Annabelle Gaudron Marion Laden Elsa Mora

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Transcription de la présentation:

Annabelle Gaudron Marion Laden Elsa Mora Synthèse sur l’application de l’article L.122-12 alinéa 2 du Code du travail Master II ‘Droit et gestion du personnel’ -Université de Nantes- Annabelle Gaudron Marion Laden Elsa Mora

Article L. 122-12 du code du travail : Alinéa 1 Article L.122-12 du code du travail : Alinéa 1. La cessation de l’entreprise, sauf en cas de force majeure, ne libère pas l’employeur de l’obligation de respecter le délai-congé et de verser, s’il y a lieu, l’indemnité prévue à l’article L. 122-9. Alinéa 2. S’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Principe d’exception: Origine de l’article: Loi de 1928 qui a transposé en droit français une règle de droit allemand qui était en vigueur en Alsace-Moselle. L’article L122-12 al. 2 CT est l’un des plus connus de la législation française. Principe d’exception: Il déroge au principe posé par l’art.1165 du code civil selon lequel toutes les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes. Or, par le jeu de L122-12 al.2, une relation contractuelle s’installe entre deux parties qui n’ont pas signé le contrat: - le salarié - le nouvel employeur auquel est transféré une entité économique autonome

L’interprétation de cet article doit tenir compte de la législation communautaire. Principe affirmé par une directive européenne du 14 février 1977 puis une directive du 29 juin 1998 ( modifiant la précédente), codifiées par la directive 2001/CE du 12 mars 2001.

But: garantir la stabilité de l’emploi. L’article reçoit application de plein droit dans tous les cas où la même entreprise continue à fonctionner sous une direction nouvelle. Pas d’énumération limitative des modifications dont la situation de l’employeur peut faire l’objet. =>La jurisprudence vient donc compléter cela.

I- Domaine et conditions d’application de cet article Enjeux de l’exposé : I- Domaine et conditions d’application de cet article Pouvoir analyser, sur la base de critères objectifs, si un transfert d’activité entre ou non dans le champ d’application de l’article L.122-12 al.2 CT . II- Les effets du maintien des contrats sur: - les relations individuelles de travail, - les relations collectives de travail, - les sanctions encourues par le ou les employeurs en cas de contournement ou de mauvaise application de cet article.

I- Domaine et conditions d’application de l’article L 122-12 al.2 CT En tant qu’employeur, quelles modifications dans ma situation juridique sont susceptibles d’entraîner la mise en œuvre du principe de maintien des contrats de travail ? Conditions d’application = la principale source de litiges concernant l’article Enjeux financiers et sociaux considérables Contexte économique actuel donne à la règle un vaste champ d’application dont les limites sont difficiles à déterminer

Il existe : des cas de transfert envisagés par la loi, d’autres consacrés par la jurisprudence, et également des cas d’application volontaire, Mais, il faut toujours prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération Analyse au cas par cas en utilisant la méthode dite du « faisceau d’indices »

1.1 Les deux grandes conditions nécessaires à l’application de l’article L. 122-12 al. 2 -Comment détermine-t-on que l’on est en présence d’un transfert d’entreprise ?- Le principe de maintien des contrats de travail s’applique toutes les fois qu’il y a « transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise » 1 remarque : un lien de droit entre les employeurs successifs n’est absolument pas nécessaire

Première condition : existence d’une entité économique autonome Définition de l’entité économique autonome (Cass.soc., 7 juillet 1998) « Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique autonome qui poursuit un objectif propre, que celle-ci soit principale ou accessoire »

Donc, trois éléments essentiels : Un objectif propre, c’est-à-dire l’exercice d’une activité spécifique ou distincte de l’activité principale ou des autres activités de la société d’origine Un ensemble organisé, c’est-à-dire que cette activité doit avoir une organisation propre : l’activité doit pouvoir être distinguée non seulement en tant que métier, mais également par l’emploi de salariés exclusivement ou majoritairement affectés à cette activité. Le personnel doit donc y être stable, et selon la technicité de l’activité exercée, qualifié et formé aux tâches spécifiques de cette activité. Remarque : il peut s’agir d’un seul salarié. Des éléments d’actifs corporels (outils, locaux, stocks, machines, ateliers, etc.) ou incorporels ( marques, brevets, clientèle, portefeuille de mandats, etc.) nécessaires à l’exercice de cette activité

Deuxième condition : La continuité de l’entité = maintien de son identité et activité poursuivie ou reprise Autrement dit, il faut un changement (modification de la situation juridique de l’employeur), mais dans la continuité ! Entité conservant son identité : le critère décisif Les conditions d’exercice de l’activité ne doivent pas être profondément modifiées, sinon l’article L.122-12 al.2 ne s’applique pas. En principe, lorsque l’activité se poursuit avec une entreprise avec les mêmes moyens d’exploitation (corporels ou incorporels) l’identité est conservée. NB : - transfert de propriété des éléments d’actifs pas exigé. - Atténuation de l’exigence de transfert des moyens d’exploitation pour certaines activités

Activité poursuivie ou reprise La règle du maintien des contrats en cours, vis-à-vis du nouvel employeur, ne s’applique qu’à la condition que le repreneur poursuive la même activité et ce de façon durable. Dès lors que l’activité change, il est évident que l’identité n’existe plus Exemple: Votre vieille tante décède, vous héritez de son magasin de fleurs à Beaune qu’elle exploitait avec deux salariés. La boutique étant située en plein centre ville, vous souhaitez la transformer en magasin de vente et de dégustation de vin. Afin de respecter les dernières volontés de votre tante, vous proposez aux deux salariés de travailler comme vendeur dans ce nouveau magasin. Mais ceux-ci refusent la signature d’un nouveau contrat car ils estiment que leur contrat est maintenu par le jeu de l’article L.122-12 al.2. Qu’en est-il ?

Autre exemple : Remarque : Un bailleur récupère un fonds qui était en location-gérance et y ajoute une nouvelle activité, conséquence = l’ancienne activité principale devient accessoire → L.122-12 al.2 s’applique car l’activité initiale perdure. Il en aurait été autrement si cette activité avait été modifiée. Remarque : - « même activité » ou « activité de même nature »? Que se passe-t-il en cas d’interruption temporaire de l’activité à la suite du transfert ?

1.2 Les opérations « classiques » soumises à l’article L.122-12 al.2 Hypothèses légales de transfert (présomption simple) Succession Cession : totale / partielle Certaines modifications touchant au capital social : opérations de fusion, mises en société ou apports en société, filialisation, scission

Quelques extensions jurisprudentielles courantes La reprise d’une entreprise cédée à bail  La mise en location-gérance du fonds de commerce et la reprise en fin de location-gérance La succession de locataires gérants ou de concessionnaires La reprise d’une activité en gestion directe La reprise de la commercialisation des produits d’une marque et de la clientèle qui y est attachée

Opérations ne constituant pas un transfert d’entreprise La simple prise ou cession de participation, entraînant ou non la prise de contrôle d’une société par une autre Constitution d’un GIE (mais attention pas sa dissolution) Transfert de salariés en dehors d’un transfert d’entité économique autonome Changement de la forme sociale de l’entreprise Un grand principe : La seule perte d’un marché de services au profit d’un concurrent ne suffit pas à révéler l’existence d’un transfert Marchés publics de fourniture ou de travaux

Cas des entreprises en difficulté depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 Que l’entreprise soit en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, une cession d’une partie de l’entreprise peut avoir lieu et L.122-12 peut s’appliquer après vérification qu’il y a bien transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise par le cessionnaire. Mais, le jugement qui arrête un plan de cession peut prévoir des licenciements pour motif économique de salariés affectés à l’entité à céder.

1.3 Les opérations « sensibles » au cœur de l’actualité et des débats L’externalisation Le transfert partiel d’activité ou des activités accessoires Distinction tâches externalisables sans changement d’employeur et activités cessibles avec changement d’employeur En général, lorsque l’entreprise abandonne des tâches sans rapport avec son activité économique et ne jouissant pas d’une autonomie d’organisation, comme entretien des locaux / restauration collective, on considère qu’il y a perte de marché et l’application de L.122-12 est écartée

- Exemple : Une entreprise de charcuterie affecte un de ses salariés à l’entretien de ses locaux, mais, un jour, elle décide de conclure un contrat d’entretien avec une société de nettoyage. Le salarié passe-t-il au service de la société de nettoyage par l’effet de l’article L.122-12 al.2 ? Réponse : NON, la charcuterie confie en l’espèce une tâche particulière qui n’entre pas dans le cadre de son activité économique et qui de plus ne constitue pas à elle seule une ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.

L’utilisation frauduleuse de l’article L.122-12 Pour y remédier → distinguer le démantèlement d’activités du simple démantèlement des services centraux pour lequel le transfert des contrats de travail ne s’effectue pas. Exemple : l’affaire Perrier-Vittel (Cass.soc.18 juillet 2000) Transfert d’un service et de son personnel à une autre société (raison sous-jacente : réaliser des économies car conditions d’emploi sont moins avantageuses chez le sous- traitant), mais, en fait, inapplication de l’article car il ne s’agissait que d’un « simple démembrement des services centraux ».

A retenir : les éléments nécessaires pour que L A retenir : les éléments nécessaires pour que L.122-12 s’applique dans le cadre de l’externalisation L’activité ou le service externalisé doit avoir : - une finalité économique propre - une autonomie d’organisation au sein de l’établissement ou de l’entreprise d’origine, caractérisée par des moyens et du personnel + un maintien de l’autonomie chez le cessionnaire (affaire Alcatel de juin 2005) - un personnel non polyvalent, mais révélant l’autonomie d’organisation

Prestataires de services successifs : principe et exceptions Principe : La seule perte d’un marché ne constitue pas un cas d’application de l’article L.122-12 al.2 (arrêt Nova Service de 1985) 2 Exceptions : Lorsque le changement de prestataire s’accompagne du maintien d’une activité constitutive d’une entité économique autonome. Situation assez rare, quasiment uniquement admise pour les concessionnaires successifs. Lorsqu’une convention collective prévoit la poursuite des contrats de travail avec le nouveau prestataire. Exemple : la branche de la propreté → Une application conventionnelle de l’article L.122-12 est toujours envisageable dans les cas où il ne s’applique pas de plein droit (mais effets un peu différents)

Cas où le transfert a lieu entre une personne publique et une personne privée Transfert d’une entité économique autonome vers un service public administratif ou industriel et commercial : Est-t-on dans le champ d’application de L.122-12 ? OUI Hypothèse inverse : reprise d’une activité de service public par une personne privée → Si le service public disparaît : NON → Si le service public peut être repris par une personne de droit privée, l’article L.122-12 peut s’appliquer dès lors que celui qui poursuit l’activité est une personne de droit privé investie d’une mission de service public.

Cession de l’entreprise et délocalisation à l’étranger : l’article L Cession de l’entreprise et délocalisation à l’étranger : l’article L. 122-12 peut-il trouver à s’appliquer ? → Aucun texte ne répond à cette question, on peut donc en déduire que oui → Cependant la probabilité d’application est très faible → Affaire Thomson Tubes du 5 avril 1995 : on peut considérer qu’en cas de cession de l’entreprise à l’étranger, il y a en fait cessation de l’activité en France et recréation d’une nouvelle à l’étranger dans des conditions exclusives de toute idée de « transfert ». Le licenciement économique des salariés paraît donc souvent inéluctable.

CONCLUSION SUR LES CONDITIONS D’APPLICATION Principe dont le maniement est délicat et les conséquences importantes, si le moindre doute existe concernant l’application de l’article, le meilleur moyen de limiter les risques est de consulter et d’obtenir l’avis de l’inspecteur du travail et des prud’hommes avant d’effectuer le transfert d’activité.

II- Les effets de l’application de l’article L122-12 al II- Les effets de l’application de l’article L122-12 al.2 CT sur les relations individuelles et collectives de travail 2.1- Effets sur les relations individuelles de travail: Effets à l’égard des salariés: Le principe: Les contrats de travail en cours au jour de la modification dans la situation juridique de l’employeur sont de plein droit transmis au nouvel employeur. => Donc maintien des contrats en cours.

Pas d’obligation pour l’employeur d’informer individuellement tous les salariés concernés. Mais l’information des CE est obligatoire. Ce transfert ne fait toutefois pas obstacle à des licenciements. Cet article s’applique de plein droit et ce même si le salarié démissionne de l’entreprise cédante pour entrer au service du cessionnaire.

Date du transfert des contrats: au jour de la modification dans la situation juridique de l’employeur. Le transfert doit avoir lieu, même si le contrat est suspendu au jour de la modification dans la situation juridique de l’employeur. Si le cédant a prononcé des licenciements, le contrat de travail des salariés ne se poursuit avec le nouvel employeur que pour l’exécution du préavis en cours. Lorsqu’un salarié est transféré en partie à l’activité d’une entreprise cédante, son contrat de travail est partiellement transféré.

Le maintien du contrat initial aux mêmes conditions : -Les contrats sont transférés dans tous leurs éléments: classification, salaire, clauses de non-concurrence,ancienneté acquise avant la cession… -Pas de nouvelle période d’essai par le nouvel employeur -Le nouvel employeur peut proposer au salarié transféré une modification du contrat de travail, que le salarié peut accepter ou refuser. -Dans le cas où le salarié la refuse, la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement. -L’art L122-12 al.2 CT ne fait pas obstacle à ce que, sous réserve d’une fraude, le nouvel employeur et le salarié conviennent de nover le contrat de travail en cours.

→ article 20 de la loi du 26 juillet 2005 - Lorsque l’activité est reprise par une personne publique, celle-ci doit proposer aux salariés transférés un contrat de droit public → article 20 de la loi du 26 juillet 2005 En cas de refus des salariés d’accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement, dans des conditions prévues par le droit du travail et par leur contrat.

Les effets à l’égard des deux employeurs successifs: Le transfert des dettes de l’ancien employeur au repreneur : Le principe: article L122-12-1 CT: Sauf en cas de redressement ou liquidation judiciaire, ou de substitution d’employeurs sans convention entre eux, le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail lui ont été transférés, des obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de cette modification.

Le salarié dont le contrat a été transféré et qui veut obtenir l’exécution des obligations nées avant la date du transfert, peut exercer son action aussi bien: à l’encontre de l’ancien employeur… …que du nouveau

Les licenciements économiques: possibles, mais à certaines conditions! Les licenciements prononcés par le cédant avant le transfert: L’article L122-12 CT ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir antérieurement à la cession pour des raisons économiques ou techniques impliquant une suppression d’emploi.

Mais ARRET MALDONADO c/ SA Fina France (Soc. 20 mars 2002): Le licenciement prononcé en violation de l’article L122-12 al.2 est sans effet. « Le licenciement d’un salarié, prononcé à l’occasion du transfert d’une entité éco. autonome dont l’activité est poursuivie, est privé d’effet ». Le salarié licencié à tort à l’occasion d’un transfert peut: Soit demander au repreneur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu Soit demander au cédant, auteur du licenciement illégal, «la réparation du préjudice en résultant».

Sauf si le repreneur a informé le salarié, avant l’expiration du préavis, de son intention de poursuivre son contrat aux mêmes conditions. (arrêt VOISIN Soc 11 mars 2003) L’inefficacité du licenciement prononcé en violation de l’article L122-12 al.2 : ce n’est pas une nullité ouvrant droit à une réintégration, lorsqu’ aucune fraude n’existe entre les employeurs successifs. Le licenciement est simplement « sans effet »: cela ouvre droit seulement à réparation (et non à réintégration dans l’entreprise cédante).

Les licenciements prononcés par le cessionnaire après le transfert : Pour licencier, le nouvel employeur peut invoquer: des négligences commises par le salarié dans la période précédant le transfert, des modifications du contrat, des licenciements éco nécessaires dans l’intérêt de l’entreprise (ex plan sauvegarde emploi). =>Le coût des indemnités de rupture pèsera alors sur lui.

Si l’application de cet article est de plein droit : Question: le salarié dont l’activité est transférée par le jeu de l’article L122-12 al.2 CT peut-il refuser de changer d’employeur? Si l’application de cet article est de plein droit : - Selon la Cour de Cassation, le changement d’employeur s’impose au salarié qui doit supporter les conséquences de son refus de changer d’employeur (démission, ou licenciement pour faute). Donc le salarié qui entend refuser l’application de l’article L122-12 al.2 CT n’a pas d’autre choix que de démissionner.

- Jurisprudence de la CJCE (arrêts Katsikas 1992 et Temco 2002): Le transfert des CT est automatique et s’impose à l’employeur et au salarié, mais le salarié qui y est hostile doit seulement disposer de la liberté de ne pas travailler pour le nouvel employeur. - La situation du salarié dépend de la législation de chaque Etat membre: soit le contrat peut être résilié à l’initiative de l’employeur ou à celle du salarié, soit le contrat peut être maintenu avec cette entreprise. =>Conséquence: Le salarié licencié en raison de son refus de changer d’employeur ne peut prétendre au paiement d’indemnités de rupture et de dommages&intérêts. (Soc 14.12.2004, Arrêt AUCHAN).

Si l’application de cet article est volontaire (disposition conventionnelle ): Le refus du changement d’employeur en cas de transfert n’est pas une cause de licenciement. - Les salariés doivent donner leur accord exprès au transfert, car le changement d’employeur constitue une modification du contrat de travail susceptible d’être refusée. - Leur refus ne constitue pas en lui-même une cause de licenciement (arrêt SECURITAS Soc 9.11.2005)

Les sanctions en cas d’inapplication ou d’application erronée ou frauduleuse de l’article L122-12 al 2. Deux cas de figure: Soit l’article L122-12 al.2 a été mis en œuvre à tort, par erreur, ses conditions n’étant pas réellement réunies. Soit l’application de ce texte a été déclenchée par fraude. Application volontaire de cet article dans but de réaliser un reclassement externe des salariés, soit par partition artificielle de l’entreprise, soit par mutation malicieuse du salarié.

En cas de fraude du cédant, ou de collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, le contrat est censé ne jamais avoir été rompu (Cass Soc, 15.02.2006). Le contournement ou l’application erronée de l’article entraîne des sanctions financières. Sanction: Un licenciement illégitime ou abusif d’un salarié non protégé => indemnité forfaitaire de préavis, indemnités pour licenciement sans effet à la charge du cessionnaire ou du cédant ou des deux en cas de collusion frauduleuse.

Cas particuliers des salariés protégés: => Quels sont les effets sur les mandats des représentants du personnel? - Art L123-16 al 3 CT: Ils sont maintenus si l’entité transférée conserve son autonomie matérielle.(Cass Soc 31 mars 2004) - Art L433-14 CT: Ils se poursuivent jusqu’au terme si le transfert porte sur un établissement distinct. -Un accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales peut être conclu pour avancer la date de réélection des RP.

=> Quels sont les effets sur les contrats de travail des représentants du personnel? Transfert total de l’entité: contrat de travail automatiquement transféré. Si le RP refuse le transfert ou volonté de l’employeur de le licencier: dde d’autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail. Si absence d’autorisation: contrat transféré au nouvel employeur Si annulation de l’autorisation postérieure au transfert: obligation de réintégrer le salarié si celui-ci en fait la dde dans les 2 mois.

Transfert partiel de l’entité: transfert du contrat soumis à une autorisation préalable de l’inspecteur du travail qui s’assure de l’absence de toute discrimination. (procédure: lettre R/AR au moins 15 jours avant le transfert) Si absence d’autorisation du transfert: non opposable au salarié. Si refus d’autorisation: obligation de l’employeur de proposer un poste similaire à salaire équivalent dans un autre établissement ou partie de l’entreprise. Si autorisation: le salarié peut démissionner s’il refuse le transfert. Sanctions en cas de licenciement illégitime: nullité du licenciement. si refus du salarié de réintégrer l’entreprise: indemnité de violation du statut protecteur, indemnités de rupture légale et conventionnelle, dommages et intérêts

2.2 Effets sur les relations collectives de travail a) Les normes collectives négociées : =>Quels sont les effets sur les conventions et les accords collectifs? Le transfert d’entreprise peut mettre en cause l’application d’une convention ou d’un accord collectif mais cela n’est pas automatique (art L132-8 CT): Si l’accord a été étendu: obligation du nouvel employeur de l’appliquer.

Sinon: Une négociation peut s’engager dans un délais de 3 mois et à la demande d’une des parties: les dispositions conventionnelles sont maintenues de droit pendant la durée du préavis de remise en cause. A défaut d’une négociation: les dispositions conventionnelles sont maintenues de droit pendant 12 mois au minimum. Au delà du délai de survie de l’accord collectif: les avantages individuels acquis sont maintenus et doivent être incorporés au contrat de travail.

2) Les normes collectives non négociées: => Quels sont les effets sur les avantages sociaux accordés aux salariés au titre d’un usage, d’un accord atypique ou d’un engagement unilatéral? Le nouvel employeur: a l’obligation d’appliquer ces normes aux salariés dont le contrat de travail était déjà en cours au jour du transfert de l’entreprise. peut y mettre fin par l’application d’une procédure de dénonciation: information préalable des salariés dans un délai permettant une négociation éventuelle.(cass soc 31/1/95) La remise en cause de ces normes peut également être réalisée par une négociation et la signature d’un accord.

Régime de prévoyance Son sort dépend de son mode d’instauration initial Régime de retraite complémentaire La modification de la situation juridique de l’employeur ne modifie pas les engagements pris au profit du personnel. Lorsque le nouvel employeur poursuit la même activité, les avantages et les cotisations correspondantes ne sont pas modifiées. Les accords d’intéressement, de participation et d’épargne salariale sont régis respectivement par les articles L.441-7, L.442-17 et L.444-9 du CT.

-Ils doivent en principe être informés du transfert et être consultés. 3) La consultation et le sort des IRP: -La pérennité des IRP dépend également de l’autonomie. (Attention: Tenir compte de la variation d’effectif induite par le transfert!) -Ils doivent en principe être informés du transfert et être consultés. Le CE: Art L433-14 et L435-5 CT: il subsiste mais la durée des mandats peut être réduite par voie d’accord entre le nouvel employeur et les OS. Consultation: Art L432-1 al 1 et 3 CT Le CG: Art L439-1 CT: entrée d’une entreprise sans obstacle mais pour la sortie obligation d’information préalable et motivée au CE. Consultation possible: Art L439-1, L439-2 CT Le CHSCT: pas de texte, poursuite des mandats jusqu’à la disparition du comité résultant de la disparition de l’établissement, (circ DRT n°14 25 oct 83). Consultation possible si modifie condition H&S: Art L236-2 CT Les DS: L412-16 et L412-13 CT: maintien du DS lorsque l’entreprise conserve son autonomie.

CONCLUSION Le respect de l’application de l’article L122-12 al 2 du CT lorsqu’il y a réellement un transfert d’entreprise, s’impose à la fois à l’entreprise cédante et cessionnaire et aux salariés. La condition essentielle: l’entreprise doit conserver une entité économique autonome dont l’identité est maintenue. Dans ce cas, les contrats de travail comme les engagements unilatéraux subsistent et sont transférés de plein droit au nouvel employeur. => Débat actuel sur le droit d’opposition accordé aux salariés transférés.

Bibliographie Ouvrages: Code du travail 2006: jurisprudence sous art L122-12 al.2 CT. ‘Droit social, droit vivant’ -2005- JE Ray. ‘Précis Dalloz’ -2006 et Mémo Social -hors série -mars 2006 Droit du travail, A. Cristau, 2006. Mémento Pratique F.Lefebvre, Social 2005. Dictionnaire permanent 2005. Liaisons sociales –dossier spécial gestion sociale des transferts d’entreprise- mai 2006 Articles: Ph. Waquet dans revue de droit du travail sept 2006 Chronique de P.Morvan, RJS 8-9/06 et de J.Cottin, RJS 1/06 A. Mazeaud, Droit social, mai 2003 et mai 2006 Droit social, juillet-août 2005 (dossier sur transferts d’entreprise en droit social) M. Henry, Droit social, mars 2006 A. Supiot, Droit social, mars 2006