Participation à la culture Culture de la participation Jean-Marie Lafortune | UQAM Forum terrain-école de l’orientation animation socioculturelle HETS - Sierre| 27 mars 2014

Plan de l’exposé  Participation à la culture  Culture de la participation  Réconciliation des deux mondes de la culture  Enjeux de l’intervention publique  Défis pour l’animation socioculturelle  Limites du modèle

Participation à la culture (1/2)  Recouvre la fréquentation/consommation de l’offre culturelle autorisée  Bienfaits de la démocratisation culturelle:  Choc esthétique: de l’immédiateté des émotions à la médiation culturelle  Développement du goût, du jugement et de l’opinion  Mise en commun des références culturelles

Participation à la culture (2/2)  Politiques culturelles nationales: soutien à la création (artistes patentés) et à la diffusion (institutions)  Poursuite de l’excellence artistique à travers des approches sectorielles  Aménagement culturel du territoire et accessibilité géographique  Gratuité et accessibilité financière  Persistance de non-publics

Culture de la participation (1/2)  Concourt à l’aménagement des conditions d’exercice de la citoyenneté  Bienfaits de la démocratie culturelle:  Permettre l’expression d’individus/groupes à qui elle est socialement refusée  Développement de la sensibilité, de la subjectivité et du sens critique  Reconnaissance de la diversité des expressions culturelles

Culture de la participation (2/2)  Politiques culturelles locales: soutien à la création (artistes/institutions) et à la l’expression (pratiques en amateur)  Amélioration de la qualité de vie à travers une approche globale  Contribution d’artistes engagés  Essor de la créativité collective et de la capacité des individus/groupes à apporter des réponses à leurs besoins

Amalgame des logiques d’intervention  Donner accès aux ressources des institutions socioculturelles selon une dynamique de réciprocité  Acculturation: processus par lesquels des groupes sociaux assimilent les valeurs culturelles de d’autres groupes sociaux  Enculturation: processus par lesquels les individus peuvent s’autodévelopper sur la base de leurs caractéristiques et aspirations, avec les ressources dont elles disposent et celles que leur milieu social peut leur procurer

Réconciliation des deux mondes de la culture - orientations  Dépasser les positions associant les institutions culturelles à des dynamiques hégémoniques (imposant la culture légitimée) et les cultures populaires à des expressions artistiques de haute qualité (fruit d’une pure authenticité)  Modifier les filières de formations universitaires: former les médiateurs aux rudiments de l’éducation populaire et les animateurs aux fondements des pratiques artistiques  Questionner les activités et les résultats atteints à l’aune d’objectifs démocratiques

Réconciliation des deux mondes de la culture - en pratique  Plus que susciter la participation active des publics à l’offre culturelle: redéfinir l’excellence artistique  Combattre les stéréotypes et la discrimination envers certains groupes  Harmoniser les interventions destinées aux groupes (reconnaissance) et aux individus (citoyenneté)  Transformer les institutions artistiques et culturelles pour qu’elles intègrent des membres des cultures populaires

Impacts  Vie personnelle: estime de soi, autonomie, développement cognitif, compétences  Cohésion sociale: performances scolaires, employabilité, réduction de la criminalité  Vertus civiques: tolérance, dialogue interculturel  Santé démocratique: loyauté envers les institutions, participation sociale et politique  Vie culturelle: renouvellement de la culture

Enjeux de l’intervention publique  Quel équilibre rechercher entre valeurs esthétiques et valeurs sociales des projets, entre qualité des oeuvres produites et des processus de création mis en place?  Comment éviter le confinement du domaine relativement autonome des arts au social?  Quelles populations privilégier dans l’accès aux ressources collectives rares?  Comment assumer dans les interventions une position de tiers-inclus (non-neutralité)?

Défis de l’animation socioculturelle  Valoriser les cultures populaires en arrimant l’affirmation identitaire avec l’élargissement de l’espace démocratique  Identifier la zone de confort des artistes pour agir en tant qu’intervenants culturels  Harmoniser les interventions destinées aux groupes (reconnaissance identitaire) et aux individus (citoyenneté active)  Renforcer éducation populaire, éducation artistique et éducation à l’environnement

Limites du modèle (1/2)  Faible financement public dédié à la culture  Prédilection des décideurs pour des mesures économiques - qui ont impacts sur la culture !  Carence des politiques éducatives à doubler les politiques culturelles pour donner accès à tous aux métiers artistiques et aux bases de la créativité  Absence d’une action concertée des pouvoirs publics dépassant les domaines culturel artistique et éducatif pour lever les entraves ayant trait aux conditions socioéconomiques et de vie

Limites du modèle (2/2)  Second souffle du néolibéralisme:  Déréglementation des marchés, crises, politiques d’austérité et démantèlement de l’État  Privatisation des services publics: monopolisation, collusion, détournement à des fins de profits  Affaiblissement des instances régulatrices et corruption  Montée de l’insécurité et des inégalités  Dilapidation du capital social de confiance, de loyauté et de réciprocité

En somme  Essoufflement de la démocratisation culturelle à l’ère de la communication: mutation des pratiques culturelles et artistiques, où l’expression supplante la délibération; reformulation du vivre ensemble autour de réseaux sociaux qui ne se superposent plus avec les communautés politiques; essor d’un sentiment d’ubiquité qui réfute l’appartenance territoriale  Travail de sape des bases de la démocratie culturelle avec l’essor du déficit démocratique: accaparement de l’appareil gouvernemental par la classe économique; substitution de la participation par des sondages d’opinion en contexte de conditionnement médiatique; désengagement de l’État vis-à-vis de ses fonctions de régulation et de redistribution

Conclusion  Ce modèle d’action ravive le militantisme des acteurs de la culture en contexte de professionnalisation, favorise le renouvellement de la culture en établissant un continuum entre les expressions issues des cultures populaires et celles produites par les créateurs patentés, et renforce la citoyenneté lorsqu’elle s’inscrit dans un cadre démocratique où se développe et s’exerce la délibération au sein de la communauté politique  Toutefois, ces effets restent marginaux devant l’ampleur de la dynamique délétère du néolibéralisme qui, en amplifiant la fracture sociale, appelle justement des formes inédites d’intervention pour créer de nouvelles solidarités