Dépression à l’adolescence

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Transcription de la présentation:

Dépression à l’adolescence Dr Angèle Consoli Service de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent CHU Pitié-Salpêtrière, Paris Site web: http://speapsl.aphp.fr DU Adolescents difficiles mars 2015

Introduction Diagnostic longtemps nié dans son existence même chez le sujet jeune Diagnostic difficile à l’adolescence du fait des liens entre dépression et processus même d’adolescence Problématique de perte et de deuil Bouleversements tant physiques que psychiques Surinvestissement narcissique/désinvestissement objectal Nécessité de poser diagnostic et de permettre prise en charge thérapeutique car conséquences potentiellement sévères

Données épidémiologiques Prévalence EDM à l’adolescence: 5 % (0,4 à 8,3 % selon études) Costello et al., 2006 Sexe ratio: 2 filles / 1 garçon → 70 % mal ou pas diagnostiquées (NIMH, 2001) 20 % des adolescents =symptomatologie dépressive sans EDM caractérisé Groupe à risque: 40% d’entre eux = EDM dans l’année

Place dans classifications DSM V: modifications légères de quelques critères concernant l’adolescent Episode dépressif majeur (léger, moyen ou sévère) avec ou sans caractéristiques psychotiques CIM 10 Episode dépressif léger, moyen ou sévère définissant d’emblée l’intensité

Critères diagnostiques EDM DSM V Au moins 5 / 9 symptômes dont les 2 premiers présents /Durée au moins 2 semaines / Rupture avec le fonctionnement antérieur Symptômes Humeur dépressive pratiquement toute le journée, presque tous les jours / irritabilité Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir Perte ou gain de poids significatif (sans régime) Insomnie ou hypersomnie Ralentissement psychomoteur ou agitation Fatigue ou perte d’énergie Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider

Clinique de l’EDM Déni de l’adolescent voire de ses proches de la symptomatologie Symptomatologie polymorphe, formes cliniques variées - formes dites « sub cliniques » : tristesse / morosité au « syndrome de menace dépressive » (Braconnier 1987) Épisode dépressif majeur (EDM): regroupement syndromique selon critères DSM V

Clinique EDM Ralentissement: Humeur dépressive Pas permanent Pas le « masque » classique de dépression, mais air hostile, renfrogné ou indifférent – voix monocorde Envahissement par une pensée unique, figée Humeur dépressive Rarement exprimée directement mais manque d’entrain, d’intérêt, de plaisir Irritabilité dans la relation « il s’emporte pour un rien » Conséquences du désintérêt: retrait social, familial, affectif – isolement des amis

Clinique EDM Fatigue, désintérêt Dévalorisation par rapport à la scolarité, aux relations avec ses pairs Difficultés de concentration et d’attention, parfois qualifiées de « paresse » par l’entourage Troubles du sommeil, cauchemars Troubles de l’alimentation,

Clinique EDM Manifestations somatiques: Inhibition au premier plan Plaintes somatiques au premier plan Asthénie, céphalées, douleurs abdominales, rachialgies Préoccupations hypochondriaques Inhibition au premier plan Restriction champ d’intérêt, ennui, retrait Passe souvent inaperçue Baisse rendement scolaire, refus scolaire, difficultés de concentration

Clinique EDM Troubles du comportement Secondaires à un état dépressif constitué ou moyen de lutte contre menace dépressive Conduites délinquantes: fugues, vols, agressivité Risque de marginalisation ou de réponse uniquement éducative Conduites d’addiction, conduites sexuelles à risque Risque somatique (MST)

Clinique EDM Idées de mort et risque de passage à l’acte auto agressif Idées délirantes congruentes à l’humeur culpabilité, auto accusation, auto dévalorisation persécution syndrome de Cotard ruine, catastrophe,

Clinique EDM Tableau clinique durable et fixe, État en rupture avec le fonctionnement antérieur Mais l’adolescent peut conserver une activité investie Un contexte empathique permet à l’adolescent de reconnaître que cet état est pour lui différent

Facteurs associés Angoisse de séparation dans l’enfance /anxiété généralisée, troubles phobiques Troubles du comportement Conduites d’addiction Difficultés scolaires Facteurs familiaux et environnementaux +++ erisk study, Jaffe 2002 Décès, séparation, déménagement, conflits, éloignement,… Pathologie parentale: dépression maternelle, carence parentale, excessive sévérité éducative,…

Devenir Retentissement scolaire et perturbations relations sociales selon sévérité des symptômes et sexe (sexe féminin ++) 90 % de rémission à 2 ans Taux de rechutes élevé 40 % à 2 ans 70 % à 5 ans Birmaher 1996

Devenir Devenir à l’âge adulte 95 % des ados ayant fait une dépression à 17 ans rechutent à l’âge adulte Rao 1999 Evolution vers un trouble bipolaire dans 20 à 30 % des cas Strober 1995

Facteurs dits prédictifs de bipolarité Survenue rapide des symptômes Ralentissement psycho moteur sévère Signes psychotiques congruents à l’humeur Histoire familiale de troubles thymiques Hypomanie pharmacologiquement induite 20 à 30% des adolescents avec épisode dépressif majeur: évolution vers un trouble bipolaire Strober 1995

Risque suicidaire ! Suicide fait partie du risque évolutif de toute dépression 2ème cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans en Europe (en France 800 morts / an) En France taux de suicide 15-19 ans: 4.1/100 000 habitants http://epp.eurostat.ec.europa.eu Motivation d’hospitalisation la plus fréquente Zalsman 2008 Prévalence d’idées suicidaires 15-25% population générale adolescente Prévalence vie entière TS chez adolescents: 1.3% - 3.8% (sexe masculin), 1.5% - 10% (sexe féminin)

Facteurs de risque suicidaire Pathologie psychiatrique Chez 90% des adolescents décédés par suicide Bridge 2006 Dépression= diagnostic psychiatrique le plus fréquent chez les adolescents suicidés ou avec ATCD de TS Brent 2006 ATCD de TS: 1/3 des suicidants récidivent, 60 x plus de risque de suicide Bridge 2006 ATCD d’auto-mutilations Abus de substance si comorbide avec tr de l’humeur, tr conduites chez adolescents de sexe masculin, plus âgés Facteurs socio environnementaux: NSE, exclusion scolaire, redoublement, isolement,… Psychopathologie familiale, perte, séparation, maltraitance physique, sexuelle, relations intrafamiliales,… Problèmes avec la justice Problématique homosexuelle,…

Stratégies de prise en charge EDM Rôle déterminant de la rencontre interpersonnelle Alliance thérapeutique = préalable indispensable avec adolescent et sa famille → Facteurs de risque de faible réponse au traitement dans la dépression de l’adolescent  facteurs de risque de faible compliance en pédiatrie (dysfonctionnement familial, consultations brèves, parents non satisfaits du praticien…) Cohen 2004, 2008

CAT thérapeutique ! Rôle déterminant de la rencontre interpersonnelle 1. Manager le risque suicidaire si nécessaire Hospitalisation, intervention de crise, médicament sédatif 2. Évaluer la psychopathologie du sujet et son contexte - Sévérité de la dépression, évolution aiguë ou chronique - Comorbidité (trouble anxieux, personnalité limite, ...) - Présence de symptômes psychotiques, trouble bipolaire - Environnement familial et contexte social +++ - Stress psychosociaux, y compris violences subies - Impact sur le développement de l’enfant et de l’adolescent

CAT thérapeutique 3. Promouvoir l’alliance thérapeutique avec l’adolescent et ses proches 4. Choisir l’approche psychothérapeutique appropriée - Psychothérapie psychodynamique - Psychothérapie cognitive et comportementale - Intervention familiale et discuter si nécessité d’une intervention psychosociale 5. Envisager un traitement pharmacologique quand - Une dépression sévère persiste - Une morbidité psychiatrique associée existe - Une approche psychothérapique n’est pas possible, ou - Un travail psychothérapique bien conduit a échoué

Rappels pharmacologiques Augmentation de la prescription ISRS chez l’enfant et l’adolescent supérieure à la prévalence de l’EDM Aux USA: 0,3% en 1987 à 3,9% en 2002 En France 0,4% en 2003 et 0,3% en 2005 / augmentation de la prévalence à partir de 15 ans Médecins généralistes à l’origine de la plupart des prescriptions Aucune molécule n’a l’AMM pour dépression avant 15 ans Fluoxétine à partir de 15 ans a AMM européenne (TADS) Acte de prescription = acte thérapeutique en soi Forte réponse placebo dans la dépression du sujet jeune

Polémique ISRS: contexte Dépression chez le jeune et risque de PAL suicidaire : préoccupation de santé publique ancienne+++ Années 80 : ISRS sur le marché : moins d’effets secondaires Augmentation très importante de prescription IRS chez le sujet jeune > taux prévalence de dépression du sujet jeune Acquaviva 2009 Données essentielles issues d’essais en population adulte +++ et pas de démonstration formelle de l’efficacité des AD chez le sujet jeune et de diminution du risque suicidaire

Polémique ISRS: mise en garde par les autorités sanitaires Comité du médicament du Royal College of Medicine (GB) 4/ 2003: Interdiction de la paroxétine chez le mineur dans l’indication de dépression 12 /2003: Interdiction des ISRS chez le mineur dans l’indication de la dépression, exception faite de la fluoxétine du fait de l’augmentation du risque suicidaire Food and Drug Administration (USA): 6/2003, 12/ 2003: alignement sur la décision anglaise Agence Européenne du Médicament 12/ 2004: alignement sur la décision anglaise Union européenne: 06/ 2006: mise en place d’un comité du médicament pédiatrique prévoyant l’obligation d’évaluation de tout médicament susceptible d’être utilisé chez l’enfant et l’adolescent, à partir d’études réalisées chez des mineurs A.M.M. européenne (2007) et américaine (2005) pour la fluoxétine.

Méta analyse Zhou and al, soumis 44 essais avec 5731 participants Essais randomisés, contrôlés versus placebo ou comparant 2 molécules Sujets de moins de 25 ans recevant AD 1ère et 2nde génération Seule la fluoxétine significativement supérieure au placebo en termes de taux de répondeurs et d’amélioration symptomatique Significativement moins de sorties d’études pour fluoxétine, nafazodone et placebo

Classement AD efficacité/tolérance

Est il pertinent de prescrire un IRS chez le sujet jeune ? 2 cas de figure différents TOC: oui Dépression : question plus complexe: Efficacité nette des traitements non pharmacologiques Nombreux facteurs psychologiques et sociaux IRS semblent être efficaces, mais dans tous les cas ? Quid du risque de passage à l’acte suicidaire notamment en début de traitement ? Pas de manichéisme simpliste Oui dans les formes sévères et résistantes / utilisation première de la fluoxétine Prescription limitée aux spécialistes +++

Comment prescrire ? Fluoxétine en 1ère intention Évaluation de l’efficacité par des rencontres suffisamment fréquentes Surveillance du risque suicidaire +++ Maintenir le traitement 6 à 12 mois L’utilisation des tricycliques n’est pas recommandée chez le sujet jeune En cas de résistance, discuter: hospitalisation / autre molécule même classe ou venlafaxine / ECT Articulation avec traitement psychothérapeutique, prise en compte de la situation sociale et prévention du risque de passage à l’acte suicidaire (molécules sédatives en début de traitement)

Conclusion ! Risque : orientation vers une prise en charge éducative Caractéristiques développementales propres au sujet jeune: Recours à l’agir, manifestations comportementales avec agitation, trouble des conduites ! Risque : orientation vers une prise en charge éducative Savoir repérer, diagnostiquer EDM ! Risque suicidaire Psychothérapie reste le traitement de 1ère intention +++ Brent 2000, Muratori 2003, Mufson 2004