Étude A-Heft Comment interpréter ces résultats ? Ph Gabriel Steg MD Professeur, département de Cardiologie Faculté de Médecine Xavier Bichat Université de Paris Paris, France Pr Michel Galinier Cardiologue CHU de RANGUEIL Toulouse, France Pr Alain Cohen-Solal Chef du service de cardiologie et des maladies vasculaires Hôpital Beaujon
L’étude A-HeFT : Historique Etude réalisée par la Veterans Administration aux Etats-Unis et dirigée par Dr Jay Cohn. Etude Veterans Heart Failure Trial I et II (V-HeFT I et V-HeFT II) : Une combinaison d’hydralazine et de dérivés nitrés retard est efficace dans le traitement de l’insuffisance cardiaque mais les IEC démontrent être supérieurs — la combinaison est plus ou moins abandonnée. Il s’est avéré que les sujets de couleur noire répondent mieux à cette combinaison que des sujets caucasiens. Les auteurs ont donc décidé d’étudier à nouveau ce même traitement dans des sujets noirs suivant déjà pour une grande partie un traitement pour l’insuffisance cardiaque. Pr Alain Cohen-Solal
L’étude A-HeFT : Population de patients La majorité des patients souffre d’insuffisance cardiaque de classe III ou IV de la NYHA. Ils sont déjà adéquatement traités : 80% ont un inhibiteur du système rénine-angiotensine ¾ ont un beta-bloquant > ½ prennent de la digoxine 40% prennent une spironolactone 18% on un défibrillateur Faible taux de mortalité dans le groupe placebo (10%) malgré l’insuffisance cardiaque de classe III Moyenne d’âge de 56-57 ans Souvent en surpoids : Moyenne de 95 kg Pr Alain Cohen-Solal
L’étude A-HeFT : Plan d’étude 1050 patients ont été randomisés. Critère de jugement principal : Score de morbi- mortalité — un score composite. Il est devenu très difficile d’avoir un effet sur la mortalité due à l’amélioration du pronostic; il faudrait 3000-4000 sujets. Critères de jugement secondaires : Hospitalisations, qualité de vie — importants chez de tels patients dont le pronostic est déjà engagé. Difficulté quant à l’utilisation des scores composites : Comment pondérer les différents scores? Pr Alain Cohen-Solal
L’étude A-HeFT : Principaux résultats L’étude fut interrompue prématurément due à une réduction significative de la mortalité (35%) par rapport au placebo. Il est fort probable que l’efficacité de ces médicaments sans activité neurohormonale soit due réellement à l’administration de traitements préalables (IEC ou beta-bloquant). « [Cette étude] ouvre une nouvelle voie au traitement de l’insuffisance cardiaque en sus des traitements conventionnels neurohormonaux. » Pr Michel Galinier
L’étude A-HeFT : Prospects d’une sous-population Il existe beaucoup d’information sur la population générale. Il serait peut-être temps d’analyser des sous- groupes : Sujets de couleur noire (ou autre) Patients obèses Hypertendus sans cardiopathie sous-jacente Pr Michel Galinier
L’étude A-HeFT : Résultats additionnels Le bénéfice du traitement se voit en terme de score composite (le critère de jugement principal) Le score composite était-il réellement nécessaire vue la réduction de mortalité toutes causes (de 10.2% à 6.2%)? Réduction d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (de 24.4% à 16.4%) Près de 50% de céphalées dans le groupe traité versus 19.25 dans le groups placebo Plus de vertiges chez les patients traités Dr Gabriel Steg
L’étude A-HeFT : Extrapolation des résultats En France il est interdit de colliger de l’information quant à la « couleur » des participants à une études. Cette information est exigée par les organismes réglementaires aux Etats-Unis pour ne pas que la population choisie soit biaisée. Pouvons-nous extrapoler les résultats de cette étude à nos patients de couleur blanche? Faudrait-il répéter l’essai avec des sujets caucasiens? A l’avenir il faudrait peut-être stratifier les patients en fonction de leur couleur dès le départ. Planifier une étude comprenant uniquement des sujets d’une couleur de peau particulière n’amènera qu’à plus de questions. Dr Gabriel Steg
L’étude A-HeFT : Comment expliquer l’effet chez les sujets « noirs »? Le système rénine-angiotensine-aldostérone n’est pas stimulé chez les individus « noirs » avec insuffisance cardiaque contrairement aux sujets blancs. Les résultats de l’étude A-HeFT ne se reproduiront probablement pas chez des sujets « blancs » mais cela reste à être démontré. Les résultats de cette étude seraient utiles pour la population de couleur noire en France, mais il faudrait y introduire l’hydralazine, médicament jamais commercialisé en France. La dihydralazine (Néprésol) était utilisée en France mais ne l’est plus depuis plusieurs années. Pr Michel Galinier
L’étude A-HeFT : Effets secondaires « Cette thérapeutique a été quand même médiocrement tolérée. » Une hausse de 50% de céphalées et trois fois plus de vertiges pourraient poser des problèmes d’observance. Il faut prendre en compte que les patients ont près de 20 ans de moins que la population réelle d’insuffisants cardiaques. Pr Alain Cohen-Solal
L’étude A-HeFT : Extrapolation des résultats Le sexe-ratio est bon: 40% de femmes Les résultats sont extrapolables à toute la population noire C’est une spécificité aux sujets de couleur noire d’avoir une hypertension artérielle résistante malgré leur insuffisance cardiaque : Il ne serait pas raisonnable d’extrapoler ces résultats à des sujets « blancs .» “Je ne connais pas d’accidents cardiaques aussi sévères que ceux décrits dans cette étude” Pr Michel Galinier
L’étude A-HeFT : Extrapolation des résultats Peut-on vraiment extrapoler les résultats à l’ensemble de la population noire en vue de la différence d’âge entre les sujets dans l’essais et ceux vus en pratique? Le pourcentage d’hommes n’est que de 55-60% ce qui n’est pas représentatifs des deux tiers habituellement rencontrés en clinique. L’observance en situation clinique risque d’être différente. Dr Gabriel Steg
L’étude A-HeFT : Messages clés Ce traitement à sa place en France si le Néprésol revient dans le pays. Cette population est biaisée : Les patients sont trop jeunes — les insuffisants cardiaques en France ont 77 ans en moyenne. Les patients sont obèses — la moyenne de poids est trop élevée pour la France. Cet essai a ouvert la porte pour des études par sous-groupes. « Il faut revoir les thérapeutiques non-heurohormonales à l’époque des traitements neurohormonaux systématiques » « On fait un traitement ‘à la carte ’ et non plus ‘au menu ’» Pr Michel Galinier
L’étude A-HeFT : Messages clés Il faut féliciter les auteurs pour leur persévérance : Ils n’ont pas abandonné leur étude de la la combinaison en question. C’est la première étude qui démontre l’importance des différentes populations ethniques quant au traitement de l’hypertension ou de l’insuffisance cardiaque. Un essais additionnel est requis pour confirmé les résultats de cette étude, dans une population générale, stratifiée à la base en fonction de l’ethnicité. Pr Alain Cohen-Solal
L’étude A-HeFT : Un rôle pour l’oxyde nitrique? Il existe une ou deux études qui ont montré in vitro que l’hydralazine peut prévoir l’échappement thérapeutique aux dérivés nitrés retard. Les sujets noirs ont tendance à diminuer le niveau d’oxyde nitrique (NO) : L’administration de donneurs de NO, tels que les dérivés nitrés, pourrait entraîner une efficacité plus importante chez des sujets noirs. “Est-ce qu’il ya une relation de cause à effet entre ces deux observations fondamentales? […] Je ne sais pas, mais c’est effectivement assez séduisant.” Pr Alain Cohen-Solal
L’étude A-HeFT : Un rôle pour l’oxyde nitrique? « Il faut se méfier de faire de la physiopathologie fine pour expliquer des données thérapeutiques. » Ce qui est sûr est que les sujets de couleur noire n’ont pas la même activité du système rénine-angiotensine-aldostérone : Ceci pourrait diminuer l’activité des IEC et des beta-bloquants et donc qui augmenter celle des voies non-neurohormonales. Pr Michel Galinier