Collège des Enseignants de Pneumologie

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Transcription de la présentation:

Collège des Enseignants de Pneumologie CAS CLINIQUE Proposé, revu et corrigé par : A. Scherpereel (Université de Lille 2) Ch. Marquette (Université de Nice - Sophia Antipolis) G. Deslée (Université de Reims Champagne Ardennes) B. Housset (Université Paris 13) H. Mal (Université Paris 7) P. Demoly (Université de Montpellier 1) Items des ECN concernés par ce cas clinique : 113, 114 et 115 Allergies et hypersensibilités et Asthme de l’adulte et de l’enfant 200 Etat de choc 211 OEdème de Quincke et anaphylaxie

Vous êtes interne de garde et on vous appelle au lit d’une patiente de 60 ans qui présente un malaise. L’interrogatoire est difficile mais elle vous dit que ça la gratte partout et qu’elle a du mal à respirer. Elle n’a pas de douleur dans la poitrine. A l’examen la patiente est polypnéique à 25/mn, le pouls est difficilement perceptible, la TA systolique à 80 mm Hg et la fréquence cardiaque à 105/mn. La SpO2 est à 89% en air ambiant. La peau est chaude, sans marbrures, mais montre les éléments suivants (cf photo). L’auscultation retrouve des râles sifflants. L’examen de la cavité buccale retrouve un œdème de la luette et des lèvres.

Vous l’interrogez sur ses antécédents allergiques et elle vous dit qu’elle est allergique aux fruits de mer et à certaines noix. Vous apprenez par l’infirmière de nuit que la patiente avait été hospitalisée pour une exacerbation de BPCO. Que la patiente est hypertendue et qu’elle est traitée par béta-bloquants. L’infirmière vous dit et qu’elle a branché une perfusette d’amoxicilline un 10 minutes avant que la patiente appelle. L’ECG est sans particularité Quel diagnostic évoquez vous en 1ère hypothèse ?

Arguments pour l’origine anaphylactique : Urticaire, angio-œdème (œdème de Quincke) et bronchospasme avec choc anaphylactique. Urticaire en raison du caractère de l’éruption faite de papules et de plaques érythémateuses dont l’une est plus claires en leur centre, notion de prurit. Angio-œdème en raison de l’œdème des lèvres et de la luette Bronchospasme, en raison des données de l’auscultation. Collapsus, en raison de la tension artérielle effondrée (NB l’absence de franche tachycardie peut être en rapport avec le fait que la patiente est sous béta-bloquants) Arguments pour l’origine anaphylactique : association à des manifestations cutanéo-muqueuses (urticaire, angio-œdème) et respiratoires (bronchospasme) administration dans les minutes qui précèdent l’évènement d’une substance connue pour produire des réactions anaphylactiques (amoxicilline)

Urticaire : Angiœdème : éruption faite de papules ou de plaques érythémateuses souvent plus claires en leur centre, prurigineuses, saillantes, à contours variables évolution labile par poussées caractérisées par une apparition brutale et une résolution complète rapide Angiœdème : résulte d’une vasodilatation et d’un œdème dermique, correspond à une atteinte hypodermique tuméfaction de taille variable mal limitée, ferme, non érythémateuse, peu prurigineuse, responsable d’une sensation de tension cutanée peut toucher comme l’urticaire n’importe quelle partie de la peau ou muqueuse avec une prédilection pour le visage L’Oedème de Quincke touche la région du cou et peut être létal par asphyxie si le larynx est concerné . l’atteinte cutanée peut être retardée, voire absente dans les formes rapidement progressives d’anaphylaxie.

Réaction anaphylaxique et anaphylactoïde « anaphylaxie » classiquement réservé à la réaction immunologique aiguë de mécanisme immunoglobulines E (IgE) - dépendant. Après sensibilisation à l'allergène lors d'une exposition antérieure, il y a synthèse d'IgE spécifiques par les lymphocytes B. Ces IgE spécifiques se fixent sur les récepteurs pour l'IgE présents sur le mastocyte et le basophile L’anaphylaxie est consécutive à la libération de médiateurs par dégranulation brutale des mastocytes et des basophiles, lors de la réintroduction de l’allergène (même en quantité minime). « Anaphylactoïde » A côté de ce mécanisme IgE-dépendant, il existe d'autres voies d'activation des mastocytes/basophiles qui déterminent une entité clinique similaire au choc anaphylactique, appelée précédemment "réaction anaphylactoïde". Ces réactions sont liées à la libération immédiate de médiateurs identiques à ceux du choc anaphylactique et étant responsables de conséquences cliniques très similaires. Certains facteurs comme les venins d’insectes, les produits de contraste iodés et certains médicaments (curares, opioïdes, vancomycine) sont susceptibles d'induire un choc par plus d’un mécanisme Il n’y a plus lieu d’utiliser le terme anaphylactoïde depuis 2006 mais uniquement le terme de réaction anaphylactique.

Physiopathologie de l’anaphylaxie Non Immunologique Immunologique IgE/FceRI Immunologique autre MECANISMES piqûres d’insectes aliments médicaments (ATB type b-lactames…) autres : latex… agrégats (Ig IV) activation système du complément ou de la coagulation auto-immunité effort froid médicaments (opioïdes) autres ELEMENTS DECLENCHANTS CELLULES CLES MASTOCYTES BASOPHILES MEDIATEURS Histamine / Tryptase / Carboxypeptidase A / Chymase / PAF / PG / LT … ORGANES CIBLES PEAU APP RESPIR DIGESTIF CARDIOVASC NEURO toux, dyspnée stridor bronchospasme rhinite Oedème larynx, pharynx, lingual… prurit (palmo -plantaire++) flush urticaire angioedème nausées vomissements diarrhéesang douleur abdo Sd de Lessof collapsus (TA systol <100mmHg et tachycardie) malaise perte de conscience arrêt inaugural céphalées agitation confusion vertiges convulsions… SYMPTOMES

Quels diagnostics différentiels évoquez vous ?

Choc cardiogénique (infarctus du myocarde, embolie pulmonaire …) L’absence de froideur cutanée ou de marbrures plaide contre le choc cardiogénique. L’absence de douleur thoracique et de signes ECG plaide contre un syndrome coronarien aigu. Les signes cutanés et respiratoires ici présents ne plaident pas non plus en faveur d’un choc cardiogénique. Choc hypovolémique (hémorragie, déshydratation) L’absence de froideur cutanée ou de marbrures plaide contre ce diagnostic, de même que l’absence de saignement ou d’histoire évocatrice d’une hémorragie non extériorisée. Les signes cutanés et respiratoires ici présents ne plaident pas non plus en faveur de ce diagnostic Choc septique Le contexte clinique n’est pas celui d’un choc septique. Les signes cutanés et respiratoires ici présents ne plaident pas non plus en faveur de ce diagnostic Choc vagal. Contre ce diagnostic : l’absence de bradycardie, de pâleur et de sueurs et le fait que les signes cutanés et respiratoires ici présents ne font pas partie du tableau d’un choc vagal Hypoglycémie, à évoquer devant tout trouble aigu de la conscience. Entraîne un malaise et des troubles de conscience mais pas un état de choc. Les signes cutanés et respiratoires ici présents ne plaident pas non plus en faveur de ce diagnostic

Agents étiologiques les plus fréquents de l’anaphylaxie

La biologie pourrait-elle vous aider pour authentifier rapidement la nature de cet état de choc ?

Médiateurs libérés par le mastocyte ou le basophile Biologie standard : aucun intérêt diagnostique en phase aiguë du choc Médiateurs libérés par le mastocyte ou le basophile lorsqu’un choc survient en milieu médical (accident per-opératoire notamment), leur identification permet d’apporter a posteriori un argument médico-légal en faveur du diagnostic de choc anaphylactique les prélèvements sanguins sont à réaliser dès que possible après l’apparition des premiers symptômes et sont à renouveler 2 heures plus tard dosage de l’ histamine délicat car ½ vie brève (15 min), rapidement indétectable, sauf dans les formes sévères dosage de la tryptase plus fiable, détectable dans le sang dès la ½ h qui suit le choc et jusqu’à 10 h après. Une tryptasémie normale n'élimine cependant pas le diagnostic grand intérêt dans un choc de nature indéterminé car il signe de façon quasi certaine sa nature anaphylactique

Quelle est votre prise en charge thérapeutique de 1ère intention ?

Administration d’oxygène (pour obtenir une SpO2 > 90%) Arrêt immédiat de l’administration de la substance incriminée (perfusette d’amoxicilline) Administration d’adrénaline : 0,5 mg , voie IM (puis par voie veineuse dès que disponible), à répéter si besoin au bout de quelques minutes (si non réponse tensionnelle) La voie sous-cutanée n’est à proposer que par défaut (la pharmacocinétique de l'adrénaline est trop aléatoire par cette voie) Administration d’oxygène (pour obtenir une SpO2 > 90%) On s’assure d’une voie veineuse de bon calibre Expansion volumique prudente (car ATCD d’HTA) par des solutés de remplissage faiblement allergisant (cristalloïdes). Ex sérum salé isotonique (SSI) 500 ml sur 15 minutes avec surveillance attentive de la TA et de l’auscultation pulmonaire 2-mimétique inhalé en aérosol Corticoïdes : Ne sont pas le traitement d’urgence du choc anaphylactique car leur action et retardée. Prescription possible pour leur rôle anti-oedemateux et dans la prévention des rechutes précoce. Anti-histaminiques : Ne sont pas non plus un traitement d’urgence du choc. Ils sont actifs sur l’urticaire et le prurit.

Malgré votre traitement l’état de la patiente reste inchangé, quelle pourrait en être l’explication ?

Le fait que la patiente soit sous béta bloquants

Que proposez vous ?

Adrénaline par voie veineuse sous forme diluée (1 mg dans 10 ml) en IV lente ou bolus de 0,1 mg répétés toutes les 5 minutes Si inefficace on administre du glucagon à raison de 1 mg i.v., à renouveler toutes les 5 min (peut être donné en ss-cut. ou i.m.) Le glucagon a un effet inotrope et chronotope non médié par les récepteurs β.

Anti-histaminique & Corticoïdes IV (ou IM) Appeler le 15 Manifestation(s) Traitement indiqué 1. Symptômes mineurs (rhinite et/ou conjonctivite) Anti-histaminique H1 oral Si persistance après 15 minutes : corticoïde oral Par sécurité, prévenir le médecin traitant ou le 15 2. Symptôme localisé (Bronchospasme) Bronchodilatateur inhalé type 2-mimétique d’action rapide Corticothérapie orale ou injectable (IM/IV) Oxygénothérapie Réévaluation clinique ; par sécurité, prévenir le médecin traitant ou le 15 3. Anaphylaxie modérée (urticaire diffus, prurit) Anti-histaminique & Corticoïdes IV (ou IM) Appeler le 15 4. Anaphylaxie sévère (malaise, œdème de Quincke) Corticoïdes IV et anti-histaminique Adrénaline IM11 (bras ou cuisse) 0,01 mg/kg (enfant) ou 0,3 à 0,5 mg (adulte), à répéter si besoin (tension artérielle basse…) au bout de 30 minutes Si angioedème avec atteinte laryngée : O2, voire intubation si signes de gravité 5. Choc anaphylactique Mettre en position couchée, jambes surélevées, ou décubitus latéral si vomissements Oxygénothérapie  rétablissement de la liberté des voies aériennes si besoin 2-mimétique inhalé (et corticoïdes IV) si bronchospasme Adrénaline IM (même dose que ci-dessus), à répéter si besoin (TA basse…) au bout de quelques minutes, de préférence par voie IV si voie veineuse disponible Poursuite de la réanimation ou prise en charge par le SAMU : remplissage vasculaire +++, adrénaline IV ( dopamine IV), traitement du bronchospasme, MCE si arrêt… Corticoïdes IV et anti-H1 : traitement de la PHASE RETARDEE Toujours surveiller au moins 12 heures car risque de rechute prélever un tube sec de sang pour le dosage de la tryptase et de l’histamine sériques au cours de la réanimation ou même après un éventuel décès.

Quelles modalités de surveillance proposez pour les 1ères heures

Surveillance clinique (conscience, pls, TA,diurèse, SpO2, cardioscope) Oedème du visage et des parties molles du cou notamment, oedème laryngé, bronchospasme, signes digestifs (diarrhée) Les signes cliniques de l’anaphylaxie peuvent apparaître ou réapparaître dans les 12 à 24 h qui suivent l’accident initial.

Quelles sont vos propositions thérapeutiques à la sortie de la patiente  ?

Traitement médicamenteux : poursuivre pendant quelques jours (5 à 6 jours) les corticoïdes oraux et un anti-histaminique. Prévoir le remplacement du -bloquant par une autre classe thérapeutique avec son cardiologue EDUCATION +++ : éviter les médicaments mis en cause = les bétalactamines dans un premier temps. Donner une carte à la patiente mentionnant l’ATCDt de choc anaphylactique à l’amoxicilline Prévoir un bilan allergologique en précisant à l’allergologue l’ensemble des médicaments administrés au moment de l’accident. La prescription d’une trousse d’urgence d’adrénaline auto-injectable est recommandée pour les allergènes ubiquitaires (venins d’hyménoptères ou aliments notamment). son utilité est discutée pour les allergies médicamenteuses car les allergènes non-ubiquitaires sont par définition évitables. dans le cas présent, compte tenu de ses ATCDts et de la gravité de l’accident qu’elle a présenté il semble raisonnable de la lui prescrire. l’information du patient et de son entourage sur son mode d’utilisation est nécessaire +++