Théorie de l’aliénation et souffrance éthique Philippe Davezies Formation et action citoyennes février 2008
I - La question du mal et la conscience morale
Les leçons de la Shoah Hannah Arendt (Eichmann à Jérusalem). Christopher Browning (Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne). Stanley Milgram (La soumission à l’autorité).
L’expérience de Milgram
II - Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale Dejours, 1998.
Constat Les partisans de la guerre économique l’ont emporté. «La question centrale de ce livre c’est [ ] celle des ressorts subjectifs de la domination : pourquoi les uns consentent-ils à subir la souffrance, cependant que d’autres consentent à infliger cette souffrance aux premiers ?». De la servitude volontaire à la participation au travail du mal.
Le mal, c’est la tolérance et la participation.. ..au mensonge : décrire la production à partir des résultats et non à partir des activités, ne mentionner que les résultats positifs en effaçant ce qui relève du défaut ou de l’échec. ..à l'injustice et à la souffrance infligée autrui : infractions cyniques au Code du travail, affectations discriminatoires et manipulatoires, grossièretés et les obscénités vis-à-vis des femmes, manipulation délibérée de la menace, du chantage et des insinuations, licenciements arrosés de fausses promesses d'assistance, ou au contraire de justifications calomnieuses, menace à la précarité pour soumettre autrui, pour lui infliger des sévices, par exemple sexuels, ou lui faire faire des choses qu'il réprouve moralement, et, d'une façon plus générale, pour lui faire peur..
.. lorsque ces conduites sont érigées en système et supposent l'implication de tous ; publiques, banalisées, conscientes, délibérées, admises ou revendiquées, voire lorsqu'elles considérées comme valeureuses. « On est alors dans l'univers du mal dont nous tentons d'analyser le fonctionnement ».
Comment expliquer « l’enrôlement en masse des braves gens au service de la collaboration » ? « l’enrôlement progressif de la majorité dans le travail du mal » ?
Non pas la banalité, mais la banalisation du mal Les stratégies de défense contre la souffrance : rationalisation, abstraction, déréalisation, cynisme viril. La banalisation du mal témoigne d’un engagement moral d’ordre pré-réflexif contre lequel le sujet doit lutter. L’exercice du mal implique la lutte contre soi-même.
La défense contre la souffrance éthique : faire le sale boulot d’entreprise est associé par ceux qui sont aux postes de direction, à la virilité. Le leader du travail du mal est avant tout pervers [ ] parce qu’il utilise ce qu’en psychanalyse on désigne par le terme « menace de castration » comme levier de la banalisation du mal.
Les stratégies de défense contre la souffrance et la peur Un piège qui peut se refermer sur ceux qui, grâce à elles, parviennent à endurer la souffrance sans ployer.
L’action ? Il n’y a pas de solution à court terme au malheur social généré par le libéralisme économique dans la phase actuelle de notre développement historique. Non que l’action soit impossible, mais il faudrait, pour pouvoir l’initier, réunir des conditions de mobilisation qui ne semblent pas pouvoir l’être sans un temps préalable de diffusion et de débat des analyses sur la banalisation du mal.
« Si nous étions capables de penser la souffrance et la peur, ainsi que leurs effets pervers, au lieu de les méconnaître, nous ne pourrions peut-être plus consentir à faire le mal malgré notre répugnance à le faire ». Autonomie morale subjective, conscience morale.
la passivité des victimes III - Prolongements : la passivité des victimes
Violence et liberté 1. Au sens strict, la violence, c’est la violence physique. 2. Cette violence est absente des relations de travail. 3. En son absence, les sujets sont libres de refuser leur participation. 4. Conclusion : ils sont consentants. → Soumission à l’autorité → Consentement à la domination → Servitude volontaire
Résonances psychiatriques de la soumission à l’autorité Personnalité psychosomatique, alexithymie, pathologies de l’attachement : répression des émotions, vie psychique plus pauvre, tendance à la conformité sociale. La problématique de recherche : une contribution de la psychanalyse à la philosophie morale et à la théorie politique.
IV - La subjectivité et le rapport au pouvoir
Interdit, subjectivité pouvoir Société Normes Corps Besoins Système psychique Compromis entre pulsion et interdit Conformité
Interdit, subjectivité pouvoir Société Normes Corps Besoins Système psychique Conformité + excès Investissement du compromis par la pulsion Le sujet produit par l’interdit (Freud) Le sujet produit par le pouvoir (Foucault)
Désir, interdit, subjectivité (Freud, Foucault, and Co.) La subjectivité : Interdit: obstacle à la gratification libidinale. La répression du corps exige un mouvement du corps. Retournement de la pulsion sur elle-même. Attachement libidinal à l’interdit. Développement des interdits - développement du désir. L’attachement à l’interdit est formateur de la structure réflexive. L’assujettissement : processus par lequel on devient subordonné à un pouvoir, processus par lequel on devient un sujet.. Le pouvoir : ce qui subordonne, ce qui forme le sujet, ce dont dépend son existence.
Impasse ? « Il faut distinguer la psychodynamique de l’identité qui domine le fonctionnement psychique de la plupart des gens ordinaires, de l’ipséité, c’est-à-dire de ce qui procède d’un rapport rigoureusement intra-subjectif, entre soi et soi, dans la solitude précisément » ( Le travail entre banalisation du mal et émancipation. Dejours, 2001). La théorie et la pensée comme seul obstacle aux errements et aux crimes liés à la quête de reconnaissance et à l’assujettissement ?
V – Résistance et subversion
L’investissement libidinal déborde les objectifs normalisateurs. Il n’y a pas un, mais des discours normalisateurs, pas un, mais des pouvoirs. Le sujet comme le social sont animés de mouvements contradictoires. Le pouvoir produit son auto-subversion.
Variantes de l’expérience de Milgram : des réactions qui varient grandement en fonction du contexte. Un pair administre les chocs : 92.5 % Proximité de l’élève : 30 % Expérimentateur absent : 20,5 % Deux pairs refusent : 10 % Le sujet choisit le niveau du choc : 2.5 % Deux autorités, ordres contradictoires : 0%