Organophosphorés Cas clinique et principales modalités de prévention Jérémy CHOBRIAT Reims ECN 2005
Cas Clinique : un apprenti aux urgences
Image pulvérisateur
Cas Clinique : un apprenti aux urgences Un apprenti d’un silo à grains de 19 ans est admis le soir aux urgences pour un malaise avec troubles diffus : dyspnée asthmatiforme, vomissements, diarrhée, crampes musculaires, céphalées. A l’examen, le patient paraît anxieux, désorienté; le pouls est à 150/mn Dans l’après-midi, il a effectué une pulvérisation d’ATAC 36® sur les parois d’un local devant stocker du blé, par temps chaud. EPI = masque à cartouches valide.
Dichlorvos L’apprenti a utilisé du dichlorvos, un organophosphoré classé par l’OMS comme "très dangereux" pour l'homme en cas d'accident. Le dichlorvos n'est pas agréé en agriculture en Finlande et en Suède
Organophosphorés : dérivés de l’acide phosphorique R1 et R2 sont des groupements basiques, X est un groupement acide.
Organophosphorés Il existe plus de 40 organophosphorés sur le marché, vendus sous plusieurs centaines de noms différents, tant pour les agriculteurs que pour l’usage ménager.
Voie de pénétration Voie cutanée la plus fréquente : par ce temps chaud, il ne portait pas de combinaison imperméable à capuche ni de gants . Voie respiratoire : mais il portait son masque (y penser devant une crise d’asthme isolée) Voie digestive : ingestion accidentelle ou par suicide….
Mécanisme de l’intoxication Par inhibition des cholinestérases érythrocytaires (acétylcholinestérase) Inhibition des cholinestérases plasmatiques (butyrylcholinestérase) => effet muscarinique puis nicotinique + effets neurologiques centraux.
Effet muscarinique Sur le plan digestif : se caractérise par des douleurs abdominales, troubles du transit, Sur le plan respiratoire : spasme des voies aériennes supérieures, hypersécretion bronchique, dyspnée voire un œdème pulmonaire. Sur le plan neurologique : vision trouble, céphalée, myosis. Salivation, sudation, larmoiement, incontinence vésicale et rectale. Bradycardie.
Effet nicotinique Fibrillation musculaire puis déficit moteur et ataxie voire une paralysie des muscles respiratoires avec décès.
Effets centraux Anxiété, vertige, céphalées, trémor Convulsions, coma Respiration de Cheynes-Stockes
Traitement Éventuelle réanimation cardio-respiratoire Lavage cutané et oculaire ATROPINE : 2mg IV à répéter toutes les 10 mn jusqu’à neutralisation des effets. Antidote : Pralidoxime (CONTRATHION®) dans les cas graves;
Cas clinique (suite) 3 mois plus tard, il consulte son médecin pour des paresthésies en chaussettes, avec faiblesse musculaire et crampes; des tremblements des extrémités L’examen clinique montre une ataxie discrète, un signe de Babinski bilatéral (spasticité) L’EMG montre une dénervation
Neuropathie retardée (OPIDN) aux organophosphorés Il s’agit d’une neuropathie retardée (OPIDN : organophosphate induced delayed neurotoxicity) après intoxication massive Neuropathie sensitivomotrice distale en 3 phases : installation après 2 sem à 6 mois; phase d’état pendant 3 à 18 mois; récupération pendant 6 à 18 mois La polynévrite est de type axonopathie rétrograde distale : les axones les plus longs sont touchés en premier ( Mb inf, puis Mb sup)
Syndrome intermédiaire Il s’agit d’une neuropathie proximale (=> paralysies) survenant 1 à 4 jours après l’intoxication Atteinte possible des nerfs crâniens et de la respiration Régression en 4 à 18 jours
Intoxication chronique neuropathies périphériques touchant les 4 membres et se traduisant pas un déficit moteur isolé altération EMG manifestations neurologiques centrales : modification du comportement, de l’affectivité, de la mémoire et de la vigilance.
Prévention
Prévention collective Education du personnel : les salariés doivent être formés à reconnaître les symptômes précoces d'une exposition excessive : céphalées, nausées, faiblesse, tremblement. De même, la survenue de symptômes pseudo grippaux, de troubles du comportement pouvant résulter de l’absorption prolongée à faible dose doit être signalée.
Prévention collective Ventilation des locaux et métrologie d’ambiance. La VME est : 1 mg/m3 (0.1 ppm) sur 8 heures Utilisation de méthodes d’épandage provoquant la plus faible exposition possible. Utilisation des produits les plus spécifiques de l’insecte à l’éliminer (et moins toxiques pour les mammifères)
Prévention collective Sur chaque récipient, apposition d’une étiquette indiquant la nature, la toxicité et l’importance du respect des mesures de protection. Utilisation de panneaux de signalisation à l’entrée du local en cours de traitement. Ces panneaux et le texte doivent être suffisamment grands. Stockage des récipients (vides ou pleins) dans des locaux sans danger de contamination du personnel ou d’aliments. Ne jamais réutiliser de récipients vides pour d’autres usages.
Prévention individuelle masque de protection, couvrant tout le visage (avec agrément CE); filtre de type A2-P3 (code-couleur brun); gants en néoprène (chloroprène) ou en nitrile (épaisseur minimale : 0,4 mm); tenue de protection : pantalon et veste ou combinaison, en matériau chimiquement imperméable et résistant à l’organophosphoré utilisé avec possibilité d’échanger rapidement les habits souillés; protection pour la tête (capuchon); bottes en polyuréthane
Surveillance biométrologique Evaluation de l’activité cholinestérasique : Dosage des acétylcholinestérases érythrocytaires : le plus spécifique, Dosage des cholinestérases plasmatiques = butyrylcholinestérases : + sensible et + facile à doser => le plus employé, mais moins spécifique 5% des caucasiens ont génétiquement un taux très bas de butyrylcholinestérase : cela ne contre-indique pas l’exposition.
Dosage des butyrylcholinestérases (suite) Nombreuses variations individuelles : intérêt d’un dosage de référence en dehors de l’exposition. La diminution ne devient significative qu’à partir de 20%; préoccupante à partir de 30%. À partir de 50%, la suppression de l’exposition sera prononcée jusqu’à une ré-ascension à 80%. Mais ce dosage n’est pas utilisé de manière systématique en pratique courante…
Merci de votre attention