Symposium de neurologie Jetée de cotillons un 31 décembre
Mr V., 22 ans Antécédents : Appendicectomie Aucun traitement au long cours Aucun toxique Aucune allergie Mode de vie : master qualité-environnement
Histoire de la maladie Mi-décembre 2011 : syndrome pseudo-grippal, congestion ORL – Traitement par antalgiques + décontractyl + anti-inflammatoire Mi-décembre à fin décembre : aucun symptôme Fin décembre: céphalées pulsatiles progressives avec nausées, douleurs lombaires Nuit du 30 décembre 2011 : apparition simultanée de : troubles de la vigilance avec somnolence Dysarthrie et troubles de l’équilibre douleurs hypogastriques avec dysurie céphalées
Examen neurologique Patient somnolent mais éveillable Ralentissement psychique Marche difficile : syndrome cérébelleux statique Syndrome méningé : céphalées, raideur de nuque, cervicalgies Examen moteur : aucun déficit, ROT vifs sans syndrome pyramidal Examen sensitif : hypopallesthésie aux 4 membres, plus sévères aux membres inférieurs – doute sur niveau sensitif mi-cuisse bilatéral Examen des paires craniennes : pupilles en myosis bilatéral, ptosis gauche. Syndrome cérébelleux cinétique avec hypermétrie membre supérieur gauche
Hypothèses diagnostiques Examen général Apyrexie mais frissons Abdomen souple, dépressible, matité sus-pubienne douloureuse Hypothèses diagnostiques 1 – globe vésical 2 – Consommation de toxiques 3 – Surdosage en décontractyl ?
Examens complémentaires initiaux Biologie : 13.000 leucocytes CRP normale Alcoolémie négative Recherche de toxiques négatives TDM cérébral : normal Bladder-scan : rétention aigue d’urine à 650 cc
IRM cérébrale
IRM CEREBRALE
IRM CEREBRALE
Nouvelles hypothèses diagnostiques Ponction lombaire Cytologie : 19 éléments, pas d’hématies Bactériologie : négative au direct Nouvelles hypothèses diagnostiques Hypothèse infectieuse : contexte virale, PL… Hypothèse inflammatoire : imagerie… Hypothèse toxique peu probable
Bilan complémentaire Bilan infectieux : Dans le sang : sérologie HSV, VZV, EBV, CMV, HHV6, hépatites, listériose, Lyme, adénovirus, entérovirus, mycoplasme pneumoniae, VIH, syphilis Dans le LCR : PCR HSV, VZV, EBV, CMV, HHV6, adénovirus, entérovirus, Lyme, mycoplasme pneumoniae. Bilan inflammatoire : Dans le sang : bilan de collagénose Dans le LCR : Iso-électrofocalisation des protéines Imagerie: IRM médullaire et contrôle dans le même temps de l’IRM cérébrale à J4
Traitement d’épreuve Aciclovir 1 gramme 3/jour IV Amoxicilline 14 grammes /jour IV Cefotaxime 14 grammes /jour IV Gentamicine : 350 mg / jour IV pour 3 jours Evolution sous traitement : persistance des symptômes, somnolence.
IRM cérébrale de contrôle
IRM cérébrale de contrôle
IRM médullaire
IRM médullaire
Résumé des données Clinique : Infection ORL 15 semaines auparavant Apparition aiguë rapidement progressive Troubles de la vigilance / somnolence Atteinte multiples : troubles équilibre, proprioceptifs, médullaire (globe vésicale). Ponction lombaire: cellularité Imagerie : - Multiples hypersignaux FLAIR (protubérantiel gauche, pédoncule cérébelleux gauche, médullaires multi-étagées) avec atteinte des noyaux gris centraux (bi-thalamiques), sans prise de contraste.
ENCÉPHALOMYÉLITE AIGUE DISSÉMINÉE = ADEM - MISE AU POINT Diagnostic ??? ENCÉPHALOMYÉLITE AIGUE DISSÉMINÉE = ADEM - MISE AU POINT
Définition - épidémiologie Affection inflammatoire du système nerveux central Fréquence estimée : 0,8 pour 100.000 habitants Sexe ratio équilibré Touche les enfants, adolescents et jeunes adultes Formes frontières de Sclérose en plaques : 1 – forme pseudo-tumorale 2- Neuromyélite optique de Devic 3- ADEM
Physiopathologie Mal connue Réactions croisées entre antigènes viraux et composants de la myéline (super-antigènes) Tselis-Lisak (2005) : Activation de lymphocytes T-CD4+, antigènes spécifiques des épitopes de la myéline Alves-Leon et al (2005) : part génétique ? (HLA DQB1) Plus fréquent chez les transplantés rénaux Neuropathie : prédominance substance blanche (périphérie cortico-sous-corticale), parfois substance grise (péri-veineuse+++) - Infiltrat macrophagique : lésions de démyélinisation, perte de l’architecture de la substance blanche, respect des axones.
Inflammation péri-vasculaire
Lymphocytes
Facteur déclenchant = infection ou vaccin Délai : de 1 semaine à 4 semaines avant les symptômes Retrouvé dans 70% des cas Infection respiratoire et ORL le plus fréquemment
Tenembaum S, Neurology (2002)
CLINIQUE Début aigu, installation rapidement progressive, « bruyante » Signes méningo-encéphalitique : Troubles de la conscience, céphalées voire ralentissement idéo-moteur, syndrome méningé Signes neurologiques multi-focaux avec atteinte médullaire
Paraclinique Ponction lombaire : Méningite lymphocytaire (50 à 100 éléments) Hyperprotéinorachie Pas de profil oligoclonal à l’électrofocalisation NB : si synthèse oligoclonale, contrôle à 3 mois (disparition) Utilité : diagnostic différentiel EEG : anomalies non spécifiques. Neuro-ophtalmo : névrite optique bilatérale
Imagerie cérébrale IRM cérébrale : Lésions hyperT2, rarement HypoT1, avec prise de contraste de gadolinium (non exclusive) Lésions mal limitées, possible œdème péri-lésionnel Atteinte substance blanche et substance grise (thalamus, tronc cérébral, noyaux gris centraux)
Forme étendue Forme bi-thalamique Forme hémorragique
Diagnostics différentiels Méningo-encéphalite infectieuse Vascularite du SNC Syndrome activation macrophagique (enfant++) Première poussée de SEP Formes frontières de l’ADEM : - Topographique : myélite, névrites optiques bilatérales, encéphalites du tronc cérébral, atteinte SNP - Morphologique : forme pseudo-tumorale isolée
Traitement Aucune étude contrôlée (maladie rare) - Corticoïdes IV en bolus puis relais per os Immunoglobulines IV Echanges plasmatiques Immunosuppresseurs
Evolution Amélioration rapide ou plus lente = monophasique Rechute : ADEM multiphasique OU SEP ??? - Tenembaum (2002) : 10% Mikaeloff (2004, KIDMUS) : 29% Mikaeloff (2006, KIDSEP) : 18% Mortalité : 5% 1/3 de séquelles
Facteurs prédictifs de rechute
Facteurs prédictifs de rechute En analyse multivariée : Pas de séquelles après 1er poussée Critères de Barkhoff à l’IRM Névrite optique Antécédents familiaux de maladies démyélinisantes Non prédictifs :âge, analyse LCR, topographie des lésions
Critères diagnostiques d’ADEM 1 – encéphalopathie subaiguë (altération de la conscience, mémoire ou troubles cognitifs) 2- installation récente (1sem-3mois) sans épisode antérieur 3- Evolution favorable (déficit résiduel peut exister cependant) 4 – Critères IRM : lésions inflammatoires aiguës avant au moins une lésion volumineuse (1-2cm), rarement unique, supra ou infra-tentorielles, réhaussée ou non, pouvant atteindre les noyaux gris centraux. Critères proposés par Miler DH « Differential diagnosis of suspected Multiple Sclerosis », Mult Scler 2008 Manque : Absence d’anomalies au LCR Myélite extensive (acronyme…)
Critères pour différencier ADEM / SEP En faveur de l’ADEM monophasique (2 sur 3) : Symptômes atypiques pour une SEP : altération conscience, hypersomnie, crise d’épilepsie, trouble vigilance, hémi ou tétraplégie, aphasie, neuropathie optique bilatérale Absence de profil oligoclonal dans le LCR Atteinte de la substance grise D’après De Seze, Debouverie, Zephir et al., Acute Fulminant Demyelinating Disease: a descriptive Study of 60 patients. Arch Neurol 2007
EPILOGUE Mr V Diagnostic d’ADEM retenu selon les critères de De Seze Devant l’absence de prise de contraste des lésions : recherche de maladies inflammatoires et collagénoses (négatif) Transfert sur Paris (rapprochement géographique) après mise sous corticoides IV Nouvelle PL à 10 jours : normale Nouvelles IRM à 10 jours : disparition des lésions Retour à domicile sans aucun symptôme, avec corticoides per os. Conclusion du « staff inter-neurologique de la pitié salpêtrière » : ADEM retenu mais pas d’exclusion d’une SEP à venir (risque 1/3), surveillance régulière.