Introduction à la néphrologie Pr Emmanuel MORELON Service de Néphrologie et Transplantation Hôpital Edouard Herriot
La néphrologie, un monde vaste et varié Spécialité neuve: 1960-Jean-Hamburger-Necker Etude de la physiologie rénale Etude des maladies rénales Equilibre hydro-électrolytique Médecine de l’insuffisance rénale terminale avec Dialyse, hémodialyse et dialyse péritonéale Transplantation rénale
Importance de la néphrologie Rôle majeur du rein dans l’équilibre hydro-électrolytique L’atteinte rénale est fréquente dans de nombreuses pathologies, infectieuses, urologiques (lithiases), réanimation (état de choc) maladies systémiques (lupus) diabète… Les maladies rénales peuvent avoir un retentissement sur l’ensemble de l’organisme La néphrologie est donc une composante importante de la médecine interne Certaines maladies rénales (insuffisance rénale aigue) peuvent tuer dans un temps très court, et font partie des urgences vitales (hyperkaliémie, œdème pulmonaire de surcharge) Le rein est un des organes qui régule la Pression artérielle Le rein est un organe endocrine (sécrétion de l’érythropoïétine)
Rappels physiologiques
Rein: organisation générale
Le néphron, Une unité fonctionnelle
Vascularisation du rein
Filtration glomérulaire
Filtration glomérulaire La formation de l’urine primitive se fait à travers le glomérule, La barrière de filtration est constituée: De la cellule endothéliale (coté sang) De la membrane basale glomérulaire qui contient 3 couches Des prolongements cytoplasmiques des podocytes qui reposent sur la membrane basale glomérulaire
La barrière de la filtration glomérulaire
Passage de la barrière glomérulaire Traversent: L’eau Les petites substances (PM <68000 dalton) Facteurs régulant la filtration glomérulaire Pression hydrostatique dans le capillaire glomérulaire Pression hydrostatique dans le tubule Débit sanguin dans le glomérule Perméabilité de la surface glomérulaire Tonus des artérioles afférentes et efférentes Chaque jour, 180 litres d’ultrafiltrat glomérulaire sont élaborés
Traversée tubulaire A partir de l’urine primitive, les mouvements de solutés peuvent se faire dans le sens de la réabsorption ou de la sécrétion. Soit de façon active Soit de façon passive Exemple du sodium et du potassium
Régulation du sodium
Régulation du potassium
Tube contourné proximal: réabsorption Environ 80% de l’eau filtrée par le glomérule glucose : activement et entièrement bicarbonates si le taux <27 mmol/l. Acides aminés Sodium en grande majorité
Anse de Henle Concentration et dilution de l’urine grâce au gradient corticopapillaire Réabsorption active de NaCl qui s’accumule dans l’interstitium Pas de réabsorption d’eau
Tube contourné distal et canal collecteur Ajustement du volume et de la composition définitifs de l’urine sous la dépendance hormonale Réabsorption de sodium et excrétion de potassium ou d’ion H+, sans réabsorption d’eau, sous la dépendance de aldostérone au niveau du tube contourné distal Ajustement de l’osmolalité finale de l’urine sous la dépendance de l’ADH qui agit sur le tube collecteur. L’ajustement final de l’excrétion du sodium d’une part, et de l’eau d’autre part, se fait de façon indépendante
Distribution de l’eau chez un adulte de 70 kg
Le rein, organe endocrine Système rénine-angiotensine aldostérone Fabrication de la rénine par l’appareil juxtaglomérulaire Prostaglandines intra-rénales Erythropoïétine Transformation de la vitamine D Elimination et dégradation de nombreuses hormones endocrines
Système rénine-angiotensine-aldostérone Rénine sécrétée par appareil juxtaglomérulaire si Hypovolémie Baisse de la pression artérielle Régime sans sel Rénine transforme angiotensinogène en angiotensine 1 Enzyme de conversion transforme angiotensine 1 et angiotensine 2 Angiotensine 2 induit sécrétion aldostérone et vasoconstriction de artériole éfférente Aldostérone augmente la réabsorption du sodium au niveau du tube contourné distal
Régulation de l’ADH Augmentation de la sécrétion de l’ADH: Hyperosmolarité plasmatique Hypovolémie efficace Substance chimique: nicotine, médicaments, stress ADH: augmentation de la réabsorption de l’eau au niveau du tube collecteur
Fonction du rein Régulation du bilan de l’eau Régulation du bilan du NaCl Régulation du bilan du Potassium Régulation du bilan acide base Régulation de l’absorption du calcium par la synthèse de la vitamine D Régulation de l’excrétion du phosphore Régulation de la synthèse de l’hémoglobine par la synthèse de l’érythropoiétine Régulation de la pression artérielle par le système rénine-angiotensine-aldostérone
Les symptômes
Augmentation des volumes extracellulaires Prise de poids Oedèmes prenant le godet, membres inf, lombes chez les patients en décubitus, paupière, bilatéraux, symétriques Parfois HTA Dyspnée, œdème pulmonaire œdème des séreuses, plèvre, péritoine, péricarde, anasarque Augmentation de liquide dans le secteur extracellulaire Correspond à une balance hydro-sodée positive liée à une rétention trop importante de NaCl et/ou à altération de l’hémodynamique capillaire (pression oncotique, pression hydrostatique, altération de la perméabilité capillaire
Augmentation des volumes extracellulaires : signes biologiques Signes d’hémodilution: Diminution de l’hématocrite Diminution de la protidémie Signes en faveur d’une étiologie de l’augmentation des volumes extracellulaires, insuffisance cardiaque ou cirrhose Dans la phase de constitution des oedèmes, la natriurèse est effondrée, <20 mmol/j. Incapacité des reins à négativer la balance sodée.
Hyperhydratation extracellulaire Oedèmes généralisés À différencier des oedèmes localisés ou des oedèmes inflammatoires Parfois associés à une diminution de l’hématocrite et de la protidémie par hémodilution Causes : Insuffisance cardique Cirrhose Syndrome néphrotique Insuffisance rénale aigue ou chronique Glomérulonéphrite aigue Hypoprotidémie profonde Vasodilatation excessive, grossesse…
Déshydratation extracellulaire Signes cliniques Perte de poids Hypotension artérielle Hypotension orthostatique Tachycardie Pli cutané Soif Oligurie Aplatissement des veines superficielles Contexte clinique, diarrhées, vomissements, sueurs abondantes, prise de diurétiques Biologie Augmentation de l’hématocrite Augmentation des protides Augmentation des bicarbonates Éventuellement insuffisance rénale fonctionnelle Physiopathologie Perte d’eau et de sel non compensée par les apports
Causes de déshydratation extracellulaire Pertes rénales Prise de diurétiques Insuffisance surrénale Néphropathie avec perte de sel Hypercalcémie Diurèse osmotique, diabète, mannitol Pertes extra rénales Digestive diarrhées et vomissements, aspirations digestives non compensées, Cutanées, sueurs abondantes, fièvre élevée pendant longtemps, brûlures
Pertes sodées extrarénales Oligurie NaU<20 mmol/J Urines concentrée U/Purée>10 U/P creat>40 Osmolalité U>500 mosmol/Kg Pertes sodées rénale Diurèse normale ou augmentée Natriurèse élevée (U Na > 20 mmol/J) Urines non concentrée U/P urée<10 U/P creat <20
Protéinurie A l’état normal, 60% des protéines urinaires excrétées viennent du plasma, et 40% viennent d’une sécrétion du tubule rénal ou de l’urothélium des voies urinaires Bandelette urinaire: technique de dépistage Ne dépiste pas les chaînes légères d’immunoglobulines Normale: absence de protéinurie, traces 2+: environ 1g/l, 3+environ 3 g/l
Protéinurie Normalement absente <0.3 g par Jour Si > 3 g par jour et hypoalbuminémie < 30g/l définit le syndrome néphrotique Le rapport protéinurie/créatininurie sur urines matinales évite le recueil des urines de 24 heures (N<0,13) La présence d’une protéinurie abondante signe une atteinte glomérulaire Une hématurie ou une pyurie abondante peut donner une protéinurie
Protéinurie Électrophorèse des protides urinaires: Protéinurie sélective si plus de 80% albumine Signe une atteinte glomérulaire Protéinurie non sélective, non spécifique d’une néphropathie glomérulaire Protéinurie avec pic dans les bêta ou les gammaglobulines, chaînes légères dans les urines, anciennes protéine de Bence-Jones Protéinurie tubulaires : troubles de la réabsorption tubulaire
Hématurie macroscopique Hématurie microscopique Sang visible à l’œil nu dans l’urine Rechercher la présence de caillots qui signent l’atteinte de l’arbre urinaire Hématurie microscopique Non visible à l’œil nu Détectable par la bandelette urinaire Confirmation par l’ECBU et l’étude du sédiment urinaire Plus de 10 hématies par mm3, soit plus de 104/ml
Hématurie La présence d’une hématurie doit évoquer soit une atteinte de l’arbre urinaire (lithiase, cancer, infection…) Soit une maladie glomérulaire Une hématurie ne s’accompagne que très rarement d’une forte déglobulisation
Colique néphrétique Douleurs lombaires intenses, frénétiques, sans position antalgique Secondaires à une distension des voies urinaires hautes Signe un obstacle sur la voie urinaire Liée le plus souvent à une lithiase Plus rarement à une tumeur Ou un caillot Confirmation diagnostique par l’échographie
Insuffisance rénale Diminution de la filtration glomérulaire Peut être aigue ou chronique Peut se retrouver dans les atteintes glomérulaires, vasculaires, tubulaires et/ou interstitielles Peut être aussi pré-rénale, ou post-rénale Pronostic vital peut être engagé: Hyperkaliémie, œdème pulmonaire
Signes cliniques extra rénaux Signes cliniques à rechercher dans les atteintes rénales, pour savoir si le rein est un organe touché parmi d’autres (exemple, diabète, amylose, lupus, vascularite), ou si le rein est l’organe primitivement malade Les organes à examiner sont surtout la peau, les articulations, le système nerveux, le poumon, le foie, le système lymphatique, l’oeil
Comment raisonner devant un désordre évoquant une néphropathie
Outils diagnostiques en néphrologie Antécédents, familiaux, personnels, prise de médicaments, histoire détaillée de la maladie, consultation du dossier médical, recherche de prise de toxique Examen clinique, palpation des fosses lombaires, appareil urogénital, signes cliniques extrarénaux,prise de pression artérielle Recherche de signes cliniques de gravité
Outils diagnostiques biologiques Bilan urinaire protéinurie, hématurie, sédiment urinaire, ionogramme urinaire, électrophorèse des protides urinaires Bilan sanguin: Bilan de la fonction rénale Bilan phosphocalcique Argument en faveur de insuffisance rénale aigue ou chronique Recherche de signes de gravité: ionogramme sanguin Bilan infectieux et inflammatoire Bilan immunologique à la recherche d’une maladie autoimmune ou maladie de système Bilan viral: hépatite B, C, virus HIV
Outils diagnostiques en néphrologie Imagerie ASP Échographie rénale Doppler rénal TDM rénal IRM rénale Artériographie rénale Scintigraphie rénale Biopsie rénale
Les questions à se poser
Suspicion de néphropathie Signes cliniques Aigue ou chronique ? Les signes de gravité Dialyse ou non ? Suspicion de néphropathie Signes cliniques Anomalie sédiment urinaire Insuffisance rénale Anomalie du ionogramme Primitive ou Secondaire ? Localisation de l’atteinte Glomérulaire Interstitielle tubulaire Vasculaire Prérénale Post rénale PBR ou non?
Les outils du diagnostic en néphrologie Clinique Interrogatoire Antécédents, terrain… Examen clinique Signes cliniques extrarénaux Imagerie Radiographie Echographie Doppler TDM IRM Scintigraphie Biologie Examen du sédiment urinaire Bilan immunologique Ionogramme sanguin, créatininémie, iono U Bilan inflammatoire Histologie rénale Indications de PBR Techniques de PBR Résultats attendus
Utilisation des outils Raisonnement par arbre décisionnel Ne pas demander tous les examens d’un coup, procéder par étapes en éliminant les diagnostiques différentiels les uns après les autres. Connaître la valeur prédictive positive et négative de la clinique et des examens complémentaires Se poser systématiquement la question de l’utilité des examens complémentaires demandés: que vais-je faire du résultat ? Combiner clinique, biologie histologie et imagerie pour arriver au diagnostic Parfois, pas de diagnostic définitif, mais élimination d’un certain nombre de diagnostics
Savoir identifier, différentier et traiter: La maladie causale et son cortège de symptômes: ex Lupus, HTA, Connaître les formes cliniques classiques, et les présentations cliniques alternatives: ex: maladie de Berger La « maladie » insuffisance rénale chronique La « maladie » insuffisance rénale aigue Ne pas oublier le patient et son environnement: FDR CV, tabac, pb socioprofessionnels, déclarations obligatoires…
Exemple: Insuffisance rénale: éléments diagnostics initiaux Anamnèse: antécédents, dossier médical Examen clinique: arguments en faveur d’une étiologie, retentissement clinique Taille des reins à l’échographie Vascularisation des reins au doppler Éléments biologiques en faveur du caractère aigue ou chronique de l’insuffisance rénale Analyse du sédiment urinaire: protéinurie, hématurie, ECBU, ionogramme urinaire
Classification des néphropathies Aigues Chroniques Néphropathies glomérulaires GNA post infectieuse GNRP Néphropathies gravidiques Néphropathies lupiques Néphrose lipoïdique HSF GEM GNMP Néphropathie à IgA Néphropathie diabétique Amylose AA Syndrome d’Alport Néphropathies tubulo-interstitielles Nécrose tubulaire aigue Néphropathies interstitielles aigues Néphropathie tubulo-interstitielle chronique Néphropathies vasculaires Néphroangiosclérose maligne Microangiopathie thrombotique Thrombose aigue (PAN syndrome des anti-phospholipides) Maladie des emboles de cholestérol Crise sclérodermique Thrombose veineuse rénala Néphroangiosclérose bénigne Néphropathies ischémiques Sclérodermie