Picasso et Chaplin dénoncent le nazisme Histoire des arts Picasso et Chaplin dénoncent le nazisme
Picasso et Chaplin : deux artistes témoins de leur temps Charlie Chaplin dans son personnage de Charlot
Musée Reina Sofía (Madrid) 1937 Huile sur toile 351 × 782 cm Musée Reina Sofía (Madrid)
Le dictateur de Charlie Chaplin 1940 Affiche du film Le dictateur de Charlie Chaplin 1940
Le contexte historique Picasso peint Guernica en 1937, au lendemain du terrible bombardement de la petite ville basque de Guernica par des avions allemands. Dans la guerre civile qui déchire l’Espagne, l’Allemagne nazie écrase les Républicains espagnols par des bombardements aériens visant à terroriser la population civile. Charles Chaplin commence le tournage du Dictateur l’année suivante en 1938. A cette date L’Allemagne nazie a déjà pris les premières mesures racistes contre les juifs et fait planer la menace d’une guerre en Europe par une série de coups de force (annexion de l’Autriche et démantèlement de la Tchécoslovaquie). Le film sort à New-York en octobre 1940. Entre temps Hitler a déclenché la Seconde Guerre mondiale et conquis une grande partie de l’Europe.
Musée Reina Sofía (Madrid) 1937 Huile sur toile 351 × 782 cm Musée Reina Sofía (Madrid)
Musée Reina Sofía (Madrid) 1937 Huile sur toile 351 × 782 cm Musée Reina Sofía (Madrid)
La guerre d'Espagne et le bombardement de Guernica. La guerre civile espagnole éclate le 18 juillet 1936. Le 18 juillet 1936 les troupes du Maroc, commandées par Franco, débarquent dans la péninsule. A bien des égards, l'Espagne sert de terrain d'entraînement, et de préparation à l'armée allemande. L'Espagne de la guerre civile est une étape essentielle de la marche à la guerre. Le camp nationaliste se rallie immédiatement les garnisons d'Andalousie, de Galice, des Asturies, de la Navarre, et de la vieille Castille. Par contre Madrid et Barcelone constituent tout de suite le cœur de la résistance républicaine. Le pays Basque forme le front nord d'opposition aux franquistes. Au printemps 1937 le général Emilio Mola, principal chef militaire franquiste, décide de réduire le front nord. L'aviation allemande de la légion Condor soutient les troupes au sol, espagnoles et italiennes. Guernica est une petite ville d'Espagne, de la province basque de Biscaye. Le jour du bombardement Guernica est particulièrement peuplée : de nombreux réfugiés des environs sont venus dans l'espoir de pouvoir fuir en train, par ailleurs c'est jour de marché. Les premières bombes explosent à 16 H 30. Les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 19 H. Les 50 appareils de la légion Condor ont lâché 50 tonnes de bombes incendiaires, et fait plus de 1800 morts sur 6000 personnes alors présentes. Le retentissement international de l'évènement est immense. Franco tente alors de faire croire que la destruction de Guernica est dûe aux basques républicains qui auraient dynamité le village à des fins de propagande. Du point de vue stratégique les nazis expérimentent à Guernica un nouveau type de bombardement, terrorisant les populations, le bombardement en piqué. 43 appareils allemands ont participé à l'opération, des Junker 52, des Heinckel 51 et des Messerschmitt BF 109.
Le taureau Très présent dans l’œuvre de Picasso(Espagne, tauromachie). Symbole de cruauté, de force brute (corrida). Représente les nationalistes ? L’Espagne qui malgré tout reste digne ?
Une mère qui hurle avec son enfant dans les bras. Ses yeux sont en forme de larmes. Langue en forme de couteau ou : violence. Elle montre toute l’horreur du bombardement qui touche des civils innocents. C’est aussi une référence à une figure récurrente de l’art : la Pièta Michel Ange
Une femme tombe d’un immeuble en flammes Une femme tombe d’un immeuble en flammes. Les yeux sont aussi en forme de larmes. Des bombes incendiaires ont été utilisées. Souffrance et désespoir Bras levés au ciel : autre référence. Goya « El très de mayo »
Le cheval Selon Picasso, il représente le peuple : il est représenté blessé (lance, blessure sur le flanc). Il hennit de douleur, c’est une victime innocente. Le peuple martyrisé. Langue en forme de couteau : violence. C’était un jour de marché : de nombreux animaux sont morts ce jour-là. Les caractères d’imprimerie : les informations arrivaient à Picasso par les journaux.
Le soldat qui agonise Le corps est en morceaux : horreur de la guerre et en particulier des bombardements. Les traits sur les bras : blessures. Il tient une épée brisée : c’est l’armée républicaine dont la résistance est brisée. C’était un combat inégal : des épées contre des bombes incendiaires
Un fantôme tenant une lampe Le monde faisant la lumière sur ce qui s’est passé ?
La femme qui boîte Blessée, mais survivante, elle rampe vers la lumière ? Corps disproportionné : blessures…
L’œil du peintre ? Une lueur d’espoir ? Au contraire : une bombe ?
Colombe Signe de paix, mais ici dans l’obscurité
Fleur La vie mais fragile. Symbole d’espoir ?
L’engagement de Picasso « J’ai toujours cru et crois encore, dit-il en mai 1937, que les artistes qui vivent et travaillent selon des valeurs spirituelles ne peuvent et ne doivent pas demeurer indifférents au conflit dans lequel les plus hautes valeurs de l’humanité et de la civilisation sont en jeu. » L’Histoire, n° 115, octobre 1988.
Résumé du film Pendant la Première Guerre Mondiale, un soldat de Tomania est blessé dans un accident d’avion, il devient alors amnésique et reste à l’hôpital, ignorant les événements extérieurs de son pays. Vingt ans après, il retourne dans son ghetto et essaie de reprendre sa boutique de barbier. Il se rend alors compte que le pouvoir est aux mains d’un dictateur, Hynkel, et que le pays est dirigé par des troupes paramilitaires. Il fait aussi la connaissance d’une jeune juive, Hannah, et en tombe amoureux. Les miliciens sèment la terreur dans le ghetto et alors qu’ils s’apprêtaient à pendre le barbier, un officier allemand à qui le barbier a sauvé la vie pendant la guerre le reconnaît et le place sous sa protection. Malgré son poste haut placé dans le gouvernement de Hynkel, il s’oppose à l’invasion de l’Osterlich et est condamné aux camps de concentration. Il organise son évasion et trouve refuge chez son ami le barbier mais la milice les arrête tous les deux et les envoie en camp. Pendant ce temps, le pouvoir du tyran s’est étendu, il reçoit la visite du dictateur italien Napaloni. Par la suite, Hynkel envahit l’Osterlich. Le barbier et Schultz s’échappent du camp, et au cours d’un quiproquo, le barbier, qui ressemble trait pour trait à Hynkel, prend la place du dictateur et prononce un discours qui fait l’éloge de la démocratie et de la tolérance. Le film se clôt sur ce discours en contradiction avec les idées politiques d’Hitler.
Le 1° discours d’Hynkel De quelles manières, C. Chaplin dénonce t-il la manière dont Hitler/Hynkel manipule les foules ?
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Photographies d'Hitler par Heinrich Hoffmann, 1927 Photographies d'Hitler par Heinrich Hoffmann, 1927. Collections de L'Histoire n°18 Retour 23 23
Les mots vociférés sont L'expression faciale est grimaçante Les mots vociférés sont incompréhensibles Les gestes affirment l'autorité, la détermination Hitler manipule les foules Les sous-titres soulignent l'absence de liberté Les foules sont obéissantes Chaplin mime la réalité 24 24
La scène du « globe » Quel est le message de C. Chaplin dans cet extrait ? Donnez un titre aux trois parties qui la composent ?
Chaplin dénonce dans cette scène l'impérialisme hitlérien « Dictateur du monde » « Empereur du monde » 1 Le rêve impérialiste 2 La domination du monde 3 La chute inattendue Chaplin dénonce dans cette scène l'impérialisme hitlérien 26 26
L’engagement de Chaplin « [En 1937] J’étais décidé à aller de l’avant, car il fallait rire de Hitler. Si j’avais connu les réelles horreurs des camps de concentration allemands, je n’aurais pas pu tourner en dérision la folie homicide des nazis. Mais j’étais décidé à ridiculiser leur bla-bla sur les races de sang pur. » Charlie Chaplin, Histoire de ma vie, R. Laffont, 1964.
Ces deux œuvres, nées dans un même contexte, dénoncent les méfaits du nazisme. Cependant, chaque artiste le fait avec des moyens qui lui sont propres. Picasso peint en noir et blanc des personnages aux formes étranges. Celles-ci restituent la terrifiante brutalité d’un bombardement qui déchire les corps et n’épargne ni les femmes, ni les enfants. La condamnation du nazisme est à la mesure de l’effroi suscité par la guerre. Charles Chaplin procède différemment. En parodiant les effets oratoires du Dictateur, il ridiculise les discours d’Hitler. Il souligne la stupidité des théories raciales du nazisme en raillant la brutalité des SA à l’égard des Juifs. Il prend le parti de tourner en dérision et de faire rire du totalitarisme alors que la guerre n’a pas commencé. Cela peut-il suffire ? La découverte des camps de la mort après 1945 donne la mesure des crimes commis au nom du nazisme et conduit Charles Chaplin à regretter d’avoir réalisé un film comique sur une réalité dont il ne découvre l’horreur que bien plus tard. Le retentissement de ces œuvres a été — et demeure — considérable. Elles témoignent de l’engagement des artistes contre le nazisme.