'aliment, par inhibition de la multiplication des microorganismes pathogènes et de la production de toxines; la stabilité organoleptique de l'aliment par inhibition des microorganismes d'altération. Les conservateurs chimiques n'ont pas la capacité de rendre sain un produit qui ne l'était pas avant son traitement, ni d’améliorer la qualité d'un mauvais produit ; ils peuvent seulement conserver au produit ses caractéristiques initiales plus longtemps qu'à l'ordinaire. On distingue : -les conservateurs minéraux (chlorure de sodium, nitrates et nitrites de sodium et de potassium, anhydride sulfureux et sulfites, anhydride carbonique, peroxyde d'hydrogène ou eau oxygénée), - les conservateurs organiques (acides gras saturés et sels de sodium, potassium ou calcium, l'acide sorbique et les sorbates de calcium, sodium et potassium, l'acide benzoïque et ses dérivés, les autres acides organiques, les alcools, les antioxydants phénoliques), -les antibiotiques, les enzymes et les autres inhibiteurs d'origine végétale ou animale.
L’irradiation L'ionisation ou irradiation des aliments repose sur l'exposition des denrées alimentaires à l'action de rayonnements ionisants électromagnétiques (rayons ) ou constitués d’émissions de particules et a pour but d’assainir et/ou d’augmenter la durée de conservation des aliments en réduisant ou éliminant les organismes pathogènes et d’altération (microorganismes, insectes, …). Dans les aliments d’origine végétale, l’irradiation retarde également la germination et la maturation, elle est également une alternative à la fumigation chimique dans le cas du cacao, du café, des herbes ou des épices. Effets indésirables : - destruction d'une grande partie des vitamines et des nutriments ; - formation d'espèces chimiques mal connues pouvant modifier les propriétés organoleptiques ; - etc.
Les atmosphères modifiées Le conditionnement sous atmosphère modifiée (modified atmosphere packing ou MAP) consiste à remplacer l'air contenu dans l’emballage par un gaz ou un mélange gazeux, le tout étant ensuite stocké à basse température. Cette technique permet, en réduisant le niveau d’oxygène tout en maintenant le niveau d’humidité, de bloquer la prolifération microbienne et ainsi de prolonger la durée de conservation des aliments tout en préservant ses qualités organoleptiques. L'objectif est de trouver un juste milieu afin de produire une atmosphère modifiée ou protectrice dite équilibrée (EMA). L'oxygène et le dioxyde de carbone peuvent alors entrer et sortir de l'emballage, de telle sorte que l'oxygène consommé à l'intérieur est remplacé par l'oxygène extérieur et le dioxyde de carbone est maintenu à un niveau constant dans l'emballage. Autre avantage, l'atmosphère modifiée réduit la production naturelle d'éthylène par les fruits et les légumes. Ce gaz accélère le processus de mûrissement. Par exemple, pour un sachet de salade mélangée, une atmosphère protectrice équilibrée peut se composer de 5 % d'oxygène, de 15 % de dioxyde de carbone et de 80 % d'azote. Cette composition prolonge la durée de conservation du produit jusqu'à huit jours. Avec un peu de chance, à l'air libre, la salade resterait fraîche pendant quatre ou cinq jours. En outre, une atmosphère modifiée peut avoir une influence favorable sur le brunissement des fruits et légumes coupés, tels que les pommes de terre et les pommes. Ce phénomène est du à une oxydation provoquée par les enzymes libérées lors de la découpe de la chair. Le cas échéant, la présence d'un mélange de dioxyde de carbone et d'azote dans l'emballage, sans oxygène, peut empêcher les aliments de brunir pendant plusieurs jours, au lieu de quelques heures ou de quelques minutes s'ils sont conservés à l'air libre.
● Les techniques de conservation des aliments visent à empêcher les microorganismes de se multiplier de manière à préserver la comestibilité et les propriétés gustatives ou nutritives des aliments. ● La plupart des méthodes de conservation des aliments sont anciennes et ont été établies grâce à une démarche empirique. Aujourd'hui, la biologie permet de comprendre les fondements de ces méthodes. On peut : - inhiber le développement des microorganismes par le froid (réfrigération ou congélation) ; - tuer les microorganismes par la chaleur (appertisation, pasteurisation...) ou avec un antiseptique (fermentation...) ; - supprimer l'eau disponible (déshydratation, salage, sucrage ...) ; - etc. ● La combinaison de plusieurs techniques de conservation peut également être envisagée afin d'augmenter la durée de vie d'un aliment sans provoquer une modification significative de ses caractéristiques organoleptiques et nutritives.
Exercices page 138 139