L’art nous éloigne-t-il de la réalité?

1. Nécessairement, l’œuvre d’art peut se détacher de la réalité. a. La fonction de l’art peut varier si on la considère du point de vue de l’artiste ou si l’on se place sous l’angle de la réception. « Les Esclaves » de Michel-Ange : -pour l’artiste, l’art ne peut se développer, il est emprisonné dans la pierre à la mort du pape Jules II, mécène. -pour le public, l’œuvre se révèle : elle est à naître. On voit plutôt les esclaves se dégager de la pierre. On voit l’œuvre dans son mouvement, son acte de création. C’est une œuvre qui se veut en relation directe avec son époque, très marquée dans le temps. Mais l’œuvre échappe au temps. Elle n’a pas de présent. D’autre part, l’art est un langage. Si l’artiste et le spectateur n’ont pas les mêmes référents, la portée de l’œuvre est differente.

b. Ce qui intéresse quelquefois l’artiste ou le spectateur, c’est une sorte de détachement, un retrait par rapport au réel, comme s’il fallait le repenser Gaudi « la Sainte famille », « la cathédrale » L’art est alors un moyen d’imaginer un monde différent, de placer devant soi cet idéal, comme pour forcer le réel, et imposer cette transformation rêvée, cette transfiguration Robert et Sonia Delaunay « Paris »  

« Paris » Chagall Paris inversé   Mais, souvent, l‘œuvre peut présenter une vision plus ou moins directe de la réalité Le détachement de l’œuvre par rapport au réel rappelle nécessairement ce réel qu’on voudrait différent. « Paris » Chagall Paris inversé Comme si l’œuvre était à voir en négatif, comme en photographie: l’image inverse est le révélateur de l’œuvre. L’œuvre peut aussi signifier le réel directement -soit par une représentation crue d’une scène vécue Goya Tres de Mayo 1814

c. L‘art présente une vision du réel propre à l’artiste. -que le public peut ne pas comprendre ou accepter Les impressionnistes -ou une symbolisation du réel « La trahison des images » 1929 René Magritte : « Ceci n’est pas une pipe »

3. De toute manière, l’art est une composition. a. L’artiste peut jouer à surprendre une scène vécue « Le Baiser de l’Hôtel de ville » scène de composition Robert Doisneau photographie 1950 pour le magazine Life b. Les natures mortes Chardin. La présentation de Diderot dans « Les Salons » en fait une représentation très fidèle de la réalité, comme une copie du réel. c. Lorsque l’œuvre fixe un instant du réel, elle détermine un cadre, un angle de vision. L’artiste s’intéresse à ce que nous voyons sans le regarder