Autrui : fin ou moyen?
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans celle d’autrui toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen. » Kant fait appel à notre raison et à notre éthique pour nous inviter à considérer autrui comme une fin et non comme un moyen Il s’oppose sur ce point à ce qu’Hegel écrit quelques années plus tard. Si notre penchant naturel peut être d’utiliser l’autre, nous avoir le devoir moral de le considérer comme une fin. C’est du moins l’explication courante de cette phrase mais elle a le défaut de ne tenir aucun compte de la mention de soi-même : « aussi bien dans ta personne ». Traite l’humanité dans ta personne comme une fin. Avant même d’évoquer autrui, Kant rappelle que nous nous devons à nous-mêmes un respect. Nous devons considérer ce qui, dans nos actes et dans notre pensée, nous confère notre dignité d’être humain. Etre humain : appartenir au genre humain, être digne d’y appartenir, comprendre la relation qui nous unit à autrui
1. L’action morale n’est pas naturelle Nous avons tendance à considérer autrui comme un moyen. Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme » Nos relations « humaines » : des relations de dépendance. A l’état de nature, nous avons besoin d’autrui pour nous défendre, pour rester vivants. La morale n’est donc pas une chose naturelle. Elle ne va pas de soi. C’est de ce constat que part Kant Il semble nous être naturel de considérer autrui en tant que moyen.
C’est-à-dire ? selon quelles normes ? comment agir? 2. Considère l’humanité en ta personne comme dans celle d’autrui. Que signifie le mot humanité ? : l’ensemble des êtres humains ou notre relation aux autres (se comporter avec humanité) Considère que tu es un être humain, que tu fais partie de l’humanité et que tu dois te comporter avec humanité. C’est-à-dire ? selon quelles normes ? comment agir? La première des choses est de comprendre que nous agissons de façon morale uniquement parce que nous le voulons et Kant nous enseigne à développer en nous ce sens du devoir.
L’impératif catégorique : le devoir moral Une règle : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée, par ta volonté, en loi universelle de la nature » Une action n’est bonne que si son principe peut être universalisé, étendu à chaque être humain
3. Cette préoccupation de Kant est riche d’enseignements 3. Cette préoccupation de Kant est riche d’enseignements. Nous apprenons à nous connaître davantage. Il y a en l’homme un paradoxe : il est naturellement porté à vouloir utiliser son prochain mais lorsqu’il s’en sert comme moyen, il comprend (pas toujours) qu’il se trompe et que, s’il en veut vivre en paix avec autrui, il doit le respecter. La vie en société porte l’homme à respecter autrui, à développer, à cultiver en lui cette faculté de vivre dans une société. C’est ce qu’explique Aristote mais il part d’un autre constat : l’homme, pour le philosophe grec, est « un animal politique », naturellement orienté vers la vie sociale. Chez Kant, comme chez Hegel (même époque), l’homme, par besoin, par intérêt, vit avec autrui en société. Kant nous enseigne à nous dépasser, à forcer notre nature pour respecter autrui.
4. une approche différente L’originalité de Kant réside dans une approche particulière qu’il fait de l’être humain. Nous aurions pu penser que son enseignement ne concernait que notre relation à autrui. Il nous montre aussi une part de nous-mêmes que nous ignorions : « dans ta personne comme dans celle d’autrui ». C’est aussi en nous que nous devons avant tout considérer l’humanité. Nous devons apprendre à nous connaître pour nous respecter avant même de respecter autrui. C’est dans un même mouvement que l’être apprend à connaître et à se connaître lui-même. Le mouvement éthique est le premier acte de notre connaissance.