Le suivi étroit auprès des personnes à potentiel suicidaire élevé : partage de réflexions… Présentation dans le cadre de la journée annuelle de Suicide Action Montréal Le 26 novembre 2009 Françoise Roy Consultante en prévention suicide et développement des compétences consultationsfranco@hotmail.com
Objectifs de la présentation Identifier les personnes à potentiel suicidaire élevé Reconnaître les difficultés dans la capacité à les rejoindre, les évaluer et les traiter (organisationnelles et cliniques) Identifier les objectifs d’un suivi plus intensif et qui tient compte des facteurs de vulnérabilités et de protection
Contexte L’ampleur du problème 1136 suicides en 2006 (taux de 23,4/100 000 chez les H et 6,4/100 000 chez les F) 4 % idées suicidaires = 222 000 personnes(ESQ 98) 5/1000 tentatives de suicide = 42 000 (ESQ 98) 40 % se sont rendus à l’urgence 33,5 % des personnes qui se sont suicidées avaient fait une tentative dans les 5 ans ayant précédé l’enquête. Une large proportion des personnes décédées avaient été hospitalisées au cours des 12 derniers mois, ou avaient consulté principalement en psychiatrie externe, au cabinet du médecin de famille ou en urgence[1] [1] Bureau du Coroner du Québec, Résultats de l’enquête portant sur les personnes décédées par suicide au Québec entre le 1er septembre et le 31 décembre 1996. MSSS, 2000. L.Appleby et al., «Suicide within 12 months of contact with mental health services : national clinical survey» British Medical Journal, vol.318, 8 mai 1999, p.1235-1239.
Définition du potentiel suicidaire Définition : réfère à la probabilité de passage à l’acte à court, moyen ou long terme Composantes : Urgence suicidaire Risque suicidaire Éléments de dangerosité
1. Les personnes à potentiel suicidaire élevé Les groupes de personnes Les facteurs de vulnérabilités qui ont un poids relatif plus élevé. On les retrouve dans les trajectoires des personnes décédées par suicide
Trajectoires des personnes décédées par suicide (Séguin, Lesage, Turecki, Daigle et Guy, 2005)
Descriptif des trajectoires 1 ière trajectoire : 15 % des personnes de l’étude. négligence, abus physiques et sexuels, maltraitance et conflits familiaux majeurs. événements d’abus se cumulent tout au long du développement de l’individu Moyenne d’âge : 38 2 ième trajectoire : 24 % des personnes de l’étude. La vie a été difficile dès le départ le contexte de vie s’est amélioré à l’âge adulte diminuant ainsi les facteurs de risque et augmentant les facteurs de protection. vulnérabilité de base ressurgit lorsqu’ils doivent faire face à des périodes d’adversité plus tard dans leur vie. T 2: « C’est comme si une certaine vulnérabilité, particulièrement au niveau de la personnalité, se soit maintenue chez ces individus pendant tout ce temps et que les difficultés personnelles, psychologiques et psychiatriques les rattrapent en milieu de vie et provoquent un effritement relationnel et un cumul de difficultés avant le passage à l’acte. Ce sont d’ailleurs ces personnes… qui ont commis le plus grand nombre de tentatives de suicide et qui présentent des taux de psychopathologies de l’axe I et II relativement élevés. » (Séguin, 2005, p. 22)
Descriptif des trajectoires (suite) 3 ième : 43 % des personnes décédées de l’étude. la vie a bien commencé un minimum de facteurs de risque et plusieurs facteurs de protection. progressivement des éléments d’adversité dans la vie et contexte de vie graduellement dégradé. grand nombre de psychopathologies de l’axe I (toxicomanie et dépression) Caractéristique : effritement relationnel et affectif de plus en plus important et relié à la présence d’alcoolisme et de dépression. En général, peu de tentative de suicide et le geste suicidaire apparaît à la suite d’une séparation ou d’une perte affective.
Descriptif des trajectoires (suite) 4 ième trajectoire : 17 % des personnes décédées de l’étude. Présentent peu de facteurs de risque et d’éléments d’adversité En moyenne âgées de 52 ans Se suicident à la suite d’une situation de perte importante et lorsqu’il y a une dimension d’humiliation ou de perte publique réelle ou perçue comme telle.
Facteurs qui ont un impact plus « important » lors d’une crise suicidaire Toxicomanie : intoxication, dépendance, sevrage, produits Dépression Difficultées interpersonnelles et sociales Tentative de suicide antérieure Impulsivité Collaboration difficile (capacité à demander de l’aide) Désespoir
2. Comprendre les difficultés à rejoindre, évaluer et traiter les personnes à potentiel suicidaire élevé Quelles sont les difficultés rencontrées (équipe de 4-5), identifier 3 éléments dans chaque catégories. 10 minutes Retour en grand groupe : Un représentant par équipe Voir les constats
Constats dans les difficultés pour rejoindre, évaluer et traiter les personnes à potentiel suicidaire élevé Peu de continuité dans les services offerts La majorité des personnes qui se sont suicidées a consulté un médecin le mois précédant leur décès (Luoma et collab., 2002). Difficulté d’accès rapide aux services psychosociaux et médicaux. Manque d’intensité dans le suivi auprès des personnes suicidaires Peu de services adaptés à la comorbidité (SM et Toxico) Peu de concertation entre les ressources d’aide (les personnes qui sortent de l’urgence ne sont pas prises en charge assez rapidement et une seule référence à un service d’aide a peu d’impact sur les personnes suicidaires). Ces constats provinciaux nous amènent à penser que, trop souvent au Québec, l’organisation actuelle des services répond peu à une majorité de personnes suicidaires qui demandent peu d’aide. Le pari du suivi étroit est d’offrir rapidement et de façon systématique un suivi plus intense aux personnes suicidaires qui se présentent à l’urgence et que nos organisations de soins arrivent peu à rejoindre. Pour ce faire, le suivi étroit devra s’inspirer de certaines pratiques utilisées par les travailleurs de rue, par les intervenants en toxicomanie et par ceux qui se spécialisent dans l’intervention auprès des hommes. Ces approches facilitent l’établissement d’un lien de confiance auprès des personnes qui présentent une grande détresse, mais qui demeurent récalcitrantes aux services d’aide tels que nous les connaissons actuellement.
Constats (suite) Absence de pratique de « Reaching out » (aller vers) « Si la personne ne demande pas d’aide elle-même, on ne peut pas l’aider » !! Pourtant, cette pratique permet de rejoindre des clientèles qui abandonnent facilement les liens avec les services d’aide, compte tenu de leur désespoir et de leur niveau de désorganisation matérielle et cognitive, etc. (Mueser et collab., 2001).
Constats (suite) Certaines pratiques ne sont pas cohérentes avec l’état des connaissances du problème Risque élevé de suicide ou de récidive après une tentative de suicide Absence de suivi qui tient compte des facteurs qui augmentent le risque Le suicide survient lorsque la situation de la personne se détériore, qu’elle n’a plus accès aux services d’aide et que son entourage s’éloigne (Mishara et Chagnon, 2007) Lieu d’intervention pas toujours adaptés aux besoins
Constats (suite) Certaines personnes sont plus difficiles à aider, parce qu’elles : Nous font sentir impuissants Ne sont pas des « bons clients » : adhésion, collaboration Ont de nombreux facteurs de vulnérabilité … et il est difficile de discriminer le risque du risque
3. Donc… Pour toutes ces raisons, la mise en place d’un suivi, tel le suivi étroit, permettra de mieux rejoindre, évaluer et traiter les personnes à potentiel suicidaire élevé. Une attention particulière devrait être portée : Aux personnes qui ont fait une tentative de suicide (particulièrement lors de la sortie des services hospitaliers) Les personnes toxicomanes Les personnes dépressives
Ce type de suivi permettrait : Améliorer la coordination et la continuité des services Soutenir et accompagner la personne dans la réintégration de son milieu de vie Assurer le lien avec tous les intervenants impliqués Accompagner la personne et son entourage dans les différentes étapes du processus d’obtention de service (soutien, accompagnement)
Principes et caractéristiques de ce type de suivi Intervention : centrée sur l’ensemble de la situation, tout en favorisant les liens avec l’entourage ; tenant compte des caractéristiques des personnes présentant un potentiel suicidaire élevé : intervention proactive (reaching out), durée et intensité variable. Travail centré également sur la diminution des facteurs de risque et sur l’augmentation des facteurs de protection. Les interventions avec la personne suicidaire et/ou son entourage peuvent se réaliser en face à face ou par téléphone, dans le milieu de vie de la personne ou à tout autre endroit jugé opportun
Intensité et durée du suivi Une première rencontre est réalisée rapidement La personne sait qui elle verra lorsque la référence est terminée Un nombre de contacts rapproché devrait être offert durant le premier mois. Par la suite, l’intensité et la fréquence devrait être déterminés en en fonction : de la situation de la personne et de ses besoins ; de l’intensité de la crise ; du potentiel suicidaire. Durée optimale permettant l’atteinte des objectifs Fin du suivi lorsqu’on note : résolution de la crise réintégration dans le milieu de vie diminution de la vulnérabilité (facteurs de risque) et une augmentation des facteurs de protection
Commentaires et réflexions MERCI !! Françoise Roy consultationsfranco@hotmail.com