L’AMOUR ET LE COUPLE SOUS LE REGARD DU SOCIOLOGUE
1- DE QUI TOMBE-T-ON AMOUREUX ? 1. 1 – Du « mariage arrangé » à « l’amour romantique » Point de départ historique : mariage se construit largement en dehors des choix individuels - Importance des logiques patrimoniales - Rôle des contraintes géographiques (endogamie) et des pressions sociales
Développement de l’idée de « romantic love » (E. Shorter) - Apparition des fiançailles (mode de connaissance réciproque des futurs époux) - Interrogation sur les causes du phénomène (industrialisation, individualisation ?) - Choix du conjoint s’autonomise des contraintes sociales mais reste marqué par la proximité sociale
1. 2 – Persistances et mutations de l’homogamie Constat paradoxal : homogamie (« fait de se mettre en couple avec un conjoint dont la situation sociale est proche ou équivalente ») persiste dans des sociétés marquées par l’individualisme Etude fondatrice : Alain Girard (1964) - Importance de la proximité dans le choix du conjoint : sociale, géographique, générationnelle, religieuse, en terme de niveau d’études
Conclusion de Girard : « la liberté de l’individu reste enserrée, aujourd’hui comme hier, dans un réseau étroit de probabilités et de déterminismes qui poussent moins encore à choisir qu’à trouver un conjoint qui lui soit le plus proche possible »
Etude de Michel Bozon et François Héran (données 1984 – publication 1987) - Volonté de tester la pertinence des analyses de Girard vingt ans après - Affaiblissement de certaines formes d’homogamie Homogamie géographique se réduit légèrement (mais surreprésentation de couples originaires de communes de tailles comparables) Homogamie se lit moins dans les origines des individus que dans leurs caractéristiques propres
- Persistance d’une logique d’homogamie
Données de l’enquête « Histoire des familles » 1999 (publication Mélanie Vanderschelden – Données Sociales 2006) Maintien de l’homogamie : couples homogames représentent 30 % des couples contre 17 % si la répartition se faisait au hasard
Calcul d’indices d’homogamie
En cas de différences sociales dans le couple : « hypergamie » féminine
Influence complexe d’autres critères Effet divergent du diplôme selon le sexe et la catégorie sociale Absence d’effet significatif de l’âge au mariage et du rang de l’union sur l’homogamie Homogamie est d’autant plus forte qu’il y a absence de mobilité sociale ascendante
Enquête emploi 2011 : l’homogamie reste une réalité forte
L’homogamie est liée au diplôme Et au type d’études supérieures…
1. 3 – Comment expliquer l’homogamie ? Rôle des lieux de rencontre (Bozon et Héran) Diversification des lieux de rencontre des conjoints depuis ¾ de siècle Identification de différents types de lieux Lieux « ouverts » Lieux réservés avec contrôle de l’entrée Lieux privés
« Les rallyes existent depuis le début des années 1950 « Les rallyes existent depuis le début des années 1950. Après la seconde guerre mondiale, les mariages trop explicitement arrangés devenaient de plus en plus difficiles à imposer. Les rallyes, troisième instance de socialisation après la famille et l’école, pallient cette difficulté. Ces réunions de jeunes, soigneusement sélectionnés, cooptés par les mères, commencent dès l’âge de dix à treize ans, par des sorties culturelles, pour se terminer par de grandes soirées dansantes. Les sorties culturelles sont un exemple achevé de l’imbrication des différentes formes de capitaux. Le groupe d’enfants pourra par exemple être emmené par quelques mères à l’ambassade de Grande-Bretagne. Accueillis par l’ambassadeur en personne, qui a des liens amicaux ou familiaux avec des parents du rallye, les enfants seront guidés par lui pour visiter le bâtiment, monument historique classé. A d’autres occasions, le conservateur ou le prêtre, eux aussi proches de familles du rallye, feront visiter le musée ou l’église. Les enfants apprennent ainsi que la culture est un élément inséparable de leur vie, qu’elle imprègne leurs relations amicales, que leurs familles sont chez elles partout, accueillies avec la plus grande déférence, qu’il y a une affinité profonde entre leur monde quotidien et celui des musées, des monuments, des salles de spectacle. Pour eux, la culture, c’est la vie. Tant et si bien que le rallye atteint presque toujours son objectif : faire en sorte que les jeunes ne ruinent pas un avenir brillant, un destin hors du commun, par une mésalliance qui viendrait rompre le fil de la dynastie, noble ou bourgeoise. Il n’y a pas de libre concurrence dans l’économie affective grande bourgeoise. » Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Sociologie de la bourgeoisie, Éditions La Découverte
Question du choix amoureux Vie en couple ne suppose pas seulement la rencontre mais aussi l’émission d’un jugement positif sur la personne rencontrée Question des catégories à la base de ces jugements (cf. travail de F. de Singly sur les petites annonces matrimoniales) Hommes valorisent l’apparence physique et des traits psychologiques et/ou relationnels Femmes mettent en avant des éléments liés à l’activité professionnelle ou à des jugements affectifs Jugements varient selon la situation sociale
Deux « études de cas » Les femmes en ville Existence d’un sex ratio déséquilibré dans la population urbaine à partir de 18 ans (surreprésentation féminine) Constat d’une vie en couple plus tardive et d’un taux de célibat important parmi les femmes urbaines d’un niveau d’études élevé Question des analyses de ce processus : choix délibéré ou contrainte ?
L’impact d’Internet sur la formation des couples Triple contexte : évolution technique, montée du nombre de personnes seules, difficultés de mise en relation Question de l’impact d’Internet sur les modalités de rencontre Nouveauté ou réactualisation de comportements traditionnels ?
Conclusion sur l’homogamie aujourd’hui Homogamie reste une dimension forte de la vie sociale française Homogamie tend à prendre une dimension plus « culturelle » (partage de goûts, de loisirs communs)
2- LA VIE EN COUPLE : LE CYCLE CONJUGAL 2. 1 – Le modèle traditionnel Linéarité de la vie de couple Évolution sociale remet en cause cette logique : Décohabitation des générations Développement de l’activité salariée féminine
2. 2 – La complexification des cycles de vie conjugaux Remise en cause du lien mariage - naissance 2006 : première année où le nombre de naissances hors mariage devient supérieur à celui des naissances dans des couples mariés
Fragilisation du mariage : montée des divorces Articulation évolution sociale – évolution juridique Différences sociales et géographiques dans les taux de divorce
Question des recompositions familiales l’évolution des formes des ménages
Les familles monoparentales
Les familles recomposées
2. 3 – Femmes et enfants dans la famille contemporaine Transformations de l’activité féminine Paradoxe de la femme mariée (F. de Singly) Activité salariée des femmes devient durable sur l’ensemble de leur vie (fin de la « courbe à deux bosses ») Mais interrogation aujourd’hui sur la situation des femmes peu diplômées qui ont un enfant jeune
Stabilité ou quasi stabilité des modalités du partage des tâches dans le couple
Phénomène renvoie : à des rôles socialement définis et transmis par des processus de socialisation à un processus de négociation dans le couple
Question de l’autonomie des jeunes Stabilité de l’âge médian de départ du foyer familial pour les jeunes (1965 – 2000) Mais motif de départ évolue : passage d’un départ lié à l’installation dans l’activité à un départ correspondant essentiellement à la poursuite d’étude
Question de l’impact de la dégradation des conditions d’insertion socio-professionnelle des jeunes sur leurs liens avec la famille Pas de confirmation d’un « syndrome Tanguy » (différence Italie et Espagne) Importance des solidarités familiales