Par Maître Junior Mosei
I. Cadre juridique II. Notions de commerçant et d’actes de commerce III. Capacité d’exercice de la profession commerciale IV. Exercice de la profession commerciale
I. CADRE JURIDIQUE Initialement, le droit commercial général en droit OHADA est constitué des règles posées par l’ Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au Droit commercial général (AUDCG), entré en vigueur le 1 er janvier 1998 dans les Etats parties de l’OHADA. Cet Acte a été révisé le 15 décembre 2010 et publié au Journal Officiel OHADA le 15 février C’est donc cet Acte du 15 décembre 2010 qui, abrogeant le précédent, régit actuellement le droit commercial général dans l’espace OHADA en introduisant quelques innovations dans l’objectif de rendre le droit des affaires des Etats membres de l’OHADA encore plus moderne et plus accessible. C’est lui qui fera l’objet de l’ examen dans notre présentation.
II. NOTIONS DE COMMERCANT ET D’ACTES DE COMMERCE Définition du commerçant Qui est commerçant? Les articles 2 et 3 de l’AUDCG en donnent une définition réaménagée.
« Est commerçant celui qui fait de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession »(art. 2). La notion de profession habituelle parue superfétatoire a été ainsi abandonnée.
L’acte de commerce par nature est celui par lequel une personne s’entremet dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète, ou par lequel elle fournit des prestations de service avec l’intention d’en tirer un profit pécuniaire.
Ont le caractère d’actes de commerce par nature: - l’achat de biens, meubles ou immeubles, en vue de leur revente; - les contrats entre commerçants pour les besoins de leur commerce;
- l’exploitation industrielle des mines, carrières et de tout gisement de ressources naturelles; - les opérations de location de meubles; - les opérations de manufacture, de transport et de télécommunication;
- les opérations des intermédiaires de commerce, telles que la commission, le courtage, l’agence, ainsi que les opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription, la vente ou la location d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts de société commerciale ou immobilière ».
Ont notamment le caractère d’actes de commerce par leur forme : - La lettre de change, - le billet à ordre et - le warrant.
La preuve des actes de commerce Les actes de commerce se prouvent par tous moyens, même par voie électronique, à l’égard des commerçants. Tout commencement de preuve par écrit autorise le commerçant à prouver par tous moyens contre un non commerçant. Les livres de commerce et les états financiers de synthèse constituent des moyens de preuve.
Relevons ce qui suit: - Le législateur OHADA a préféré désigner commerçant au singulier et non plus au pluriel comme dans l’ancien texte. - Le législateur OHADA a reproduit d’anciens critères de la commercialité d’actes, à savoir la circulation et la spéculation. - Le critère de circulation : est commerciale toute opération qui vise à transmettre et à distribuer des richesses.
- En sus de la circulation des biens achetés par le commerçant, on note celle des biens qu’il produit. - Cette définition inclut aussi l’industriel. Il n’achète pas pour revendre. - Le critère de spéculation : Il traduit la finalité même de l’acte de commerce, dont le but est de réaliser les bénéfices.
- Les notions d’actes de commerce par la forme (la lettre de change, le billet à ordre et le warrant) n’ont pas été retenues pour définir le commerçant. - On retrouve la notion d’acte de commerce par accessoire dans les matières énumérées à l’article 3 de l’acte uniforme de 2010: les contrats entre commerçants pour les besoins de leur commerce ( besoins actuels: accessoire ); (besoins futurs : anticipation).
- L ’Acte uniforme sur le droit commercial général apporte une réelle innovation en créant le statut de l’entreprenant. - « L’entreprenant est un entrepreneur individuel, personne physique qui, par simple déclaration prévue dans le présent Acte uniforme, exerce une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole ».
- Le statut de l’entreprenant est une option offerte à l’entrepreneur individuel, personne physique de taille modeste, globalement soumis aux dispositions de l’Acte Uniforme, sauf dérogation, et bénéficiant de certaines faveurs dont la principale est l’absence d’immatriculation. L’entreprenant choisit volontairement son statut (de professionnel indépendant). Il n’est ni commerçant, ni un artisan, ni un agriculteur.
* Par une simple déclaration, cet entrepreneur individuel a le droit d’exercer une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole. * L’entreprenant conserve son statut si le chiffre d’affaires annuel généré par son activité pendant deux exercices successifs n’excède pas les seuils fixés par l ’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises au titre de système minimal de trésorerie.
* Ses déclarations sont sans frais. * Le statut de l’entreprenant s’impose dans tous les Etats Parties à l’OHADA, à charge pour ces derniers de fixer les mesures incitatives au plan fiscal pour l’activité.
- Il convient de relever que cette innovation participe à la lutte contre l’extension du secteur informel - Lorsque l’entreprenant, personne physique, satisfait aux obligations déclaratives prévues par l’acte uniforme, il bénéficie des règles de preuve et de prescription à l’instar de tout commerçant immatriculé au RCCM.
II. LA CAPACITÉ D’EXERCICE DE LA PROFESSION COMMERCIALE Principe : La liberté de commerce pour toute personne, sauf interdictions et incompatibilités posées par la loi. « Nul ne peut accomplir des actes de commerce à titre de profession habituelle, s’il n’est juridiquement capable d’exercer le commerce » (Art.5)
Ne peuvent exercer le commerce: 1. Le mineur non émancipé (Art.7 AUDCG) 2. Les personnes ayant un statut particulier établissant une incompatibilité par un texte. Plus généralement toute profession dont l’exercice fait l’objet d’une réglementation interdisant le cumul de cette activité avec l’exercice d’une profession commerciale. Fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation publique, officiers ministériels et auxiliaires de justice (avocats, huissiers, commissaires priseurs, agents de change, notaires, greffiers, administrateurs et liquidateurs judiciaires), experts comptables agréés et comptables agréés, commissaires aux comptes et aux apports, conseil juridique, courtier maritime
3. Les personnes ayant fait l’objet d’ une interdiction générale, définitive ou temporaire, prononcée par une juridiction étatique de l’un des Etats Parties ou par une juridiction professionnelle. 4. Les personnes ayant fait l’objet d’une interdiction par l’effet d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté pour un crime de droit commun ou à une peine d’au moins trois mois d’emprisonnement ferme (non assortie de sursis) pour un délit contre les biens ou une infraction en matière économique ou financière.
5. Certaines professions excluent leurs membres de l’exercice du commerce sous peine de radiation ou de suspension ( tous les agents publics, ou entreprises à capitaux publics et les membres des professions libérales). Régime juridique de l’interdiction
Possibilité de la levée de l’interdiction à titre temporaire d’une durée supérieure à 5 ans ou de l’interdiction à titre définitif par la juridiction qui a prononcé l’interdiction, sur requête de l’interdit.Mais seulement après l’expiration d’un délai de 5ans à compter du jour où l’interdiction est devenue définitive.
Sans préjudice d’autres sanctions, les actes accomplis par un interdit sont inopposables aux tiers de bonne foi. La bonne foi est toujours présumée. Ces actes sont toutefois opposables à l’interdit.
III. L’EXERCICE DE LA PROFESSION COMMERCIALE L’exercice de la profession commerciale est soumis à deux ordres d’obligations cardinales : 1- Inscription au RCCM L’obligation faite par l’Acte uniforme au commerçant de mentionner le numéro d’immatriculation n’est possible qu’après inscription au RCCM.
2- Obligations comptables Principe: Tout commerçant, personne physique ou morale, doit tenir tous les livres de commerce conformément aux dispositions de l’Acte uniforme relatif à l’organisation et à l’harmonisation des comptabilités des entreprises.
Livres comptables obligatoires prescrits le livre-journal, enregistrant au jour le jour ses opérations commerciales, le grand livre, avec balance générale récapitulative, présentant les charges et les ressources. le livre d’inventaire, sur lequel sont transcrits le Bilan, le Compte de résultat de chaque exercice et le résumé de l’opération d’inventaire.
Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non- commerçants, se prescrivent par 5 ans, si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes..
Point de départ : Cette prescription extinctive court à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a pris connaissance ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action. ).).
- Elle se compte par jours et non par heures, et est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. - La prescription ne court pas à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition jusqu’à ce que la condition arrive, à l’égard d’une créance à terme jusqu’à ce que ce terme soit arrivé, à l’égard d’une action en garantie jusqu’à ce que l’éviction ait eu lieu.
La prescription peut être soit suspendue soit interrompue en raison de faits particuliers. - Cas de suspension La suspension a pour effet d’arrêter temporairement le cours de la prescription, sans pour autant effacer le délai déjà couru.
La prescription ne court pas ou est suspendu à l’égard de celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. La prescription est suspendue, en cas de litige, à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation.
De même, elle est suspendue lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.
- Cas d’interruption L’interruption de la prescription a pour effet d’effacer le délai de prescription acquis et de faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien. Elle se réalise notamment dans les cas suivants : ;
1- S’il y a reconnaissance (de dette) par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait ; 2- S’ il y a demande en justice (même en référé) ; 3. Lorsque la demande est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de la saisine de la juridiction est annulée par l’effet d’un vice de la procédure ;
4. En cas d’acte d’exécution forcée ; 5. en cas d’interpellation faite à l’un des codébiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou de reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait( contre tous les autres). 6. En cas d’interpellation faite au débiteur principal ou de sa reconnaissance( à l’égard de la caution).
L’interruption de la prescription est non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande, s’il laisse périmer l’instance ou si sa demande est définitivement rejetée. Les juges ne peuvent soulever d’office le moyen tiré de la prescription. Sauf renonciation, la prescription peut être opposée à tout état de cause, même en appel.
Le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au motif que le délai de prescription était expiré. - Renonciation Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation(expresse ou tacite). Seul le titulaire de droit peut renoncer à la prescription.
Abréviation et allongement de la prescription La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Limites: la prescription ne peut cependant être réduite à moins d’un an, ni être étendue à plus de 10 ans.