Politiques commerciales des grandes puissances La tentation du néoprotectionnisme Lahsen Abdelmalki René Sandretto Introduction générale
Introduction générale Les politiques commerciales : qu’est-ce à dire ? è Sous l’appellation de « politiques commerciales », on entend généralement l’ensemble des objectifs, des instruments et des actions qu’un pays peut mettre en œuvre pour que les échanges commerciaux de biens et de services avec le reste du monde contribuent à l’amélioration du bien-être global de sa population. è Les politiques commerciales opèrent simultanément à court et à long terme. A court terme : par exemple résorber des déficits éventuels A long terme : par exemple bâtir une base industrielle solide è Les politiques commerciales utilisent des moyens directs et indirects Instruments directs : par exemple les droits de douane Instruments indirects : par exemple la politique de change L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Introduction générale Œ Les politiques commerciales devraient-elles exister ? Œ è Les réponses théoriques apportées à cette question sont, depuis le XVIIIe siècle, au centre des préoccupations des penseurs et des économistes Les modèles théoriques élaborés, notamment à partir des années 1950, offrent un large éventail de réponses et d’illustrations sur les vertus et les risques de l’ouverture è Une autre interrogation concerne les formes que doit revêtir l’intervention de l’État en matière de commerce Dans la tradition libérale, une intervention des pouvoirs publics est considérée comme fondée seulement lorsqu’il existe des distorsions qui entravent le fonctionnement « normal » du marché Cependant, les progrès théoriques récents montrent que le bien-être collectif peut, sous certaines conditions, être amélioré par des interventions politiques dans les échanges Le débat est toujours d’actualité L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Introduction générale Les principales justifications théoriques de l’intervention stratégique des États è Deux arguments reviennent souvent (Krugman) L’existence de marchés oligopolistiques La présence d’externalités positives dans la production) Lorsque les marchés sont imparfaits, le libre-échange joue mal son rôle de « maximisateur » du bien-être national : des gains tangibles peuvent être obtenus par les États si ces derniers aident leurs entreprises à se procurer des avantages industriels et commerciaux è Toutefois, on peut montrer que les analyses qui défendent les interventions publiques sont elles-mêmes contestables Dans la pratique, il est difficile de déterminer ex ante la nature et l’ampleur des interventions qui peuvent accroître les rentes des firmes nationales Les aides publiques n’étant pas illimitées, l’appui apporté aux secteurs stratégiques doit prendre en compte les coûts potentiels pour les autres secteurs Enfin, toute politique commerciale active doit compter avec la riposte potentielle des autres pays L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Introduction générale Les politiques commerciales en pratique è Les politiques commerciales peuvent concrètement prendre des formes extrêmement variées : action sur les droits de douane, intervention par les quotas, protection des industries domestiques concurrencées, etc. è De nombreux modèles théoriques ont tenté de simuler les effets isolés ou cumulés de ces différents instruments (Bhagwati) è C’est pourquoi, il est important de comprendre pourquoi les politiques effectivement mises en œuvre s’écartent de « l’optimum théorique » è Sur un plan historique, plusieurs « modes » se sont succédé : Jusqu’à la fin des années 1970, un recours fréquent aux instruments défensifs Dans les années 1980, une tendance à la multiplication des mesures non-tarifaires Dans les années 1990, la multiplication des mesures coercitives à l’encontre des pays jugées « déloyaux » Dans les années 2000, l’accent sur les « obstacles structurels », ceux généralement imputés aux règles relatives aux investissements et aux droits de propriété intellectuelle L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Introduction générale Les institutions internationales et les disciplines multilatérales è De 1947 à 1994 : le GATT Dès 1947, les fondateurs du GATT ont manifesté le souci d’empêcher la reproduction des guerres commerciales et la logique du « chacun pour soi » des années 1930 Entre 1950 et 1994, le GATT a permis d’éliminer en grande partie les droits de douane. Un succès considérable ! On lui reproche cependant d’avoir fonctionné comme un « système politique » et non comme une véritable « Organisation internationale » è Depuis 1995, l’OMC a endossé l’héritage du GATT avec plusieurs missions préserver les acquis antérieurs et en élargir les domaines d’application associer à sa politique d’autres acteurs originaux de la scène mondiale (ONG, etc.) è Des défis majeurs aujourd’hui L’OMC doit composer avec la sophistication croissante des échanges, et notamment avec l’essor des accords commerciaux bilatéraux et régionaux Des interrogations et des doutes persistent sur sa mission : quels rapports entre ouverture et bien-être ? Quelles interactions entre croissance et environnement ? Quelle dialectique entre commerce et migrations ?, etc. L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Introduction générale Les politiques commerciales, instrument de rivalité entre les grandes puissances è La volonté des grandes puissances d’étendre leur domination se traduit non seulement par des rivalités avec les autres États, mais aussi entre elles è On s’intéresse ici à la politique commerciale de quatre acteurs dont les échanges et les décisions ont le plus influé sur la dynamique des échanges mondiaux au cours des dernières décennies : les États-Unis, l’Union européenne, le Japon et la Chine Au cours des dernières décennies, les progrès commerciaux engrangés par ces États l’ont été au moins en partie en prenant des positions aux autres. Il faut cependant admettre que les échanges commerciaux croisés entre ces pays ont été au moins autant vecteurs de croissance pour leur propre économie que pour celle des autres pays du monde Les difficultés rencontrées par les États-Unis à partir des années 1980, puis par le Japon à partir de 1990, ouvrent la voie aujourd’hui à l’émergence de nouvelles puissances. L’ascension de la Chine vient illustrer cette course ininterrompue à la puissance commerciale. D’autres évolutions sont attendues… L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances