Fédéralisme et gestion de la diversité L’expérience de la BELGIQUE Université Saint-Esprit de Kaslik – 6 mai 2008 Johan Verkammen, Chargé d’Affaires a.i.
La Belgique n’est pas seule…. Il y a beaucoup d’autres pays fédéraux, e.a. : Etats-Unis d’Amérique Emirats arabes unis Inde Allemagne Suisse Canada Afrique du Sud Soudan Australie Argentine Bosnie-Herzégovine Brésil Autriche Nigéria Pakistan Russie Ethiopie etc.
Origine du fédéralisme belge Situation géographique au coeur de l’Europe, à cheval entre les cultures latine et germanique Diversité culturelle avec deux communautés importantes : Flandre (60%) & Wallonie (40%), et 3 langues : le néerlandais, le français et l’allemand. Diversité économique
Processus graduel et pacifique d’un Etat unitaire vers un Etat fédéral Création de la Belgique en 1830 : Etat unitaire avec dominance du français Mouvement Flamand : émancipation linguistique et sociale au sein d’un Etat toujours unitaire « Evénements » après la Seconde Guerre Mondiale : question royale, grèves … 1963 : premier pas nécessaire pour construire le fédéralisme: démarcation de 4 régions linguistiques sur base de recensements + municipalités avec « facilités ». 1968 : tensions persistantes, division des universités 1970 - 2003: Fédéralisme par étapes : cinq réformes constitutionnelles.
Dévolution sur 2 axes principaux Art. 1 de la Constitution : « La Belgique est un Etat fédéral qui se compose de Communautés et de Régions. » Revendication flamande : autonomie en matière de langue et culture => 3 Communautés : flamande, française et germanophone Revendication wallonne : autonomie en matières économiques => 3 Régions : flamande, wallonne et Bruxelles-Capitale Chaque entité a son propre gouvernement et parlement élu directement. La Région et la Communauté flamandes sont fusionnées, rendant la structure asymétrique. Par conséquent, la Belgique a 1 gouvernement fédéral + 5 gouvernements fédérés = 6 gouvernements et parlements. Particularité du fédéralisme belge : Fédéralisme centrifugal Deux types d’entités fédérées (Régions et Communautés) avec chevauchement géographique !
Compétences des Communautés Matières culturelles : beaux arts, tourisme, radio & télé, politique de jeunesse, bibliothèques, … Education, à l’exception des conditions minimums quant à l’émission de diplômes et les dispositifs pour la retraite des enseignants Services sociaux : soins de santé, politique en faveur des mineurs et des personnes âgées, … L’emploi des langues dans domaine administratif et dans les relations entre employeurs et employés.
Compétences des Régions Développement économique régional (p.ex. soutien aux investissements, commerce extérieur) Urbanisme (p.ex. établissement de zones industrielles) Protection environnementale et politique de l’eau Politique de logement (p.ex. logements sociaux) Politique agricole et pêche Politique énergétique (p.ex. distribution électricité) Politique de l’emploi Travaux publics et transport Administration des municipalités et des provinces
Compétences du gouvernement fédéral TOUTES COMPETENCES RESIDUELLES ! = compétences pas explicitement affectées aux Communautés et aux Régions par la Constitution ou par des lois spécifiques Finance (taxation) et politique monétaire Défense nationale (armée) et sécurité (police, plans de catastrophe, application de la loi) Justice (système judiciaire, tribunaux, prisons) Droit civil (contrats, loyer, droit de la famille, etc.) Sécurité sociale et droit du travail (chômage, maladie, pensions etc.) Affaires étrangères….mais les Régions et les Communautés peuvent conclure des traités internationaux dans leurs domaines de compétence !
Interaction avec l’Etat fédéral Il n’y a pas d’hiérarchie entre les lois fédérales et les décrets des Régions et des Communautés. Principe de “la loyauté fédérale” inscrit dans la Constitution : en exerçant leurs compétences, aucune autorité ne peut agir d’une façon qui complique l’exercice des compétences des autres autorités. A peu près 40% du budget de l’Etat est géré par les Communautés et les Régions, 60 % par les Autorités fédérales.
Règlement de conflits et méchanismes de consultation Conflits de compétence (juridique) : Conseil d’Etat et Cour d’Arbitrage contrôle le respect de la répartition des pouvoirs. Conflits d’intérêts (politiques) :Comité de Concertation : composé de 6 ministres du gouvernement fédéral et 6 ministres des gouvernements fédérés, avec parité linguistique FR-FL. Consultation et coordination : Comité de Concertation Organes sectoriels : Conférence Interministérielle pour les Affaires étrangères, Conseil National du Travail, etc. Accords de Coopération (p.e. promotion commerce extérieur)
Protection des minorités & sauvegarde de l’unité Parité linguistique au sein du gouvernement fédéral et bruxellois (excepté PM) et au sein des principaux organes judiciaires (Conseil de l’Etat, Cour d’Arbitrage, Cassation), au sein des fonctionnaires (directeurs). Lois à majorité spéciale : exigée pour les lois qui régissent les relations entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions. Double majorité : majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique et 2/3 globalement. Procédure de la sonnette d’alarme au parlement fédéral et bruxellois et procédure du conflit d’intérêts : éviter le vote de communauté contre communauté.
Le fédéralisme: work in progress Les enjeux de la dernière crise Quelques exemples des réformes institutionelles débattues actuellement : scission de la circonscription électorale autour de Bruxelles plus d’autonomie en ce qui concerne la taxation plus d’autonomie concernant la stimulation du marché de l’emploi plus d’autonomie en matière de politique de la santé/sécurité sociale financement des régions et des communautés
Système électoral et formation du gouvernement Représentation proportionnelle. Résultat : beaucoup de partis représentés, d’où le besoin de gouvernements de coalition. Pas de partis politiques nationaux. Partis flamands et francophones (socialistes, libéraux, chrétiens-démocrates, verts etc.) Se regroupent en “familles politiques”. Chaque langue officielle est représentée au parlement proportionellement à sa dimension actuelle (pas de quotas fixes), mais toujours parité linguistique au gouvernement. Par définition l’opposition ne fait PAS partie du gouvernement. Après les élections, le Roi désigne un formateur : politicien (habituellement leader du plus grand parti) chargé de former un gouvernement. Il/elle négocie un accord de coalition détaillé ainsi que la répartition des portefeuilles AVANT que le Roi ne nomme formellement le gouvernement et le PM. Vote de confiance au parlement.
Belgique = Liban ?? Similarités Champs de bataille de puissances étrangères Composés de différentes communautés (définies par la langue/religion), impliquant des divergences culturelles. Comprennent des régions communautairement mixtes Points de vues divergents à l’intérieur de la société Tradition de “démocratie consensuelle” : mesures évitant qu’une communauté domine l’autre. Différences Contexte régional : Europe stable grâce à l’Union européenne par opposition au Moyen-Orient instable à cause de la question Israël/Palestine, rivalité chi’ite/sunnite, etc. Etat séculaire & Etat providence fort en Belgique et érosion de l’Etat au Liban Recours à la violence, armes
Conclusions Le fédéralisme est toujours “sur mesure”. Ceci nécessite le dialogue, l’art du compromis, la flexibilité et la créativité institutionnelle. Certains concepts du fédéralisme belge pourraient être des outils pour déminer les tensions au Liban (introduction très graduelle, délimitations territoriales peuvent varier en fonction des compétences dévolues, disctinction entre matières personnelles et autres, gestion de territoires à communautés mixtes, mécanismes de protection des minorités,…) Fédéralisme est un instrument de paix, un instrument de démocratie. Il aide à résoudre des situations conflictuelles répétées dans le cadre d’un Etat unitaire Fédéralisme = recherche constante d’un équilibre entre besoins opposés d’unité et de diversité. Tant la Belgique que le Liban sont un laboratoire de coexistence.