SYNDROME de RECONSTITUTION IMMUNITAIRE et TUBERCULOSE chez les PATIENTS INFECTES par le VIH Dr. Jérôme PACANOWSKI, Service des Maladies Infectieuses et.

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Transcription de la présentation:

SYNDROME de RECONSTITUTION IMMUNITAIRE et TUBERCULOSE chez les PATIENTS INFECTES par le VIH Dr. Jérôme PACANOWSKI, Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Saint-Antoine, Paris.

Réactions paradoxales Aggravation de l’état clinique chez un patient correctement traité pour tuberculose, en rapport avec l’exacerbation de lésions au site initial de l’infection, ou avec l’apparition de nouvelles lésions tuberculeuses Décrites chez des patients non infectés par le VIH, avec une fréquence entre 2 et 23 % selon les auteurs Spectre clinique varié : fièvre, intumescence ganglionnaire, jusqu’à la détresse respiratoire ou l’apparition de tuberculomes intra-crâniens Peuvent nécessiter la prescription d’une corticothérapie par voie générale

Syndrome de reconstitution immunitaire Ensemble des manifestations inflammatoires pathologiques attribuées à la reconstitution de la réponse immunitaire vis-à-vis d’agents infectieux ou non infectieux après correction d’un déficit immunitaire Non spécifique de l’infection par le VIH Non spécifique de la tuberculose La tuberculose est une cause majeure de morbidité et de mortalité parmi les patients infectés par le VIH, notamment en Afrique La tuberculose est l’affection la plus souvent associée au syndrome de reconstitution immunitaire chez les patients infectés par le VIH Effet largement bénéfique des antirétroviraux, et diminution globale de l’incidence de la tuberculose dans les cohortes de patients suite à la mise à disposition des ARV Mais description de manifestations pathologiques liées à la reconstitution immunitaire, suite à la mise sous ARV, à l’origine de l’aggravation d’une tuberculose déjà traitée, ou à la révélation d’une tuberculose infra-clinique

Avec la mise à disposition des ARV, le syndrome de reconstitution immunitaire associé à la tuberculose devient un enjeu dans les pays d’Afrique

Définitions et critères de diagnostic Il n’existe pas de test diagnostique pour le syndrome de reconstitution immunitaire. Plusieurs tentatives de définition, regroupant divers critères, ont été proposées Prescription d’un traitement ARV efficace : patients naïfs ou changement de traitement réduction significative de la charge virale plasmatique reconstitution immunitaire (IDR, nombre et fonctionnalité des CD4) Aggravation de l’état clinique en relation avec la tuberculose : « réaction paradoxale », mais au décours de la mise sous ARV, chez un patient s’améliorant initialement sous traitement antituberculeux « unmasking » d’une tuberculose au décours de la mise sous ARV, avec une présentation atypique, ou compliquée d’une réaction paradoxale suite à l’instauration d’un traitement antituberculeux Exclusion d’un échec thérapeutique par résistance aux antituberculeux, d’une toxicité médicamenteuse, et de la survenue d’une autre maladie opportuniste Association temporelle entre la mise sous ARV et le phénomène inflammatoire

International study of the HIV-associated IRIS Kampala, Ouganda, novembre 2006 Établissement d’une définition consensuelle des différentes formes de syndrome de reconstitution immunitaire associé à la tuberculose chez les patients infectés par le VIH Critères devant notamment être utilisables dans les pays d’Afrique sub-saharienne : les paramètres viro-immunologiques n’ont pas été inclus

« Paradoxical »TB-associated IRIS Critères diagnostiques (INSHI) : Tuberculose-maladie diagnostiquée, avec réponse favorable au traitement antituberculeux (stabilisation ou amélioration de l’état général : sueurs nocturnes, fièvre, toux, poids) débuté avant l’initiation des ARV Manifestations cliniques survenant dans les 3 mois après initiation des ARV (ou réinitiation des ARV, ou changement des ARV pour échec) : apparition, aggravation ou rechute de symptômes de tuberculose Exclusion d’un échec par résistance aux antituberculeux, par mauvaise observance, exclusion d’une maladie opportuniste, ou d’une toxicité médicamenteuse

« Paradoxical »TB-associated IRIS Critères diagnostiques, manifestations cliniques : Au moins un critère majeur ou deux critères mineurs Critères majeurs : apparition ou aggravation d’adénopathies, d’abcès froid, d’atteinte du SNC, de sérite, ou de lésion morphologique Critères mineurs : apparition ou aggravation des signes généraux (fièvre, sueurs nocturnes, perte de poids), des signes respiratoires (toux, dyspnée, stridor), des signes digestifs (douleur abdominale avec ascite, hépatosplénomégalie, adénopathie sous diaphragmatique) NB : D’autres symptômes ont été décrits dans la littérature : atteintes du tube digestif, orchi-épididymite, insuffisance rénale aiguë, hypercalcémie

« Paradoxical »TB-associated IRIS After treatment of TB After commencing ART John M & French MA, Med J Aust 1998

« Paradoxical »TB-associated IRIS Meintjes G, Lawn SD, Scano F et al. Lancet Infect Dis 2008

« Paradoxical »TB-associated IRIS D’après Meintjes G, Lawn SD, Scano F et al. Lancet Infect Dis 2008. (revue de littérature)

« Paradoxical »TB-associated IRIS Facteurs de risque : Immunodépression initiale avec CD4 bas Dissémination initiale de la tuberculose Délai rapide d’instauration des ARV après le début des antituberculeux Réponse virologique et immunologique rapide et robuste

Tuberculose dans les suites des ARV « ART-associated TB » Incidence élevée de la tuberculose dans les 3 mois suivant l’initiation des ARV Passage d’une forme infra-clinique avant ARV à une forme symptomatique après ARV : NB = mauvaise sensibilité de l’examen microscopique des crachats chez le patient immunodéprimé Soit persistance d’un degré d’immunodépression permettant la progression de la tuberculose Soit présentation clinique inflammatoire résultant de la restauration des réponses antiBK sous ARV : « unmasking variant » of IRIS L’intensité de la réponse inflammatoire et des symptômes résulte d’une interaction entre l’inoculum BK et la qualité de la réponse immune d’après S. Lawn Am J Respir Crit Care Med 2008

Spectre des effets de la reconstitution immunitaire sur la présentation de la TB-post ARV Accélération de la progression de la TB infra clinique vers la TB symptomatique avec occurrence dans les 3 mois post ARV Facteurs de risque de développer un « unmasking variant » of IRIS parmi les patients avec tuberculose incidente post ARV : inoculum élevé et réponse inflammatoire exagérée d’après S. Lawn, Am J Respir Crit Care Med 2008

ART-associated TB Critères diagnostiques (INSHI) : Ensemble des cas de tuberculose diagnostiqués alors que le patient reçoit des ARV, pas de traitement antituberculeux lors de l’initiation des ARV Sous-groupe de patients avec « unmasking » TB-associated IRIS : Survenue d’une TB symptomatique dans les 3 mois suivant l’initiation des ARV ET un des critères suivants Présentation avec intense réaction inflammatoire (adénite, abcès, détresse respiratoire…) Développement d’une réaction paradoxale suivant l’initiation des antituberculeux Comment dépister la tuberculose avant d’initier les ARV ? Faut il la dépister avant d’initier les ARV ? Quand initier les ARV si suspicion de TB latente ?

« Unmasking » TB-associated IRIS Pré ARV : CD4 = 138/mm3 ARN VIH plasmatique = 138.100 copies/ml Symptomes = 0 J25 ARV : -tableau aigu de méningite Identification de M. tuberculosis dans le LCR CD4 = 258/mm3 ARN VIH plasmatique = 100 copies Arrêt ARV, début antiф, Corticothérapie 6 semaines 7 jours après le sevrage des corticoïdes : tuberculomes Dautremer J, Pacanowski J, Girard PM et al. AIDS 2007

ART-associated TB R. Breen (2005) Étude retrospective à Londres, 1997-2004 111 cas de tuberculose parmi les patients infectés par le VIH N=19 (17%) ART-associated TB 13 cas < 3 mois post-ARV, 6 cas > 8 mois post-ARV Caractéristiques des patients avec TB précoce post-ARV vs patients avec TB tardive post-ARV : CD4 plus bas (médiane = 87 vs 218/mm3), formes disséminées plus fréquentes (46% vs 0), réactions paradoxales post-antituberculeux plus fréquentes (62% vs 0) Initiation des ARV chez 267 patients originaires d’Afrique subsaharienne, survenue d’une TB post-ARV chez 11 patients (4%), d’une TB précoce chez 8 patients (3%) D. Murdoch (2008) Étude prospective à Johannesburg, 01/2006-07/2006 423 patients avec initiation d’ARV, suivis pendant une durée médiane de 182 jours 44 cas (10%) d’IRIS, parmi lesquels 18 cas de TB, dont 16 cas sous forme de unmasking variant Étude cas contrôle : un taux de CD4 bas est un facteur de risque indépendant de survenue d’IRIS

Et les réactions paradoxales ? Surviennent après initiation du traitement antituberculeux (libération d’antigènes mycobactériens) Décrites chez des patients non infectés par le VIH, avec une fréquence entre 2 et 23 % selon les auteurs Leur fréquence est plus élevée chez les patients infectés par le VIH : 2% (patients séronégatifs), 7% (patients infectés par le VIH sans ARV), 36% (patients VIH sous antituberculeux et ARV) (Narita M, 1998) Et dans les TB post ARV, parmi les patients avec « unmasking »TB-associated IRIS par rapport aux autres (Breen RAM, 2005)

Hypothèses physiopathologiques Réapparition de l’hypersensibilité retardée dont témoigne la repositivation de l’IDR à la tuberculine Formation de granulomes épithélioïdes et giganto-cellulaires organisés, avec parfois de la nécrose Exacerbation de réponses Th1 spécifiques anti-BK avec libération de cytokines pro-inflammatoires (A. Bourgarit, 2006) Absence d’anticorps dirigés contre des antigènes non protéiques de Mt ‘Phenolic Glycolipid PGL-Tb1 Ag’

Prise en charge thérapeutique Mal codifiée Vis-à-vis des ARV : La mortalité par IRIS est faible, la majorité des cas se résolvant spontanément en quelques semaines Si la réaction inflammatoire ne menace pas le pronostic vital, la plupart des experts recommandent la poursuite des ARV Faut il retarder l’initiation des ARV chez un patient traité pour tuberculose ? et faut il dépister et traiter la TB latente avant d’initier les ARV ? Immunosuppresseurs ? Efficacité probable de la corticothérapie, dont la dose et la durée sont non codifiées Thalidomide ? Anti-TNF-α ?