Le nouveau programme de français pour le secondaire : une tentative de prise en compte des défis de lenseignement du français en milieu minoritaire Conférence midi CRDE 21 février 2007 Olivier Dezutter, Lizanne Lafontaine et Lynn Thomas Université de Sherbrooke et Université du Québec en Outaouais Recherche financée par le CRSH (programme des langues officielles) et le ministère de lÉducation du Nouveau-Brunswick
Plan de la conférence 1. Les enjeux et finalités dun programme officiel 2. La démarche délaboration du nouveau programme 3. Les principales orientations 4. Une recherche-action-formation en lien avec limplantation du nouveau programme 5. Quelques résultats à propos de la perception des enseignants des défis à relever et des difficultés rencontrées par leurs élèves
1. Les enjeux et finalités dun programme officiel Un enjeu social et politique Le cas particulier de la langue en milieu minoritaire Un enjeu pédagogique large et spécifique La concrétisation dun projet de réforme La (re)configuration dune discipline scolaire et de ses composantes (finalités, objectifs, contenus, démarches, méthodes, activités…) Des enjeux pragmatiques informer, former, conseiller… (Petitjean, 1999)
2. La démarche délaboration du nouveau programme Un diagnostic initial à double niveau Les usages et orientations du programme précédent Létat des compétences des élèves et les défis à relever Un travail déquipe intégrant des enseignants Équipe de rédaction Équipe de validation
3. Les principales orientations Le respect de grands équilibres Une organisation générale selon des conduites langagières qui se réalisent tant à loral quà lécrit Des élèves en action Un renforcement des liens avec la communauté Une démarche pédagogique privilégiée : le travail par séquence didactique
4. Une recherche-action-formation en lien avec limplantation du nouveau programme Sinscrit dans le paradigme de la recherche- développement ( Richey et Nelson, 1996; Loiselle, 2001; Savoie-Zacj, 2001 ) Programme de formation impliquant des enseignants dans la conception, la mise à lessai et lévaluation de séances didactiques. 2 objectifs: a) mettre en place un dispositif de formation pour la conception et expérimentation de séquences didactiques b) étudier limpact de ce dispositif sur lappropriation du nouveau programme par les enseignants
5. Quelques résultats à propos de la perception des enseignants des difficultés et défis à relever 1- Usages de la langue française 2- Enseignement du français 3- Communauté 4- Gestion des ressources
Usages de la langue française (Gérin-Lajoie, 2003) Avoir des modèles oraux autres que des productions québécoises Motiver les élèves à apprendre le français Faire surmonter aux élèves leur peur de parler français Sensibiliser les jeunes à la culture francophone (locale et internationale)
Extraits de verbatim (prénoms changés) Marianne: Je crois que nos jeunes ont toujours eu une peur bleue de sexprimer en français, mais, moi, jai toujours cru que si on leur donnait des outils et cest ça ma réflexion depuis quelques années... Noémie: Ah, non, cest de sensibiliser les jeunes à toute la culture française, limportance de garder cette langue-là vivante, parce quils ne semblent pas y croire. […] Pour eux autres, cest comme pas important. Alyssa: À loral, les élèves le disent, quand on amène des émissions qui ne sont pas de la région, si ce sont des émissions qui viennent du Québec… : « Ils parlent trop vite, madame, on les comprend pas. »
Enseignement du français Difficultés à travailler loral: Pas évalué par le MÉNB Considéré plutôt comme un médium denseignement (consignes, exposé oral non enseigné) Pratiques traditionnelles à « casser » Faire plus de compréhension orale (tradition de production orale) Enseigner véritablement la compréhension et la production orales : aide du programme et de la séquence didactique (Dolz et Schneuwly, 1998; Bourdeleau, 2000; Dolz, Noverraz et Schneuwly, 2001; Lafontaine et Préfontaine, 2007) Beaucoup délèves faibles en lecture, écriture, grammaire (syntaxe), vocabulaire (anglicismes à loral et à lécrit)
Enseignement du français (suite et fin) Mettre en pratique la métacognition Mieux comprendre le sens de certains objets pour mieux les enseigner Enseigner des objets moins classiques: oser… Faire acquérir aux élèves un vocabulaire riche Les sensibiliser aux autres accents de la francophonie Ne pas entrer dans la langue par la correction (aspect négatif)
Extraits de verbatim Marianne: Maintenant, quelquun qui me dit : « Bien, je lis déjà beaucoup, madame. » Je le sais parce que, bien sûr, on na pas le droit de corriger et de pénaliser au niveau de la langue à lévaluation de compréhension, donc ils ont très haut en compréhension, mais ils narrivent pas à la note de passage au niveau de la production écrite. Je ne sais pas où est cette lacune-là. Sylvie: Avec loral parce que… On a toujours corrigé loral, mais on na jamais vraiment enseigné loral comme on nous demande de le faire dans le programme. Ça cest complètement nouveau. […] Puis on ne les prépare pas nécessairement. Dans mon cas, je sais quon navait rien à leur donner comme modèle. Ça, on le faisait avec la rédaction, leur montrer un modèle dune rédaction bien construite, prendre des phrases et les corriger avec eux. Mais, travailler de cette façon-là à loral, on la jamais fait.
Communauté (Landry, 2000; Daigle, 1996; Larsen et Rumberger, 1995) Élèves issus de plusieurs communautés se trouvent regroupés au secondaire: inégalités quant à la maîtrise et à lintérêt du français Insécurité linguistique des élèves: tradition familiale anglophone (Boudreau et Dubois, 1992; Deveau, 2006) Dans les petites communautés: Des élèves francophones fréquentent lécole anglophone La culture francophone se développe seulement à lécole (Gérin-Lajoie, 2003) Les enseignants doivent simpliquer dans la communauté
Extraits de verbatim Pascale: Chez-nous, cest le seul endroit où les élèves vont développer leur culture, cest à lécole. Tout se passe à lécole. Que se soit la salle de conditionnement physique, à lécole. Les activités du soir, tous les cours (le karaté, les cadets de lair), tout se passe à lécole. Le théâtre, il ny a pas dautres théâtres, cest aussi à lécole. […] Ça va souvent être les enseignants, aussi, qui vont être impliqués au niveau communautaire. Côté culture, ça vient au festival, durant lété, souvent ça va être les enseignants qui vont être impliqués, aussi. Il y a un effort côté communautaire. En salle de classe, par exemple, pour la musique – les jeunes écoutent la musique anglaise – alors, cest à nous, à lécole. Cest le seul endroit, pour certains, où ils vont écouter la musique française.
Gestion des ressources (Landry et al., 2004; FCE, 2004) Très peu de ressources en oral (souvent désuètes) Difficultés à avoir de léquipement technologique en classe Ressources francophones onéreuses, car proviennent de lextérieur (alors on en a moins) Personnes-ressources débordées, donc difficile de faire suivre les élèves faibles Gestion de linclusion: élèves en grandes difficultés dans les classes Partage dexpertise et de matériel très difficile quand on enseigne en région éloignée Familles défavorisées: ne pas léser les enfants qui nont pas accès à Internet
Extraits de verbatim Marianne: Cest certain que, nous, étant des enseignants qui enseignent en milieu francophone, toutes nos ressources nous coûtent plus cher, en terme de matériel scolaire, tout ce qui est publié en français nous vient pratiquement de lextérieur.[…] Par exemple, jai 40 dollars environ pour acheter du matériel scolaire pour mon année. Tandis, ma sœur, qui enseigne dans un milieu anglophone, elle a des feuilles, des transparents… et elle a tout ça à volonté. Elle nest pas obligée de se casser la tête. Moi, je reçois 15 transparents au début de lannée et arrange-toi avec ça. Sinon, débourse de tes poches. Ce nest pas normal. Alyssa: Moi, je suis dans une école 600 quelques élèves. On a de la neuvième à la douzième année. Il y a sept écoles qui viennent chez nous. […] Ça veut dire quils arrivent à notre école en neuvième année et cest la première fois quils sont regroupés. Il y en a qui viennent décoles, de classes combinées de e, où il y a deux ou trois enseignants dans lécole pour tous les élèves, qui sont de très petites écoles. Puis, il y en a dautres que cest des écoles de 400 élèves. Ça fait que, déjà, les élèves arrivent avec un bagage différent au niveau des stratégies denseignement et de… tout ça. Le côté français comme tel, on remarque premièrement des différences dans les différentes communautés, pour ce qui sest passé disons au primaire.