Description de l’épidémie d’infection à Clostridium difficile PCR-ribotype 027 dans le Nord de la France, 2006-2007. G. Birgand a, K. Blanckaert a, A. Carbonne a, Z. Kadi a, B. Grandbastien b, B. Coignard c, F. Barbut d, P. Astagneau a a CCLIN Paris-Nord b Service de gestion des risques infectieux, CHRU de Lille c Institut de Veille Sanitaire d Laboratoire Clostridium difficile associé au CNR des bactéries anaérobies et du botulisme, Hôpital Saint Antoine, Paris Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Emergence du Clostidium difficile PCR-ribotype 027 Augmentation de l’incidence des ICD au Québec et aux Etats-Unis [1,2] 1er cas groupés en Belgique [5] 1ers cas groupés en France [6] 2003 2004 2005 2006 2007 1ère épidémies au Royaume-Uni [3] 1ère épidémies aux Pays-Bas [4] 1ère épidémies aux Danemark Depuis 2003, les réseaux de surveillances canadiens et américains ont constaté une augmentation de la fréquence des ICD. Dans la région de Sherbrooke au Québec, l’incidence des ICD chez les patients de plus de 65 ans a été multipliée par 8 en 10 ans (passant de 102 cas/100 000 habitants en 1991 à 866 cas en 2003). Aux Etats-Unis l’incidence rapportée sur des données rétrospectives a été multipliée par un facteur de 2 entre 1996 et 2003. Les données de surveillance Canadienne de l’incidence des ICD nosocomiales dans les centres hospitaliers du Québec, publiées trimestriellement par établissement rapportent des incidences de 5 à 25 ICD/10000 journées d’hospitalisation. La souche 027 a été récemment impliquée dans deux importantes épidémies au Royaume-Uni, au « Stoke Mandeville Hospital », et au « Buckinghamshire Hospitals » (42). 334 patients ont contracté une ICD lors de leur hospitalisation et 33 patients sont décédés entre octobre 2003 et décembre 2005. Cet épisode a donné lieu à une commission d’enquête qui a conclu à des insuffisances dans la mise en place de mesures de contrôle de cette épidémie et à des erreurs de management. La Grande Bretagne a, depuis, mis en place une surveillance trimestrielle des ICD dans la population des patients âgés de plus de 65 ans. Les chiffres rapportés varient de 19,1 pour 10000/JH en 2004 à 23,9 pour 10000/JH en 2006 (p = 0,02) (43). En Belgique, aux Pays Bas et plus récemment dans le Nord de la France des épisodes similaires ont été rapportés. Une surveillance des ICD a été instaurée par l‘Institut de Santé Publique Hollandais (RIVM) : en avril 2006, 11 établissements de santé étaient en situation épidémique et la souche 027 était isolée dans 16 établissements de santé (44). En Belgique, le Centre de référence des C. difficile a détecté la souche 027 dans 15 hôpitaux entre 2005 et 2006 (45). Autriche: mai 2008 Belgique: septembre 2005 Danemark: novembre 2006 Finland: octobre 2007 Allemagne: septembre 2007 Ireland 2007 Luxembourg: octobre 2006 Pays bas: octobre 2005 Norvege: decembre 2007 1ère épidémies en Finlande et Allemagne [1] Pépin J. CMAJ 2005 [2] McDonald LC. Emerg Infect Dis 2006 [3] Smith A. Eurosurveillance 2005 [4] Kuipjer EJ. Emerg Infect Dis 2006 [5] Joseph R. Eurosurveillance 2006 [6] Tachon M. Eurosurveillance 2006
Situation Européenne Tous les pays n’ont pas effectué de surveillance des ICD 027 et cette figure sous estime peut être le nombre de pays touchés. EJ Kuipjer, Update of Clostridium difficile associated disease due to PCR-ribotype 027 in Europe. Eurosurveillance Juillet 2008
Généralité sur le Clostridium difficile Bacille à Gram positif, anaérobie, sporulé 1978: reconnu comme l’agent responsable de la colite pseudo-membraneuse [1] C. difficile est responsable de 10 à 25% des cas de diarrhée post-antibiotique par production de toxines entéropathogènes Principal agent de diarrhée nosocomiale chez les adultes [2,3] Évolution des ICD associée à la diffusion du C. difficile nommée 027 (PCR-ribotypage) ou NAP1 (Électrophorèse champ pulsé) [1] Bartlett J.G., N. Eng. J. Med 1978. [2] Bartlett J.G., Clin. Infect. Dis 1994. [3] Bartlett J.G., Antibiotic-associated diarrhea, N. England. J. Med.
Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008 Objectifs Étude descriptive: Dynamique de cette épidémie Caractéristiques des patients Évolution clinique des patients Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Méthodes : Recueil de données Recueil de données portant sur la période du 1er janvier 2006 au 13 novembre 2007: Données patient Caractéristiques de l’ICD Données laboratoire (CNR et résultat du ribotypage) Suivi du patient Tableau de recueil fourni aux ES par l’InVS par l’intermédiaire du Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales. L’analyse a porté sur les données de suivi des cas d’ICD de janvier 2006 à novembre 2007 recueillies par les établissements ayant déclaré des cas à l’aide d’un tableau Excel proposé par le réseau d’alerte, d’investigation et surveillance des infections nosocomiales. Le recueil fusionné par le CCLIN Paris-Nord comportait des informations administratives, cliniques, biologiques et le devenir du patient. Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Méthodes: Définition des cas Cas certain: cas d'ICD avec recherche de toxines A/B (+) et souche 027 selon le CNR. Cas probable: cas d'ICD avec recherche de toxines A/B (+) et un des critères suivants : cas nosocomial acquis dans un établissement où une souche 027 a déjà été isolée, ou cas nosocomial importé d'un établissement où une souche 027 a déjà été isolée, ou cas chez un patient chez qui a déjà été isolé une souche 027. Cas possible: cas d'ICD avec recherche de toxines A/B (+), sans typage réalisé ou en attente et aucun des critères précédents. Cas non 027: cas d'ICD avec recherche de toxines A/B (+) et souche non 027 selon le CNR. Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Résultats: Courbe épidémique 48 ES du Nord Pas-de-Calais et de Picardie signalaient 1 ou plusieurs cas d’ICD. 639 cas entre janvier 2006 et novembre 2007. 2ème campagne de prévention 1ère campagne de prévention Le premier cas d’ICD a été diagnostiqué le 4 janvier 2006 et le cas index d’ICD 027 a été diagnostiqué le 17 janvier 2006. La courbe épidémique est de nature bimodale. Le premier pic en mars 2006 de 18 cas (dont 11 cas d’ICD 027 certaines ou probables) en une semaine était suivi de la diffusion des recommandations nationales et la mise en place des mesures de prévention dans les ES touchés. A partir d’avril, le nombre de cas se stabilisait à la limite du seuil épidémique estimé à 5 cas d’ICD 027 certaines ou probables par semaine avant un second pic en septembre 2006 de 25 cas (dont 18 cas d’ICD 027 certaines ou probables) provoquant un renforcement des actions déjà en place et une baisse du taux d’attaque. Ces deux bouffées épidémiques sont d’amplitude croissante traduisant le mode de transmission manuporté du C. difficile. En ne considérant que les cas certains d’ICD 027, la courbe évolue après un pic initial en plusieurs vagues d’amplitude croissante. Cette fluctuation est d’autant plus marquée lorsque les cas probables sont associés aux cas certains. La date de fin d’épidémie correspondait à la clôture de l’alerte nationale le 28 février 2007 avec une durée d’épidémie d’environ 14 mois. A partir de cette date jusqu’à la fin de l’année 2007, le nombre de cas d’ICD 027 restait inférieur au seuil épidémique Second pic en lien avec l’augmentation de la recherche Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Résultats: Répartition spatiale Répartition des ICD par type de souches dans l’interrégion Nord de la France du 1er janvier 2006 au 13 novembre 2007 La répartition géographique des ES ayant signalés des cas d’ICD mettait en évidence deux foyers épidémiques. Le premier dans le Nord-Pas de Calais incluait 567 cas d’ICD dans 35 ES soit 90% de l’ensemble des souches isolées dans le NPdC dont 234 à CD 027. Ce grand nombre d’ES touchés montre une importante diffusion inter-hospitalière de la souche de C.difficile 027. Parmi ces ES, 10 hôpitaux ont diagnostiqué entre 6 et 53 cas d’ICD 027, 16 hôpitaux entre 1 et 5 cas et les 9 restant ont diagnostiqué des ICD non 027. Au centre de ce foyer, se trouvait le cas index. La première hypothèse pouvant expliquer cette concentration des cas est une forte densité hospitalière sur ce territoire qui intègre les agglomérations Lilloises et Lensoises et constitue le bassin de vie du NPdC. Ces 35 ES représentent près de la moitié du nombre total des lits d’hospitalisation et la majorité des structures d’accueil hospitalières de la région NPdC. En dehors de ce foyer, l’épidémie d’ICD ne touche que quelques hôpitaux dispersés dans le reste de la région NPdC. La seconde hypothèse serait la proximité géographique de la Belgique. En 2005, ce pays a été fortement touché par des épidémies d’ICD 027 et pourrait être la source de la diffusion de la souche de C.difficile 027 en France. Le second foyer épidémique se situait à la frontière Picarde et incluait 5 ES dont 4 en Picardie notant l’aspect interrégional de l’épidémie. Ce foyer incluait 21 cas d’ICD dont 16 ICD 027. (profil de résistance différent en lien avec une mutation) Un ES présentaient un nombre de cas d’ICD 027 supérieur à 5 (n=11) et deux comptaient au moins un cas d’ICD 027, les deux derniers ayant été touchés par des ICD non 027. Un cinquième ES Picard isolé géographiquement de ce foyer épidémique était touché par 4 cas d’ICD 027. Cette cartographie des cas informe de la capacité de diffusion inter-hospitalière et interrégionale du C.difficile 027 touchant les bassins de vie possédant une forte densité hospitalière avec comme source potentielle la Belgique frontalière. Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Résultats: Les patients Données générales: Age médian: 81 ans [74-86] Sexe ratio: 0,51 Origine de l’infection: 427 Infections nosocomiales acquise (68,8%) 115 Infections communautaires (18%) 61 Infections nosocomiales importées (9,5%) Inconnue: 36 (5,7%) Données cliniques: 599 cas de Diarrhée (93,7%) 32 cas de Colite pseudomembraneuse (5%) Non renseigné: 6 (0,9%) Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Imputabilité estimée à 16,4% Résultats: Évolution Évolution de l’infection: Sévère pour 90 cas (14,1%) Bénigne pour 543 cas (85%) Données microbiologiques: 281 (44%) souche de PCR-ribotype 027 105 (16,5%) autres types de souches 30 (4,7%) souches non typables et 223 (35%) non renseignées Devenir du patient: (à 3 mois) 198 (31%) patients décédés 265 (41,5%) patients rentrés au domicile 144 (22,5%) patients restants hospitalisés 183 dossiers analysés par un comité d’experts pour revue clinique de morbi-mortalité: Imputabilité estimée à 16,4% Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008 Discussion Fort pouvoir épidémique du C.difficile PCR-ribotype 027: Production in-vitro de 16 à 23 fois plus de toxine A et B [4]. Hypersporulation [5]. Résistance aux Fluoroquinolones: avantage sélectif. Représente plus de 80% des souches isolées dans une étude canadienne et jusqu’à 50% dans une étude américaine [8,9]. Délai entre le premier cas et la première campagne de prévention d’environ 3 mois. Ce délai est raccourci en raison de la mise en place du système de signalement des infections nosocomiales [4] Warny M,Toxin production by an emerging strain of Clostridium difficile associated with outbreaks of severe disease in North America and Europe. Lancet 2005 [5] Akerlund T. Increased sporulation rate of epidemic clostridium difficile type 027. JCM 2008 [6] Loo VG, A predominantly clonal multi-institutional outbreak of Clostridium difficile associated diarrhea with high morbidity and mortality. N Eng J Med 2005 [7] Mc Donald LC, An epidemic, toxin gene-variant strain of Clostridium difficile. N Eng J Med 2005 Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Recommandations pour le contrôle de l’épidémie Les clefs du contrôle de l’épidémie: Rapidité de l’alerte (système du signalement externe) Rapidité d’application de mesures d’hygiène spécifiques (systèmes de surveillance régionaux et nationaux) Isolement des patients symptomatiques (unités de cohorting)
Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008 Conclusion (1) Augmentation de la sévérité des ICD et de la Mortalité attribuable Impact financier Le contrôle des Épidémies d’ICD 027 est possible! Poursuivre les efforts de surveillance et de prévention : risque de réémergence de cette souche ou d’autres souches. Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Conclusion: Perspectives Détermination de l’imputabilité des ICD PCR-ribotype 027 dans la mortalité des patients Proportion de porteurs sains dans la population inconnue Analyse étiologique Étude médico-économique approfondie Le C.difficile 027 est à l’origine d’un changement de l’épidémiologie des ICD. Les perspectives de recherche sont nombreuses. D’un point de vue épidémiologique, le premier axe serait la détermination de l’imputabilité des ICD 027 dans la mortalité des patients. La proportion de porteurs sains de C.difficile 027 dans la population est inconnue à l’heure actuelle. Ce réservoir occulte pourrait être à l’origine d’une réémergence d’infections. Une estimation permettrait d’avoir une vision plus réaliste du phénomène. D’autre part, les facteurs de risque d’ICD sont largement décrits dans la littérature. Une analyse étiologique de cette épidémie pourrait cependant être réalisée, en complément de l’enquête de l’équipe du CHRU de Lille. Enfin, une étude médico-économique approfondie permettrait de déterminer l’impact de l’émergence du C.difficile 027 sur l’organisation des soins en France. Congrès Adelf Epiter 10 septembre 2008
Merci pour votre attention.