Atrésie de l’œsophage Pr Canarelli A l’examen : ATRESIE OESOPHAGE
Définition Atrésie : absence de formation d’un organe pendant la période embryonnaire. Formation d’un organe puis apoptose (mort cellulaire); ou - notamment pendant la morphogenèse ou la vie fœtale - par diminution de la vascularisation materno-fœtale (ischémie nécrose) Absence de formation
Historique et épidémiologie Malformation rare (mais la plus fréquente de toutes) 1 naissance pour 3000 en Europe Complications respiratoires et digestive ; autrefois, nombreux décès dès la naissance. Progrès anesthésie : meilleure intervention néonatale et première chirurgie en 1945 (Pr PETIT, St Vincent de Paul): 95 % de survie après intervention Nombre de malades variables selon territoire Picardie : 3 à 4 cas / an
Embryologie 21 jours : séparation du bourgeon pulmonaire à partir du tube intestinal primitif (donc souvent: malformations pulmonaires ou trachéales associées à atrésie œsophagienne)
Classification Type I : séparation avec 2 culs-de-sacs, pas de fistule (5%) Type II: fistule du cul-de-sac supérieur communiquant avec la trachée (3%) Type III : fistule du cul-de-sac inférieur avec la trachée Type IV : fistule du cul-de-sac inférieur avec création d’une communication avec la bronche souche droite Type V : fistule des deux culs-de-sacs avec la trachée (2%) Types I, III et IV : déglutition entraîne augmentation de volume des culs-de-sacs supérieurs 85%
Conséquences fœtales Au cours de la déglutition fœtale, pas d’évacuation du LA vers l’estomac en l’absence de fistule ; le bout de l’œsophage borgne se dilate donc, créant une microgastrie (Type I, II) En cas de fistule, le LA peut s’évacuer au moyen de la trachée Quand le liquide n’est pas déglutit excès Hydramnios (I, III, IV) DONC : moyens de DAN Microgastrie Dilatation des culs-de-sacs supérieurs Hydramnios
Conséquences néonatales Gêne au niveau de l’estomac : air dans les poumons occupant toute la partie thoracique, Si atrésie de l’œsophage, trachée intacte, air va dans les poumons. Problématique dans le type III (fistulisation de la trachée vers l’estomac) dilatation gastrique en cornemuse par mouvements ascensionnels et désascensionnels soulèvement du diaphragme gênera plus tard l’extension pulmonaire Bronchopneumopathie de déglutition : gêne de la salivation accumulation de salive dans le cul-de-sac œsophagien, puis régurgitation de cette salive mousseuse dans les fosses nasales et la trachée (toux avec cyanose). Bronchopneumopathies acide (chimique) : dans les premières minutes de vie : sécrétion d’acide chlorydrique (censé migrer vers le duodénum) par l’estomac. Reflux gastro-œsophagien physiologique chez le nné problématique en cas de fistule passage de l’acide chlorydrique dans les poumons
Diagnostic clinique Aspiration naso-trachéale à la naissance : Sonde Vygon n°10 de la narine à l’estomac afin d’éliminer une imperforation des choanes et une atrésie. Stéthoscope posé sur l’estomac, injection de 5 à 10 mL d’air via la sonde. Si bruit perçu, il n’y a pas d’atrésie (la sonde est passée dans l’estomac). En cas d’atrésie, la sonde butte à l’intérieur du cul-de-sac supérieur (entre TH1 et TH3). A l’auscultation lors du test à la seringue, aucun bruit n’est perçu (I) ou estomac dilaté (III, IV, V)
Diagnostic paraclinique Rx thorax, sonde en place (quand pas de bruit perçu au moment du test à la seringue) Localisation de la butée de la sonde (souvent entre TH1 et TH3) - Air dans l’estomac (fistule) - Pas d’air dans l’estomac (type I)
CAT Aspiration de la salive : mise en place d’une sonde de Replöge sur un vide à -10cmH2O (ou aspiration systématique à la seringue toutes les 3 minutes au travers d’une sonde d’aspiration) Lutte contre le reflux par une position semi-verticale Mise en place d’un abord périphérique (alimentation parentérale) Lutte contre l’hypothermie (couverture chauffante) Eviter le passage d’air au travers de la fistule: intubation (sans respiration assistée) avec une sonde longue qui franchit la fistule jusqu’au tiers inférieur de l’œsophage (jamais jusqu’à la carène pour éviter l’intubation sélective) Appel du SAMU pédiatrique
Bilan initial après transfert Recherche de lésions associées (« VACTERL ») Vertèbres : souvent, vertèbre malformée (hémi-vertèbre, vertèbre surnuméraire ++) en regard de la zone d’atrésie consécutive d’un problème de métamérisation. Visible à la Rx thorax. Correction chirurgicale ou non. Anus : 8 à 10% de malformations ano-rectales associées ; visible à l’œil nu, dépistable par thermomètre intra-rectal Cœur : échographie cardiaque à réaliser systématiquement pour repérer les malformations et localiser la crosse aortique Trachée Œsophage Reins : anomalie de nombre, dilatation rénale Lung (Poumon) : malformations à type de séquestration (saignements pulmonaires exclus de la circulation pulmonaires, alimentés directement par l’aorte)
Critères en faveur d’une chirurgie BON MAUVAIS Poids de naissance Terme > 1500 g ≤ 1500 g Malformation associée - + Pneumopathie et/ou malformation Si un seul critère n’est pas « bon », expectative avant chirurgie Si tous les critères de chirurgie sont réunis : 95% de survie (dont 98,5 % sans séquelles) Si critères « mauvais » : 45% de survie, toujours avec séquelles
Traitement Nouveau-né « bon » : Fermeture urgente de la fistule: fermeture par thoracotomie droite : Anastomose des deux culs-de-sacs en 1 temps :
Drain laissé en place jusque H48 Sonde de Replöge Extubation à H24-H48 TOGD : Transit œso-gastro-duodénal (ingestion de produits de contraste puis Rx thorax) vers J6 Recherche d’une fuite de l’anastomose (remettre drain en place une semaine) Recherche d’une sténose de l’anastomose (mise en place de dilatations à 3 semaines)
Complications per-opératoires… Bulles dans le drain ou dégradation état général après ablation du drain: lâchage de l’anastomose Remise du drain en place et couverture antibiotique Rx Thorax Limiter les quantités dans l’alimentation Attendre 3 semaines (cicatrisation) puis dilatation à la bougie (en général 3 passages à 3 semaines d’intervalle, tailles de bougies croissantes) Anastomose irréalisable (bords trop éloignés) : Mise en place d’une sonde de gastrostomie et stimulation par poussée quotidienne de bougies poussées dans le cul-de-sac supérieur Montée de l’estomac dans le thorax par traction sur le cul-de-sac- inférieur. Risque de création d’un RGO. Remplacement de l’estomac par un fragment de côlon transverse (greffon colique)
Nouveau-né « mauvais » ou Type I Gastrostomie d’emblée en position demi-assise Passage d’une sonde de Fogarty afin de gonfler un ballonnet sous la fistule (dans l’œsophage) pour l’obstruer. Kinésithérapie pour récupération de la fonction pulmonaire (souvent, trachémalacie consécutive de l’atrésie : la trachée, ramollie, peut se collaber)
Conseils aux parents Trachée étroite : tendance à la trachéomalacie (trachée molle) rapprochements des bords au cours des mouvements respiratoires et production de son Parfois même malaise si collapse trop long Inciter les parents à la surveillance Etre attentif à la possibilité de fausses routes Episodes de bronchites fréquents en période hivernale Toux rauque Les symptômes respiratoires s’estompent avec le temps (croissance trachéale)
Prudence aux 6 mois de l’enfant (moment de l’élargissement de l’alimentation) : peut-être l’occasion de la découverte d’une sténose en cas de mauvaise tolérance alimentaire. Episodes de toux nocturne rauque signant une pathologie de reflux (curable par anti-acides, épaississement de l’alimentation) ; chirurgie à envisager en cas de persistance (intervention de Nissen : création d’une valve anti-reflux). Prudence à l’âge de 7-8 ans: bouchées plus importantes ; obstruction de l’œsophage au niveau du rétrécissement de l’anastomose par un aliment. L’œsophage ne se vide pas par contraction mais par gravité (trouble de la motilité de la portion atrésique) : motiver à boire après un repas. Métaplasies (lésions chroniques) plus fréquentes de par l’importance du reflux : éviter les plats trop chauds, le tabagisme, etc ; fibroscopies régulières à partir de 40 ans.