Mme D, 27 ans, Consultation en gynécologie en avril 2006 Antécédents 3 grossesses entre 1999 et 2004 Traitement = 0 Anamnèse : dysménorrhées primaires dyspareunies primaires profondes avec une zone gachette irradiant vers l’anus douleurs de défécation
Examen clinique : TV : irrégularité du cul de sac vaginal nodulaire, postérieure, très sensible à la palpation TR normal Speculum : normal Diagnostic d’endométriose profonde envahissant le cul de sac postérieur gauche du vagin, suspicion clinique d’atteinte de la paroi rectale
Bilan paraclinique : Echoendoscopie rectale et IRM pelvienne : nodule d’aspect compatible avec une endométriose pelvienne profonde infiltrant la paroi rectale Lésion semblant développée aux dépens de la lèvre postérieure du col, du taurus et du fond vaginal
Intervention le 29/06/2006 par cœlioscopie : Traitement Intervention le 29/06/2006 par cœlioscopie : Résection du nodule de la cloison recto vaginale infiltrant le ligament utéro sacré, la paroi antérieure du rectum, développée aux dépens de la lèvre postérieure du col et du fond vaginal. pas d’atteinte urétérale Résection de la lésion endométriosique vaginale et résection rectale Réalisation d’une anastomose colorectale protégée par une iléostomie
Traitement hormonal au décours Rétablissement de la continuité digestive à 2 mois de l’intervention après réalisation d’un lavement aux hydrosolubles normal
Evolution : En août 2009 : sensation de ballonnement abdominal avec nausées IRM pelvienne : pas de récidive locale. endométriome gauche de 6 mm. Consultation Dr Savoye en novembre 2009 : Rectosigmoïdoscopie : anastomose normale Temps de transit des marqueurs : discrète stagnation colique diffuse répartie harmonieusement Amélioration des symptômes par Forlax et suppositoires d’Eductyl
Endométriose colorectale
Généralités Définition : présence ectopique de tissu endométrial fonctionnel au niveau de la paroi colorectale, situé à distance de l’endomètre eutopique et sans connexion avec lui Maladie chronique, hormono-dépendante, évolutive S’intègre dans un contexte d’endométriose profonde = maladie multifocale pouvant atteindre plusieurs organes. Pénétration de plus de 5mm sous la séreuse
Epidémiologie de l’endométriose Prévalence = 10% chez la femme en période d’activité génitale Diminue après la ménopause, rare avant la ménarche Aucune relation entre l'âge au diagnostic et la sévérité
Risque moindre si : contraception orale, tabagiques, sportives, IMC élevé ( hypooestrogénie ) Risque augmenté si ATCD familial ( RRx6 si sœur atteinte ), consommation d’alcool et de graisses insaturées, nulliparité, 1è grossesse tardive, cycles courts, hyperménorrhée, ménorragie (hyperoeostrogénie) Association statistique avec certaines maladies immunitaires (PR, LES, SEP, dysthyroïdies ) et avec le Lymphome NH
Epidémiologie de l’endométriose digestive Localisation extra génitale la plus fréquente : fréquence variant de 5 à 10% chez les femmes en âge de procréer porteuses d’une endométriose Localisations les plus fréquentes : rectum et sigmoide 80% Côlon 9% Iléon terminal et caecum 6% Appendice 3 Epiploon 3%% Atteinte iléocolique droite présente dans 30% des cas d’endométriose profonde avec atteinte rectale, corrélée à la sévérité Localisations hépatiques, pancréatiques et épiplooiques exceptionnelles, aucune forme œsogastrique décrite
Anatomopathologie 3 types d’endométriose Formes superficielles sous séreuses associant des lésions blanchâtres et de kystes hématiques bleuâtres et brun foncé) Endométriome ovarien Formes profondes blanchâtres fermes à la coupe Histologie : aspect typique de muqueuse glandulaire de type endométrial entourée de chorion cytogène à l’intérieur des tuniques de la paroi digestive, infiltration centripète
Hypothèses physiopathologiques 5 théories principales 1/ Théorie de l’implantation (théorie de Sampson) Reflux d’endomètre par les trompes au moment des règles ( 80 à 90% ) Elimination par le système immunitaire
Hypothèses physiopathologiques 5 théories principales 1/ Théorie de l’implantation (théorie de Sampson) Soutenue par : Topographie des lésions cohérentes Cellules endométriales recueillies dans le liquide péritonéal en début de cycle sont capables de survivre en culture Reflux d’endomètre par les trompes au moment des règles ( 80 à 90% ) Elimination par le système immunitaire Pouvoirs d’adhésion, d’invasion, d’implantation, de prolifération,
2/ Théorie de la métaplasie : Expliquerait les cas rares endométriose prostatique chez des hommes sous hormonothérapie au long cours endométriose chez des femmes en aménorrhée primaire, files pré pubères
3/ Théorie de la Mullerianose= théorie des restes embryonnaires : Incorporation de tissu endométrial au cours de l’organogénèse Implants endométriaux retrouvés aux sites habituellement concernés lors d’ autopsies de foetus
4/ Théorie de l’induction Extension de la théorie de la métaplasie Induction d’une différenciation de type endométriosique sous l’effets de certaines substances/médiateurs
5/ Théorie de la métastase lymphatique ou vasculaire Localisation des lésions principales compatible avec une dissémination d’endomètre lymphatique/ vasculaire Formes induites chez l’animal par injection intravasculaire de cellules endométriales Tissu endométrial retrouvé dans les veines et les ganglions lors d’autopsies
Mécanisme Phase lutéale Règles Oestrogènes Symptômes cycliques rythmés par les menstruations Desquamation et saignement dans l’endomètre eutopique et ectopique
Circonstances de diagnostic 2 situations classiques : 25 – 35 ans arrêt de la contraception orale ( désir de grossesse ) > 35 ans Pose du stérilet
Diagnostic clinique Interrogatoire Symptômes communs aux localisations profondes Dysménorrhées Dyspareunies profondes Douleurs pelviennes chroniques ( stade plus tardif ) Infertilité par atteinte concomitante des ovaires ou des trompes ( 25 à 50% des infertiles sont endométriosiques, 25 à 50 % des endométriosiques sont infertiles )
Symptômes orientant vers une atteinte colorectale : aspécifiques, mais associés aux symptômes d’endométriose profonde : infertilité, dysménorrées dyspareunies, Diarrhées pendant les règles ( normalisation transit chez des constipées ) Dyschésie rectale pendant la durée des règles ( sténose ou perte de la motilité pariétale colorectale) Ténesme cataménial et douleurs de défécation : fixation rigide du rectum ou de la charnière Rectorragies cataméniales rares Syndromes occlusifs exceptionnels
Examen clinique : Examen au speculum : recherche des lésions du fornix Toucher vaginal avec palpation minutieuse des culs de sac vaginaux ( postérieur+++ ) : nodule ferme, sensible au contact Toucher rectal : recherche l’absence de mobilité de la muqueuse rectale sur la surface du nodule
Bilan para clinique Buts : Atteinte digestive? Unique ou multiple? Taille? Sténose? Profondeur de l’infiltration de la paroi? Distance de la marge anale? Autres atteintes? Permet de décider d’une stratégie thérapeutique Bilan de première intention : échographie endorectale, échographie endovaginale, IRM pelvienne, TDM abdomino pelvien avec opacification colique
Echoendoscopie rectale Référence pour evaluer l’infiltration de la musculeuse rectale Bonne appréciation des rapports avec les structures digestives Sensibilité > 97%, spécificité >85%, Camagna, gynecol obstet fertil 2004 Chapron, US obstet gynecol 2004 Nécessite une anesthésie générale Nodule tissulaire hétérogène globalement hypoéchogéne, de taille variable, +/- rétractile
IRM pelvienne Bilan complet des lésions d’endométriose profonde Complémentaire de l’écho endoscopie rectale Performances moindres dans la détermination de l’atteinte rectale Meilleure sensibilité pour l’atteinte des ligaments utérosacrés, cloison recto vaginale et ovaires Chapon, US obstet gynecol 2004 Dumontier I, GCB 2000 Bazot M, Fertil steril 2008
Echographie transvaginale: Explore les structures pelviennes sur 30cm de hauteur Avantageux car pas d’anesthésie générale, moins invasif, moins cher, meilleure acceptabilité Performances : Piketti, Human Reproduction 2009,
TDM avec opacification colique : bilan lésionnel Colo scanner à l’air avec coloscopie virtuelle Etude prospective de 27 patientes opérées d’une endométriose profonde sur la base de l’examen clinique, IRM et échographie endo rectale Sensibilité ( détection et exactitude ) = 88%, 1 FN, 3 non opérées. 1 faux positif Vassilief, Suaud, Collet-Savoye, Gynecol obstet fertil, mai 2011
Traitement 1/ Chirurgical Abord laparoscopique équivalent à la laparotomie Marpeau, JGOBR 2004 Deux approches : « carcinologique » : résection la plus complète possible de toutes les lésions d’endométrioses « fonctionnelle » : résection minimale
a/ L’approche « carcinologique » : résection segmentaire avec anastomose colorectale+/-protégée par iléostomie temporaire Le plus pratiqué Mais 40% d’implants microscopiques retrouvés dans la paroi rectale Remorgida, Hum Reprod 2005 Traitement de référence si atteinte de la de plus de 50% de la circonférence rectale, nodules nombreux et / ou volumineux
b/ L’approche « fonctionnelle » : Résections nodulaire : en pastille « full thickness » excision des nodules rectaux sans ouverture de la lumière digestive « shaving » améliorer les symptômes en évitant le risque de complications et de séquelles fonctionnelles post opératoires Évite des potentielles conséquences fonctionnelles digestives
Aucune étude comparative… Centre dépendant+++
Résultats : Résection segmentaire Suivi sur 2 ans : Amélioration Dysménorrhée, dyspareunies, constipation : > 50% des cas Diarrhée, douleurs de défécation : 80% Dubernard, Hum Reprod 2006 Aggravation Constipation dans 24% des cas, ténesme 27%, diarrhée 7% Complications post opératoires : 10% de fistules recto vaginales postopératoires 61% de neurovessies postopératoires Dubernard, J Minim Invasive Gynecol 2008 Remorgida, Human Reprod 2005
constipation post opératoire : 20% aggravation de la constipation : symptôme post opératoire le plus fréquent 4 mécanismes : sténoses anastomose, invagination rectale/ anastomose, séquelles neurologiques, constipation de transit L Armengol-Debeir, human reproduction, juin 2011
Résultats : Excision de nodules rectaux avec ou sans ouverture de la lumière digestive possible si lésions infiltrant moins de 30 à 50 % de la circonférence Prospectif sur 128 patientes : 126 ont une résection nodulaire Amélioration partielle ou complète des symptômes dans plus de 85% des cas, RAU 3,9%, fistules post opératoire 2,3% Stack, BJOG 2007
2/ Traitement médical Vise à induire une aménorrhée thérapeutique Ttt suppressif et non curatif systématiquement associé à la chirurgie Pas d’influence sur la composante fibreuse Moyens : analogues de GnRH, progestatifs, osetroprogestatifs en continu Add back therapy : ajout d’un œstrogène naturel pour pallier l’hypoestrogénie (pas de réduction de l’effet ttt)
AINS Aménorrhée thérapeutique post opératoire provoquée en pratique bien qu’effet non démontré dans l’endométriose colorectale
Fertilité Etude rétrospective chez 62 opérées d’endométriose colorectale : 58% de grossesse spontanée post opératoire chez les – de 30 ans, 45% entre 30et 35 ans Stepniewska, 2009 23 patientes : fertilité 30% après traitement d’une endométriose colorectale vs 83% si endométriose urinaire Kondo 2011, Eur Journal of OG
Endométriose et cancer Transformation maligne exceptionnelle Bien que similitudes : Autostimulation de la croissance Insensibilité aux signaux antiprolifératifs Résistance à l’apoptose Néovascularisation Capacité d’invasion tissulaire et métastase Instabilité génomique
Conclusion Pathologie fréquente, pas de symptômes d’atteinte colorectale d’une endométriose profonde spécifique A rechercher de principe avant toute chirurgie d’endométriose profonde par échographie endovaginale, echoendoscopie rectale, IRM pelvienne Prise en charge chirurgicale : de référence en association au traitement médicamenteux Technique non consensuelle, centre dépendant. Séquelles fonctionnelles plus importantes en cas de résection-anastomose Perspectives médicamenteuses : anti aromatases antioxydants antimétabolites ( 5 FU ) Inhibiteurs de la voie EPK et Akt agonistes cannabinoïdes
Examen clinique, plus sensible en période périmenstruelle
From physo endométriose