Pneumopathies du sujet âgé Pr. Luc Thiberville Clinique Pneumologique CHU de Rouen Charles Nicolle
Epidémiologie des pneumopathies du sujet âgé Augmentation de l’incidence avec l’âge 40% des motifs de recours aux urgences pour atteinte respiratoire aiguë1 50% des hospitalisations pour maladies infectieuses1 Mortalité élevée 1Chassagne P. Rev Mal Respir 2004;19:627-32
Epidemiologie Incidence moyenne :10/1000 <65 ans : 8 /1000 Après 85 ans :79 /1000 Institution :350/1000 = 1 / 20 de plus de 85 ans tous les ans
Epidémiologie Hospitalisation nécessaire : 20% 15.000 décès de pneumopathie / an en France : 95 % ont plus de 60 ans 45 % ont plus de 80 ans
Mortalité des pneumopathies du sujet âgé 5ème cause de décès après 65 ans Responsable de 50% des décès parmi les patients hospitalisés > 80 ans 20 à 50% de mortalité selon les séries Taux de mortalité à un an des patients âgés de plus de 65 ans hospitalisé pour une pneumopathie 2 X supérieur par rapport à un groupe contrôle (11% vs 5.5%) Chassagne P. Rev Mal Respir 2004;19:627-32 Kaplan V. Arch Intern Med 2003
Facteurs de risque de pneumopathie chez le sujet âgé Alcoolisme RR=9 Immunosuppresseur RR=3.1 Maladie pulmonaire RR=3 Maladie cardiaque RR=1.9 Vie en institution RR=1.8 Age RR=1.5 Koivula J. Am J Med 1994
Facteurs de risque des pneumopathies en institution Troubles de la déglutition RR= 2 Incapacité à prendre des médicaments par voie orale RR=8.3 Inhalation RR=13.9 Traitement sédatif RR=2.6 Vaccination antigrippale RR=0.4 Loeb M. Arch Intern Med 1999 Vergis EN. Arch Intern Med 2001
Facteurs prédisposants à la survenue des pneumopathies du sujet âgé Immunodéficience associée au vieillissement Sénescence pulmonaire Altération de la clearance mucociliaire Perte de l’élasticité pulmonaire B. De Wazières. Rev Mal Respir 2007;24:799-804
Facteurs prédisposants à la survenue des pneumopathies du sujet âgé Co-morbidités associées Maladies chroniques (diabète) altérant les défenses naturelles Maladies dégénératives du système nerveux central ou AVC favorisant les troubles de la déglutition Pathologies pulmonaire ou cardiaque Traitements reçus Corticoïdes, immunosuppresseurs, sédatifs, morphiniques, neuroleptiques B. De Wazières. Rev Mal Respir 2007;24:799-804
Importance des facteurs locaux Inefficacité de la toux Modification de la flore oropharyngée Hypochlorydrie gastrique Fréquence des fausses routes et des reflux B. De Wazières. Rev Mal Respir 2007;24:799-804
pneumopathie d’inhalation 6 % des pneumopathies communautaires hospitalisées 10 % si plus de 80 ans risque X 10 en institution = 67 % des cas des pneumopathies en institution 87 % des cas des pneumopathies acquises à l’hopital. Deux facteurs majeurs : colonisation oropharynx, et troubles de déglutition +++
Prise en charge des pneumopathies du sujet âgé Est-ce une une pneumonie? Existe t’il des critères de sévérité? Existe t’il une indication à hospitaliser le patient? En secteur classique ou en réanimation? L’évaluation microbiologique est-elle nécessaire? Quel est le traitement à mettre en œuvre? Choix, mode d’administration, durée de l’antibiotique
Est-ce une pneumonie?
Diagnostic de la pneumonie Mettlay J. Arch Intern Med 1997
Diagnostic de la pneumonie Fièvre + Toux + Dyspnée : Présence uniquement dans 1/3 des cas Symptomatologie trompeuse Syndrome confusionnel Anorexie Altération de l’état général Douleurs abdominales Décompensation d’une maladie chronique (diabète, insuffisance cardiaque) Incontinence, chute
Diagnostic de la pneumonie Sur le plan clinique Tachypnée +++ Bonne VPP, mais faible VPN Râles crépitants en foyer +++ FR > 30/min + FC > 100/min + T> 37.9°C : +++
Examens complémentaires utiles au diagnostic Radiographie pulmonaire : Retard sur la clinique Progression après bilan initial (pneumo, légionelle) Atypie liée à une maladie sous jacente (emphysème, insuffisance cardiaque) Difficulté technique Pas de corrélation /agents infectieux
Examens complémentaires utiles au diagnostic Examens biologiques Numération formule sanguine, CRP, proBNP hémoculture même en l’absence de fièvre ECBU. CRP < 11 mg/l confirmé à J2 : Argument contre une infection relevant d’une antibiothérapie
Quels critères de sévérité ?
Critères cliniques associés à la sévérité des pneumopathies aiguës Age avancé, l’état grabataire, la splénectomie, vie en institution, l’immunodépression, l’hospitalisation récente Fréquence respiratoire > 30/min, le sepsis grave ou le choc septique, la confusion aiguë, la température < 35°C ou > 40°C, les troubles de la déglutition Prise en charge des infections respiratoires basses de l’adulte. Med Mal Infect 2006
Pneumopathies aiguës Critères paracliniques de gravité Sur le plan radiographique L’atteinte multilobaire L’extension rapide L’existence d’une cavité La présence d’une pleurésie Sur le plan biologique PaO2 < 60 mmHg L’acidose métabolique Leucocytes < 4000 ou > 30000/mm3 L’insuffisance rénale aiguë Une coagulopathie Prise en charge des infections respiratoires basses de l’adulte. Med Mal Infect 2006
Quand Hospitaliser ?
Critères d’hospitalisation
Critères d’hospitalisation
Conditions de prise en charge ambulatoire des patients âgés de plus de 70 ans FR < 30/min Absence de cyanose Pouls < 90/min 36.5°C ≤ Température ≥ 38.1°C Absence d’alimentation par sonde nasogastrique Etat de conscience et compétence normales Environnement favorable Prise en charge des infections respiratoires basses de l’adulte. Med Mal Infect 2006
L’évaluation microbiologique
Examens microbiologiques disponibles Examen cytobactériologique des crachats Hémocultures Antigène urinaire Streptococcus pneumoniae Antigène urinaire Legionella pneumophila Ponction pleurale
Difficultés du diagnostic bactériologique ECBC : Limites = 25% utilisables contamination oropharyngée par BGN +++ Toux, état de conscience Intérêt : ECBC avec bactériologie quantitative Pneumocoque, infections à GR-
Epidémiologie microbienne des pneumopathies du sujet âgé Augmentation de la fréquence chez les patients âgés avec comorbidité :1 des BGN (RR=4.4) du Pseudomonas aeruginosa (RR=6.7) 48% 12% 4% 10% 8%1 15 / 30 % Identification du germe dans moins de 50 % des cas : Jokinen C. Clin Infect Dis 2001 1Ruiz M. Am J Resp Crit Care Med 1999
Epidémiologie microbienne des pneumopathies du sujet âgé en institution Durand-Gasselin B. Rev Mal Respir 2004
Germes associés à la sévérité des pneumopathies du sujet âgé Streptococcus pneumoniae Pseudomonas aeruginosa Germes associés à l’admission en réanimation Bacille Gram Négatif Ruiz M. Am J Resp Crit Care Med 1999
Mortalité par pneumopathie chez le sujet de plus de 65 ans
Quel traitement?
Sensibilité aux antibiotiques Streptococcus pneumoniae 48% de pneumocoque de sensibilité diminué à la pénicilline Résistance à l’amoxicilline 0.3% des souches Résistance aux macrolides 50% Le pneumocoque ne secrète pas de béta-lactamase 2.8% des souches ont un haut niveau de résistance aux nouvelles fluoroquinolones Haemophilus influenzae Amoxicilline - acide clavulanique actif sur 98% des souches Sensibilité modérée des macrolides Fluoroquinolones actives
Sensibilité aux antibiotiques Legionella Constamment sensible aux fluoroquinolones, à la télithromycine, aux macrolides Mycoplasma pneumoniae - Chlamydia pneumoniae Pas de résistance à ce jour aux fluoroquinolones, à la télithromycine, aux macrolides
Quelques principes de l’antibiothérapie des PAC Efficacité de l’amoxicilline (3g/j) dans les pneumopathies à pneumocoque Corrélation entre résistance clinique et microbiologique pour les souches de S. pneumoniae résistantes aux macrolides C1G, C2G, C3G orales contre-indiquées dans les PAC Eviter l’utilisation des nouvelles fluoroquinolones en cas de traitement récent par une quinolone dans les 3 mois précédent l’infection du fait du risque d’acquisition de résistance par palier
Prise en charge ambulatoire
Traitement en hospitalisation
Traitement en réanimation
Traitement en réanimation
Adaptation du traitement à la documentation microbiologique S. pneumoniae : Amoxicilline 1g X 3-6/j IV, 7 à 14 jours Legionella pneumophila : Fluoroquinilone Plus Macrolide ou Rifampicine Bithérapie initiale avec arrêt de la rifampicine au bout de 5 jours, 14 jours BGN ou Staphylococcus aureus : 14 jours Absence de documentation bactériologique : Poursuite de l’association initiale. Durée de l’antibiothérapie : 10 à 14 jours
Surveillance après l’initiation du traitement Réévaluation des patients à 48-72 heures Hospitalisation en l’absence d’amélioration des patients à risque ou en cas de dégradation clinique Evolution classique Normalisation thermique en 2-4 jours Disparition de la dyspnée en 5 à 14 jours Disparition de la toux en 6 à 21 jours
Surveillance Savoir reconsidérer le diagnostic (embolie pulmonaire) Savoir que la normalisation radiographique peut être lente (3mois) Garder l’arrière pensée d’un cancer ou d’une tuberculose
Prévention Vaccination antigrippale Réduction de 27% du risque d’hospitalisation pour grippe ou pneumopathie et de 48% pour les décès chez les personnes vaccinées de plus de 65 ans. Nichol KL. N Eng J Med 2007; 357:1439-41 Vaccination antipneumococcique (Pneumo 23) Prévention des pneumopathies bactériémiques (Réduction du risque de 44%) chez le sujet âgé. Jackson LA. N Engl J Med 2003; 348:1747-55 Réduction de 40% de la mortalité chez les patients hospitalisés pour PAC antérieurement vaccinés. Johnstone J. Arch Intern Med 2007; 167:1938-43
Conclusion Atypie radioclinique Difficulté du diagnostic bactériologique Retard diagnostique Evolution plus grave , plus longue, plus compliquée Elargir le spectre AB de 1° intention Importance de la prévention : troubles de déglutition, hygiene dentaire, vaccination