Peut-on prévenir les incontinences du post-partum? Revue de la littérature. Thèse pour le doctorat en médecine soutenue par Sophie Glikman
Incidence de l’IUPP. Prévalence de l’IU dans la population féminine générale: 30%. IUPP = premier facteur de risque (RR=2.57). L’IUPP (en % d’après Eason et Labrecque): Pop Gén: épisodes «fréquents» pour moins de 2%. (Peyrat Laurence- Progrès en urologie- 2003). Banalisée: publicités TV pour protections. Nullipare: 16% (quotidiens < 1%) / 32%, >1/2 / ¾, 31% / 36% . IUPP: Fréquente et banalisée (« physiologique »). Retentissement sur la qualité de vie et le moral des jeunes mères. Évolution sur le long terme potentiellement péjorative (récidives à distance). Qd IUE apparaît en cours de grossesse, le risque d’IUE à 15 ans est doublé. (Dolan, BJOG, 2003)
IUPP: Mécanismes et facteurs. Hyperlaxité gravidique, hyperlordose, surpoids du volume utérin. Incontinence d’effort. Rôle du tabagisme. IU préexistante à la grossesse = meilleur facteur prédictif d’IUPP. Aggravation possible par étirement du nerf pudendal, épisiotomie. Pas d’association avec: forceps, PN, âge maternel, degré de déchirure périnéale. Favorisée par tout facteur d’hyperpression abdominale: toux et constipation chroniques, certains sports. Eason, BMC Pregnancy Childbirth, 2004. Episio: Ewings P, Obstetric risk factors for UI and preventive pelvic floor exercises: Cohort study and nested controlled trial. JOG. 2005. L’épisio ds au moins un accouchement est un FDR indépendant d’IU à 6 mois du post-partum avec un OR = 1.96. Et diminution de la force musculaire du périnée (Sartore A, 2004, Obstet Gynecol -57), donc diminution de la possibilité de se retenir et de différer la miction (la contraction du périnée inhibe par réflexe la contraction du detrusor).
Incidence de l’IAPP: L’IA dans la population générale: 10%. 13% des primipares et 23% des multipares dans le post-partum immédiat : IA (le plus souvent aux gaz) ou impériosités. Incontinence fécale hebdomadaire ou plus: 1 à 2% des jeunes mères. À 10 ans d’une déchirure grave, le risque d’IA sévère reste majoré. Pop Gén: Denis Ph Gastroenterol Clin Biol, 1992. Pers âgées en institution: 1/3. IA sévère: entre 7 000 et 15 000 par an (pour le nombre de naissances en 2005), soit 5 à 10 fois plus que de nouveaux cas de sida.
IAPP: Mécanismes et facteurs. Déchirure ou section du muscle puborectal, rupture du sphincter anal externe et/ou interne. Importance de l’état global du périnée. Neuropathie d’étirement du pudendal (isolée=14%). Forceps: taux de déchirure grave x 5 à 29. Présentation en occiput postérieur (OP). Épisiotomie médiane (médiolatérale?). Macrosomie. Induction du travail (ocytociques). Second stade de travail long. Taux de déchirures sévères: fourchette large. Le plus souvent entre 1.5% et 4.5%. Après déchirure sévère: 41% IA transitoire et 7% IA permanente (Roger V 1999 d’après Sultan) . Episio médiane: Signorello, Br Med Journal , 2000. Episio médiolat: FDR pour D 3ème degré (Sheiner , Arch Gynecol Obstet 2005). OP, durée du travail : Mc Leod, J Obstet Gynecol Can, 2003. Ocytociques: FDR pr D3 (Sheiner , Arch Gynecol Obstet 2005).
prévenir les incontinences Objectif: Voir, à travers une revue de la littérature médicale, ce qui pouvait être modifié dans la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement, dans le but de prévenir les incontinences du post-partum.
RÉSULTATS
Résultats (1): Les progrès techniques peuvent-ils avoir enrayé la mécanique obstétricale? Péridurale: Allongement de la durée du deuxième stade de travail. (Leighton, Decca, Liu I) Risque d’OP x 4. (Lieberman, Le Ray II) Risque d’accouchement instrumental x 2 à 3. (Liu, Anim-Somuah I) Risque de déchirure sévère x 2. (Carroll, Robinson II)
Résultats (2): Les progrès techniques peuvent-ils avoir enrayé la mécanique obstétricale? Accouchement par un obstétricien: nombre d’épisiotomies x5. (Shorten IV) risque de déchirure grave x 1.30. (McLeod IV) Position déclive dorsale associée à (De jonge, Gupta, I) : allongement du deuxième stade de travail, petite augmentation du nombre d’accouchements instrumentaux et d’épisiotomies (RR=1.2). davantage de douleurs sévères rapportées. Revue systématique et méta-analyse (ECR) de 2004. Par comparaison à toute autre position. ET aussi: plus de douleurs, plus d’anomalies du RCF; moins de déchirure 2nd degré, moins de pertes sanguines > 500ml.
Résultats (3): Comment peut-on prévenir la survenue d’une déchirure grave? Déambulation: moitié moins d’extractions instrumentales. (Albers IV) Positions maternelles alternatives au décubitus dorsal: le décubitus latéral apparaît comme la position d’accouchement la plus favorable à la conservation structurelle et fonctionnelle du périnée; (Shorten, Downe IV) il permettrait en outre une conversion spontanée des OP vers des variétés antérieures. (Ou, Wu II)
Résultats (4): Comment peut-on prévenir la survenue d’une déchirure grave? Méthode de poussée: pas d’influence sur le traumatisme périnéal (Menez-Orieux I), mais davantage d’IUE dans le groupe « poussée dirigée » (Schaffer I). Ouverture/fermeture de la glotte? Soutien continu par une doula associé à: durée de travail plus courte (de 1.64 H), moins d’analgésies péridurales (OR=0.64), moindre recours aux ocytociques (OR=0.29), aux forceps (OR=0.43). (Scott, I) Comparaisons poussée immédiate (dès la dilatation complète) ou retardée (après t de repos arbitraire ou jusqu’à sensation de besoin de pousser), et poussée dirigée ou spontanée (réflexe) Poussée immédiate glotte fermée: déchirures > poussée différée glotte ouverte.
Résultats (5): Techniques anténatales susceptibles de prévenir les IPP? Rôle du massage périnéal: davantage de périnées intacts chez la primipare, mais pas de différence à trois mois PP pour les IU et IA. (Shipman, Labrecque, II) Entraînement du périnée en cours de grossesse: Harvey (I): absence d’effet protecteur vis-à-vis de l’IU à 3 mois post-partum. Reilly, Morkved, Gorbea Chavez (I-II): diminution des symptômes d’IU pendant et après la grossesse. (RR~0.6) Massage pratiqué pendant l’accouchement = FDR de trauma périnéal (tuméfaction) Entraînement musculaire: résultats contradictoires.
Résultats (6): Quelles indications l’épisiotomie garde t-elle? Primiparité: Après épisiotomie: force musculaire du périnée diminuée (Sartore II), davantage de déchirures sévères (Borgatta III) et d’incontinences anales (x2) (Casey II). Déchirure imminente: éviter l’épisiotomie permet de multiplier par trois le nombre de périnées intacts et de déchirures mineures sans accroître le risque de déchirure grave (Dannecker II). Borgatta: Déchirures sévères également associées à l’utilisation des étriers. Sans etrier ni épisio: DG=1%. Etrier + episio: DG=28%. Le type d’épisiotomie n’est pas précisé.
Résultats (7): Quelles indications l’épisiotomie garde-t-elle? Extraction instrumentale: l’épisiotomie ne protège pas d’une déchirure sévère. (Youssef IV) Dystocie des épaules: l’épisiotomie est associée significativement au risque de déchirure du sphincter anal. (Gurewitsch IV)
Résultats (8): Antécédent de déchirure sévère: césarienne de principe? La plupart des femmes (95%) ont un AVB consécutif sans récidive. (Harkin, Dandolu IV) Risque de récidive x 4 à 5, plus élevé en cas de macrosomie ou après déchirure du 4ème degré. (Dandolu, Spydslaug IV) Chez ces femmes, le risque d’IA sévère est sensiblement majoré. (Sangalli, Sze IV) 14% des femmes ayant eu 2 AVB additionnels après D 4ème degré ont une IA sévère. Dans l’étude de Sze, les plus fortes proportions d’IA concernent les femmes qui n’ont pas eu de nouvelle grossesse.
Résultats (9): Place et efficacité de la rééducation périnéale postnatale? Efficace dans le traitement des incontinences du post-partum. (Dumoulin I) Meilleurs résultats avec une sonde. (Harvey I) L’information seule ne suffit pas. (Glazener II) L’efficacité à long terme est corrélée à la motivation à pratiquer les exercices sur le long terme. (Glazener II)
DISCUSSION
Discussion (1): Les progrès techniques peuvent-ils avoir enrayé la mécanique obstétricale? Analgésie péridurale: les femmes devraient être informées des risques. Des méthodes de relaxation à visée antalgique pourraient se développer au bénéfice des femmes. Influence de l’opérateur: Effet «blouse blanche»? Excès d’interventionnisme? Probable biais de constitution des groupes. Position d’accouchement en décubitus dorsal: la plus commune, la plus défavorable.
Discussion (2): Comment peut-on favoriser un accouchement eutocique? Encourager et permettre la déambulation au premier stade de travail et la position d’accouchement en décubitus latéral. Généraliser l’accompagnement de la parturiente par une doula. D’autres études seraient utiles sur la méthode de poussée, notamment avec ou sans ouverture de la glotte.
Discussion (3): Techniques anténatales susceptibles de prévenir les IPP? Le massage périnéal: pas de réel bénéfice. Entraînement du périnée en cours de grossesse: Résultats contradictoires. Les ECR de Reilly, Morkved, Gorbea Chavez montrent un effet immédiat: l’IU de grossesse n’est pas une fatalité. D’autres études seraient souhaitables.
Discussion (4): Quelles indications l’épisiotomie garde t-elle? Aucune des grandes indications de l’épisiotomie ne résiste à titre systématique à l’analyse de la littérature. L’épisiotomie médiane n’a plus de légitimité. Le CNGOF souhaite voir le taux d’épisiotomies baisser en dessous de 30%. L’OMS recommande un taux acceptable de 10% des AVB.
Discussion (5): Antécédent de déchirure sévère: césarienne de principe? Confiance ou désir exprimé par la femme pour un nouvel AVB? Morbidité propre à la césarienne? Protéger les femmes qui ont eu une déchirure du 4ème degré, ou en cas de suspicion de macrosomie.
Discussion (6): Place et efficacité de la rééducation périnéale postnatale? Messages à faire passer aux patientes: Le périnée est un muscle comme les autres, qui perd de sa tonicité quand il n’est pas entraîné. La continence retrouvée n’est pas acquise. Les exercices périnéaux devraient faire partie intégrante de l’hygiène de vie, au même titre que la pratique régulière d’un sport. Chaque femme devrait connaître l’existence de ce muscle, savoir le contracter et le décontracter.
Discussion (7): Autres pistes de prévention: Substituer progressivement la pratique de la ventouse à celle des forceps. Lutter contre l’obésité, le tabagisme, la constipation chronique. Sensibiliser et éduquer les femmes dès le plus jeune âge.
Discussion (8): Difficultés et limites. Incontinence anale et urinaire: deux problèmes très différents, avec des interactions. Le facteur humain est primordial dans l’expérience de mise au monde, ce qui donne parfois une impression d’irrationnel.
Conclusion: Revoir certaines pratiques obstétricales pourrait permettre de réduire le nombre d’incontinences, anales en particulier. Les femmes enceintes devraient être mieux informées de l’éventualité de troubles de la continences per et post-partum, et des facteurs favorisants et améliorants. À nous médecins de lever le tabou.