Micro-économie et politiques publiques rappels et mise en perspective

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Transcription de la présentation:

Micro-économie et politiques publiques rappels et mise en perspective ENPC, Cours n°3 Jean-Charles HOURCADE

3.a. Les principes de l’économie publique et ce qui fait débat

Les deux sources de l’économie "economics has had two rather different origins, both related to politics, but related in rather different ways, concerned respectively with ethics on the one hand, and with what can be called "engineering" on the other“ A.K. Sen (1987) Entre l’ambition ‘Aristotélicienne’ des ’Moral Science Tripos’ (Smith) et la modeste pratique ancillaire des Ingénieurs Economistes constructeurs de ponts, canaux, routes, rail, réseaux électriques Une même visée ‘libérale’: lutter contre ‘l’arbitraire illimité’ du ‘souverain’ ou de l’administration (Allais) Une même tension entre efficacité pure et choix de valeur

Vers une ‘économie publique’: de l’importance de quelques ‘vieux’ débats théoriques La main invisible du marché Smith contre Smith? Le troisième et dernier devoir d'un souverain ou d'une république est d'ériger et d‘entretenir les institutions et les ouvrages publics qui, bien qu'ils soient au plus haut point profitables à une grande société, sont cependant de telle nature que ce profit ne viendrait jamais rembourser un individu ou un petit nombre d'individus de la dépense. De Bentham à Marshall, de Walras à Pareto: quand les débats théoriques autour de la notion d’optimum ne devraient pas être vus comme de pures curiosités intellectuelles. L’axiomatique Arrow-Debreu: une synthèse théorique entre économie du bien-être et calculs d’ingénieurs (de Dupuis à Boiteux via Lange ou Koopmans) qui ne tranche pas l’alternative marché – planification. Question d’information: Hayek contre le constructivisme.

La séparabilité équité-efficacité: un temps pour le choix politique, un temps pour le calcul? Premier théorème du bien-être: définition de la frontière des optima de Pareto Deuxième théorème du bien-être: la décentralisation de l’optimum est possible car, à tout point de la surface des optima de Pareto, il est possible d’associer une distribution des revenus telles que, en laissant les comportements individuels se coordonner naturellement via un marché parfait, cet optimum sera atteint (cf. boîte d’Edgeworh) Calcul de l’optimum et politiques Pareto – improving la nécessité de compensations forfaitaires (lump-sum) Un principe efficace (principe Hicks-Kaldor, poids de Neigishi dans les modèles de long terme) qui suppose une distribution des revenus ex-ante ‘non discutée: on ne peut la remettre en cause ‘au détour’ d’un dossier spécifique ou on la tient pour légitime (Pigou vs Lord Robbins)

Un optimum spontané qui suppose que Des principes valides pour une économie virtuelle ou des points d’ancrage normatifs pour juger des économies de second rang? Une vision duale de l’économie (prix-quantités) qui capte les interdépendances en situation d’équilibre général walrasien Un optimum spontané qui suppose que les marchés transmettent à chaque instant les informations adéquates, via les prix, sur les ‘raretés relatives’ et/ou que les agents décident en anticipation parfaite Un optimum caractérisé par des théorèmes simples prix relatifs des biens fonction de leurs utilités marginales relatives prix relatifs des facteurs fonction de leurs productivités marginales relatives Coûts marginaux = minimum des coûts moyens = prix D’où un ‘planificateur bienveillant’ peut tirer des principes pour pallier les situations de second-rang i.e. des défaillances de marché Causes institutionnelles et politiques Fonctions de production non convexes, rendements croissants (Ramsey-Boiteux) Externalités: taxes Pigouviennes, marchés de permis, normes

Limites de validité de la séparabilité équité-efficacité La séparabilité équité – efficacité n’est plus garantie, hors obstacles politiques aux transferts, dès que les trois facteurs suivants ne sont plus quantitativement de second ordre Difficultés de décentraliser la solution BLS en cas de ‘bien public’ non divisible: climat, sécurité Changement technique biaisé: quand la distribution des richesses joue sur le taux et la structure du progrès technique (modes d’électrification, structures urbaines) Présence importante des mécanismes d’équilibre général via la fiscalité, les contraintes extérieures, les effets d’éviction sur l’investissement Au total, un problème de « cohérence incitative » ou … les vertus perdues des compensations forfaitaires

Un jugement ex-post à retenir «there is something in the methods standardly used in economics, related inter alia with its engineering aspect, that can be of use to modern ethics as well +++ and the distance that has grown between economics and ethics has also been, I believe, unfortunate for the later  … ». Extrait de A.K. Sen, « Ethics and economics » (1987)

Une autre raison fondamentale du ‘retour de l’arbitraire’: discontinuités et inerties technologiques Coût Marginal de Développement à Long Terme; une astuce technique Discontinuités, inertie et décalage décision – réalisation sur une à trois décennies; information manquante, information décalée coûts des techniques demande finale du bien considéré taux d’actualisation (lié aux hypothèses de croissance à long terme) Abandonner l’économie publique? Question de croyances Je crois mes ingénieurs car Future is relatively free from surprises Je crois que le marché fournira en temps et en heure les informations Je crois que l’hypothèse d’anticipation parfaite des acteurs est au bout du compte réaliste (Manne) modulo quelques difficultés de transition Ou intégrer les risques d’utilisation stratégique des informations (Allais) et les effets d’irréversibilité (G. Dessus)?

3.b. aux sources de « l’implementation gap » l’exemple des politiques énergétiques sur la longue durée

De l’analyse économique ‘pure’ à la formation de conventions : les réponses aux chocs pétroliers Convergence des prospectives, divergence des réponses: rappel du tempo de l'échec du nucléaire, France et Japon exceptés Le rôle des conventions sociales pré-existantes (USA, Japon, RFA): le nucléaire peut-il supporter le « market test »? Le choix nucléaire en France: émergence et persistance d'une convention quand la minimisation des coûts n'est pas le seul enjeu Les raisons d’un compromis partagé les jeux de l'hypnose de 1973 à 2000 la création d'une irréversibilité Un « sous dossier » intéressant: le surgénérateur: le jeu du raisonnement marginal et de l’irréversibilité

ETAPES DU CHOIX NUCLEAIRE FRANÇAIS DU MILITAIRE AU CIVIL….LES PARADOXES AUTOUR DE L’INDEPENDANCE 1954 : levée de l’embargo US sur les informations concernant le nucléaire civil 1954 : Lancement de la « bombe A» française par Mendès France « sous hypnose » 1956 : crise de SUEZ 1957 : lancement de Pierrelatte par Guy Mollet « sous hypnose » pour faire la bombe H et alimenter le sous-marin français 1957 : création de l’Euratom, nécessité de profiter de l’avance US ; les USA financent 40% d’Euratom 1958 : de Gaulle choisit la filière UNGG pour ne pas dépendre de l’uranium enrichi 1958 : AEG (Allemagne) et General Electric ont un projet BWR 1962 : Explosion de la bombe française 1962 : de Gaulle échoue à ramener l’Euratom à la filière UNGG 1963 : début compétition Westinghouse (PWR), General Electric (BWR) aux USA ; le jeu des intoxications réciproques 1964 : les Anglais abandonnent Magnox et passent à l’eau légère

LES CONFLITS D’ATTRIBUTION (1950-1966) 1956-58-59 Réacteurs expérimentaux G1, G2, G3 à Marcoule par le CEA, couplage de centrales par EDF 1960-1966 : Projet Chinon1, premier prototype industriel sur filière UNGG ; compétition équipes EDF-CEA sous contrôle de Guillaumat (CEA) et Gaspard (EDF) Victoire EDF : Construction Chinon 1 et Chinon 2 ; frictions EDF industrie, retards et déboires 1966 : Chinon 3 : 480MW, encore des difficultés, début de Bugey et St Laurent 1966 : Rapport Chevrier qui tranche en faveur d’EDF pour les centrales industrielles et donne Phénix au CEA

LA QUERELLE DES FILIERES 1966 : Rapport Cabanius (EDF) Horowitz (CEA) 1966 : Boiteux DG d’EDF 1967 : Débat du Fessenheim ; Babcox, Schneider, CGE font un prix de 20% trop cher 1967 : EDF fait de l’UNGG à Fessenheim … mais du LWR avec les Belges à Tihange (pour s’entraîner) 1967 : le CEA lance le PAT (prototype à terre) du réacteur eau légère du sous-marin français 1967 : les finances font un prêt à l’Espagne pour Vandellos (UNGG) 1967 : Francis Perrin bloque le LWR auprès de Gaulle 1968 : la licence contre le mille pattes 1968 : les finances refusent un prêt à l’Argentine pour une UNGC 1969 : il met en compétition Schneider-Creusot-Loire (PWR) et CGE (BWR) 1969 : Fessenheim PWR UNGG 1969 : départ de De Gaulle 1969 : la « gaffe » de Boiteux lors de l’inauguration de St Laurent

LE LANCEMENT 1970-1973 : un tournant tranquille (deux par an), Lacoste versus les finances Septembre 1973 : qu’ont fait les experts Décembre 1973 : Jean Couture à Boiteux …. Pour midi combien de tranches ? 6 mars 1974 : Programme Messmer …. Ou la « dernière hypnose » ?

La réponse nucléaire en France: la mobilisation d’une convention préexistante 6 centrales/an garanties Industrie privée Accord CEA (surgénérateur) EDF Chauffage électrique Légitimité et crédibilité Pouvoirs publics consommateur passif Consensus des grands partis

Efficacité d’une convention crédible; coûts de sa non adaptabilité Standardisation et mobilisation industrielle; les bénéfices de la bataille de l’attribution Extension du marché: électrification des logements neufs à 85% Appel réussi aux capitaux étrangers (Barre 79) malgré un pic d’endettement à 2.3 fois le CA Effet d’irréversibilité: la contestation écologique contenue 1981: deuxième effet d’hypnose et marche à la surcapacité

D’autres réponses, d’autres conventions: USA, Japon, Allemagne USA: le nucléaire défait par le « market test » Déficit de coordination industrielle Force des pouvoirs locaux et coûts de transaction Squeeze entre autorités de régulation et taux d’intérêts Japon: les priorités du MITI en 1970 industries lourdes -> industries de l’information sécurité par guerre de mouvement nucléaire de substitution et non d’électrification Allemagne: le poids du charbon et du fédéralisme Kölhenpfennige Structures fédérales et coûts de transaction Moindre concentration du secteur électrique Course de vitesse gagnée par le réflexe anti-nucléaire

L’ambiguïté économique d’un succès technique reconnu: fin de l’optimum sectoriel Un effet volume sur les importations moins brillant qu’il n’apparaît Un artefact comptable: énergie primaire énergie finale Une durée d’utilisation des centrales nucléaires revue à la baisse Un courbe de charge plus « pointue » L’effet « économie d’importation » de la restructuration industrielle au Japon Le poids des paramètres macro-économiques et monétaires Un succès payé d’un effet d’éviction sur le progrès industriel? Effet durable d’une éviction financière temporaire? La réalité du progrès technique induit Les obstacles institutionnels d’une allocation différente des efforts

Le modèle ‘calcul économique’ en question? Conventions, stabilisation des anticipations et prise de risque Usage stratégique de l’incertitude Asymétrie d’expertise : ingénieurs vs politiques Progrès technique induit, irréversibilités et équilibres multiples Ecart optimum sectoriel, optimum social: le rôle des paramètres macroéconomiques

Vers une nouvelle économie publique? Du calcul économique à la théorie des contrats - maîtriser les asymétries d’information entre principal et agent - minimiser le hasard moral - l’organisation de la concurrence comme révélateur d’information et protection du consommateur Un enjeu: maîtriser la déconnection CMCT et CMLT - partage du surplus entre consommateur et producteur versus préparation du très long terme, - volatilité des prix et risques d’investissements Calcul économique et prospective: - quand la technique résiste … - quand les effets d’équilibre général sont significatifs - un diagnostic partagé est nécessaire - du calcul prescriptif aux modèles comme outils de négociation et de recherche de compromis entre intérêts et croyances

Matériaux USA: leA faire