LES FREINS AU REPERAGE PRECOCE ET A L’INTERVENTION BREVE EN ALCOOLOGIE Dr Dominique ROUCHON
Les freins (1) Absence de demande des patients …et le patient attend… Manque de temps : …. parler dans ces conditions est peu chronophage au regard de l’efficacité (5 à 10 min/patient) car il s’agit de reconnaître un usage à risque : Identifier des seuils de consommation, au delà desquels le risque augmente. Identifier des circonstances où les consommations sont dangereuses.
Les recommandations de l’INPES adaptées de l’OMS (1 unité = 1 verre standard = 10 g d'alcool) Usage ponctuel: Jamais plus de 4 verres par occasion. Usage régulier : Pas plus de 21 verres par semaine chez l'homme (3 verres/jour en moyenne); Pas plus de 14 verres par semaine chez la femme (2 verres / jour en moyenne); Le verre ou unité internationale alcool (UIA) permet d ’évaluer la quantité d ’alcool ingérée qui est indépendante du type de boisson car la taille des verres est inversement proportionnelle à la teneur en alcool de la boisson Chaque verre de boisson servi au café ou au restaurant peut être considéré comme contenant la même quantité d’alcool Attention un verre à la maison est souvent beaucoup plus rempli qu’un verre au bistro ! Attention la bière peut être « standard » (5°) ou forte (9°) et la taille du contenant variable.(25, 33, ou 50 cl) nombre UIA = volume en ml x pourcentage d’alcool en volume (degré) x 0,8 ou volume en cl x pourcentage d’alcool en volume (degré) x 8 / 1000 (0,8 étant la densité de l ’alcool éthylique)
Pas d’alcool dans les circonstances suivantes: Grossesse, Enfance, Pathologie particulière (hépatite..), Dette de sommeil, Conduite de véhicule, machine dangereuse, Responsabilités nécessitant de la vigilance, Avec certains médicaments, Alcoolodépendant abstinent...
Consommation à risque, nocive d’alcool : Signes non spécifiques d’alerte Troubles du sommeil, de l’humeur, anxiété, dépression Troubles digestifs « bâtards » Prise de poids Accidents et blessures, HTA Perturbations familiales, professionnelles ou sociales GGT + VGM élevés consommation de tabac et autres addictions Plus le repérage est précoce, moins la symptomatologie est présente ou si elle présente moins elle est spécifique. Penser systématiquement à un mésusage d ’alcool devant : - des problèmes de santé physique et / ou psychique peu spécifiques, tels notamment les plaintes fonctionnelles banales et polymorphes qui sont évocateurs par leur juxtaposition et qui induisent un recours plus fréquent aux professionnels de santé; - la concomitance de ces problèmes de santé avec des difficultés personnelles et /ou relationnelles (familial, conjugal, socio-professionnel) Dans l ’enquête menée auprès de la clientèle des médecins généralistes d’Aquitaine par l’ORSA en 2000 apparaît clairement la plus grande fréquence d’antécédents d’hospitalisation et d’accidents parmi les personnes ayant un profil à risque. Par ailleurs la fréquence de l ’association tabac/mésusage d ’alcool ainsi que la potentialisation des risques liés à ces deux consommation, doit amener le médecin à évoquer la question de l ’alcool de fàçon systématique avec les fumeurs.
Les freins (2) Peurs (voire déni): d’être intrusif …mais parler du tabac, des médicaments et des conduites alimentaires ne soulèvent pas de questionnement de perdre le patient …mais les patients sont demandeurs d’intervention sur le sujet (associations d’anciens buveur). Manque de confiance : est ce que je peux ?
Les freins (3) Reconnaître mes représentations et mes réticences …rapport avec ses propres consommations : - quelles sont mes propres conceptions d’une relation normale/pathologique avec l’alcool ? - quelles sont mes propres expériences avec l’alcool ? - quelles sont mes dépendances actuelles ou passées ? - quelle est ma façon de gérer mon sentiment de colère vis à vis de certains comportements des alcooliques ? - quelle est ma façon de gérer les échecs?
Les freins (4) Démotivation sur la durée, découragement : est ce que je vais l’accepter? …l’intervention brève ne cible pas que l’alcoolodépendance - Il peut s’agir d’un patient qui se met en danger par sa consommation d’alcool, * pas de répercussion actuelle : usage à risque, * répercussion actuelle : usage nocif. (consommateur à problèmes) Dans les 2 cas, il n’y a pas alcoolodépendance.
Il peut s’agir d’un patient dépendant, c’est à dire qui a perdu la maîtrise sur sa consommation. la Prise en charge est multidisciplinaire. …il y a des relais Non usage : absence de consommation. Ce non usage peut être, notamment, primaire ou secondaire (souvent appelé “ abstinence ” pour les alcoolo-dépendants). Mésusage : rassemble toutes les conduites d’alcoolisation comportant soit un ou plusieurs risques objectifs, soit des dommages induits (dont l’alcoolo-dépendance) et justifiant donc une intervention. Sont différenciés l’usage à risque, l’usage nocif et l’usage avec dépendance. usage à risque : toute conduite d’alcoolisation qui bien que sans dommages induits et sans dépendance à l’alcool, associe : - Une consommation supérieure aux seuils de l’OMS, - Toute consommation en situation de risque (grossesse, conduite de véhicule, association à certains médicaments, pathologie particulière..) On parle de consommateur à risque. · usage nocif : toute conduite d’alcoolisation qui associe : - l’existence d’au moins un dommage physique, psychique ou social induit par l’alcool, et - l’absence de dépendance à l’alcool. On parle de consommateur à problème(s). · Usage avec dépendance : toute conduite d’alcoolisation caractérisée par une perte de la maîtrise de la consommation. On parle de consommateur alcoolodépendant
Les freins (5) Difficile de savoir l’impact réel du RPIB et son appropriation par le patient en pratique courante : …cette approche permet aux buveurs à risque de réduire leur consommation de 25 à 40%des cas avec un bénéfice médical et psycho-social durable pour les patients …les qualités du questionnement clinique sur la consommation déclarée sont plus performantes que les examens biologiques
Les freins (6) Pas de reconnaissance pour les actes de prévention en Médecine Générale… …oui, quelques minutes pour parler du tabac, quelques minutes pour parler des troubles des conduites alimentaires… et quelques minutes pour parler d’alcool. Etre systématique: quand, comment, combien? Consommation déclarée par jour, par semaine, par occasion : AUDIT, DETA/CAGE
Les conduites d’alcoolisation excessives sont un problème important de santé publique : En France : 10% de la population est dans une consommation excessive 5% de la population est dans une alcoolodépendance
Les freins (7) Formation supplémentaire ! Intérêt variable lié aux priorités de la pratique … …20% en moyenne des patients assis dans une salle d’attente sont dans un mésusage à l’égard de l’alcool …60 000 décès par an en France (= 3 canicules) …1 000 décès par an en Aquitaine (= 2 Boeing 747) …l’alcool est la 1ière cause de mortalité prématurée puisque 46% des décès dus à l’alcool surviennent chez des personnes de moins de 65 ans …je peux être efficace auprès des patients
LE REPERAGE
Les tests de repérage : consommation d’alcool hebdomadaire déclarée(CDA) et nombre de verres par occasion AUDIT : auto questionnaire adapté pour détecter et pour repérer les buveurs à risque. CAGE/DETA : Avez vous déjà ressenti la nécessité de réduire votre consommation de boissons alcoolisées? Avez vous déjà été ennuyé par des critiques concernant votre consommation d’alcool ? Vous êtes vous déjà senti culpabilisé à cause de votre consommation d’alcool ? Avez vous déjà eu l’occasion de consommer de l’alcool le matin , pour calmer vos nerfs ?
L’INTERVENTION BREVE
L’intervention brève : Principes Provoquer une prise de conscience Inciter à un changement de comportement Être suffisamment brève pour être utilisable Être empathique, sans juger, Respecter le choix du patient…
Intervention brève : Restituer le test de repérage Le risque alcool Le verre standard Intérêt de la réduction Les méthodes pour réduire la consommation Proposer des objectifs, laisser le choix Donner la possibilité d’en reparler lors d’une prochaine consultation, Remettre un livret ou un document écrit Le Comité français d ’éducation pour la santé a réalisé avec le programme BMCM (boire moins c ’est mieux) un outil destiné au médecin généraliste avec un livret qui peut être remis au patient. Ce livret reprend les données orales et propose un journal de bord.
Etapes du changement Rétro action reprendre avec le patient : sa consommation d’alcool (restitution du test de repérage: fréquence, quantité) les seuils, les risques Responsabiliser le changement de comportement appartient au patient (pas au thérapeute). Le feed-back: le test de repérage: - le test sert à « ouvrir le dialogue » - le test n ’a pas de valeur indiscutable, mais il permet de partir de « l ’interprétation courante » de la valeur du score - Il permet de percevoir également les attitudes générales du patient à l’égard du sujet alcool… et du sujet médecin Le risque alcool est identifié en général avec l’« alcoolisme » Insister sur la « normalité » sociale de la consommation à risque et sur la notion de risque inconscient Les repères de consommation (deux verres et trois verres) sont la base du message « Les études montrent que boire plus diminue l’espérance de vie » faire le lien objectif entre la consommation et la présence éventuelle de dommages (médicaux, sociaux, etc.) Cf. tension artérielle, cholestérol… la responsabilité du patient dans son changement de comportement: le médecin ne peut croire à l ’efficacité d ’une injonction de sa part avec un patient passif mais il va aider la personne dans sa démarche, dans une approche plus partenariale.
Etapes du changement (2) Conseil Un conseil de modération est clairement donné au patient. Menu Evoquer avec le patient les modifications possibles (quantité, rythme…). Efficacité personnelle Le patient est le maître d’œuvre de son changement et est encouragé. L e conseil de modération est donné au vu de la situation réelle de la personne. Différentes stratégies ou méthodes utilisables pour réduire la consommation peuvent être données: - réduire la fréquence - réduire l ’intensité - changer d ’habitudes - repérer les circonstances ou on boit le plus et définir des conduites de rechange - intérêt d ’un journal de bord Le verre standard (« unité alcool ») est un concept simple, mais la plus grande part des patients a une consommation domestique : savoir convertir par contenu des emballages Importance d’un support visuel des documents sont disponibles auprès des CODES ou des CCAA (coordonnées téléphoniques sur le document «la preuve par 9 »
Intervention brève: A la fin de la consultation les objectifs doivent être résumés : « est-ce que j ’ai bien résumé notre discussion ? » « est-ce que vous avez envie de tenter cette démarche ? » oui franc : on passe au livret « action », et à la proposition d ’accompagnement non : « vous pouvez toujours revenir en parler, je serai là pour vous aider» ? hésitation : approche motivationnelle (livret « information »)
L ’intervention brève: se rappeler….. Intervention conçue pour être délivrée en une seule fois… Ne pas « rater l ’occasion » Mais savoir percevoir les réticences et différer si besoin…à condition de ne pas « fuir la difficulté ». Repérer à nouveau la consommation dans un délai de 3 mois à un an.