Comprendre « Comprendre des textes, c’est pouvoir identifier les personnages en présence, leurs buts, leurs rôles respectifs dans l’action, leurs relations et pouvoir reformuler les grandes lignes de l’intrigue. » Catherine TAUVERON MISSION MATERNELLE 77 Dés la petite section de maternelle, on s’emploie à développer ces compétences mais sans toujours saisir ce qui peut faire obstacle à la reformulation demandée. On sait que: les premiers signes de compréhension apparaissent dès les premiers mois de vie quand le bébé communique avec son entourage. Les habiletés de compréhension se développent très tôt, avant même que l’enfant soit capable de s’exprimer par la parole. De nombreux travaux récents mettent l’accent sur la relation étroite qu’entretiennent les habiletés de compréhension à l’oral et les habiletés de traitement du langage écrit. Les pistes de travail qui en découlent consistent à: - Organiser une progression pour apprendre à comprendre Confronter l’élève à des textes divers - Choisir certains livres selon des critères bien identifiés et en préparer la lecture de façon approfondie. A noter: cette démarche ne se substitue pas aux lectures plaisir, mais les lectures plaisirs peuvent éventuellement s’y rattacher.
Apprendre à comprendre Un travail explicite sur la compréhension est d’autant plus nécessaire dès l’école maternelle que cette activité langagière est invisible pour un enfant. Il ne suffit pas d’écouter pour comprendre. Un travail qu’il falloir rendre explicite sur la compréhension est d’autant plus nécessaire dès l’école maternelle que cette activité mentale est invisible pour un enfant. Il ne suffit pas d’écouter pour comprendre une histoire, il faut développer une activité intérieure. L’enfant doit construire des repères: sur la situation de lecture, sur le support de lecture, sur les activités langagières du maître, il doit faire des liens entre l’enchaînement des propos, construire un univers de référence, mobiliser ses connaissances et ses émotions personnelles, et enfin se construire des images mentales. Cette démarche d’explicitation peut d’ailleurs s’appliquer à tous les domaine d’apprentissage… Vidéo V.Bouysse
Les incontournables (pour le maître) Choisir l’album S’approprier l’album Se préparer à sa lecture (intonation, débit, pauses….) ou dire (conter, choix du vocabulaire, gestuelle…) Le choix des livres, des thèmes, des réseaux exige une lecture préparatoire sélective du maître. S’approprier l’album pour en identifier les obstacles à la compréhension et repérer les apprentissages littéraires spécifiques: organiser la rencontre avec les personnages (les personnages archétypaux et leurs multiples facettes), amener à comprendre les pensées d’autrui, faire découvrir le patrimoine (contes patrimoniaux avec ou sans randonnée), commencer à repérer et apprécier des effets littéraires. Préparer sa lecture: Le recours à une intonation plus marquée peut aider à comprendre. L’intonation porte les propos. Elle influence la signification et la portée du message. Elle stimule aussi la mémoire. C’est le langage du maître, la façon de dire et de lire qui sont les premières aides à la compréhension. Au cours du récit ou de la lecture, la parole de l’enseignant est un modèle linguistique, le débit est plus lent, mieux articulé, les phrases sont marquées.
Jeu de lecture… Quels apprentissages littéraires? organiser la rencontre avec les personnages amener à comprendre les pensées d’autrui, faire découvrir le patrimoine commencer à repérer et apprécier des effets littéraires. Lectures par Anne et Valérie Commencer à repérer et apprécier des effets littéraires Amener à comprendre les pensées d’autrui
Point de vigilance Entraîner la capacité à inférer: INFERER, c‘est dépasser la compréhension immédiate de l’histoire ou du contenu d’un texte. Les élèves doivent apprendre à mettre en relation des informations qui, tantôt sont contenues explicitement dans le texte, tantôt relèvent de la connaissance personnelle du lecteur. L’enseignant doit: Expliquer qu’il y a parfois un message sous-entendu dans ce qui est dit ou écrit. Conduire un étayage progressif. Cette capacité à inférer est d’abord entraînée en situation de lecture par un étayage progressif: relire un passage du texte, poser des questions suscitant l’inférence, faire émettre des hypothèses, faire identifier les indices, faire vérifier si les hypothèses sont cohérentes avec le texte et valider. Elle peut et doit être également entraînée par des activités plus systématiques, dont certaines portent sur le texte lui-même et d’autres portent sur d’autres textes ou des images spécifiquement conçus. Ces jeux entraînent à la déduction comme à la formulation des relations entre cause et conséquence. Ce cheminement intellectuel de déduction logique, s’appuie bien souvent sur des connaissances acquises en dehors de la situation, doit pouvoir être exprimé explicitement. C’est pourquoi de telles activités doivent être conduites en petit groupe, surtout pour certains élèves qui éprouvent des difficultés à s’exprimer dans le groupe classe. La progressivité est essentielle car c’est sur la réussite à des situations simples que s’appuient les progrès de l’élève. On repérera d’abord des information simples et explicites puis de plus en plus complexes. Voir également le rôle de l’illustration L’illustrateur peut donner des pistes notamment sur la dernière page du livre Michka M.Colmont Album du père Castor La soupe au caillou A Vauguelade Ecole des Loisirs Le géant de Zéralda T Unguerer Ecole des Loisirs
Travailler les inférences Jeu de lecture… Travailler les inférences Lecture par Véronique: l’extra terrestre de B.Friot Où se trouve l’enfant de cette histoire? Comment l’auteur nous a-t-il piégé?
Les attitudes du maître Susciter l’intérêt pour capter l’attention et favoriser la mémorisation Rechercher les éléments facilitateurs Mobiliser les connaissances antérieures Susciter hypothèses et interrogations Faire confronter les représentations Analyser et interpréter les illustrations Proposer des activités sans recours au texte (fiches couleurs) La première condition est de placer les enfants en situation d’entendre, d’écouter, de regarder.(veiller à l’installation, diverses modalités). Le texte doit être lu plusieurs fois afin que les enfants s’approprient les répétitions, les richesses des mots ou des expressions. En second lieu, il faut organiser une confrontation des points de vue sur le texte pour mieux le comprendre. L’échange entre les enfants est géré par le maître qui essaie de ne pas trop intervenir. Il porte : – sur le contenu (ce que dit le texte, ce qui a été compris du texte), les images mentales qui sont nées de l’écoute du texte ; le rappel des textes rencontrés précédemment…. – sur l’interprétation (comment l’élève a « reçu » le texte), quel est son avis sur la situation, les personnages, les lieux… DVD « Le bonhomme de pain d’épices »
Approfondir la compréhension Susciter l’expression des points de vue : En jouant l’histoire En dessinant un épisode et en le présentant En reconstituant un épisode à l’aide d’un schéma, d’une maquette, de marottes En recomposant l’histoire à partir d’images à réordonner En choisissant le résumé le plus juste En stimulant les confrontations En sollicitant quelques élèves pour jouer l’histoire (rôles muets ou parlés) et en demandant une critique aux autres ; En demandant à chacun de faire le dessin d’un épisode qui l’a intéressé puis sa présentation aux autres ; on peut recomposer l’histoire avec les dessins jugés les meilleurs et compléter (y compris avec les fragments de textes d’épisodes non dessinés) ; En demandant aux moins participatifs de recomposer l’histoire en s’aidant des images du livre et dans l’ordre, ou à l’aide d’images photocopiées à réordonner En demandant le choix du résumé le plus juste parmi plusieurs possibles En suscitant des confrontations à partir de questions larges mobilisant des points de vue sur des personnages, sur leurs sentiments, sur l’histoire ;
Palette de modes de questionnements efficaces des questions ouvertes le questionnement indirect l’émission d’hypothèses les contresens ou les fausses déclarations la sollicitation du point de vue des enfants et sa justification l’utilisation des connecteurs et des embrayeurs les vertus du silence (de l’enseignant) Le questionnement doit être le plus ouvert possible pour (re)lancer les échanges entre élèves. Confère document « comprendre enseigner et entraîner la compréhension » Page 10
Pour vérifier la compréhension: Les situations pour faire : jouer les histoires, les transposer reformuler résumer imaginer un nouvel épisode ou une suite ( production en dictée à l’adulte) permettent de mieux percevoir les obstacles rencontrés par chaque enfant, Le sens de vérification est à prendre au sen d’évaluation formative. En s’appuyant sur l’observation des élèves en situations (de jouer, reformuler, résumer, imaginer) on repère leurs difficultés et ce qui fait obstacle à leur compréhension. A partir de ces constats, on pourra organiser des groupes de besoins, différencier les réponses à apporter par un travail spécifique auprès de certains élèves.
Des albums qui illustrent certains obstacles à la compréhension Le vocabulaire Mots inconnus, mots utilisés au sens figuré, problème du à la polysémie La chaise bleue de C.Boujon Ecole des Loisirs (voir fiche) Tout en Haut de M.Ramos Ecole des Loisirs La syntaxe Phrase complexe, forme typique ou littéraire peu rencontrée, temps employé La petite poule Rousse Pierre Deyle Didier jeunesse Le traitement des anaphores Substitutions d’un mot ou d’un groupe de mots par un autre (pronoms personnels, pronoms démonstratifs, synonymes, termes génériques. Les différentes façons de nommer un personnage Ploum de Lise Martin chez Nathan Melle sauve qui peut de P.Corentin Ecole des Loisirs Vocabulaire: Mots inconnus, mots utilisés au sens figuré, problème du à la polysémie… Syntaxe: forme des phrases (complexe, impérative, négative, interrogative…; discours direct, indirect; marqueur de temps, de lieu, de cause, temps des verbes……
(univers de référence) Obstacles Albums La temporalité Bébés chouettes, Martin Waddel, L’école des loisirs, Collection Lutin Poche 7 souris dans le noir, Ed Young, Milan. Les trois brigands de Tomi Ungerer L’école des loisirs La spatialité Le petit chaperon rouge Boucle d’or et les trois ours Loulou Grégoire Solotareff L’école des loisirs Les connaissances du monde, culturelles, littéraires… (univers de référence) Roule Galette album du père castor :pourquoi balayer la farine dans le grenier ? Plouf P.Corentin Ecole des Loisirs: rôle du puits ?) Bon appétit monsieur Lapin C.Boujon Ecole des Loisirs : que mangent les renards ? Bébés chouettes, Martin Waddel, L’école des loisirs, Collection Lutin Poche : mode de vie des chouettes Contes détournés ou qui font appel à d’autres contes: C’est moi le plus fort Ramos Le loup est revenu G de Pennart Temporalité 1- L’ordre : C’est-à-dire la succession des évènements. D’où l’intérêt de travailler les récits en randonnée dont la succession des événements est présentée selon la même structure narrative et les mêmes dialogues. Leur structure répétitive est comme une ritournelle rassurante. 2- La chronologie: le temps qui s’écoule pendant l’histoire, les histoires imbriquées. Travail sur le vocabulaire des connecteurs de temps LA MULTIPLICITÉ DU TEMPS Il existe plusieurs « temps », d’où toute la complexité de cette notion. · Le temps naturel : celui qui rythme les saisons, l'alternance jour / nuit, les solstices..., c'est un temps cyclique, qui revient. · Le temps personnel, affectif : unique pour chaque personne, de durées variables, il varie selon l'humeur, les sentiments.. · Le temps social : c'est celui de la nation, de l'école, crée par des groupes sociaux pour rythmer la vie collective (par exemple les fêtes légales). · Le temps conventionnel : organisé par l'Homme à partir de la durée pour favoriser la vie collective, c'est le temps de la montre, du calendrier. · Le temps historique : le plus difficile à saisir, il n'appartient pas au temps personnel, il fait partie du passé et ne reviendra pas, il est assorti du devoir de mémoire. Coexistent ainsi des temps partagés par tous (temps social, temps naturel) et un temps individuel perçu et vécu par chaque individu selon sa propre sensibilité (temps affectif). La SPATIALITE Reconstituer un épisode de l’histoire à l’aide d’un schéma au tableau (faire dessiner, ou utiliser des figurines ou schéma avec aimants pour recomposer l’histoire au tableau idem avec une maquette et des personnages. Les connaissances du monde La notion de narrateur La construction d’une culture de base (contes traditionnels) La construction des savoirs nécessaires à la compréhension Les premières difficultés concernent aussi la familiarité avec le monde des récits Les enfants vont construire au fur et à mesure de la rencontre des histoires, un modèle canonique du récit, la forme du conte mais aussi le système des personnages Ex : connaître le personnage du renard rusé, le joueur de tours) Attention aux contes détournés Ex : connaître le(s) conte(s) traditionnel(s) pour comprendre et apprécier des versions actualisées, détournées, parodiées Certains plutôt réservés aux adultes (beaucoup de références, de clin d’œil).
Obstacles Albums La théorie de l’esprit Les images Ex: les histoires de ruse (comment le personnage s’y prend pour réussir ?) Roule Galette album du père castor (stratégie du renard) Bon appétit monsieur Lapin C.Boujon Ecole des Loisirs Les images Rapport direct texte/ image: Complémentarité texte/ image : Décalage texte/ image : - La petite poule Rousse Pierre Deyle Didier jeunesse - Scritch scratch dip clapote Kitty Crowtherb Pastel - Melle sauve qui peut de P.Corentin Ecole des Loisirs - Grosse colère de mireille d’Alancé l’école des loisirs - La tempête - Ponti - L’Afrique de Zigomar P.Corentin Ecole des Loisirs La théorie de l’esprit: Les élèves doivent distinguer ce qu’ils savent et ce que les personnages savent. Ce qui permet par exemple d’attribuer à l’autre (personne ou personnage) des intentions et des réactions qui peuvent être très éloignés des nôtres. Ex : « Comment a fait le renard pour pouvoir manger la galette, alors que les autres animaux n’y sont pas arrivés ? » « il a ouvert la bouche » ! Les difficultés psychologiques :La vie psychique d’un enfant peut toujours faire obstacle à la compréhension pour des raisons que ignorons. Les jeunes enfants sont d’abord dans l’affectif : certains élèves ne peuvent accepter qu’une mère puisse mentir dans Zouzou . Le rapport texte/illustration Les images peuvent aider à la compréhension ou la complexifier. - Les illustrations sont en rapport direct avec le texte: il y a répétition entre l’histoire et les illustrations. On peut dire que l’histoire est racontée deux fois selon deux modes d’expressions distincts : une fois par les mots et l’autre fois par les images. - Les illustrations et le texte se complètent: on ne peut pas accéder à l’histoire complète avec uniquement le texte ou uniquement les illustrations. Elles peuvent donner des indices supplémentaires non cités dans le texte (le géant de Zéralda, le déjeuner de la petite ogresse). Les deux doivent être mis en relation et analysés ensemble. - Les illustrations contredisent le texte ou n’ont pas de lien avec le texte : elles peuvent aussi être cause de difficulté de compréhension : le texte qui n’est pas en lien avec l’image ; ils se contrarient (« la tempête » : texte glaçant, images rassurantes), s’opposent (« l’Afrique de Zigomar ») ; l’illustration qui peut aussi égarer l’élève par sa profusion de détails ( Mademoiselle tout à l’envers de Corentin , l’univers de Ponti Ceci implique de la part des élèves une capacité d’analyse de l’image et du texte développée et concernera plutôt le cycle 3.
Confère document « Comprendre: enseigner la compréhension »
L’évaluation A la fin de l’école maternelle, l’enfant est capable d’écouter et comprendre un texte lu par l’adulte Reformuler un récit : raconter l’histoire, savoir extraire le thème, identifier le personnage principal, repérer la situation initiale Progresser vers la maîtrise de la langue : comprendre et utiliser un vocabulaire pertinent, raconter en respectant et utilisant les connecteurs logiques Evaluation L2 Protocole PPI départemental GS (CCF. Fiche 18 Eduscol) Compétences de fin de cycle Comprendre une histoire lue par l’enseignant: la raconter en restituant les enchaînements logiques et chronologiques; situer les protagonistes de manière explicite Situer les évènements les uns par rapport aux autres. Cette démarche n’a pas vocation à être décrochée du travail de compréhension mené en classe. Les évaluations PPI ont l’intérêt de proposer des protocoles « clé en main » que l’on peut adapté aux albums de la classe et surtout, rien n’empêche une évaluation à partir d’observations régulières (conf vidéo « raconter une histoire en BCD ». Vidéo V. Bouysse
Nous espérons que cet éclairage vous permettra d’analyser et de choisir plus facilement les albums propres au travail de la compréhension: en repérer les difficultés et l’intérêt littéraire. Nous insistons sur l’importance de la posture explicite du maître qui est, pour certains élèves, l’unique vecteur d’entrée dans la compréhension de l’écrit. C’est par vos sollicitations progressives et dans le cadre des apprentissages langagiers, que les futurs petits lecteurs vont découvrir que « derrière » l’objet livre, il y a le travail d’un auteur, d’un illustrateur et que les histoires sont constituées d’éléments littéraires récurrents. Renvoyer au document « Comprendre » qui sera mis en lien sur le site. Nous nous attacherons, lors des seconds temps de cette formation, à vous proposer des parcours littéraires progressifs et des pistes pédagogiques d’activités concrètes pour développer la compréhension.