Pratiques et représentations langagières

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Pratiques et représentations langagières
Transcription de la présentation:

Pratiques et représentations langagières Mme. MEDANE Université Hassiba Benbouali-Chlef- (Algérie)

Historique : Dès son enfance, l’individu essaye de donner un sens au monde qui l’entoure dans le but de comprendre et d’expliquer son environnement, le monde dans lequel il vit, est d’une telle complexité qu’on comprend aisément qu’il nous faille en permanence sélectionner, simplifier et réduire à des dimensions claires les informations multiples qui nous parviennent et que nous devons traiter rapidement.

Bref, « nous sommes toutes et tous plongés dans un environnement qui nous submerge d’informations »[1]. Le seul moyen pour maîtriser et expliquer cet environnement est de le simplifier, de le reconstruire et donc « se le représenter à notre façon, en fonction de nos propres valeurs, principes, idées et connaissances »[2]. [1] .ABRIC, L’étude expérimentale des représentations sociales, In D.JODELET, Les représentations sociales, 1989, p.80 [2] ibid. p. 80

Le concept de « représentations » se relie à une tradition essentiellement sociologique ou plus précisément psycho sociologique. C’est en effet, une notion forgée par E. Durkheim à la fin du siècle dernier, afin d’étudier le comportement social et de désigner « des formes de pensée partagée par une société »[3]. C’est ce qu’il appelle « les représentations collectives » [3] Y.AISSANI, La psychologie sociale, 2003, p. 77.

La représentation impose à l’individu des manières de penser et d’agir, qui se matérialisent dans les institutions sociales au moyen de règles sociales, morales et juridiques. On retiendra de Durkheim, l’idée d’une supériorité des éléments sociaux ; conscience collective ; et représentations collectives sur les éléments individuels. « La représentation collective est l’un des moyens par lesquels s’affirme la primauté du social sur l’individuel »[1]. [1] C.HERZLICH, la représentation sociale, in S. MOSCOVICI (1972), p .303.

Le terme de représentations collectives n’est plus utilisé aujourd’hui Le terme de représentations collectives n’est plus utilisé aujourd’hui. On lui préférera celui de « représentations sociales » qui indique qu’elles se constituent dans un milieu social et orientent les conduites sociales, autrement dit, puisque l’individu est liée à son groupe de référence, il y a de l’influence et de l’interaction et par conséquent, les représentations sont acquises au sein de l’environnement social. C’est pourquoi, l’on dit que les représentations sont avant tout sociales.

C’est à Moscovici (1961), que l’on doit reprise et renouveau des acquis durkheimiens. Selon lui, « les représentations sont des formes de savoir naïf, destinées à organiser, les conduites et orienter les communications »[1]. Ces savoirs naturels constituants les spécificités des groupes sociaux qu’ils les ont produits. N’étant pas figées, les représentations se constituent dans un contexte social et culturel qui est en permanente évolution. Moscovici a voulu appréhender au travers les représentations « Une vie sociale en train de se faire plutôt que déjà là »[2]. Il confère ainsi à l’étude, un caractère non plus statique, mais dynamique. [1] S.MOSCOVICI, La psychanalyse, son image et son public, 1961, p. 39 [2] S. MOSCOVICI, La machine à faire des dieux, sociologie et psychologie 1988, p. 218. (Cité par Y. AISSANI, La psychologie sociale, 2003, p.78).

Définition Maints auteurs ont apporté une définition de la représentation, S.MOSCOVICI, JODELET W., J.C.ABRIC… , Trois propriétés caractérisant la représentation sont à retenir..

- Caractère non savant des représentations La représentation correspond à un ensemble d'informations naïves qui sont le fruit d'expériences individuelles et d'échanges interindividuels. Il s'agit d'un savoir sur le monde (sur les langues, en ce qui concerne les sociolinguistes) mais un savoir non scientifique.

. Elles sont socialement élaborées et partagées Elles se constituent à partir de nos expériences et nos informations, nos savoirs, les modèles de pensée reçus et transmis, elles sont à rapprocher de ce que l'on appelle communément les préjugés et les stéréotypes. D'après ASSOU " elles sont liées à la socialisation ». Donc elles fonctionnent comme des normes sociales qui forment même le fondement de la communauté linguistique qui est définie par LABOV comme un ensemble de locuteurs partageant des normes subjectives communes quant à la langue et non plus les mêmes usages.

Ainsi, certaines langues sont jugées positivement alors que d'autres le sont négativement. Ces jugements peuvent toucher la nature esthétique de la langue, ils peuvent concerner le système lui même comme ils peuvent se porter sur la valeur de la langue sur le marché linguistique. Il y a même des fois où les jugements concernent les locuteurs pratiquant ces langues. Ainsi, les parlers des classes socialement favorisées sont souvent perçus comme plus prestigieux, plus élégants, ce prestige reflète la position socio-économique des groupes sociaux. Donc nous pouvons dire que les représentations revêtent un trait principal: elles sont collectives.

- Elles offrent aux personnes un code commun Elles participent à la construction d'une réalité commune à un ensemble social ou culturel, elles dotent les acteurs sociaux d'un savoir commun et partagé qui facilite la communication. Cette communication va permettre de comprendre et d'expliquer la réalité. En ce qui concerne les sociolinguistes, il s'agit d'une certaine vision, d'une certaine perception que les locuteurs se font des langues, cette forme de connaissance peut être fausse ou écran. Elle ne se confond ni avec le réel ni avec le discours scientifique dont le rôle fondamental est de rendre compte de ce réel avec le maximum d'objectivation. "Il s'agit d'une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble commun »

Les représentations parmi les faits de langue: Les études faites en psychologie sociale sont à prendre en compte par l’étude des représentations en sociolinguistique, la démarche étant la même. Mais il est indispensable de considérer la notion de représentation au regard de la spécificité du linguistique ; et par là de procéder à une appropriation, et non pas seulement à une transposition de concept. Selon J. Garmadi, l’étude des représentations en sociolinguistique est une « partie intégrante de l’objet d’étude de la sociolinguistique »[1]. [1] J. GARMADI, La sociolinguistique, 1981, p. 25.

Henri Boyer ajoute à ce propos que « la sociolinguistique est inséparablement une linguistique des usages sociaux de la/ les langue (s) et des représentations de cette/ ces langue (s) et ses/ leurs usages sociaux, qui repère à la fois consensus et conflit et tente donc d’analyser les dynamiques linguistiques et sociales »[1]. En cela la notion de représentation issue de la psychologie sociale est, désormais, devenue une notion fondamentale dans plusieurs domaines de sciences de l’homme et de la société. Elle a acquis en sociolinguistique et en didactique des langues, un statut théorique de grande importance. [1] Henri BOYER, « Matériaux pour une approche des représentations sociolinguistiques. Elément de définition et parcours en diglossie », In Langue française, n°85, 1990, p .102.

Etant donné l’importance de la langue dans les relations sociales, nous pensons qu’il peut être utile à diverses fins, de connaître les représentations et/ ou les attitudes des locuteurs vis-à-vis de l’une des structures les plus importantes de leur vie sociale. Ces locuteurs qui ont à vivre quotidiennement leurs rapports à leur(s) langues et à celle (s) de leurs interlocuteurs. En cela les représentations sociolinguistiques sont « destinées à rendre compte de la façon dont les locuteurs, individuellement et collectivement, perçoivent leurs pratiques et celles des autres »[1]. [1] L. J. CALVET, Pour une écologie des langues du monde, 1999, p.16.

Il n’existe pas d’usage linguistique sans croyances ou représentations Il n’existe pas d’usage linguistique sans croyances ou représentations. On entend par représentations « l’ensemble des images que les locuteurs associent aux langues qu’ils pratiquent, qu’ils s’agissent de valeur, d’esthétique, de sentiment normatif ou plus largement métalinguistique »[1]. Car les représentations « peuvent être réalisées par des procédés plus larges que l’utilisation du lexique ; le type de raisonnement par exemple, voire de discours utilisé informe sur les représentations que le sujet a du langage et de la situation »[2] . [1] http://www.univ-rouen.fr/dyalang/glottopol [2] Elisabeth BEAUTIER, Pratiques langagières, pratiques sociales (de la sociolinguistique à la sociologie du langage), 1995, p.211.

Les représentations et les pratiques linguistiques La langue est, avant tout, "un ensemble de pratiques et de représentations"(9) affirme J.L.CALVET. En partant de cette idée, il nous parait inconcevable de parler des représentations en négligeant les pratiques linguistiques qui s'imposent d'elles mêmes et qui sont au centre des recherches sociolinguistiques, la chose qui n'en est pas pour les représentations.

Selon BRANCA- ROSOFF, les représentations seraient " des opinions stéréotypées renforçant les consensus et sous tendent les pratiques ", ce qui veut dire que ce sont les représentations linguistiques qui nous renseignent sur les raisons profondes du choix des codes. Ces mêmes représentations qui génèrent les pratiques linguistiques, génèrent aussi les attitudes vis – à - vis des langues en présence, « il y a derrière chaque langue un ensemble de représentations explicites ou non, qui expliquent le rapport à cette langue sous forme d'attachement ou de répulsion ».

Ainsi, on aime une langue ou on la déteste, c'est parce qu'on se fait d'elle une certaine idée ou de ses locuteurs. Selon. A. M. HOUDEBINE. Les représentations constituent un domaine interprétatif des comportements linguistiques et de ce fait un sous domaine de la linguistique synchronique dynamique. Elle introduit la subjectivité en tant que causalité dans l'étude dite synchronique ce qui lui permet une meilleure compréhension des phénomènes de changements linguistiques en synchronie. »

Comment approcher les représentations linguistiques? La place attribuée à l'étude des représentations au sein de la linguistique diffère d'un chercheur à l'autre. Cette divergence reflète l'existence de conflits profonds et importants: ceux concernant les méthodes d'approche.

Le problème méthodologique du recueil des représentations Le recueil et l'analyse des représentations s'appuient sur un éventail de techniques. Le choix d'une méthodologie de recueil et d'analyse est infléchi fondamentalement par la théorie à laquelle le chercheur a recours: cette dernière servira à l'interprétation et l'explication. En effet, les méthodes utilisées dans le cadre de la sociolinguistique sont diverses et sont le plus souvent empruntées à la sociologie (sondage, entretien, questionnaire…).

Certains utilisent des questionnaires extrêmement fermés (et parfois à l'écrit en milieu scolaire pour plus de facilité) qui pré-catégorisent souvent les représentations des personnes interrogées. D'autres au contraire, travaillent à partir de corpus conversationnels. Ceci est capital et nous empêche de comparer nos résultats et nos analyses ».