Une histoire de la perception du beau.
Le beau dans l’Antiquité. Pour l’homme antique, le beau n’est pas une affaire personnelle. Elle se réfère au Cosmos, c’est-à-dire l’Ordre et l’harmonie. De plus le beau n’est pas réellement différent du Bien, et il y a un parallèle à faire entre la beauté des corps et la bonté de l’âme.
L’Ephèbe d’Agde Cette statue date du 4ème siècle avant JC. Elle représente vraisemblablement Alexandre Le grand. Elle est l’œuvre sans doute de Lysippe de Sicyone. Elle fut retrouvée en 1964 dans l’Hérault, au niveau d’Agde
Reconstruire la beauté Il va s’agir donc pour l’artiste de retrouver, et d’imiter les proportions harmonieuses de la nature. Ici nous voyons le chef d’œuvre « la Venus de Milo. » Datant de la période hellénistique (100 av JC), elle représente Aphrodite Elle a été redécouverte sur l’île de Milo (en mer Egée) en 1820
L’architecture De la même manière les Temples doivent essayer de reproduire un ordre présumé du Cosmos. Donc la création est avant tout Mimesis. Ici le Temple de Ségeste en Sicile (5ème siècle avant JC)
La naissance du goût Il faut attendre le 18ème siècle pour qu’apparaisse la notion de goût, comme faculté subjective. Cela veut dire que chacun peut décider de ce qu’est le beau, du fait de sa sensibilité personnelle. Mais cela ne doit pas être pour autant une émotion arbitraire et incompréhensible :il faut une éducation.
Diderot, critique d’art A propos de ce tableau, par exemple, intitulé « Raie décharnée », et peint par Chardin, Diderot écrivait : "On entend rien à cette magie. ce sont des couches épaisses de couleur, appliquées les unes sur les autres, et dont l’effet transpire de dessous en dessus. d’autres fois on dirait que c’est une vapeur qu’on a soufflée sur la toile ; ailleurs une écume légère qu’on y a jetée. [...] Approchez-vous tout se brouille, s’aplatit et disparaît. Éloignez-vous, tout se crée et se reproduit."
Kant donne une définition du beau Kant est un philosophe allemand né en 1724 et mort en 1804. dans la Critique de la faculté de juger (1790) il expliquait deux distinctions très importantes : Le beau ne se trouve pas dans l’objet, mais dans le regard de l’amateur. Donc il est totalement subjectif. Il faut différencier le beau de l’agréable, du bien et de l’utile. Il précisa donc que le beau est un plaisir désintéressé.
Différence entre le beau et l’agréable. L’agréable est une satisfaction d’un de nos sens. Et nous partageons cette sensibilité avec les animaux. Mais les animaux eux ne sont pas sensibles à la beauté d’une statue.
Différence entre le beau et le bien Au contraire le bien est une pure idée. Nous n’avons pas besoin de voir, entendre, toucher, sentir ou goûter pour saisir ce qu’est une bonne action. Exemple de la folie d’Achille devant les murs de Troie.
Différence entre le beau et l’utile. Enfin donc il faut faire une différence entre l’utile, qui est un moyen pour réaliser une action. Et la beauté qui qui n’a pas besoin d’être utile pour justifier son existence. C’est ce que Kant appelle un fin en soi. Une beauté utile est appelée alors beauté adhérente, en différence avec la beauté libre.
Définition du beau Donc pour Kant le beau est ce qui plait sans qu’on sache pourquoi il nous plait. C’est un plaisir qui mêle à la fois le plaisir d’un ou plusieurs de nos sens , mais aussi notre esprit. Il reflète donc notre propre plaisir, qu’on cherche à communiquer à tout prix avec les autres, mais sans pouvoir l’expliquer.
Le détachement de l’art moderne A partir du 19ème siècle, l’art prend ses distances avec la beauté. Car le beau est le symbole d’une domination bourgeoise du réel. Il va s’agir donc pour les artistes de peindre plutôt la réalité. Voilà par exemple les godillots peints par Vincent Van Gogh.
Le 20ème siècle. Le 20ème siècle vit aussi l’apparition de nouvelles esthétiques. Prenons comme exemple les Demoiselles d’Avignon de Picasso (1907) Le peintre casse les canons habituels de la beauté féminine, et introduit l’esthétique des masques africains.
Le dadaïsme Marcel Duchamp (1887-1968) considère même la fin de l’art. Pour lui la beauté se trouve plutôt dans l’industrie moderne (l’hélice d’un avion est vraiment belle) Il invente les « ready-made », qui sont une provocation, et une révolution de l’esthétique. Par exemple La fontaine, signée R Mutt, 1917.
L’art Fasciste Parallèlement les différents régimes fascistes et totalitaires du 20ème siècle reviennent vers une esthétique classique de la beauté. Ce fut notamment le cas du nazisme. Le beau redevient donc le symbole de la perfection, et a un usage politique. Cela participera à la méfiance des artistes face à la beauté.
L’art abstrait Une autre piste travaillée par l’art moderne fut l’abstraction. Le premier qui se lança dans l’aventure fut le peintre russe Kazimir Malevitch (1879-1935) avec son carré noir sur fond blanc (1915) Cette toile exposée dans un angle de la galerie appelé « le beau coin » orthodoxe, a une vraie signification spirituelle pour le peintre.
Carré Blanc sur fond blanc Deuxième tableau qui va plus loin : le carré blanc sur fond blanc (1918) Il représente ce que Moïse a pu voir lorsqu’il monta sur le Mont Sinaï, récupérer les Tables de la Loi.
Les Monochromes Yves Klein (1928-1962) fut un autre peintre qui rechercha la beauté dans sa plus simple expression; Il faut célèbre notamment pour sa série de monochromes « bleus » Il les baptisait du sigle « IKB » : International Klein Blue. Il écrivait : « "Le bleu n'a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont. Ce sont des espaces pré-psychologiques (…). Toutes les couleurs amènent des associations d'idées concrètes (…) tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu'il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible".
L’art abstrait à Montpellier Le Musée Fabre à Montpellier consacre un étage à Soulage (né en 1919), artiste contemporain qui s’est voué à des recherches sur le noir. On assiste ainsi à une forme de rupture entre l’art contemporain et le grand public.
L’utilisation de la beauté par la publicité. Parallèlement la beauté est devenue un argument de vente dans nos sociétés modernes. La publicité associe beauté avec perfection et bonheur.
Le cinéma et la chirurgie esthétique Les acteurs et actrices du coup sont obligés d’exprimer cette recherche de la beauté parfaite et éternelle. Ils n’hésitent plus à recourir à la chirurgie pour masquer les effets du vieillissement. On se détache donc de plus en plus de la beauté. L’exemple de Demi Moore (née en 1962) est particulièrement éclairant.
La beauté dans la mode Les photos de magazine non seulement recherchent des modèles toujours plus parfaits, mais n’hésitent plus à retoucher à l’excès les photos, pour trouver une beauté totalement virtuelle. Laetitia Casta s’est retrouvée ainsi avec deux pieds gauches sur une photo.
Conclusion L’art est parti dans des recherches esthétiques qui nous éloignent parfois d’une sensibilité « naturelle ». Nous avons donc besoin d’une éducation pour comprendre ces nouvelles voies. En parallèle le commerce a repris les canons de la beauté classique, et en fait une exploitation commerciale. Nous pouvons noter que la recherche en art est « libre » : chaque artiste exprime son individualité, et nous sommes libres de l’interpréter comme nous le désirons. Par contre les images commerciales cherchent au contraire à trouver « la beauté parfaite », c’est-à-dire en rapport à un ordre cosmique (cosmos : ordre et perfection.). Est-ce un retour aux canons grecs de la beauté?