Hydrocarbures dans le Rift Albertine: Opportunités de Développement ou Risques d’instabilité Promouvoir la coopération et la stabilité régionales Pole Institute Par Christophe Sebudandi
Système de rift valley africain (1/4) Les lacs Albert, Edouard, Kivu, Tanganyika et Malawi se trouvent dans la branche ouest du rift valley africain ou « rift albertine » Avant d’aller plus loin: Il est important de comprendre la dynamique des rifts et le rôle qu’ils jouent dans le piégeage des hydrocarbures
Système de rift valley africain (2/4) Il est considéré comme une des merveilles géologiques et géophysiques du monde, un laboratoire vivant C’est un espace où les forces tectoniques sont en train de créer de nouvelles plaques à partir des anciennes Le rift peut être compris comme une fracture de la surface terrestre qui s’élargit avec le temps, formant un bassin allongé bordé de failles normales abruptes. la plaque nubienne se sépare et s’éloigne de sa partie de l’Est, dénommée, la plaque somalienne et se sépare aussi de la plaque arabique au nord qu’elle croise dans la région éthiopienne des Afars où les trois forment une triple jonction pour rejoindre le golfe d’Aden et la dorsale de Carlsberg dans l’Océan indien
Système de rift valley africain (3/4) Partant de ce rift éthiopien, le plus ancien, s’est créé au sud au Kenya, un autre système de rift qui se scinde en deux branches vers 4° de latitude Nord. Il est constitué par la branche ouest ou « Albertine Rift » et la branche Est dénommée « Gregory Rift ». Celle-ci traverse le Kenya du nord au sud et passe par la Tanzanie , à partir de laquelle elle rejoint la dorsale de Davie dans l’Océan Indien La branche ouest passe par l’ouest de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi et comprend les grands lacs Est africains : Albert, Edouard, Kivu et Tanganyika.
Système de rift valley africain (4/4)
Caractéristiques des lacs du Rift Albertine Edouard Kivu Tanganyika Malawi Altitude (m) 619 919 1460 773 474 Superficie (km2) 2150 5300 2700 32000 6400 Volume (Km3) 132 39,5 500 17800 8400 Profondeur maximale (m) 58 485 1471 706 Profondeur moyenne(m) 34 25 240 572 292 Données varient suivant les sources.
Hydrocarbures dans le Rift Albertine L’histoire de la recherche d’hydrocarbures commence dans les différents pays au siècle dernier, au gré des intérêts des « majors » La recherche en Ouganda, et surtout la découverte du pétrole dans le lac Albert est le point de départ de cette aventure, avec l’annonce des découvertes de pétrole en 2006, dans le lac Albert Les similitudes géologiques ont encouragé l’accélération des recherches dans les parties méridionales du rift valley: lac Edouard, Kivu, et Tanganyika On parle de nouvelle frontière – Kenya, Tanzanie, Sud Soudan, Ethiopie, Mozambique, etc.
Aperçu sur l’état des recherches Inclinaison SW du graben, c’est-à-dire vers la RD COngo
Problématique liée au développement des hydrocarbures dans le Rift Albertine Avancement des recherches à des rythmes différents: découvertes et avancées en Ouganda, Rwanda,Burundi et Tanzanie RDC se trouve en arrière dans cette dynamique Ressources se trouvent à cheval sur la frontière entre la RDC et ses voisins de l’Est Les frontières ne sont pas définitivement délimitées: terrestres avec bornages précaires ou imprécises, maritime par la médiane ou changement de lits des rivières (Semliki, Ruzizi)
Problématique hydrocarbures (suite) L’Ouganda prévoit de commencer la production en 2017 Le Rwanda a déjà commencé à exploiter le méthane à petite échelle et a démarré les recherches du pétrole dans le bassin du Kivu Le Burundi a déjà délimité les blocs (4 ) dans le bassin du lac Tanganyika et octroyé des licences depuis 2008 La Tanzanie a délimité les blocs dans le lac Tanganyika, dans le bloc sud, les recherches sont avancées (Beach Energy) et une première estimation des réserves a été faite- demande d’extension dans la partie RDC???
Que fait-on si Blocs contigus? Schéma champ commun Pays B Pays A Champ pétrolier Les ressources partagées du rift albertine obéissent probablement à ce schéma, que faire? Champ pétrolier
Plus concrètement: Tanzanie-Burundi-RDC Contigus?
Blocs ougandais et congolais Effet mirroir
Enjeux environnementaux: détruire pour produire? Graben: biodiversité unique – expériences d’ailleurs, dégâts multiformes sur l’environnement et les populations Bruit haute fréquence des activités de développement pétrolier a des conséquences néfastes sur les ressources halieutiques déversements de pétrole et la pollution à partir des composés d'hydrocarbures et de produits chimiques mélangés aux calottes de boue. Une plateforme de production peut rejeter environ 60 000 m3 de fluides de forage et 15 000 m3 de déblais de forage. Généralement, la production intervient après le forage d’environ 50 gisements exploratoires en moyenne.
Enjeux environnementaux les rejets résultant des forages provoquent aussi une augmentation de la turbidité de l’eau. Ce qui cause des dommages physiques aux organes de filtration et de respiration des animaux marins. La présence d’hydrocarbures dans l’eau marine favorise l’apparition de nouvelles bactéries se nourrissant du pétrole, modifiant ainsi la biodiversité initiale. Une étude norvégienne a montré récemment qu’à faible dose, les hydrocarbures aromatiques polycycliques provoquent la féminisation des poissons mâles. La conséquence directe est la diminution de la fertilité. Effets sur les oiseaux, les mammifères, sur l’eau, les marécages, etc.
Enjeux environnementaux Lacs Albert et Edouard: entourés de parcs à l’Est comme à l’Ouest: Murchison Falls, Forêt impénétrable de Bwindi, Queen Elisabeth Park, Parc des Virunga, aires protégées, patrimoines de l’humanité Lac Tanganyika: Huit parcs et aires protégées, 4 au Burundi, 2 en Tanzanie et 2 en Zambie, RDC? Le deuxième le plus profond, le plus poissonneux au monde, 17% des réserves d’eau douce du monde. Faune et flore: 2156 espèce d’êtres vivants dont 27 % sont endémiques, environ 600 (n’existent nulle part ailleurs!)
Défis liés à cette question Etude environnementale et d’impact social confiée aux sociétés elles-mêmes : questions posées, qualité des réponses (non satisfaisantes et superficielles) Consultations tronquées/partielles Mitigation hypothéquée, nécessité d’une étude et d’une surveillance indépendantes et de suivi des mesures de mitigation
Menaces sur le parc des Virunga (1/2) En RDC, fortes inquiétudes autour du parc des Virunga, où le bloc V a été attribué à SOCO en 2010. Le bloc V occupe 85% du parc national des Virunga où vivent 200 espèces de mammifères dont les gorilles de montagne et les okapis qu’on ne trouve nulle part ailleurs que dans cette région Controverses sur l‘opportunité d‘accorder une licence d‘exploration dans le parc – conventions signées, lois nationales Soco a annoncé sa volonté d‘acquérir des données géophysiques Contradictions et ambiguités des décisions des autorités congolaises, exigences environnementales retirées
Menaces sur le parc des Virunga (2/2) Décisions contradictoires prises par les autorités concernées qui ont suscité un levée de boucliers (autorités belges, UNESCO, ONGs, etc.) Parallèlement WWF a lancé une campagne mondiale pour protéger le parc. Le 7 octobre 2013, cette organisation a porté plainte contre la compagnie pétrolière anglaise Soco auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour "violation des normes de responsabilité sociale des entreprises internationales" Déclarations d‘apaisement de la société SOCO, la pression continue en vue du respect des conventions signées par la RDC
Enjeux économiques Diminution de la dépendance énergétique (déficit de courant, consommation de 150.000 bpj, aggravée par la volatilité des prix – 26 USD en 2003, 140 en 2008) Perspective d’une raffinerie en Ouganda Exploitation du gaz au Rwanda Développement des infrastructures: routes, pipelines, chemin de fer Mombasa-Kigali, etc. Réduction du taux de déforestation Augmentation de la production agricole (cas de l’Indonésie) - industrie pétrochimique
Les conséquences sur la pêche Impacts négatifs induits sur la pêche, les pêcheurs Déjà une régression des prises en raison de plusieurs facteurs Certaines espèces sont menacées d’extinction Chiffres: Lac Albert et Edouard: 22000 tonnes annuellement, 30 millions de USD de revenus Lac Tanganyika : 15.000 tonnes, 45.000 pêcheurs, 200.000 opérateurs économiques (Total : 160.000 T) Lac Kivu: 57.000 personnes vivant de la pêche En cas de risques? Des revenus perdus? Penser aux alternatives?
Enjeux transfrontaliers : conflits ou coopération Fragilité: deux exemples; le lac Albert, la plaine de la Rusizi, dans les années 1980, au moment où l’entreprise AMOCO faisait la prospection: litiges latents et/ou ouverts Frontières entre la RDC et ses voisins: incertitudes et conflictualités, etc.: rivières qui chant de déplacent, bornes fragiles, frontières aquatiques approximatives, tracées suivant la médiane, etc. Commission Permanente des Frontières, reconstituer les frontières telles qu’héritées de la colonisation
Frontières glissantes Frontière avec l’Ouganda (817 km -186 auquatique): arrangement de 1915 entre la Belgique et le RU, quelques bornes terrestres ont été détruites, frontière aquatique jamais matérialisée, complications avec le changement de lit de la Semliki Frontière avec le Rwanda (213 km – 111 km aquatique): Arrangement de 1910 Belgique-Allemagne – dans le lac Kivu, îles distribuées, mais le reste n’a été ni matérialisée ni démarquée Commission mixte à pied d’oeuvre
Frontières glissantes RDC-Burundi: 220 km essentiellement aquatique- il s’git d’identifier la branche principale d’un delta de la Rusizi – dans le Tanganyika, c’est le tracé de la médiane Il en est de même avec la Tanzanie: arrangement entre la Belgique et l’Allemagne en 1910 – 498 km- suivant la médiane jamais matérialisée Commissions mixtes , mais beaucoup de problèmes financiers et techniques
RDC: Frontières litigieuses de l’Atlantique au Graben Pour certains le retard de la RDC encourage celle-ci à recourir systématiquement à une manœuvre: bloquer le développement du secteur pétrolier du voisin Cas emblématique du conflit opposant la RDC et l’Angola, entre sur Zone maritime d’intérêt commun (30 juin 2007) Au même moment éclata le conflit dans le lac Albert, occupation de l’île de Rukwanzi par les troupes congolaises, la compagnie Tullow Oil était en train de faire de la prospection Signature de l’accord de Ngurudoto (8 septembre 2008) portant sur l’exploration conjointe, avec beaucoup de mesures sur la sécurité, le suivi, etc. Accord n’a jamais été appliqué. Abrogation.
Expériences de coopération régionale autour des ressources transfrontalières CEPGL, créée en 1976. Production d’électricité via RUZIZI II , la société SINELAC qui est le meilleur exemple de réussite – poursuite de la production d’électricité même aux plus forts moments de la crise Accord de Ngurdoto,mort-né emblématique Projet d’exploitation commune du méthane entre la RDC et le Rwanda, mais évolution en dents de scie Création de l’Autorité du lac Tanganyika – mais lacunes évidentes
Enjeux de gouvernance Déterminante : bonne, le pays prend l’option de la bénédiction, dans le cas contraire, c’est la malédiction, le syndrome hollandais, présidentialisation, corruption, opacité, etc. Exacerbation des tensions surtout dans une zone aussi propice aux conflits comme l’Est de la RDC Transparence dans l’octroi des licences, la publicité des offres, sinon octroi des licences à des sociétés « spéculatives », sans capacités, les cas au Burundi (Surestream, Minergy R.E.) , en RDC (Surestream, Caprikat, Foxwhelp, etc.)
Gouvernance Consultation et Prise en compte des intérêts des populations Dividendes accordés aux populations locales, gestion des questions environnementales Investissement dans les ressources pérennes Prise en compte de la volatilité des prix Générations futures
Conclusions Engager et conclure le processus d’élaboration des politiques – en érigeant comme pilier le principe de transparence, la prise en compte des intérêts des populations, la protection de l’environnement Régler au plus vite les litiges transfrontaliers pendants , recourir le cas échéant aux mécanismes internationaux existants Promouvoir, anticiper pour l’exploitation commune des champs, blocs contigus, capitaliser sur les meilleures pratiques en la matière: Mer du Nord (Traité de FRIGG, 1976), Guinée Equatoriale et Nigeria, champs de Zafiro et Ekanga (1996)
Expériences de coopération En 1977, création de la SOCIGAZ par les trois chefs d’Etat de la CEPGL – mais il n’y a jamais eu ratification de la convention y relative En 2009, un accord a été signé entre la RDC et le Rwanda portant sur le développement d’un projet de production de 200 MW provenant du méthane du lac Kivu MoU a été déjà signé Mais le Rwanda a déjà commencé l’exploitation des problèmes en perspective, même si théoriquement les ressources sont partagées de façon égale
Asante! Merci de votre attention!
Coopération autour du lac Tanganyika En 2008, les 4 pays riverains du lac Tanganyika ont mis en place un projet de gestion durable de ce lac à travers l’Autorité du lac Tanganyika La mission essentielle: la protection et la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable des ressources naturelles du lac Tanganyika et son environnement sur base d’une gestion intégrée et la coopération entre les Etats contractants. La coopération consiste notamment à prévoir et gérer les activités relevant de la juridiction d’un Etat contractant ou sous son contrôle, qui ont un impact ou qui sont susceptibles d’avoir un impact préjudiciable sur le lac et son environnement
Autorité du lac Tanganyika: dispositifs sur l’environnement Echanger des informations concernant l'état de l'environnement du lac, les résultats de surveillance d’activités dans le bassin du lac qui pourraient affecter l’environnement du lac, et leur expérience sur la protection, l'utilisation durable et la gestion du lac Tanganyika (article 4, 2d). Chaque Etat s’engage à tenir les autres Etats contractants informés sur les projets et la réalisation d'activités qui ont un impact ou qui sont susceptibles d’avoir un impact préjudiciable au lac et son environnement (article 4, 2e). Le constat aujourd‘hui est que la recherche pétrolière s‘opère sans que les pays informent leur partenaire (la Tanzanie n‘a jusqu‘à présent donné aucune information sur ses activités…)
ALT: clauses environnementales La convention stipule notamment que l’Etat ou les Etats contractants sous la juridiction duquel ou desquels une activité proposée est envisagée doit s’assurer qu’elle ne provoque aucun effet transfrontalier nocif. De plus, l’Etat partie consultera les autres, après avoir réalisé l’étude d’impact environnemental, les autres états contractants et le comité de gestion sur les mesures permettant de prévenir, réduire ou éliminer les impacts transfrontaliers, notamment les analyses et la surveillance post-projet qui peuvent être requises. L’annexe II classe la prospection et l’exploitation des hydrocarbures comme une activité dangereuse.