Douleur en cancérologie Cancérologie fondamentale DCEM1 Mardi 05 Avril 2012 (version de travail) Eric SERRA, Ludovic DOUAY, Sandrine SORIOT-THOMAS Centre d’Étude et de Traitement de la Douleur CHU Amiens Picardie
La douleur 1ère priorité des usagers hospitalisés 1ère priorité des patients souffrant de maladies chroniques Importances des soins non spécifiques en cancérologie: organisation des Soins de Support (information et éducation du patient, adhésion aux soins, douleur, fatigue, impacts psychologiques, difficultés sociales, problèmes nutritionnels, évocation de la fin de la vie, problèmes esthétiques…)
Douleur en cancérologie Généralités sur la douleur À revoir et approfondir dans le Module 6
Douleur * « Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion » Subjective Pluridimensionnelle Traitement plurimodal et interdisciplinaire IASP (International Association for the Study of Pain) - 1979
Douleur La Douleur parmi les souffrances humaines Douleur et émotions associées Douleur et nociception: la physiologie est une étape de la compréhension de la douleur Intensité douloureuse et lésion tissulaire ne sont pas toujours corrélées
Douleur * Profil évolutif: Douleur Aiguë = signal d’alarme Douleur Chronique = douleur maladie 4 dimensions ou composantes Sensori-discriminative: nocicepteurs, contrôles Affectivo-émotionnelle: anxiété, dépression Cognitive: croyances, attentes, ajustement Comportementale: évitement, hyperactivité 4 mécanismes Nociceptif Neuropathique Psychogène Dysfonctionnel ou Idiopathique
Douleur en cancérologie Evaluation de la douleur chez l’adulte voir Module 6
Evaluer la douleur (ANAES-HAS, 1999) * Profil évolutif Début: « depuis combien de temps ? » « apparition brutale ou progressive » Évolution: permanente ou paroxystique ? aiguë ou chronique ? Localisation Localisation: « montrez avec votre main, doigt » Irradiations: « vers où va la douleur ? »
Evaluer la douleur Intensité: évaluation EN, EVA, Algoplus Type: détermine le mécanisme DN4, QDSA Brûlure, serrement, torsion,… Composantes QDSA, HAD Retentissements: travail, loisirs, marche, sommeil, humeur, relation avec les autres Facteurs déclenchants/aggravants ou facteurs d’amélioration Prise d’antalgique ? Autres moyens thérapeutiques ?
Evaluation de l’intensité * Obligatoire, répétée, suivie de la prescription Échelles auto-évaluation EVS END EVA Si non communicant: échelles d’hétéro-évaluation Doloplus 2 ECPA Algoplus …..
Échelle Verbale Simple imprécise Définissez votre douleur absente légère modérée marquée insupportable
Échelle Numérique Décimale classique en institution, pour répétition de la mesure Donnez une note à votre douleur: 0 ---------------------------- 10 0: absence de douleur 10: douleur la plus forte imaginable
Echelle Visuelle Analogique la plus précise, pour les études cliniques
Algoplus voir aussi DOLOPLUS et ECPA
Evaluation des mécanismes * Excès de nociception: infection, traumatisme, cancer Douleur Neuropathique ou Neurogène (par désafférentation): douleur post-zostérienne, douleur des neuropathies diabétiques, cicatrices, membre fantôme, sclérose en plaques…cancer DN4 Psychogène: diagnostic psychiatrique = trouble anxieux, trouble dépressif, trouble somatoforme (hystérie, hypocondrie) HAD Dysfonctionnelle (idiopathique): fibromyalgie, céphalée de tension, colopathie fonctionnelle Évaluation: clinique et par questionnaires
Douleurs neuropathiques: définition Douleurs liées à une lésion nerveuse ou à un dysfonctionnement du système nerveux périphérique ou central. voir Module 6
Douleurs neuropathiques: clinique * Composantes spontanées: Continue (brûlure, étau, broiement, froid douloureux) Paroxystique (décharges électriques) Composante provoquée Allodynie: Douleur causée par un stimulus qui n’entraîne normalement pas de douleur Hyperalgésie: réponse exagérée à stimulation Hypoesthésie au tact, à la piqûre Dysesthésies (fourmillements, picotements, engourdissements, démangeaisons)
DN 4 * Outil d’aide au diagnostic des Douleurs Neuropathiques Bouhassira D., Attal N. et al Comparison of neuropathic and non-neuropathic pain and development of a new diagnostic questionnaire (DN4).NeuPSIG Congress, Diagnostic assesment, May 2004 (Madrid) Si score ≥ 4/10 : Test positif Sensibilité: 83% Spécificité: 90%
Douleurs neuropathiques et K: étiologies Liées à la tumeur: Par compression directe (sciatique, névralgie faciale, Pancoast-Tobias, épidurites) Par méningite carcinomateuse Par syndrome paranéoplasique Liées au traitement: Post chirurgie (SDPM-syndrome douloureux post mastectomie) Post radiothérapie (plexite radique) Post chimiothérapie (sels de platine, taxanes, vinca-alcaloïdes), DPZ
Douleur en cancérologie Douleur et cancer
Douleur et Cancer 7 millions de nouveaux cas de cancer 5 millions de décès 14 millions de personnes vivent avec un cancer 4 millions pas ou mal soulagées Rapport 804 O.M.S.- 1990 320 000 nouveaux cas en France 180 000 hommes 140 000 femmes Institut National du Cancer- 2005
Douleur et Cancer Douleur présente: Douleurs neuropathiques: 30 à 40% 30 à 45% Phase initiale 60 à 90% Phase évoluée (M+) 30 à 45% douleurs modérées à sévères 25 à 30% douleurs très fortes (Bonica-1990) Qualité de vie: index de Karnofsky sur Activité et autonomie physique * et après le cancer ? Douleurs séquellaires Douleurs neuropathiques: 30 à 40% Formes mixtes *
Causes douleurs cancéreuses Dues à la tumeur (85%) Dues aux traitements (17%) Sans rapport avec le cancer (9%) Grond S., Zech D., Diefenbach C., Iehmann KA Assessment of cancer pain: a prospective evaluation in 2266 cancer patients referred to a pain service. Pain 1996,64:107-14.
Causes douleurs cancéreuses: multiples Lésions osseuses Atteintes nerveuses Douleurs viscérales Douleurs muqueuses Atteintes vasculaires Douleurs iatrogènes: post-chimio, radio, chir Perrot Module 6 – ENC, MedLine 2005
Conséquences de la douleur cancéreuse Physiques - Capacités fonctionnelles: marche, activités professionnelles, activités domestiques, activités de loisir - Sommeil - Sexualité Psychologiques - inquiétude, anxiété, peur dans la Douleur Aiguë et désintérêt, tristesse, dépression dans la Douleur Chronique - la douleur marqueur de l’évolution du cancer Sociales - relations interpersonnelles - aptitudes professionnelles - dépendance Spirituelles - Perte du sens donné à la vie avec augmentation de la souffrance - Réévaluation des croyances religieuses
Douleurs liées aux soins Nombreux actes diagnostiques et thérapeutiques douloureux Douleurs prévisibles Mise en route d’un traitement préventif
Douleur en cancérologie Traitement de la douleur voir Module 6 voir « le carnet douleur de l’interne » CLUD CHU Amiens Picardie 2008
Placebo et effet placebo * Procédure placebo = procédure sans effet thérapeutique spécifique Effet placebo = effet non spécifique de tout traitement c’est la différence entre l’effet pharmacologique et l’effet thérapeutique Facteurs de l’effet placebo Attentes du patient Conviction du médecin: savoir ce que l’on fait et le dire Empathie: disponibilité et chaleur Réputation du traitement
Traitements douleurs nociceptives
Classification des antalgiques (OMS) * Palier 1 Antalgiques non morphiniques Paracétamol Aspirine Autres AINS Douleurs faibles à modérées Opioïdes faibles Codéine Dextropropoxyphène Tramadol modérées à intenses Palier 2 Opioïdes forts Morphine Fentanyl Hydromorphone Oxycodone intenses à très intenses Palier 3 + P1+P2 P1+P3 : Association synergique
Traitement douleurs nociceptives Favoriser voie orale ou la meilleure galénique Suivre paliers OMS en fonction de l’intensité douloureuse Favoriser traitements action courte Délivrance systématique, en continu, pas à la demande…sauf accès douloureux paroxystiques ADP
Traitements opioïdes forts * - mettre en route le traitement: titration - gérer les effets secondaires (constipation…): traitement, éducation thérapeutique - associer opioïdes LP et LI, avec traitement des effets secondaires
Douleurs cancéreuses* SOR Traitements antalgiques des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l’adulte 2003 Morphine orale en première intention Oxycodone alternative morphinothérapie ou en cas de résistance ou intolérance à la morphine Patchs Fentanyl si: Voie orale impossible Malabsorption orale Insuffisance rénale chronique modérée Poly médication orale Hydromorphone: résistance ou intolérance à la morphine
LP LN>30mn ou LR<15mn Sulfate de Morphine Skenan® 10,30,60,100,200 Moscontin® Kapanol® 20,50,100 Actiskenan® 5,10,20,30 Sevredol ® 10,20 Oramorph® 10,30,100 Morphine Aguettant ® 5mg/ml sirop Chlorhydrate de Morphine Morphine injectable Soluté de Morphine Fentanyl Durogesic® 12,25,50,75,100 Actiq®, Effentora®, Abstral®, Instanyl®, Pecfent® 200,400,600,800,1200,1600 Hydromorphone Sophidone ® 4,8,16,24 Oxycodone Oxycontin® 5,10,20,40,80 Oxynorm®, Oxynormoro® 5,10,20
Agonistes Antagonistes morphiniques Antagoniste morphinique Buprénorphine Temgesic ® Inj. 0,3mg/Po 0,2mg Nalbuphine Nubain ® Inj. 20mg Antagoniste morphinique Naloxone Narcan ® Inj 0,4mg
Initiation du traitement * Titration: Débuter par petites doses: 10mg toutes les 4 heures, 5 mg chez l’âgé Augmentation progressive Atteindre zone thérapeutique (EVA<30mm) Éviter surdosage et intolérance aux opioïdes (dose dépendant)
Effets secondaires * Constipation Nausées vomissements Quasi obligatoire Persistante A prévenir Nausées vomissements Début traitement (7 à 10 jours) Fréquente (30%) Peut réapparaître à l’augmentation des doses
Effets secondaires Somnolence Troubles neuropsychiques Prurit dette sommeil surdosage (troubles conscience + bradypnée) Troubles neuropsychiques sujets âgés Hallucination, délire Euphorie Addiction Prurit Troubles urinaires Dysurie, rétention
Gestion des effets secondaires * Traitement prophylactique : constipation, nausées, vomissements… Suspendre le traitement et appeler le médecin traitant si somnolence trop importante Education du patient et de la famille sur les risques de surdosage (Somnolence) Anticiper le renouvellement et ne jamais interrompre le traitement (risque de syndrome de sevrage)
Initiation du traitement * Par voie orale: Débuter par 10 à 30mg Sulfate Morphine LP ou 5 à 15mg Oxycodone LP toutes les 12 heures Ajouter interdoses à LN toutes les 4 à 6 heures si besoin (1/6 à 1/10 de la dose quotidienne) Chez sujets âgés ou fragiles: débuter par LN 5 à 10 mg toutes les 4 à 6 heures Risque accumulation
Adaptation des doses Réévaluation à H24 Calcul consommation opioïde (dose totale=dose LP+dose LN) Diviser dose totale en 2 à répartir matin et soir Toujours ajouter une forme LN si besoin Augmenter la posologie si nécessaire de 30 à 50%
Co-prescriptions * Formes Libération Prolongée + Libération Normale (morphine) / Libération Immédiate ou Libération Rapide (fentanyl) Traitements correcteurs: Lutte contre constipation: régime, activité, Movicol®1 à 2/j anti-émétiques: Primpéran® 10mgX2 1h avant les repas Association palier I: Action périphérique Paracétamol+++ AINS Co-analgésiques: corticoïdes, biphosphonates, antidépresseurs, anxiolytiques, antispasmodiques, myorelaxants….
Rotation des opioïdes Définition: Changement d’un opioïde pour un autre En raison de la survenue d’effets indésirables rebelles malgré un traitement symptomatique adéquat Ou en raison d’un phénomène de résistance aux opioïdes Rotation entre Agonistes purs: Morphine Fentanyl Hydromorphone Oxycodone Méthadone
Accès Douloureux Paroxystiques* ADP Augmentation transitoire de la douleur, survenant sur un fond de douleur stable, chez des patients recevant un traitement opioïde de fond (Portenoy RK Breakthrough pain: definition, prevalence and characteristics. Pain 1990;41:273-81)
Accès Douloureux Paroxystiques Accès douloureux prévisibles: Action volontaire (marche, mouvement, alimentation,…) Traitement préventif itératif Accès douloureux nociceptifs: Douleurs par excès de nociception non prévisibles Douleur inflammatoire, spasmes,… Accès douloureux neuropathiques: Composante paroxystique Réapparition de la douleur: Fin prématurée d’action des antalgiques
Accès Douloureux Paroxystiques Accès Douloureux Paroxystiques ADP Intenses Installation rapide Durée courte <30mn Répétition dans la journée Traitements des ADP Efficaces Délai d’action court: 10-15mn Durée d’action courte Prises répétées: plusieurs, sans attendre 4 heures ½ vie courte
voir Module 6 Traitement Douleurs Neuropathiques voir Module 6 Traitement Douleurs Neuropathiques* - diagnostic du mécanisme - traitements spécifiques généraux et locaux, médicamenteux et non médicamenteux
Traitements douleurs neuropathiques* Anti-dépresseurs (amitriptyline, clomipramine, duloxétine) et/ou Anti-épileptiques (prégabaline, gabapentine, carbamazépine) = rapport bénéfices-inconvénients Opioïdes: action variable Favoriser tramadol, oxycodone Compresses lidocaïne = indication(s) Traitements neurochirurgicaux Stimulation: TENS, médullaire, corticale Perfusion intra thécale: opioïdes, ziconotide… Techniques anesthésiques (blocs neurolytiques,…)
Traitements non médicamenteux. - dans une prise en charge Traitements non médicamenteux * - dans une prise en charge plurimodale et interdisciplinaire - nécessitent une adhésion du patient, une prescription précise et une évaluation de leur efficacité
Traitements non médicamenteux Méthodes physiques: Chaud/froid Kinésithérapie, Rééducation Balnéothérapie Ergothérapie Acupuncture Neuro Stimulation TransCutanée TENS Activités physiques: seul ou en groupe, adaptées
Traitements non médicamenteux Méthodes psychocorporelles: Relaxation Sophrologie Hypnothérapie Traitements psychothérapiques et traitements éducatifs: Soutien psychologique, Relation d’aide Education Thérapeutique du Patient Thérapie Cognitive et Comportementale Psychanalyse
Conclusion (1) Reconnaître et évaluer la douleur* Prise en charge interdisciplinaire Soins de support Douleur: Douleur Aiguë: Symptôme fréquent en cancérologie; Douleur Chronique: Syndrome douloureux Détérioration qualité de vie Répercussions vie quotidienne (familiale, sociale, professionnelle, psychologique) Reconnaître et évaluer la douleur* Évaluer, réévaluer pour suivre l’efficacité des traitements Utiliser outils d’évaluation dont DN4
Conclusion (2) Traitements plurimodaux * Médicamenteux Échelle OMS Opioïdes forts Traitements effets indésirables Traitement de la douleur Neuropathique Non médicamenteux Une prescription sur ordonnance Une coordination des soins par le médecin
Pour en savoir plus P. Queneau et G. Ostermann Le médecin, le malade et la douleur Ed Masson, 2004 P. Poulain Douleur en oncologie Ed. John Libbey, 2004 Module 6: les ouvrages de Perrot ou Boureau pour la Douleur et de Broca pour les Soins palliatifs www.institut-upsa-douleur.org www.cnrd.fr www.e-cancer (Inca) www.sfetd.fr www.sparadrap.asso.fr; www.pediadol.org La Consultation de la Douleur CETD du CHU Amiens vous propose des enseignements: DIU Douleur Amiens, Capacité d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, DESC Médecine de la douleur et médecine palliative, mais aussi: …Stages …sujets de Thèse serra.eric@chu-amiens.fr